Histoire

Cheikh Anta Diop, l’homme qui a rendu les pharaons à l’Afrique

Le 7 février 1986 s’éteignait l’historien sénégalais, dont on célèbrera les 100 ans de la naissance le 29 décembre 2023. Que reste-t-il de sa pensée ? Quel est son héritage ?

Mis à jour le 7 février 2023 à 10:27
 
 
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L’historien et anthropologue sénégalais Cheikh Anta Diop. © MONTAGE JA : DR

 

« L’Égypte pharaonique est une civilisation africaine, élaborée en Afrique par des Africains » : ce qui semble aujourd’hui évident – sauf, peut-être, pour Nicolas Sarkozy et ses nègres – a longtemps été passé sous silence, voire ouvertement nié par l’égyptologie développée dans les laboratoires européens. Nous devons au scientifique, historien, anthropologue et homme politique Cheikh Anta Diop d’avoir rendu à l’Afrique ce qui appartient à l’Afrique.

Scandale à l’université

Né il y a un siècle, le 29 décembre 1923, à Thieytou, au Sénégal, et venu faire ses études à Paris, le chercheur provoque le scandale dans les milieux universitaires en publiant, en 1954, Nations nègres et culture, la thèse de doctorat pour laquelle il n’avait pu réunir un jury à la Sorbonne trois ans auparavant, par manque d’intérêt des professeurs.

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Son chapitre « Origine des anciens Égyptiens », qui ouvrait le tome II de l’Histoire générale de l’Afrique (éditée en 1984 par l’Unesco et Jeune Afrique deux ans avant sa mort, à Dakar, le 7 février 1986), résumait ses dernières conclusions.

« Traits négroïdes »

S’appuyant sur des sources européennes antiques et contemporaines, sur l’iconographie pharaonique, sur la linguistique, invoquant aussi la craniométrie, l’étude des groupes sanguins et de la pigmentation épidermique, Anta Diop affirme que « le fonds de la population égyptienne était nègre à l’époque prédynastique » et qu’il en était de même à la période dynastique (celle des pharaons), où, « partout où le type racial autochtone est rendu avec un tant soit peu de netteté, il apparaît négroïde ».

« Les traits typiquement négroïdes des pharaons Narmer, Ière dynastie, le fondateur même de la lignée des pharaons, Djéser, IIIe dynastie (avec lui tous les éléments technologiques de la civilisation égyptienne étaient déjà en place), Khéops, le constructeur même de la grande pyramide (de type camerounais) […], montrent que toutes les classes de la société égyptienne appartenaient à la même race noire », souligne-t-il.

L’Égypte, matrice des cultures africaines

Pour le scientifique, formé en physique et en chimie, la vallée du Nil fut non seulement le creuset d’où un peuple noir tira la civilisation qui brilla sur le monde pendant trois millénaires, mais aussi la matrice des structures sociales, dynastiques et rituelles des cultures africaines postérieures. En témoignent, selon Diop, de nombreuses parentés linguistiques et coutumières.

« Quand on a découvert que l’Égypte avait une préhistoire, les égyptologues sont allés chercher ses sources dans les grandes civilisations mésopotamiennes, encore convaincus que la Lumière ne pouvait venir que de l’Orient. Cette théorie a prévalu jusque dans les années 1960 », reconnaît Béatrix Midant-Reynes, spécialiste de la préhistoire égyptienne et directrice de recherche émérite au CNRS.

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Redécouverte scientifiquement et militairement par l’Europe avec l’expédition du général Napoléon Bonaparte, en 1798, l’Égypte n’est-elle pas aussi le berceau de l’orientalisme ? L’orientalisme comme mouvement artistique en vogue dans une Europe possédée par les fantasmes d’un « Orient sensuel et mystérieux », mais aussi comme discours de la domination politique et culturelle européenne puis occidentale, dénoncé en 1978 par l’universitaire palestinien Edward Said dans L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident.

À la création de l’Orient a répondu une création de l’Afrique, terre hors de l’Histoire à laquelle l’Europe avait le devoir d’apporter la civilisation. L’Égypte, « mère des sciences, des arts et de l’histoire » célébrée par Athènes et Rome avant Paris et Londres, étudiée par des savants issus du sérail académique orientaliste, ne pouvait y être rattachée, malgré son évidente appartenance géographique. Détachée de son continent, érigée en monde autonome, fille du seul Nil fécondée par l’Orient, l’Égypte a été placée à contresens sur la carte des cultures blanches, censées avoir amené la civilisation et la puissance à l’Europe depuis l’Asie, en passant par Athènes et Rome.

Ignorance et mépris

En 1908, alors que l’expansion coloniale s’accélère, le manuel Hachette des classes de 6e enseigne ainsi : « On discute beaucoup de l’origine des Égyptiens. Les égyptologues les plus compétents, M. Maspéro en particulier, les tiennent pour un peuple de sang mêlé mais où domine le sang sémitique, c’est-à-dire le sang des descendants de Sem, fils de Noé. Les Égyptiens seraient donc venus d’Asie alors que les Grecs les croyaient venus d’Afrique, des pays du Sud et de l’Éthiopie ».

En 1954, Diop ramène sur le devant de la scène égyptologique ces témoignages d’époque, d’ « occidentaux », qui, d’Hérodote à Strabon, mentionnent la peau noire et l’ascendance africaine des anciens Égyptiens. « L’apport de Cheikh Anta Diop est d’avoir jeté un pavé dans la mare et forcé les milieux scientifiques à considérer cette question avec plus d’attention, ne serait-ce que pour tenter de la contredire, poursuit la paléontologue. Aujourd’hui, personne ne nie la très forte influence africaine sur la constitution de la civilisation égyptienne, ni son peuplement ancien depuis la ceinture subsaharienne, au moment de la remontée des moussons vers le Nord, aux environs de 10 000 avant notre ère. Mais il faut relativiser et tenir également compte du rôle important qu’ont joué les cultures du Néguev et du delta du Nil tournées vers le Levant ».

En 1960, la Sorbonne finit par octroyer à Cheikh Anta Diop le doctorat pour la thèse qu’il n’avait pu lui soumettre une décennie plus tôt. Il n’empêche, le monde académique, occidental comme égyptien, l’a longtemps traité par l’ignorance, et parfois par le mépris. Martin Bernal, professeur d’histoire à l’université américaine de Cornell, relance le débat dans les années 1990 avec le premier des trois tomes de Black Athena : les racines afro-asiatiques de la civilisation classique, paru en 1987, un an après la mort de Diop. Pour son auteur, la civilisation grecque, considérée comme étant à l’origine de la civilisation occidentale, est le fruit d’une période de colonisation égyptienne et phénicienne, c’est-à-dire afro-asiatique. Dans la lignée de Diop et de Said, Bernal dénonce « l’appropriation, par l’Occident, de la culture du Proche-Orient antique pour servir son propre projet ».

Idéologie politique ou démarche historienne ?

« Chaque époque a son filtre de pensée, et les sciences humaines, dont fait partie l’histoire, n’y échappent pas, met en garde Béatrix Midant-Reynes. Des institutions comme le CNRS sont aujourd’hui très sensibles aux grandes questions sur le climat, à l’invention de l’anthropocène, etc., et, dans quelques années, la recherche actuelle apparaîtra marquée par ce débat. De la même manière, les recherches de Diop se situent à la charnière des indépendances africaines, au moment où ces jeunes États revendiquaient une identité et une épaisseur historique qu’on leur avait niées. Le problème, c’est quand l’idéologie politique vient se calquer sur la démarche historienne ».

Faire parler certains faits pour démontrer une conviction souvent radicale, et non étudier sans a priori l’ensemble des faits pour en tirer des conclusions, voilà le reproche que l’académisme cartésien de la recherche européenne a adressé à Cheikh Anta Diop. En 1996, dans L’Afrique de Cheikh Anta Diop : histoire et idéologie, François-Xavier Fauvelle, l’actuel titulaire de la première chaire d’études africaines au Collège de France, dissèque pour la première fois la méthode et la pensée de l’intellectuel sénégalais. Pour Diop, écrit-il, « l’établissement de la vérité ne nécessite pas la mobilisation des faits. La vérité découle d’un simple raisonnement logique […]. Les faits sont annexes. Ils permettent tout au plus une vérification ».

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« Son travail est en effet un travail de thèse, réplique l’historien béninois panafricaniste Amzat Boukari-Yabara, mais l’auteur s’appuie sur des sources largement occidentales, antiques et modernes, ainsi que sur la linguistique et l’ethnologie. Or les universitaires français persistent dans leur obsession à vouloir retirer sa scientificité à Cheikh Anta Diop et à se concentrer précisément sur l’Égypte, alors qu’il a traité de nombreux autres sujets. »

Un dialogue de sourds, où chaque partie considère l’autre comme étant hors sujet, résume-t-il, faisant écho au regret qu’avait exprimé l’égyptologue espagnol Josep Cervelló Autuori à l’issue d’un colloque qui, en mars 1996, avait réuni pour la première fois, à Barcelone, des égyptologues reconnus de « l’école de Dakar » et de l’académisme occidental : « L’Académie occidentale continue, consciemment ou inconsciemment, à construire “sa” vérité, qu’elle croit universelle et évidente, en vertu de sa méthode scientifique et philosophique, et les éléments, issus de démarches peu orthodoxes, que peuvent lui apporter des groupes étrangers à peine intégrés à son univers discursif, l’intéressent à peine. Les intellectuels noirs africains, de leur côté, actifs [dans leurs milieux] mais passifs en dehors, paraissent chercher, avec leur propre académisme et à l’usage de leur segment politico-universitaire, une série de catégories culturelles propres à expliquer le passé, le présent et les caractéristiques qui définissent leurs sociétés. Si le dialogue importait davantage à ces derniers, peut-être n’auraient-ils plus besoin de recourir aux accusations de racisme […] contre les Occidentaux “qui n’écoutent pas”. »

Mélanine et groupes sanguins

Les progrès exponentiels des technologies, notamment dans le domaine de la génétique, permettront-ils de trancher définitivement le débat des origines et de l’apparence physique des anciens Égyptiens ? Dans son chapitre de l’Histoire générale de l’Afrique, Diop réclamait une analyse poussée des grains de mélanine et des groupes sanguins des momies qui, pour lui, confirmerait une ascendance et une apparence négroïdes subsahariennes. En 1985, un an après la parution de cet ouvrage, un chercheur parvenait à étudier l’ADN d’un enfant égyptien momifié. Il a cependant fallu des années de progrès pour que la paléogénétique puisse se développer, dans les années 2010. Les premières découvertes de cette nouvelle discipline ont parfois contredit – et parfois confirmé – les conclusions de Cheikh Anta Diop.

En 2017, des scientifiques de l’Institut Max-Planck, en Allemagne, publient ainsi, dans la revue Nature, les conclusions de leurs recherches génétiques sur 151 momies, du Nouvel empire à la période romaine : « Nos analyses révèlent que les anciens Égyptiens partageaient davantage d’ascendance avec les Proches-Orientaux que les Égyptiens contemporains, qui ont reçu un apport subsaharien à des périodes plus récentes [post-romaines]. Au vu de ces premières recherches, l’élément subsaharien apparaît bien moins important en Égypte que Diop ne le supposait. »

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À l’inverse, en 2018, des généticiens britanniques découvraient que « l’homme de Cheddar », comme d’autres congénères du mésolithique exhumés en Europe, avait la peau noire, les cheveux crépus et les yeux bleus. D’autres séquençages permettent aujourd’hui d’avancer qu’entre – 40 000 et – 6 000, les habitants de l’Europe avaient la peau et les cheveux sombres, loin des représentations scolaires européennes – ce qui paraît confirmer la thèse de Diop d’un peuplement récent de l’Eurasie par l’Afrique.

« La paléogénétique va bouleverser bien des choses, mais elle n’est pas encore assez pointue pour pouvoir donner le détail des physionomies, tempère la préhistorienne Béatrix Midant-Reynes. Ainsi nul ne peut dire à quel moment et sous quelles influences sont apparus les “traits négroïdes” chers à Diop ».

 

 

Plaque en hommage à Cheikh Anta Diop, au 31, rue des Écoles, à Paris. © CC/Celette

 

L’exploration des origines de l’humanité ne fait que débuter et n’a pas fini de surprendre, à l’École de Dakar comme au Collège de France. « L’Égypte n’appartient qu’à elle-même, mais elle s’est constituée sur le sol africain, par des peuples d’Afrique. Et toute sa partie sud, aux portes du Soudan, a été, pendant des millénaires, sa région la plus dynamique, le berceau de sa construction idéologique et de sa monarchie. Pour nous c’est une évidence, peut-être faut-il davantage le dire au grand public », conclut la préhistorienne française. En commençant par les écoles, où les plus jeunes éprouvent toujours une véritable fascination pour les pharaons.

Roman national

Las, en 2017, les participants à un colloque de l’université de Toulouse II sur le thème « La France au miroir de l’Égypte. Impérialisme culturel, patrimoine et savoirs scolaires (1880-2015) » avaient constaté que, si l’enseignement de l’Égypte ancienne s’était beaucoup amenuisé dans le primaire et le secondaire, sa présentation restait fidèle au prisme obsolète de la IIIe République, celui d’une Égypte fille de l’Orient et mère des civilisations européennes : « À partir de 2008, l’Égypte est diluée dans l’histoire de l’Orient et la leçon sur les débuts de l’écriture. […] Son évocation sert également de porte d’entrée sur l’Antiquité et sur la Gaule, et donc sur le roman national ».

L’évidence que l’Égypte ancienne était africaine est loin d’être acquise. Pis, au début de janvier 2023, un sondage révélait qu’un Français sur cinq âgé de 18 à 24 ans pensait que les pyramides égyptiennes avaient été bâties par des extraterrestres. Cette « conversion des regards de la France sur l’Afrique et de l’Afrique sur la France » qu’invoque régulièrement le président français Emmanuel Macron ne devrait-elle pas commencer par l’enseignement de l’africanité de l’Égypte ancienne ?

« Cheikh Anta Diop a été un pionnier de la décolonisation de l’Histoire et de la revalorisation de la narration historique africaine. Pourtant, il reste banni des programmes scolaires, et les universités refusent d’aborder ses travaux », regrette Amzat Boukari-Yabara. Le chantier ne serait pourtant pas si pharaonique pour Pap Ndiaye, l’actuel ministre français de l’Éducation nationale, historien des minorités noires et dont le père, Tidiane, était un compatriote et un contemporain de Cheikh Anta Diop.

Ndiaye n’appelait-il pas, il y a un an dans JA, « à tourner définitivement la page de la Françafrique et à engager la France dans un nouveau chemin dans ses relations avec le continent » ? Car, au-delà de l’amélioration des relations entre la France et les peuples africains, la reconnaissance partagée de l’africanité de l’Égypte ancienne touche à l’universel, rappelait le poète de négritude Aimé Césaire : « Les historiens ont toujours considéré l’Égypte comme une sorte de fait à part en Afrique, on oubliait même que l’Égypte était une nation africaine. En redonnant à l’Afrique son passé, Cheikh Anta Diop a peut-être redonné son passé à l’humanité. »

Farah Khodja : « J’ai voulu archiver les témoignages sur la guerre d’Algérie avant que les mémoires ne disparaissent »

Dans son livre « Récits d’Algérie » et sur son site, la jeune juriste franco-algérienne recueille la parole des témoins du conflit comme celle de leurs descendants.

Mis à jour le 2 février 2023 à 10:05

 

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Les basses rues de la Casbah à Alger durant la guerre d’Algérie, en septembre 1961. © Marc Garanger/Aurimages via AFP

Des témoins directs, hommes ou femmes, de la guerre d’Algérie et des descendants de ceux qui l’ont vécue et de ceux qui ont combattu, dans les deux camps. Témoignages, poèmes, lettres…  Farah Khodja poursuit un ambitieux projet de recueil des mémoires. La jeune juriste de 25 ans, d’origine algérienne par sa mère, a d’abord fondé un site internet, « plateforme collaborative et intergénérationnelle visant à collecter les récits de la guerre d’indépendance algérienne ».

Son livre, Récits d’Algérie. Témoignages de nos aînés, de la colonisation à l’indépendance, paraît aux éditions Faces Cachées, qui n’ont jamais mieux porté leur nom : ce sont des paroles en voie d’extinction que ce bel ouvrage, illustré par des photos, donnent à lire. Les rappels historiques, des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata le 8 mai 1945, au jour de l’indépendance le 5 juillet 1962, insufflent un supplément de sens à l’ouvrage. Émotion et intelligence caractérisent ce kaléidoscope de fragments de vies où se reflète la complexité des hommes et des époques. Un hommage incarné et essentiel.

Jeune Afrique : Pourquoi avoir lancé le site internet et pourquoi le livre ?

Farah Khodja : J’ai lancé le site internet recitsdalgerie.com en février 2020 afin de faire vivre les mémoires de nos aînés au sujet de la guerre d’indépendance algérienne. Étant moi-même d’origine algérienne, j’ai réalisé assez tardivement, à l’âge de 19 ans, que mon grand-père ne nous parlait jamais de cette partie de sa vie. J’ai alors souhaité apprendre cette histoire à travers ceux qui l’avaient vécue, la génération de mon grand-père. Et j’ai surtout voulu archiver leurs récits avant qu’ils ne disparaissent.  Nos aînés s’éteignent trop souvent en emportant notre histoire avec eux. Ne pas collecter leurs mémoires, c’était  prendre le risque de les voir disparaitre. Le livre s’inscrit dans cette démarche, il permet de rendre hommage à ces récits précieux et aux témoins qui ont accepté de nous confier leurs mémoires.

Comment avez-vous sélectionné les témoignages ?

Les témoignages sont venus à nous au gré des rencontres et de l’évolution du projet Récits d’Algérie. Dès le lancement, il y a très vite eu un fort engouement autour du projet, ce qui a grandement facilité ce travail de mémoire. J’ai ensuite volontairement fait le choix de ne pas aller à la recherche de témoignages avec des idées préconstruites, en me disant par exemple qu’il faudrait représenter toutes les mémoires de façon exhaustive. J’ai simplement décidé d’écouter les personnes qui acceptaient de nous rencontrer et de témoigner, le seul critère étant celui d’être un témoin direct de la guerre.

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Puis au fur et à mesure que le projet avançait, il y avait ce lien intergénérationnel, qui est d’ailleurs l’essence même de Récits d’Algérie, et qui nous a menés à collecter également les souvenirs des enfants et petits-enfants à propos des récits transmis par leurs parents ou grands-parents. Au final, toutes ces rencontres composent une réelle mosaïque de « récits d’Algérie », que l’on retrouve aujourd’hui dans le livre.

Les témoignages, directs ou indirects, prennent plusieurs formes : poèmes, lettres fictives, interviews, récits… Cette liberté dans la forme était-elle prévue ?

Il faut avouer qu’avec Récits d’Algérie, rien n’est jamais prévu ni anticipé ! Nous nous adaptons toujours au format privilégié par les témoins et/ou leurs descendants, à la façon dont ils souhaiteraient transmettre leurs récits. Avant de penser au livre, nous avions déjà énormément de matière, beaucoup de récits qui se baladaient dans nos disques durs, que nous avions archivés sous différentes formes : écrits, audios, vidéos, poèmes… Le livre reflète tout cela.

IL ME PARAÎT ÊTRE ESSENTIEL DE SAVOIR REGARDER DERRIÈRE NOUS, COMPRENDRE NOTRE HISTOIRE, SAVOIR D’OÙ L’ON VIENT, POUR JUSTEMENT MIEUX AVANCER

Certains témoins acceptent d’être filmés, d’autres préfèrent seulement qu’on enregistre leur voix… De même, les auteurs de témoignages indirects (petits-enfants, enfants), ont laissé libre cours à leur créativité. Lina a par exemple souhaité écrire une lettre fictive à son grand-père, Younès a préféré s’exprimer en vers, Ismaël a dressé un portrait écrit de sa grand-mère… C’est vraiment propre à chacun. L’idée est de se dire que chacun peut contribuer à cette transmission mémorielle, à sa façon.

Vous avez commencé le livre par le témoignage de votre propre grand-père. Pourquoi était-ce important ?

C’était une recommandation de l’éditrice, Ouafae Mameche, et l’idée m’a évidemment tout de suite beaucoup parlé. Ce choix permet de donner très vite un sens à la lecture. C’est un moyen de dire au lecteur : « Voilà, on va commencer la lecture des récits avec le silence de mon grand-père. Car c’est le déclencheur de tout le travail de collecte qui va suivre, de tous les témoignages que vous allez lire. » Et puis, comme je le disais, mon grand-père parle très peu de cette période de sa vie. Il est extrêmement pudique sur cela, et c’est le cas de la grande majorité des témoins de la guerre d’indépendance algérienne.

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Commencer avec ses « récits silencieux », c’était un moyen de faire prendre conscience au lecteur que ce n’est pas chose commune d’avoir autant de récits. Ceux qui composent le livre (il y en a une vingtaine) ne sont ni banals ni anodins. Nous sommes d’ailleurs le plus souvent amenés à parler des récits que nous avons collectés, il y a également eu plusieurs rencontres qui n’ont finalement pas abouti. Comme je l’écris dans le livre, il faut savoir écouter ces silences et les respecter. Cela permet également d’apprécier davantage le fait de pouvoir apprendre l’histoire à travers ceux qui l’ont vécue.

En parlant de votre grand-père, vous écrivez : « À quoi bon avoir émigré et travaillé si dur toute sa vie si c’est pour vieillir et voir ses petits-enfants raviver les plaies du passé ? Pourquoi faudrait-il parler des horreurs de la guerre à des jeunes qui ont l’avenir devant eux ? N’est-il pas mieux de préserver nos enfants de cette histoire douloureuse ? » Est-ce un paradoxe de voir que certains aînés regardent devant eux quand leurs descendants regardent derrière eux ?

Cette volonté de nos aînés de voir de l’avant, est plutôt, à mon sens, une forme de résilience et de pudeur, par rapport à ce qu’ils ont pu vivre pendant la colonisation, la guerre et même après. Concernant leurs descendants, je pense qu’il en va justement de notre rôle de connaître notre histoire et de la transmettre. Il me parait être essentiel de savoir regarder derrière nous, comprendre notre histoire, savoir d’où l’on vient, pour justement mieux avancer et avoir toutes les clés de compréhension en mains, de notre société contemporaine et son passé.

Avez-vous vous-même appris des choses en faisant le podcast puis le livre ? Si oui, lesquelles ?

J’ai énormément appris, entre le lancement du site internet en 2020 et la sortie du livre en 2022, sur de nombreux plans. Autant pour la collecte de récits que le travail de transmission, les deux sont très humains et permettent de se sentir grandie à chaque rencontre !

Pensez-vous que votre livre sera lu de la même façon en Algérie et en France ?

Je pense plutôt que la façon dont le livre sera lu, c’est-à-dire la façon dont les récits seront reçus, dépendra du degré de sensibilité et de familiarité du lecteur avec cette période de l’histoire, qui est de toute évidence commune aux deux pays. Chaque lecture sera alors évidemment différente en fonction du lecteur, peu importe que ce dernier se situe en Algérie ou en France.

 

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Farah Khodja publie « Récits d’Algérie.
Témoignages de nos aînés, de la colonisation à l’indépendance »,
aux éditions Faces cachées. © Editions Faces cachées

 

Pensez-vous que la chape de silence sur la guerre d’Algérie est définitivement levée et qu’aujourd’hui, on en parle suffisamment ?

On parle beaucoup plus aujourd’hui de la guerre d’Algérie en France, notamment « grâce » au soixantième anniversaire de l’indépendance qui était au cœur de l’actualité durant toute l’année 2022. Aujourd’hui, le tabou est levé. Mais la transmission des mémoires de la guerre et la connaissance de cette partie de l’histoire sont-elles réellement assurées ?

Récits d’Algérie. Témoignages de nos aînés, de la colonisation à l’indépendance, de Farah Khojda (éd. Faces cachées, 29,90 euros, 292 pages)

Commission franco-algérienne sur la colonisation et la guerre d'Algérie: la France a nommé à son tour ses experts

 

Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune l’avaient annoncé en août dernier : une commission mixte d’historiens appelée à travailler sur la colonisation française et la guerre d’Algérie allait voir le jour. Après des mois de discussions, c’est désormais chose faite. Cinq historiens français viennent d’être nommés pour y participer. Ils devront travailler de concert avec cinq historiens algériens, nommés eux en novembre par Alger. 

 

C’est Benjamin Stora qui co-présidera cette commission mixte aux côtés de Mohamed Lahcen Zeghidi, l’ancien directeur du Musée national du Moudjahid. Aux côtés de Benjamin Stora, Tramor Quémeneur, spécialiste de la guerre d’Algérie, occupera la fonction de secrétaire général. Également nommés : Jacques Frémeaux qui a travaillé sur la conquête française de l’Algérie par la France, Jean-Jacques Jordi qui a lui écrit sur les Européens d’Algérie et Florence Hudowicz, conservatrice en chef du patrimoine et co-commissaire de l’exposition sur l’émir Abdelkader au Mucem de Marseille au printemps 2022.

Tous seront appelés à travailler de concert avec les cinq historiens algériens nommés en novembre par Alger : Mohamed El Korso, Idir Hachi, Abdelaziz Fillali, Mohamed Lahcen Zighidi donc et Djamel Yahiaoui. Selon la déclaration signée en août dernier par les présidents Macron et Tebboune, le travail scientifique mené par la commission aura vocation à aborder « toutes les questions y compris celles concernant l'ouverture et la restitution des archives, des biens et des restes mortuaires des résistants algériens, ainsi que celles des essais nucléaires et des disparus, dans le respect de toutes les mémoires ». Le défi paraît immense tant le sujet est sensible.

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La question est déjà de savoir si les historiens des deux pays parviendront réellement à travailler ensemble. D’un point de vue logistique, c’est encore le grand flou. Aucun calendrier n’a été arrêté. Le budget de fonctionnement de la commission n’a pas non plus été communiqué. Et pour ne rien arranger, le contexte s’est tendu ces dernières semaines en Algérie. Alors que le pouvoir s'en prend toujours plus durement aux médias et aux défenseurs des droits de l’homme, Benjamin Stora, auteur d'un rapport sur la colonisation en Algérie et la guerre d'indépendance, a été la cible le mois dernier d’attaques antisémites diffusés par un site nationaliste… 

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Histoire de la Côte d'Ivoire

L'histoire de la Côte d'Ivoire antérieure aux premiers contacts avec les Européens est quasiment inconnue du grand public. Ces premiers contacts restèrent limités avec seulement quelques missionnaires européens au xvie siècle. Une culture néolithique existait cependant, mais est mal connue à cause d'un manque de découvertes archéologiques.

Histoire pré-coloniale

 
Femme fétiche des Kroumanes, vers 1869.


Le peuplement du sud est attesté dès le seuil de notre ère même si la recherche de ses traces est rendue difficile par le climat humide. Le territoire fut parsemé par des peuples de langues soudanaises, divisés en de nombreuses chefferies.

Parmi les populations les plus anciennes, on compte les Mandé du sud (Gouro, Gban et Yacouba) à l'ouest et au centre-ouest, les Krous au Sud-Ouest ainsi que les Sénoufos au Nord-Est .Le nord du pays sera sous l'influence des royaumes sahéliens (Songhai, Ghana). C'est dans ce contexte que s'implantera l'islam, répandu soit par des commerçants, notamment des colporteurs dioula, soit par le djihad mené par des armées à cheval. Des villes commerçantes comme Kong ou Bondoukou deviendront par la suite de véritables cités-États, liens entre la savane et la forêt. Toutefois, les populations ne connaissaient pas la propriété privée et ne cherchaient pas à délimiter leur territoire. Leurs cultures étaient marquées par une tradition théâtrale, orale, musicale, de danse et la croyance à la magie.

Premiers contacts avec les Européens

Les premiers Européens à pénétrer dans le pays sont les navigateurs portugais, longeant les côtes africaines, à la recherche de la route vers l'Inde. Les Portugais baptisent le pays "Costa do Marfim" pour l'accueil fait par les populations. Les Européens sont d'abord frappés par la force démographique des Noirs.

Le commerce de l'ivoire, des fusils et la traite des Noirs se mettent vite en place. Les ports de San-PédroSassandra ou encore Fresco ont conservé les noms de marins ou de vaisseaux portugais. Les négriers britanniques sont également présents. Le premier contact avec la France date de 1637, lorsque des missionnaires débarquent à Assinie, près de la Côte de l'Or, actuel Ghana.

En 1687, deux ans après le code noir, des missionnaires et des commerçants français s'installent à nouveau sur le site d'Assinie, à l'extrémité est du littoral, vers la côte de l'Or, mais ils repartent en 1705 après avoir construit et occupé le fort Saint-Louis, de 1701 à 1704, car le commerce des esclaves contre des céréales ne rapporte pas assez1. Parmi eux, le chevalier d'Amon et l'amiral Jean-Baptiste du Casse, directeur de la Compagnie du Sénégal, principale société esclavagiste française, débarquent, intéressés par le trafic de l'or, et sont reçus à la cour du roi Zéna. Ils ramènent en France le jeune « prince » Aniaba et son cousin Banga, lesquels sont présentés au roi de France Louis XIV et se convertissent au catholicisme (Aniaba est baptisé par Bossuet, évêque de Meaux). Ils deviennent plus tard officiers dans le Régiment du Roi, avant de retourner à Issiny vers 1700. Aniaba serait devenu en 1704 conseiller du roi de Quita, actuel Togo, se faisant appeler Hannibal.

Première moitié du xixe siècle

Au xviiie siècle, la région est envahie par deux ethnies appartenant au groupe des « Akans » : les Agnis dans le sud-est et les Baoulés dans le centre. Les explorateurs, missionnaires, commerçants et soldats étendirent progressivement le territoire sous contrôle français à partir de la région de la lagune. Cependant la traite négrière ne fut pas achevée définitivement avant 1848.

 

Une carte de la région à l'aube de la colonisation


Le territoire de l'actuelle Côte d'Ivoire et ses environs, tel que connus en 1889.
 
 

Sur cette carte allemande de 1889, où la région est considérée comme faisant partie de l'Ober Guinea (Haute-Guinée, s'étendant du Liberia au Cameroun), on remarque combien l'intérieur des terres restait à l'époque terra incognita des géographes. Les établissements français se limitent à une étroite bande de terre, entre Lahou et Assinie, avec Grand-Bassam au centre (et Fort Nemours, construit en 1843). Les légendaires Monts de Kong, dont Binger démontra l'inexistence, y apparaissent encore (avec un point d'interrogation). En dehors de quelques localités comme KrindjaboBondoukouKongTingrela, la carte de l'intérieur du pays est quasiment vide.

 

Colonisation française

En 1842 est signé le traité de protectorat de Grand-Bassam.

En 1843, l'expédition de Côte d'Ivoire est une expédition navale américaine contre le peuple béréby.

La Côte d'Ivoire devient officiellement une colonie française le . Le capitaine Binger, qui partit de Dakar pour rallier Kong, où il rencontra Louis Marie Marcel Treich-Laplène (un commis d'Arthur Verdier), fut le premier gouverneur. La capitale était à Grand-Bassam. Il négocia des traités frontaliers avec le Royaume-Uni (pour le Liberia) et plus tard commença une campagne qui dura jusqu'en 1898 contre Samory Touré, un chef guerrier malinké originaire de la guinée actuelle.

En 1895, la Côte d'Ivoire est placée sous la responsabilité du Gouverneur Général de l'Afrique Occidentale Française, mais garde son autonomie administrative et financière2. En 1902, les moyens d'actions du gouverneur Général seront étendus sur les services locaux de la colonie. La Côte d'Ivoire est divisée en douze territoires administratifs appelées les Cercles : Lagunes, Grand Bassam, Assinie, Indénie, Bondoukou, Séguéla, Korhogo, Dabakala, Baoulé, Lahou, Sassandra, Cavally. A la tête du Cercle est nommé un fonctionnaire civil issu du corps des Administrateurs des Colonies. Les premiers administrateurs vivent simplement, participent à la découverte du Cercle par des explorations, l'établissement de cartes, l'écriture de documents ethnographique, ou de dictionnaires. Cette époque est décrite dans les "carnets de route en Côte d'Ivoire (1893-1902)"3 de Georges Thomann. Deux décrets, en 1901, établissent l'impôt de capitation réclamé aux indigènes et l'impôt des patentes qui frappe le colportage, le commerce et l'industrie en général. Le décret du 10 Novembre 1903 organise les tribunaux de village, qui jugent selon les coutumes locales, mais sous le contrôle des administrateurs. La justice française est réservée presque exclusivement aux Français, Européens ou assimilés. En 1905, a peu près 450 Européens habitent la Côte d'Ivoire (175 fonctionnaires et 275 colons)2

En 1919, le territoire sud de la Haute Volta (actuel Burkina Faso) devient une partie de la Côte d’Ivoire coloniale. (Au moment de l’indépendance des états africains les deux pays étaient prêts et s’étaient mis d’accord à faire du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire un seul et même unique pays). Mais ce projet n’a pas pu aboutir, au dernier moment le Burkina Faso devient indépendant le 5 août 1960 sous l’impulsion de Maurice Yaméogo.

De 1904 à 1958, le pays est inclus dans la Fédération de l'ouest africain français appelée Afrique-Occidentale française (AOF). C'était une colonie et un territoire d'outre-mer pendant la Troisième République. Jusqu'à la période suivant la Seconde Guerre mondiale, les affaires gouvernementales sont caractérisées par l'association qui faisait des habitants des colonies des sujets français sans droit de représentation. Sa capitale est Bingerville jusqu'en 1933, puis Abidjan.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Régime de Vichy garde le contrôle du territoire jusqu'à la fin 1942 : l'AOF se rallie ensuite à l'exécutif d'Alger, et passe l'année suivante sous l'autorité du Comité français de Libération nationale. La conférence de Brazzaville en 1944, la première assemblée constituante de 1946 et la gratitude de la France pour la loyauté des Africains poussèrent à des réformes à partir de 1946. La citoyenneté française fut accordée aux sujets africains, le droit de s'organiser politiquement leur fut reconnu, et le travail forcé fut aboli par la loi du , proposée par Félix Houphouët-Boigny.

La répression contre son parti, le PDCI, s'accentue à la fin des années 1940. Des militants sont régulièrement arrêtés et battus par des policiers, avec parfois des actes de tortures ; d'autres sont renvoyés de leurs emplois. L'un des principaux dirigeants du parti, le sénateur Victor Biaka Boda, est retrouvé pendu et déchiqueté dans la foret, alors qu'il était recherché par la police. Les tensions culminent au début de l'année 1950, quand, à la suite d’un incident, la quasi-totalité de la direction du PDCI est arrêtée. Des rassemblements de protestation sont organisés ; alors que la police tire à blanc pour disperser la foule, des colons tirent à balles réelles, tuant treize manifestants. Au lieu de rechercher les auteurs du massacre, les autorités, craignant des émeutes, font arrêter des milliers de militants indépendantistes4.

En 1956, la loi-cadre de réforme de l'outremer décida du transfert de pouvoirs de Paris vers des autorités locales, sans pour autant freiner le mouvement vers l'indépendance.

 

La première école de Côte d'Ivoire

 


Les ruines de la toute première école de Côte d’Ivoire créée en 1882 à Élima.

 

La première école de côte d’ivoire fut créée par Arthur Verdier, navigateur et commerçant français, s’installant à Assinie en 1862. En 1880, il crée une plantation de café à Élima, au bord de la lagune Aby. Il va ensuite ouvrir une école privée en 1882 à Élima, celle qui fut la toute première pour les besoins de son commerce et de ses plantations5.

 

L'indépendance

Les étapes

 

 


Félix Houphouët-Boigny, père de l'indépendance ivoirienne.

 

En , la Côte d'Ivoire devient une république autonome par le référendum, qui crée la Communauté française entre la France et ses anciennes colonies. Elle est alors dirigée par un premier ministreAuguste Denise, auquel succédera Félix Houphouët-Boigny en . Avec cette autonomie, la Côte d'Ivoire ne devait plus partager ses richesses avec les autres colonies pauvres du Sahel, le budget de l'administration ivoirienne augmenta ainsi de 152 %. Le  l'indépendance prend effet. Le pays reste cependant très lié à la France :

  • sa monnaie est dirigée par la Banque de France, par le biais de l'union monétaire d'Afrique occidentale (franc CFA) ;
  • de nombreux investissements français rendent l'économie ivoirienne dépendante de la France.

L'ère Houphouët-Boigny

Le président-fondateur est Félix Houphouët-Boigny. Il le resta à vie, s'appuyant sur son parti unique, le Parti démocratique de la Côte d'Ivoire (PDCI). Il est également un des fondateurs du Rassemblement démocratique africain (RDA), parti politique d'avant l'indépendance pour toute l'Afrique occidentale française (excepté la Mauritanie).

Il commence sa carrière en 1944 en fondant le Syndicat agricole africain, qui fut le noyau du PDCI. Après la Seconde Guerre mondiale, il est élu d'une courte majorité à la première assemblée constituante. Il représente ensuite la Côte d'Ivoire à l'Assemblée nationale de 1946 à 1959, se consacrant essentiellement aux organisations politiques inter et territoriales au sein de l'AOF, et à l'amélioration des conditions de travail. Il est également ministre de la République trois ans durant.

Il devient le premier premier ministre de la Côte d'Ivoire en avril 1959, et en 1960 est élu président. Il est ensuite constamment réélu de cinq ans en cinq ans à partir de 1965. Son parti unique, le PDCI-RDA, occupe tous les sièges de l'Assemblée nationale.

Politique extérieure

En mai 1959, Félix Houphouët-Boigny crée le Conseil de l'entente avec le Niger, la Haute-Volta (Burkina Faso), le Togo, et le Dahomey (Bénin), organisation de développement économique. Il affirme que la seule voie pour la solidarité africaine est le développement économique progressif et la coopération politique, reconnaissant le principe de non-intervention dans les affaires internes des États africains.

Le , il signe un accord d'assistance militaire avec la France. Cet accord est également signé par le Dahomey et le Mali.

Politique sociale

En 1964, la polygamie est abolie6.

Economie

Les années 1970 à 1985 furent bonnes grâce à la situation économique. La dégradation de celle-ci, au cours des années 1980, provoqua une agitation étudiante, la révolte de barons du régime et la naissance d'une opposition clandestine. Les manifestations étudiantes du  révèlent en Laurent Gbagbo un leader d'opinion (l'interdiction d'une de ses conférences est la cause immédiate du mouvement), qui fonde le Front populaire ivoirien (FPI), et s'exile en France.

Le Yamoussoukro devient la capitale politique et administrative de Côte d'Ivoire.

Déséquilibre Nord/Sud

Bien que le nord de la Côte d'Ivoire ait été inséré dans l'espace économique de la boucle du Niger et ait connu des Etats avant la période coloniale (empire de Kong, royaumes de Bouna, deuxième empire de Samory), il a progressivement décroché économiquement par rapport au sud du pays dès la période coloniale, notamment en raison de l'essor de l'économie de plantation dans cette zone, renforcé par un rapport culturellement plus distant de l'école moderne7.

Le président Félix Houphouët-Boigny va prendre véritablement conscience du manque de développement de cette région à la suite de sa visite, en 19747. Toutefois, les mesures de compensation n’arrivent pas à inverser la tendance7.

Fin du parti unique

Comme les autres ex-colonies françaises d’Afrique subsaharienne, la Côte d’Ivoire est invitée par la France, le 20 juin 1990 à La Baule, à s’engager dans un processus démocratique8, conséquence directe de la chute du bloc de l'Est.

Félix Houphouët-Boigny avait déjà préparé la voie vers la démocratisation par quelques réformes :

  • les partis politiques sont autorisés le  1990 (14 se forment).
  • pour la première fois, un candidat l'affronte à l'élection présidentielle, Laurent Gbagbo, qui obtient 18 % des voix face au président sortant.
  • des élections pluralistes, où les étrangers notamment burkinabés peuvent voter, sont organisées ; le PDCI-RDA remporte 175 sièges contre 8 pour le FPI.

Malgré cette ouverture, Laurent Gbagbo est arrêté après les manifestations étudiantes de  et emprisonné pendant quelques mois, ainsi que son épouse, Simone Ehivet Gbagbo.

Félix Houphouët-Boigny décède le .

Présidence de Henri Konan Bédié

Henri Konan Bédié président intérimaire en tant que président de l'Assemblée nationale, puis élu le  avec 96,44 % des voix, tous les autres candidats sauf un (Francis Wodié, représentant le PIT) ayant boycotté les élections. Il perdit le pouvoir lors d'un coup d'Etat militaire à Noël 1999.

 

Coup d'Etat du général Guéï

Le général Guéi fut assassiné par des chefs rebelles lors de son retour d’un voyage.

 

L'élection de Laurent Gbagbo et la guerre civile

Laurent Gbagbo, vainqueur des élections de 2000, et porté au pouvoir par les manifestants devant le refus de Guéï de reconnaître le résultat des élections.

Robert Guéï se proclame vainqueur des élections d', dont la candidature d'Alasaane Ouattara du RDR avait été exclue pour doutes sur la nationalité, ainsi que celle de Bédié pour ne pas avoir consulté le collège médical désigné par le Conseil constitutionnel. Des manifestations mêlant le peuple et l'armée imposent Laurent Gbagbo, dont la victoire électorale est finalement reconnue. Son parti, le FPI, remporte les législatives de décembre avec 96 sièges (98 au PDCI-RDA), le RDR ayant décidé de les boycotter. Le RDR participe aux élections municipales et sort vainqueur dans la majorité des villes, dont Gagnoa, la principale ville du Centre Ouest du pays, région d'origine de Laurent Gbagbo.

Une tentative de coup d'État a lieu le . Bien que cette tentative ait échoué, une rébellion (qui prend le nom de Forces nouvelles) se forme dans le nord du pays, et occupe bientôt 60 % du territoire selon une ligne tracée d'avance par l'armée française en Cote d'Ivoire. Le général Robert Guéï est assassiné lors du putsch manqué du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) en 2002

La France s'interpose, officiellement en application d'accords de défense (envoi de la Force Licorne). La situation se stabilise, et en , l'ensemble des forces politiques ivoiriennes, rebelles compris, négocient en France à Linas-Marcoussis afin de mettre fin à la crise. Ces négociations aboutissent aux accords de Marcoussis. Dès son retour à AbidjanLaurent Gbagbo les remet en cause, bien qu'il les fasse d'abord mettre en application. Un gouvernement de réconciliation, réunissant des représentants de tous les partis, est mis en place. Le climat politique continue cependant d'être pollué par la violence endémique, entretenue par les milices (dont celles des Jeunes patriotes), couvertes par le gouvernement.

Devant les lenteurs de l'application des accords, de nouvelles réunions ont lieu à Accra durant l'été 2004, qui relancent le processus de DDR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration). Cependant, le désarmement des rebelles ne peut avoir lieu en octobre, la contrepartie politique (modification de la constitution, notamment) n'ayant pas été mise en place.

Début novembre, les forces gouvernementales lancent une offensive contre les rebelles. Le 6 novembre, les bombardements opérés par deux Soukhoï de l'armée ivoirienne (mais en réalité pilotés par des mercenaires biélorusses) sur la base française de Bouaké font neuf morts parmi les soldats français. En réaction, l'armée française détruit l'essentiel de la force aérienne ivoirienne au sol.

Des membres des Jeunes Patriotes se rassemblent devant l'Hôtel Ivoire à Abidjan et les troupes françaises ouvrent le feu à plusieurs reprises. La Fédération internationale des droits de l'homme estime que ces tirs feront 60 morts et 1 000 blessés, la plupart causés par les bousculades, mais aussi par les tirs des militaires de l'armée française en Côte d'Ivoire (Force Licorne).

Courant décembre, le président Laurent Gbagbo engage le processus de réforme de la constitution au moment où paraissent plusieurs rapports sur les évènements de novembre. À la suite de la qualification de l'équipe nationale de football pour la coupe du monde 2006, tous les joueurs, eux-mêmes issus de plusieurs ethnies différentes du pays, appellent à la fin de la guerre civile et au retour au calme.

 

L'élection présidentielle de 2010

Malgré l'accord de paix, le pays reste coupé en deux et les Forces nouvelles s'enracinent dans le Nord, provoquant à plusieurs reprises le report de l'élection présidentielle. Celle-ci finit par avoir lieu le . Les résultats donnent Laurent Gbagbo en tête avec environ 38 %, suivi par Alassane Ouattara avec 32 % et Henri Konan Bédié avec 25 %.

Le second tour voit s'opposer les candidats Gbagbo et Ouattara le .

Le , quatre jours après le vote, la Commission électorale indépendante proclame la victoire d'Alassane Ouattara avec 54,1 % des voix contre 45,9 % pour Laurent Gbagbo9. Le Conseil constitutionnel10 juge les résultats de la CEI non valables11 et annonce la victoire du président sortant le  avec un score de 51,45 %12. La représentante de la diplomatie de l'UE et le secrétaire général de l'ONU considèrent pour leur part que le vainqueur de l'élection est Alassane Ouattara, les résultats du vote ayant été « certifiés » par le représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire, Young-Jin Choi13,14,15,16,17.

Le , les deux candidats prêtent serment, chacun de leur côté (Ouattara à l'hôtel du Golf devant la presse étrangère, et Gbagbo devant la cour constitutionnelle du pays), en tant que président de la Côte d'Ivoire18.

Alassane Ouattara appelle ses partisans à prendre la télévision publique le . Le jour dit, l'armée ivoirienne fidèle à Laurent Gbagbo s'oppose par la force à cette tentative19. Chaque jour, différents mots d'ordres de marches, d'inactivité et d'incitation à la révolte sont lancés par le clan Ouattara à l'égard des populations.

Les observateurs de l'ONU chargés des droits humains font état, entre le 16 et le , de « 173 meurtres, 90 cas de tortures et mauvais traitements, 471 arrestations, 24 cas de disparitions forcées » en Côte d'Ivoire20. Les partisans de Ouattara font état de la présence de mercenaires libériens embauchés depuis début décembre par le camp de Gbagbo tandis que des milliers de personnes quittent le pays21, dont 14 000 vers le Liberia.

 

La « crise postélectorale » en 2010-2011

Des centaines de personnes sont tuées par l'escalade de la violence entre les partisans pro-Gbagbo et pro-Ouattara et au moins un million de personnes fuient les combats, la plupart d'Abidjan. Le , on évoque la reprise de tirs « à l'arme lourde » dans des quartiers pro-Ouattara d'Abidjan. Le , la ville de Toulepleu, proche de la frontière avec le Liberia tombe aux mains des Forces nouvelles pro-Ouattara22. Tandis que Bloléquin, ville située à une quarantaine de kilomètres à l'est, tombe le 23. Le , les Forces pro-Ouattara (devenu Forces républicaines de Côte d'Ivoire – FRCI) continuent leur progression et après avoir investi Daloa et Duékoué, ils prennent le contrôle d'Issia, dans l'ouest, et d'Abengourou, à 200 km au nord-est d'Abidjan24. Le lendemain, , ils prennent la capitale politique du pays : Yamoussoukro, après avoir pris le contrôle Tiébissou, située à 40 km au nord de Yamoussoukro, et de Soubré25, située à 130 km au nord de San-Pédro, premier port mondial pour les exportations de fèves de cacao avec plus de la moitié de la récolte ivoirienne (1,2 million de tonnes) qui y transite. Cette dernière ville est investie dans la soirée du 26.

Après dix jours de combats et avec l'appui indirect des troupes de l'ONUCI et de la Force Licorne par l'application de la résolution 1975 du Conseil de sécurité de l'ONU, les FRCI arrêtent Laurent Gbagbo le 27.

 

La Côte d'Ivoire depuis 2011

En 2015, Alassane Ouattara est réélu lors d'une nouvelle élection présidentielle. Il réunit 2 618 229 voix sur 6 301 189 électeurs inscrits et 3 129 742 suffrages exprimés. S'il réussit à rassembler plus de 80 % des suffrages exprimés, la participation est d'à peine 53 %28. Conformément à ce qu'il avait annoncé avant l'élection, il soumet une nouvelle constitution au parlement29 pour en finir avec l'« ivoirité » et tourner la page des crises successives des années 2000 et début des années 2010. Cette nouvelle constitution veut aussi affirmer le pouvoir présidentiel, créer un Sénat, et préparer la succession en créant un poste de vice-président30. Cette nouvelle constitution est validée en deux temps, tout d'abord par les parlementaires31, puis dans un deuxième temps par un référendum. Le projet obtient 93,42 % de suffrages favorables, avec un taux de participation de 42,42 %32.

En 2019, Ouattara cherche également, sans y réussir totalement, à unifier les mouvements qui l'ont soutenu pour accéder au pouvoir en un seul parti, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP)33.

Le 6 août 2019, Alassane Ouattara annonce avoir accordé l'amnistie à 800 Ivoiriens poursuivis ou condamnés pour leur implication dans la crise postélectorale de 2010-201134.

Parallèlement, l'alliance avec le PDCI de Bédié nouée lors de la crise post-électorale vole en éclat quelques. Cet accord prévoyait un partage du pouvoir (postes ministériels, etc.) mais aussi que le PDCI soutienne le président Ouattara à l'élection présidentielle de 2015 avant de céder la place à une figure du PDCI lors du scrutin de 202035. Or le président Ouattara décide finalement de soutenir Amadou Gon Coulibaly comme dauphin. Bédié refuse en conséquence de fusionner le PDCI avec le RHDP35

Le scrutin présidentiel d'octobre 2020 se déroule dans des conditions difficiles. Le président Ouattara, qui finissait son deuxième mandat et qui souhaitait en tout état de cause se retirer, fait volte-face en raison du décès brutal de son dauphin, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly35. Il doit pour cela s'appuyer sur une jurisprudence contestée pour remettre le "compteur des mandats" à zéro (la Constitution de 2016 limite à deux le nombre de mandats présidentiels mais les partisans du chef de l’État invoquent le caractère non rétroactif de celle-ci), sans convaincre l'opposition qui dénonce un troisième mandat inconstitutionnel35. Parallèlement, le pouvoir limite fortement le nombre de candidatures. Ainsi, le conseil constitutionnel rejette 40 dossiers sur les 44 reçus. Deux poids lourds politique de l'opposition sont en outre bloqués en Europe, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. Henri Konan Bédié, dernière grande figure en lice, lance un appel à la désobéissance, entraînant la non ouvert de plus de 5 000 bureaux sur un total 22 30135. Le score final du président Ouattara est le reflet des extrêmes tensions qui ont empêché au final le déroulement du scrutin, avec un score de 94,2%.

Le 6 mars 2021, pour la première fois depuis une décennie, les trois principaux partis du pays, à savoir le RHDP au pouvoir, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Front populaire ivoirien (FPI), participent à une même élection, et ce dans un climat qui s'est relativement apaisé depuis le scrutin présidentiel quelques mois auparavant. Sur 254 sièges de députés, le RHDP en remporte 137 et obtient donc la majorité absolue tandis que la coalition formée par le PDCI et Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS), la plateforme de formations pro-Laurent Gbagbo, en récole 5036. Avec un taux de participation qui s'établit autour de 37 %, les pro-Gbagbo opèrent lors de ce scrutin leur grand retour sur la scène politique36.

Les premiers ministres

  • Alassane Ouattara actuel président de la Côte d'Ivoire depuis le 6 mai 2011. Il a été premier ministre du 7 novembre 1990 au 9 décembre 199337.
  • Daniel Kablan Duncan Après une démission rendu au président de la République depuis le 27 février 2020, il devient officiellement Ex vice-président le 13 juillet 2020 après un communiqué fait par le secrétaire général de la présidence38. Il fut Premier ministre sous le règne du président Henri Konan BEDIE du 15 décembre 1993 au 22 décembre 199939.
  • FEU Seydou Diarra fut Ex-Premier Ministre de la Côte d'Ivoire du 24 décembre 1999 au 26 octobre 2000 sous le gouvernement du Président Robert Guei, puis avec le Président Laurent GBAGBO du 10 février 2003 au 4 décembre 200540.
  • Quatrième Premier ministre de la côte d'ivoire, Pascal Affi N'guessan était chef de gouvernement du 30 octobre 2000 au 10 février 200341.
  • Gouverneur intérimaire de la Banque centrale des États de l`Afrique de l`Ouest (BCEAO) de 1990 à 1993, Charles Konan Banny assure la fonction de Gouverneur qui lui a été confié par la communauté internationale du 4 décembre 2005 au 29 mars 200742.
  • Diplômé d’une maîtrise au Département d’anglais de l’Université Felix Houphouët Boigny de cocody(Abidjan), Guillaume Soro fut premier ministre de la côte d’Ivoire du 4 avril 2007 au 6 décembre 2010 et du 11 avril 2011 au 13 mars 201243.
  • En Passant par le rang de ministre d`État, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l`Homme, ministre délégué dans les fonctions de Ministre de la Construction, de l`Urbanisme et de l`Habitat dans le gouvernement ivoirien, JEANNOT Kouadio-Ahoussou fut nommé au poste de Premier Ministre du 13 mars 2012 au 14 novembre 2012 par le président Alassane Ouattara44.
  • Depuis le 10 janvier 2017, Amadou Gon Coulibaly était Premier Ministre, Chef du Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire jusqu’à son décès le 8 juillet 2020 à Abidjan pendant qu’il était encore en fonction45.

Notes et références

  1.  An Introduction to the History of West Africa, p. 69.
  2. ↑ Revenir plus haut en :a et b Collectif, La Côte d'Ivoire. Notice publiée par le Gouvernement Général à l'occasion de l'Exposition Coloniale de Marseille, Corbeil, Crété, , 761 p.p. 11, 12, 623, 637, 667
  3.  Georges Thomann, Carnets de route en Côte d'Ivoire (1893-1902), Sépia, , 323 p. (ISBN 978-2-84280-030-7)
  4.  Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsita,, Kamerun !La Découverte
  5.  Bruno Gnaoulé-Oupoh, « L’école coloniale en Côte d’Ivoire » [archive], sur cairn.info (consulté le )
  6.  « "Seconde épouse", une histoire de polygamie en Côte-d'Ivoire » [archive], sur TV5MONDE (consulté le )
  7. ↑ Revenir plus haut en :a b et c Sandlar Christophe, « Le national-régionalisme de la charte du Nord », Outre-Terreno 11,‎ p. 295-307 (lire en ligne [archive])
  8.  Christian Bouquet, « Le mauvais usage de la démocratie en Côte d’Ivoire », L’Espace Politique. Revue en ligne de géographie politique et de géopolitiqueno 3,‎  (ISSN 1958-5500DOI 10.4000/espacepolitique.894lire en ligne [archive], consulté le )
  9.  « Présidentielle : Ouattara vainqueur avec 54,1 % contre 45,9 % pour Gbagbo, selon la CEI », Jeune Afrique,‎  (lire en ligne [archive]).
  10.  Article de Jeune Afrique du 2/12/2010 [archive].
  11.  « Côte d'Ivoire : le Conseil constitutionnel invalide la victoire de Ouattara », Le Monde,‎ .
  12.  « Côte d'Ivoire : Gbagbo déclaré vainqueur » [archive]Le Figaro.
  13.  Thomas Vampouille, « L'ONU et l'UE s'opposent au coup de force de Gbagbo », Le Figaro,‎  (lire en ligne [archive]).
  14.  « Ouattara vainqueur de l'élection présidentielle selon l'ONU, l'UE et Guillaume Soro », Jeune Afrique,‎  (lire en ligne [archive]).
  15.  « La bataille de légitimité a commencé entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara », RFI,‎  (lire en ligne [archive]).
  16.  « La bataille de la télé à Abidjan fait au moins 11 morts, Ouattara persiste », AFP,‎  (lire en ligne [archive]).
  17.  « Laurent Gbagbo reçoit le soutien de chefs traditionnels dans le Sud-Ouest de la Côte d'Ivoire », RFI,‎  (lire en ligne [archive]).
  18.  « Côte d'Ivoire : Gbagbo et Ouattara ont prêté serment », Le Figaro [archive].
  19.  Thomas Hofnung, « Les partisans de Gbagbo et Ouattara se sont affrontés à Abidjan et à Tiébissou [archive] », liberation.fr, le 16/12/2010.
  20.  Stéphane Barbie, « Côte d'Ivoire : 173 morts selon l'ONU, Washington demande le départ immédiat de Gbagbo » [archive], Agence France-Presse,  (consulté le ).
  21.  Stéphane Barbie, « Côte d’Ivoire : les forces pro-Gbagbo enlèvent des opposants » [archive]Human Rights Watch (consulté le ).
  22.  Courrier international du 7 mars 2011 [archive].
  23.  Abidjan.net du 22 mars 2011 [archive].
  24.  « Les pro-Ouattara gagnent du terrain en Côte d'Ivoire », L'Express,‎ 2011] (lire en ligne [archive])
  25.  Article du Monde du 30/03/2011 [archive].
  26.  Article de Romandie News du 31/03/2011 [archive].
  27.  « Le jour où Laurent Gbagbo a été arrêté », Libération,‎  (lire en ligne [archive]).
  28.  Christian Bouquet, « Réélection d’Alassane Ouattara : des chiffres en trompe-l’œil », Le Monde,‎  (lire en ligne [archive])
  29.  Cyril Bensimon, « Côte d’Ivoire : le président Ouattara promet une nouvelle Constitution s’il est réélu », Le Monde,‎  (lire en ligne [archive])
  30.  « Côte d’Ivoire : une nouvelle Constitution pour « tourner la page des crises » », Le Monde,‎  (lire en ligne [archive])
  31.  « Le projet de nouvelle Constitution ivoirienne approuvé par les députés », Le Monde,‎  (lire en ligne [archive])
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Voir aussi

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Bibliographie

  • P. Duprey, La Côte d'Ivoire de A à Z, Abidjan, 
  • P. Duprey, Histoire des Ivoiriens, naissance d'une nation
  • Pierre KipréHistoire de la Côte d'Ivoire, Éditions AMI, 
  • Pierre KipréCôte d'Ivoire : La formation d'un peuple, Éditions AMI, 
  • Henriette DiabatéMémorial de la Côte d'Ivoire, : Volume 1, époque précoloniale, Éditions AMI, 
  • René Dégni Ségui, La succession d'États en Côte d'Ivoire : Thèse d'État, Université d'Aix-Marseille, 
  • Gabriel AngoulvantLa Pacification de la Côte d'Ivoire, 1908-1915 : méthodes et résultats (lettre-préface du général Galliéni), Paris, Larose, , 395 p.
  • Jean Noël Loucou, Côte d'Ivoire : les résistances à la conquête coloniale, Abidjan, Éditions CERAP, , 150 p. (ISBN 978-2-915352-31-3 et 2-915352-31-3)
  • Raymond BorremansLe grand dictionnaire encyclopédique de la Côte d'Ivoire, Nouvelles éditions africaines, 1987

Filmographie

Amilcar Cabral 1973, meurtre à Conakry [3/3]: détrôner le maître de la Guinée?

 

Il y a cinquante ans, le 20 janvier 1973, était assassiné le leader nationaliste Amilcar Cabral, tué devant son domicile sous les balles de militants du PAIGC, qui semblent avoir été manipulés par les services secrets portugais. Cet assassinat ne marque cependant pas la fin de l’histoire : dans les mois qui suivent les funérailles de Cabral, les services français et portugais imaginent un plan qui doit permettre de faire tomber Ahmed Sékou Touré en s’appuyant à nouveau sur les tensions internes au PAIGC. L’opération est baptisée « Safira » (Saphir). La Révolution des œillets au Portugal empêche cependant qu’elle soit lancée.

Pour ce 1er février 1973, pour les funérailles nationales d’Amilcar Cabral, Ahmed Sékou Touré a pris la plume, comme il le fait parfois, et composé un poème. « Où sont-ils / Les grands soldats du Progrès, / Les géants du grand combat / Engendrés par le courage conscient / Et engendrant la conscience du courage ? » Le texte est intitulé Où sont-ils ?. Il est dédié « à tous les martyrs du colonialisme ». « Cabral et Mondlane / N'Krumah et Lumumba / En nous et après nous / Toujours honorés, vous vivrez / La Révolution atteindra les cieux ! » [1].

Après l’assassinat, les rapports des services portugais notent que le dirigeant guinéen a renforcé sa tutelle sur le PAIGC. Dans les mois qui suivent l’assassinat du chef indépendantiste bissau-guinéen et cap-verdien, a priori à partir d’août, une nouvelle opération prend forme. Elle vise cette fois-ci à renverser le régime de Sékou Touré. Elle est intitulée « Safira » (Saphir).

L’opération est révélée plusieurs mois après avoir été abandonnée, mais elle fait les gros titres de la presse portugaise : le journal Expresso, dans son édition du 24 janvier 1976, rend public des rapports internes à la DGS, organisme qui a succédé en 1969, à la PIDE, la police politique du régime dictatorial portugais. « L’opération "Safira" essaie de ressusciter "Mar Verde" » [2], affirme le journal, en allusion à l’attaque avortée de novembre 1970 contre Conakry. Le nouveau plan prévoyait un jeu de manipulation complexe qui devait encourager les divisions au sein du PAIGC, dans l’espoir de fragiliser le président guinéen Ahmed Sekou Touré, et de permettre une nouvelle opération des opposants guinéens en exil du FLNG (Front de Libération nationale de Guinée)

Une alliance entre contestataires du PAIGC et opposition guinéenne en exil

Première étape de l’opération : exacerber les tensions au sein du PAIGC, qu’il s’agisse du clivage entre les mulâtres cap-verdiens et les noirs bissau-guinéens ou de l’existence de deux tendances idéologiques. L’une d’entre elles est « communiste et, donc, pro Sékou Touré », et l’autre, «pro occidentale ou anti Sékou Touré », ce serait cette « faction dissidente qui pourrait fomenter un coup d’Etat au sein du PAIGC ».

Dans le rapport de la DGS dévoilé par Expresso, les services de renseignement portugais affirment qu’un groupe de Bissau-Guinéens de souche africaine serait « conscient du fait que le PAIGC est un instrument des Cap-Verdiens manœuvrés par Sékou Touré ».

Expresso rend également public les rapports de mission de deux agents infiltrés au sein du PAIGC. L’un d’entre eux, avec le nom de code PADRE (PRETRE), a notamment rencontré Samba Djaló, responsable de la sécurité du PAIGC pour la région Nord, le 23 août 1973. La rencontre a eu lieu en territoire sénégalais où était basé ce dernier. Djaló, semble manipulable : selon le journal, il a dit à l’agent travaillant pour le compte du Portugal que Aristides Pereira, le nouveau chef du PAIGC, ne serait qu’un « guignol manipulé par Sékou Touré, et que les décisions importantes étaient prises par ce dernier ».

Deuxième étape de l’opération : les opposants du FLNG (Front national de libération de Guinée), qui avaient été intégrés à l’opération « Mar Verde », doivent être mis en contact avec les dissidents du PAIGC en vue d’une action commune à Conakry prévue pour « fin juin, début juillet 1974 ». Le colonel Thierno Diallo, l’un des chefs de cette opposition en exil, est pressenti pour prendre la succession de Sékou.

Un plan élaboré « avec les français du SDECE »

On apprend dans Expresso qu’il s’agit d’un plan « dont les grandes lignes d’action avaient été élaborées avec les français du SDECE » [Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, Ndlr]. Dans les documents exploités se trouvent des rapports de la DGS de Bissau arrivés à Lisbonne, le 5 novembre 1973, et remaniés pour être adressés ensuite à Paris sur le détail des préparatifs de l’opération. Les destinataires ont été « un certain Koch du SDECE ainsi que le colonel Lacase, directeur des services de renseignement de ce même organisme ». Lacase ? Sans doute le colonel Jeannou Lacaze. Koch ? Pendant longtemps, cela a été le patronyme de Jacques Foccart. 

Signe des connexions internationales de cette opération, le plan bénéficie, selon les documents d’Expresso, de capitaux « brésiliens et européens » et a reçu « le soutien de pays voisins » [3] de la République de Guinée, restés proches des intérêts français. On apprend à travers les notes de la DGS dévoilées que « des négociations ont eu lieu en Europe entre Portugais, Français, Brésiliens, Sénégalais et autres au niveau des services secrets ».

Alpoim Calvão, stratège de la première invasion de Conakry, est censé être à nouveau aux manettes et aurait « rencontré [Thierno, NdlrDiallo et aussi le SDECE, en Europe ». Les services secrets français « prenaient en charge les frais de séjour, en France, des membres de l’opération ». Le SDECE a également la charge « d’organiser à Bruxelles en février 1974 une réunion » avec, entre autres, des partenaires brésiliens et portugais, ainsi qu’un groupe financier européen.

Par ailleurs Expresso dévoile l’existence d’un rapport rédigé en français en date du 4 janvier 1974. Calvão, vraisemblablement, se serait rendu dans un pays africain voisin de la République de Guinée où celui-ci aurait pu obtenir plusieurs garanties pour la mise en place de l’opération contre Sékou Touré : du matériel, du personnel, un camp d’entraînement, un système de liaisons radio, mais aussi « le stationnement d’un avion pour transporter l’équipe de direction à Conakry après le succès de l’attaque nocturne ».

La planification a même été mise au point : l’opération doit avoir lieu en juin. « Avec la saison des pluies en juillet les risques pourraient augmenter si les préparatifs prenaient du retard. » Elle doit commencer par une « réunion dans un pays africain » avec, notamment, des opposants de République de Guinée, des dissidents du PAIGC et d’autres personnalités, en présence supposée de Calvão.

La Révolution des Œillets, le 25 avril 1974 à Lisbonne, met un terme au régime autoritaire portugais et permet, enfin, l’ouverture des négociations en vue des décolonisations africaines. Selon Faligot, Guisnel et Kauffer, elle prend par surprise à Paris Agostinho Barbieri Cardoso, le chef des affaires africaines de la police secrète portugaise, qui avait fait le voyage jusque dans la capitale française « pour finaliser l’opération Saphir avec Alexandre de Marenches [directeur général du SDECE, Ndlr] » [4].

Cardoso a alors été, selon ces auteurs, autorisé à « rester en France » tandis qu’une opération pour récupérer à Lisbonne des archives sensibles pour les Français est décidée… S’y trouveraient des « preuves de la coopération depuis 1962 » entre les deux services secrets concernant « l’opposition portugaise et les mouvements africains qui sont également surveillés à Paris ». La révolution portugaise porte en tout cas un coup brutal aux préparatifs de l’opération « Safira ».

Une collaboration démontrée par les archives

Les sources manquent encore pour approfondir notre connaissance de cette opération. La double page d’Expresso est citée par la plupart des auteurs. Les travaux de l’historien Victor Pereira, s’ils ne mentionnent pas Saphir, mettent remarquablement en lumière les liens qui ont existé à l’époque entre services français et portugais [5]« La collaboration entre la PIDE et le SDECE est, quant à elle, renforcée par les intérêts communs que possèdent les deux services en Afrique, écrit Pereira. Tous deux luttent contre le "péril communiste" et se montrent méfiants vis-à-vis de la présence des États-Unis sur ce continent ».

Le travail de dépouillement d’archives réalisé par ce chercheur permet de supposer que les contacts ont commencé en 1957 : « Constatant que les États-Unis soutiennent les mouvements nationalistes africains, les agences de renseignement des deux empires coloniaux qui prétendent alors résister à la décolonisation (de façon totale ou partielle) se rapprochent. Jusqu’en 1962, la collaboration entre les deux agences de renseignement s’inscrit dans le combat de deux puissances coloniales contre les mouvements nationalistes indépendantistes qui reçoivent un appui multiforme du bloc communiste. »

Le SDECE, explique Pereira, reçoit de la PIDE-DGS des informations sur les projets communistes en Afrique et appuie en retour, discrètement, des actions contre des régimes jugés hostiles - comme celui de la Guinée - en fournissant des armes et du renseignement. Signe de l’intensité de cette collaboration : entre 1957 et 1974, le SDECE envoie 2101 documents à la PIDE-DGS.

Jacques Foccart, selon le chercheur, joue un rôle pivot dans cette connexion entre les deux services. Le travail sur des dossiers africains d’intérêt commun a démarré avec le soutien apporté au sécessionniste katangais Moïse Tshombé. Il s’est poursuivi, explique Pereira, autour du dossier biafrais. Que se sont dit les deux services sur la mort de Cabral ? On l’ignore toujours.

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[1] SEKOU TOURE Ahmed, Poèmes militants, Imprimerie Patrice Lumumba, Conakry, 1977, Pp 137-143

[2] « PIDE e SEDEC teriam elaborado as linhas de acção », Journal Expresso, 24 janvier 1976, p14.

[3] Le Sénégal et la Côte d’Ivoire selon SOARES SOUSA Julião, Amílcar Cabral (1924-1973) Vida e morte de um revolucionário africano, Coimbra, edição do autor, p 567.

[4] FALIGOT Roger/GUISNEL Jean/KAUFFER Rémi, Histoire politique des services secrets français, Paris, La Découverte, 2012, pp 331-332

[5] PEREIRA Victor, La dictature de Salazar face à l’émigration. L’Etat portugais et ses migrants en France (1957-1974), Paris, Presse de Sciences Po, 2012.