L'histoire de la Côte d'Ivoire antérieure aux premiers contacts avec les Européens est quasiment inconnue du grand public. Ces premiers contacts restèrent limités avec seulement quelques missionnaires européens au xvie siècle. Une culture néolithique existait cependant, mais est mal connue à cause d'un manque de découvertes archéologiques.
Le peuplement du sud est attesté dès le seuil de notre ère même si la recherche de ses traces est rendue difficile par le climat humide. Le territoire fut parsemé par des peuples de langues soudanaises, divisés en de nombreuses chefferies.
Parmi les populations les plus anciennes, on compte les Mandé du sud (Gouro, Gban et Yacouba) à l'ouest et au centre-ouest, les Krous au Sud-Ouest ainsi que les Sénoufos au Nord-Est .Le nord du pays sera sous l'influence des royaumes sahéliens (Songhai, Ghana). C'est dans ce contexte que s'implantera l'islam, répandu soit par des commerçants, notamment des colporteurs dioula, soit par le djihad mené par des armées à cheval. Des villes commerçantes comme Kong ou Bondoukou deviendront par la suite de véritables cités-États, liens entre la savane et la forêt. Toutefois, les populations ne connaissaient pas la propriété privée et ne cherchaient pas à délimiter leur territoire. Leurs cultures étaient marquées par une tradition théâtrale, orale, musicale, de danse et la croyance à la magie.
Premiers contacts avec les Européens
Les premiers Européens à pénétrer dans le pays sont les navigateurs portugais, longeant les côtes africaines, à la recherche de la route vers l'Inde. Les Portugais baptisent le pays "Costa do Marfim" pour l'accueil fait par les populations. Les Européens sont d'abord frappés par la force démographique des Noirs.
En 1687, deux ans après le code noir, des missionnaires et des commerçants français s'installent à nouveau sur le site d'Assinie, à l'extrémité est du littoral, vers la côte de l'Or, mais ils repartent en 1705 après avoir construit et occupé le fort Saint-Louis, de 1701 à 1704, car le commerce des esclaves contre des céréales ne rapporte pas assez1. Parmi eux, le chevalier d'Amon et l'amiral Jean-Baptiste du Casse, directeur de la Compagnie du Sénégal, principale société esclavagiste française, débarquent, intéressés par le trafic de l'or, et sont reçus à la cour du roi Zéna. Ils ramènent en France le jeune « prince » Aniaba et son cousin Banga, lesquels sont présentés au roi de France Louis XIV et se convertissent au catholicisme (Aniaba est baptisé par Bossuet, évêque de Meaux). Ils deviennent plus tard officiers dans le Régiment du Roi, avant de retourner à Issiny vers 1700. Aniaba serait devenu en 1704 conseiller du roi de Quita, actuel Togo, se faisant appeler Hannibal.
Au xviiie siècle, la région est envahie par deux ethnies appartenant au groupe des « Akans » : les Agnis dans le sud-est et les Baoulés dans le centre. Les explorateurs, missionnaires, commerçants et soldats étendirent progressivement le territoire sous contrôle français à partir de la région de la lagune. Cependant la traite négrière ne fut pas achevée définitivement avant 1848.
Une carte de la région à l'aube de la colonisation
Le territoire de l'actuelle Côte d'Ivoire et ses environs, tel que connus en 1889.
Sur cette carte allemande de 1889, où la région est considérée comme faisant partie de l'Ober Guinea (Haute-Guinée, s'étendant du Liberia au Cameroun), on remarque combien l'intérieur des terres restait à l'époque terra incognita des géographes. Les établissements français se limitent à une étroite bande de terre, entre Lahou et Assinie, avec Grand-Bassam au centre (et Fort Nemours, construit en 1843). Les légendaires Monts de Kong, dont Binger démontra l'inexistence, y apparaissent encore (avec un point d'interrogation). En dehors de quelques localités comme Krindjabo, Bondoukou, Kong, Tingrela, la carte de l'intérieur du pays est quasiment vide.
En 1895, la Côte d'Ivoire est placée sous la responsabilité du Gouverneur Général de l'Afrique Occidentale Française, mais garde son autonomie administrative et financière2. En 1902, les moyens d'actions du gouverneur Général seront étendus sur les services locaux de la colonie. La Côte d'Ivoire est divisée en douze territoires administratifs appelées les Cercles : Lagunes, Grand Bassam, Assinie, Indénie, Bondoukou, Séguéla, Korhogo, Dabakala, Baoulé, Lahou, Sassandra, Cavally. A la tête du Cercle est nommé un fonctionnaire civil issu du corps des Administrateurs des Colonies. Les premiers administrateurs vivent simplement, participent à la découverte du Cercle par des explorations, l'établissement de cartes, l'écriture de documents ethnographique, ou de dictionnaires. Cette époque est décrite dans les "carnets de route en Côte d'Ivoire (1893-1902)"3 de Georges Thomann. Deux décrets, en 1901, établissent l'impôt de capitation réclamé aux indigènes et l'impôt des patentes qui frappe le colportage, le commerce et l'industrie en général. Le décret du 10 Novembre 1903 organise les tribunaux de village, qui jugent selon les coutumes locales, mais sous le contrôle des administrateurs. La justice française est réservée presque exclusivement aux Français, Européens ou assimilés. En 1905, a peu près 450 Européens habitent la Côte d'Ivoire (175 fonctionnaires et 275 colons)2
En 1919, le territoire sud de la Haute Volta (actuel Burkina Faso) devient une partie de la Côte d’Ivoire coloniale. (Au moment de l’indépendance des états africains les deux pays étaient prêts et s’étaient mis d’accord à faire du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire un seul et même unique pays). Mais ce projet n’a pas pu aboutir, au dernier moment le Burkina Faso devient indépendant le 5 août 1960 sous l’impulsion de Maurice Yaméogo.
La répression contre son parti, le PDCI, s'accentue à la fin des années 1940. Des militants sont régulièrement arrêtés et battus par des policiers, avec parfois des actes de tortures ; d'autres sont renvoyés de leurs emplois. L'un des principaux dirigeants du parti, le sénateur Victor Biaka Boda, est retrouvé pendu et déchiqueté dans la foret, alors qu'il était recherché par la police. Les tensions culminent au début de l'année 1950, quand, à la suite d’un incident, la quasi-totalité de la direction du PDCI est arrêtée. Des rassemblements de protestation sont organisés ; alors que la police tire à blanc pour disperser la foule, des colons tirent à balles réelles, tuant treize manifestants. Au lieu de rechercher les auteurs du massacre, les autorités, craignant des émeutes, font arrêter des milliers de militants indépendantistes4.
En 1956, la loi-cadre de réforme de l'outremer décida du transfert de pouvoirs de Paris vers des autorités locales, sans pour autant freiner le mouvement vers l'indépendance.
La première école de Côte d'Ivoire
Les ruines de la toute première école de Côte d’Ivoire créée en 1882 à Élima.
La première école de côte d’ivoire fut créée par Arthur Verdier, navigateur et commerçant français, s’installant à Assinie en 1862. En 1880, il crée une plantation de café à Élima, au bord de la lagune Aby. Il va ensuite ouvrir une école privée en 1882 à Élima, celle qui fut la toute première pour les besoins de son commerce et de ses plantations5.
L'indépendance
Les étapes
Félix Houphouët-Boigny, père de l'indépendance ivoirienne.
En , la Côte d'Ivoire devient une république autonome par le référendum, qui crée la Communauté française entre la France et ses anciennes colonies. Elle est alors dirigée par un premier ministre, Auguste Denise, auquel succédera Félix Houphouët-Boigny en . Avec cette autonomie, la Côte d'Ivoire ne devait plus partager ses richesses avec les autres colonies pauvres du Sahel, le budget de l'administration ivoirienne augmenta ainsi de 152 %. Le l'indépendance prend effet. Le pays reste cependant très lié à la France :
sa monnaie est dirigée par la Banque de France, par le biais de l'union monétaire d'Afrique occidentale (franc CFA) ;
de nombreux investissements français rendent l'économie ivoirienne dépendante de la France.
L'ère Houphouët-Boigny
Le président-fondateur est Félix Houphouët-Boigny. Il le resta à vie, s'appuyant sur son parti unique, le Parti démocratique de la Côte d'Ivoire (PDCI). Il est également un des fondateurs du Rassemblement démocratique africain (RDA), parti politique d'avant l'indépendance pour toute l'Afrique occidentale française (excepté la Mauritanie).
Il commence sa carrière en 1944 en fondant le Syndicat agricole africain, qui fut le noyau du PDCI. Après la Seconde Guerre mondiale, il est élu d'une courte majorité à la première assemblée constituante. Il représente ensuite la Côte d'Ivoire à l'Assemblée nationale de 1946 à 1959, se consacrant essentiellement aux organisations politiques inter et territoriales au sein de l'AOF, et à l'amélioration des conditions de travail. Il est également ministre de la République trois ans durant.
Il devient le premier premier ministre de la Côte d'Ivoire en avril 1959, et en 1960 est élu président. Il est ensuite constamment réélu de cinq ans en cinq ans à partir de 1965. Son parti unique, le PDCI-RDA, occupe tous les sièges de l'Assemblée nationale.
Politique extérieure
En mai 1959, Félix Houphouët-Boigny crée le Conseil de l'entente avec le Niger, la Haute-Volta (Burkina Faso), le Togo, et le Dahomey (Bénin), organisation de développement économique. Il affirme que la seule voie pour la solidarité africaine est le développement économique progressif et la coopération politique, reconnaissant le principe de non-intervention dans les affaires internes des États africains.
Le , il signe un accord d'assistance militaire avec la France. Cet accord est également signé par le Dahomey et le Mali.
Politique sociale
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue ! Comment faire ?
Les années 1970 à 1985 furent bonnes grâce à la situation économique. La dégradation de celle-ci, au cours des années 1980, provoqua une agitation étudiante, la révolte de barons du régime et la naissance d'une opposition clandestine. Les manifestations étudiantes du révèlent en Laurent Gbagbo un leader d'opinion (l'interdiction d'une de ses conférences est la cause immédiate du mouvement), qui fonde le Front populaire ivoirien (FPI), et s'exile en France.
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue ! Comment faire ?
Bien que le nord de la Côte d'Ivoire ait été inséré dans l'espace économique de la boucle du Niger et ait connu des Etats avant la période coloniale (empire de Kong, royaumes de Bouna, deuxième empire de Samory), il a progressivement décroché économiquement par rapport au sud du pays dès la période coloniale, notamment en raison de l'essor de l'économie de plantation dans cette zone, renforcé par un rapport culturellement plus distant de l'école moderne7.
Le président Félix Houphouët-Boigny va prendre véritablement conscience du manque de développement de cette région à la suite de sa visite, en 19747. Toutefois, les mesures de compensation n’arrivent pas à inverser la tendance7.
Fin du parti unique
Comme les autres ex-colonies françaises d’Afrique subsaharienne, la Côte d’Ivoire est invitée par la France, le 20 juin 1990 à La Baule, à s’engager dans un processus démocratique8, conséquence directe de la chute du bloc de l'Est.
Félix Houphouët-Boigny avait déjà préparé la voie vers la démocratisation par quelques réformes :
les partis politiques sont autorisés le 1990 (14 se forment).
pour la première fois, un candidat l'affronte à l'élection présidentielle, Laurent Gbagbo, qui obtient 18 % des voix face au président sortant.
des élections pluralistes, où les étrangers notamment burkinabés peuvent voter, sont organisées ; le PDCI-RDA remporte 175 sièges contre 8 pour le FPI.
Malgré cette ouverture, Laurent Gbagbo est arrêté après les manifestations étudiantes de et emprisonné pendant quelques mois, ainsi que son épouse, Simone Ehivet Gbagbo.
Laurent Gbagbo, vainqueur des élections de 2000, et porté au pouvoir par les manifestants devant le refus de Guéï de reconnaître le résultat des élections.
Robert Guéï se proclame vainqueur des élections d', dont la candidature d'Alasaane Ouattara du RDR avait été exclue pour doutes sur la nationalité, ainsi que celle de Bédié pour ne pas avoir consulté le collège médical désigné par le Conseil constitutionnel. Des manifestations mêlant le peuple et l'armée imposent Laurent Gbagbo, dont la victoire électorale est finalement reconnue. Son parti, le FPI, remporte les législatives de décembre avec 96 sièges (98 au PDCI-RDA), le RDR ayant décidé de les boycotter. Le RDR participe aux élections municipales et sort vainqueur dans la majorité des villes, dont Gagnoa, la principale ville du Centre Ouest du pays, région d'origine de Laurent Gbagbo.
Une tentative de coup d'État a lieu le . Bien que cette tentative ait échoué, une rébellion (qui prend le nom de Forces nouvelles) se forme dans le nord du pays, et occupe bientôt 60 % du territoire selon une ligne tracée d'avance par l'armée française en Cote d'Ivoire. Le général Robert Guéï est assassiné lors du putsch manqué du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) en 2002
La France s'interpose, officiellement en application d'accords de défense (envoi de la Force Licorne). La situation se stabilise, et en , l'ensemble des forces politiques ivoiriennes, rebelles compris, négocient en France à Linas-Marcoussis afin de mettre fin à la crise. Ces négociations aboutissent aux accords de Marcoussis. Dès son retour à Abidjan, Laurent Gbagbo les remet en cause, bien qu'il les fasse d'abord mettre en application. Un gouvernement de réconciliation, réunissant des représentants de tous les partis, est mis en place. Le climat politique continue cependant d'être pollué par la violence endémique, entretenue par les milices (dont celles des Jeunes patriotes), couvertes par le gouvernement.
Devant les lenteurs de l'application des accords, de nouvelles réunions ont lieu à Accra durant l'été 2004, qui relancent le processus de DDR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration). Cependant, le désarmement des rebelles ne peut avoir lieu en octobre, la contrepartie politique (modification de la constitution, notamment) n'ayant pas été mise en place.
Des membres des Jeunes Patriotes se rassemblent devant l'Hôtel Ivoire à Abidjan et les troupes françaises ouvrent le feu à plusieurs reprises. La Fédération internationale des droits de l'homme estime que ces tirs feront 60 morts et 1 000 blessés, la plupart causés par les bousculades, mais aussi par les tirs des militaires de l'armée française en Côte d'Ivoire (Force Licorne).
Courant décembre, le président Laurent Gbagbo engage le processus de réforme de la constitution au moment où paraissent plusieurs rapports sur les évènements de novembre. À la suite de la qualification de l'équipe nationale de football pour la coupe du monde 2006, tous les joueurs, eux-mêmes issus de plusieurs ethnies différentes du pays, appellent à la fin de la guerre civile et au retour au calme.
Malgré l'accord de paix, le pays reste coupé en deux et les Forces nouvelles s'enracinent dans le Nord, provoquant à plusieurs reprises le report de l'élection présidentielle. Celle-ci finit par avoir lieu le . Les résultats donnent Laurent Gbagbo en tête avec environ 38 %, suivi par Alassane Ouattara avec 32 % et Henri Konan Bédié avec 25 %.
Le second tour voit s'opposer les candidats Gbagbo et Ouattara le .
Le , quatre jours après le vote, la Commission électorale indépendante proclame la victoire d'Alassane Ouattara avec 54,1 % des voix contre 45,9 % pour Laurent Gbagbo9. Le Conseil constitutionnel10 juge les résultats de la CEI non valables11 et annonce la victoire du président sortant le avec un score de 51,45 %12. La représentante de la diplomatie de l'UE et le secrétaire général de l'ONU considèrent pour leur part que le vainqueur de l'élection est Alassane Ouattara, les résultats du vote ayant été « certifiés » par le représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire, Young-Jin Choi13,14,15,16,17.
Le , les deux candidats prêtent serment, chacun de leur côté (Ouattara à l'hôtel du Golf devant la presse étrangère, et Gbagbo devant la cour constitutionnelle du pays), en tant que président de la Côte d'Ivoire18.
Alassane Ouattara appelle ses partisans à prendre la télévision publique le . Le jour dit, l'armée ivoirienne fidèle à Laurent Gbagbo s'oppose par la force à cette tentative19. Chaque jour, différents mots d'ordres de marches, d'inactivité et d'incitation à la révolte sont lancés par le clan Ouattara à l'égard des populations.
Les observateurs de l'ONU chargés des droits humains font état, entre le 16 et le , de « 173 meurtres, 90 cas de tortures et mauvais traitements, 471 arrestations, 24 cas de disparitions forcées » en Côte d'Ivoire20. Les partisans de Ouattara font état de la présence de mercenaires libériens embauchés depuis début décembre par le camp de Gbagbo tandis que des milliers de personnes quittent le pays21, dont 14 000 vers le Liberia.
Des centaines de personnes sont tuées par l'escalade de la violence entre les partisans pro-Gbagbo et pro-Ouattara et au moins un million de personnes fuient les combats, la plupart d'Abidjan. Le , on évoque la reprise de tirs « à l'arme lourde » dans des quartiers pro-Ouattara d'Abidjan. Le , la ville de Toulepleu, proche de la frontière avec le Liberia tombe aux mains des Forces nouvelles pro-Ouattara22. Tandis que Bloléquin, ville située à une quarantaine de kilomètres à l'est, tombe le 23. Le , les Forces pro-Ouattara (devenu Forces républicaines de Côte d'Ivoire – FRCI) continuent leur progression et après avoir investi Daloa et Duékoué, ils prennent le contrôle d'Issia, dans l'ouest, et d'Abengourou, à 200 km au nord-est d'Abidjan24. Le lendemain, , ils prennent la capitale politique du pays : Yamoussoukro, après avoir pris le contrôle Tiébissou, située à 40 km au nord de Yamoussoukro, et de Soubré25, située à 130 km au nord de San-Pédro, premier port mondial pour les exportations de fèves de cacao avec plus de la moitié de la récolte ivoirienne (1,2 million de tonnes) qui y transite. Cette dernière ville est investie dans la soirée du 26.
Après dix jours de combats et avec l'appui indirect des troupes de l'ONUCI et de la Force Licorne par l'application de la résolution 1975 du Conseil de sécurité de l'ONU, les FRCI arrêtent Laurent Gbagbo le 27.
La Côte d'Ivoire depuis 2011
En 2015, Alassane Ouattara est réélu lors d'une nouvelle élection présidentielle. Il réunit 2 618 229 voix sur 6 301 189 électeurs inscrits et 3 129 742 suffrages exprimés. S'il réussit à rassembler plus de 80 % des suffrages exprimés, la participation est d'à peine 53 %28. Conformément à ce qu'il avait annoncé avant l'élection, il soumet une nouvelle constitution au parlement29 pour en finir avec l'« ivoirité » et tourner la page des crises successives des années 2000 et début des années 2010. Cette nouvelle constitution veut aussi affirmer le pouvoir présidentiel, créer un Sénat, et préparer la succession en créant un poste de vice-président30. Cette nouvelle constitution est validée en deux temps, tout d'abord par les parlementaires31, puis dans un deuxième temps par un référendum. Le projet obtient 93,42 % de suffrages favorables, avec un taux de participation de 42,42 %32.
Le 6 août 2019, Alassane Ouattara annonce avoir accordé l'amnistie à 800 Ivoiriens poursuivis ou condamnés pour leur implication dans la crise postélectorale de 2010-201134.
Parallèlement, l'alliance avec le PDCI de Bédié nouée lors de la crise post-électorale vole en éclat quelques. Cet accord prévoyait un partage du pouvoir (postes ministériels, etc.) mais aussi que le PDCI soutienne le président Ouattara à l'élection présidentielle de 2015 avant de céder la place à une figure du PDCI lors du scrutin de 202035. Or le président Ouattara décide finalement de soutenir Amadou Gon Coulibaly comme dauphin. Bédié refuse en conséquence de fusionner le PDCI avec le RHDP35
Le scrutin présidentiel d'octobre 2020 se déroule dans des conditions difficiles. Le président Ouattara, qui finissait son deuxième mandat et qui souhaitait en tout état de cause se retirer, fait volte-face en raison du décès brutal de son dauphin, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly35. Il doit pour cela s'appuyer sur une jurisprudence contestée pour remettre le "compteur des mandats" à zéro (la Constitution de 2016 limite à deux le nombre de mandats présidentiels mais les partisans du chef de l’État invoquent le caractère non rétroactif de celle-ci), sans convaincre l'opposition qui dénonce un troisième mandat inconstitutionnel35. Parallèlement, le pouvoir limite fortement le nombre de candidatures. Ainsi, le conseil constitutionnel rejette 40 dossiers sur les 44 reçus. Deux poids lourds politique de l'opposition sont en outre bloqués en Europe, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. Henri Konan Bédié, dernière grande figure en lice, lance un appel à la désobéissance, entraînant la non ouvert de plus de 5 000 bureaux sur un total 22 30135. Le score final du président Ouattara est le reflet des extrêmes tensions qui ont empêché au final le déroulement du scrutin, avec un score de 94,2%.
Le 6 mars 2021, pour la première fois depuis une décennie, les trois principaux partis du pays, à savoir le RHDP au pouvoir, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Front populaire ivoirien (FPI), participent à une même élection, et ce dans un climat qui s'est relativement apaisé depuis le scrutin présidentiel quelques mois auparavant. Sur 254 sièges de députés, le RHDP en remporte 137 et obtient donc la majorité absolue tandis que la coalition formée par le PDCI et Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS), la plateforme de formations pro-Laurent Gbagbo, en récole 5036. Avec un taux de participation qui s'établit autour de 37 %, les pro-Gbagbo opèrent lors de ce scrutin leur grand retour sur la scène politique36.
Les premiers ministres
Alassane Ouattara actuel président de la Côte d'Ivoire depuis le 6 mai 2011. Il a été premier ministre du 7 novembre 1990 au 9 décembre 199337.
Daniel Kablan Duncan Après une démission rendu au président de la République depuis le 27 février 2020, il devient officiellement Ex vice-président le 13 juillet 2020 après un communiqué fait par le secrétaire général de la présidence38. Il fut Premier ministre sous le règne du président Henri Konan BEDIE du 15 décembre 1993 au 22 décembre 199939.
FEU Seydou Diarra fut Ex-Premier Ministre de la Côte d'Ivoire du 24 décembre 1999 au 26 octobre 2000 sous le gouvernement du Président Robert Guei, puis avec le Président Laurent GBAGBO du 10 février 2003 au 4 décembre 200540.
Quatrième Premier ministre de la côte d'ivoire, Pascal Affi N'guessan était chef de gouvernement du 30 octobre 2000 au 10 février 200341.
Gouverneur intérimaire de la Banque centrale des États de l`Afrique de l`Ouest (BCEAO) de 1990 à 1993, Charles Konan Banny assure la fonction de Gouverneur qui lui a été confié par la communauté internationale du 4 décembre 2005 au 29 mars 200742.
Diplômé d’une maîtrise au Département d’anglais de l’Université Felix Houphouët Boigny de cocody(Abidjan), Guillaume Soro fut premier ministre de la côte d’Ivoire du 4 avril 2007 au 6 décembre 2010 et du 11 avril 2011 au 13 mars 201243.
En Passant par le rang de ministre d`État, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l`Homme, ministre délégué dans les fonctions de Ministre de la Construction, de l`Urbanisme et de l`Habitat dans le gouvernement ivoirien, JEANNOT Kouadio-Ahoussou fut nommé au poste de Premier Ministre du 13 mars 2012 au 14 novembre 2012 par le président Alassane Ouattara44.
Depuis le 10 janvier 2017, Amadou Gon Coulibaly était Premier Ministre, Chef du Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire jusqu’à son décès le 8 juillet 2020 à Abidjan pendant qu’il était encore en fonction45.
Notes et références
↑An Introduction to the History of West Africa, p. 69.
↑ Revenir plus haut en :a et bCollectif, La Côte d'Ivoire. Notice publiée par le Gouvernement Général à l'occasion de l'Exposition Coloniale de Marseille, Corbeil, Crété, , 761 p., p. 11, 12, 623, 637, 667
↑Georges Thomann, Carnets de route en Côte d'Ivoire (1893-1902), Sépia, , 323 p. (ISBN978-2-84280-030-7)
↑Thomas Deltombe, Manuel Domergue, Jacob Tatsita,, Kamerun !, La Découverte,
P. Duprey, Histoire des Ivoiriens, naissance d'une nation,
Pierre Kipré, Histoire de la Côte d'Ivoire, Éditions AMI,
Pierre Kipré, Côte d'Ivoire : La formation d'un peuple, Éditions AMI,
Henriette Diabaté, Mémorial de la Côte d'Ivoire, : Volume 1, époque précoloniale, Éditions AMI,
René Dégni Ségui, La succession d'États en Côte d'Ivoire : Thèse d'État, Université d'Aix-Marseille,
Gabriel Angoulvant, La Pacification de la Côte d'Ivoire, 1908-1915 : méthodes et résultats (lettre-préface du général Galliéni), Paris, Larose, , 395 p.
Jean Noël Loucou, Côte d'Ivoire : les résistances à la conquête coloniale, Abidjan, Éditions CERAP, , 150 p. (ISBN978-2-915352-31-3 et 2-915352-31-3)
Raymond Borremans, Le grand dictionnaire encyclopédique de la Côte d'Ivoire, Nouvelles éditions africaines, 1987
Il y a cinquante ans, le 20 janvier 1973, était assassiné le leader nationaliste Amilcar Cabral, tué devant son domicile sous les balles de militants du PAIGC, qui semblent avoir été manipulés par les services secrets portugais. Cet assassinat ne marque cependant pas la fin de l’histoire : dans les mois qui suivent les funérailles de Cabral, les services français et portugais imaginent un plan qui doit permettre de faire tomber Ahmed Sékou Touré en s’appuyant à nouveau sur les tensions internes au PAIGC. L’opération est baptisée « Safira » (Saphir). La Révolution des œillets au Portugal empêche cependant qu’elle soit lancée.
Pour ce 1er février 1973, pour les funérailles nationales d’Amilcar Cabral, Ahmed Sékou Touré a pris la plume, comme il le fait parfois, et composé un poème. « Où sont-ils / Les grands soldats du Progrès, / Les géants du grand combat / Engendrés par le courage conscient / Et engendrant la conscience du courage ? » Le texte est intitulé Où sont-ils ?. Il est dédié « à tous les martyrs du colonialisme ». « Cabral et Mondlane / N'Krumah et Lumumba / En nous et après nous / Toujours honorés, vous vivrez / La Révolution atteindra les cieux ! » [1].
Après l’assassinat, les rapports des services portugais notent que le dirigeant guinéen a renforcé sa tutelle sur le PAIGC. Dans les mois qui suivent l’assassinat du chef indépendantiste bissau-guinéen et cap-verdien, a priori à partir d’août, une nouvelle opération prend forme. Elle vise cette fois-ci à renverser le régime de Sékou Touré. Elle est intitulée « Safira » (Saphir).
L’opération est révélée plusieurs mois après avoir été abandonnée, mais elle fait les gros titres de la presse portugaise : le journal Expresso, dans son édition du 24 janvier 1976, rend public des rapports internes à la DGS, organisme qui a succédé en 1969, à la PIDE, la police politique du régime dictatorial portugais. « L’opération "Safira" essaie de ressusciter "Mar Verde" » [2], affirme le journal, en allusion à l’attaque avortée de novembre 1970 contre Conakry. Le nouveau plan prévoyait un jeu de manipulation complexe qui devait encourager les divisions au sein du PAIGC, dans l’espoir de fragiliser le président guinéen Ahmed Sekou Touré, et de permettre une nouvelle opération des opposants guinéens en exil du FLNG (Front de Libération nationale de Guinée)
Une alliance entre contestataires du PAIGC et opposition guinéenne en exil
Première étape de l’opération : exacerber les tensions au sein du PAIGC, qu’il s’agisse du clivage entre les mulâtres cap-verdiens et les noirs bissau-guinéens ou de l’existence de deux tendances idéologiques. L’une d’entre elles est « communiste et, donc, pro Sékou Touré », et l’autre, «pro occidentale ou anti Sékou Touré », ce serait cette « faction dissidente qui pourrait fomenter un coup d’Etat au sein du PAIGC ».
Dans le rapport de la DGS dévoilé par Expresso, les services de renseignement portugais affirment qu’un groupe de Bissau-Guinéens de souche africaine serait « conscient du fait que le PAIGC est un instrument des Cap-Verdiens manœuvrés par Sékou Touré ».
Expresso rend également public les rapports de mission de deux agents infiltrés au sein du PAIGC. L’un d’entre eux, avec le nom de code PADRE (PRETRE), a notamment rencontré Samba Djaló, responsable de la sécurité du PAIGC pour la région Nord, le 23 août 1973. La rencontre a eu lieu en territoire sénégalais où était basé ce dernier. Djaló, semble manipulable : selon le journal, il a dit à l’agent travaillant pour le compte du Portugal que Aristides Pereira, le nouveau chef du PAIGC, ne serait qu’un « guignol manipulé par Sékou Touré, et que les décisions importantes étaient prises par ce dernier ».
Deuxième étape de l’opération : les opposants du FLNG (Front national de libération de Guinée), qui avaient été intégrés à l’opération « Mar Verde », doivent être mis en contact avec les dissidents du PAIGC en vue d’une action commune à Conakry prévue pour « fin juin, début juillet 1974 ». Le colonel Thierno Diallo, l’un des chefs de cette opposition en exil, est pressenti pour prendre la succession de Sékou.
Un plan élaboré « avec les français du SDECE »
On apprend dans Expresso qu’il s’agit d’un plan « dont les grandes lignes d’action avaient été élaborées avec les français du SDECE » [Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, Ndlr]. Dans les documents exploités se trouvent des rapports de la DGS de Bissau arrivés à Lisbonne, le 5 novembre 1973, et remaniés pour être adressés ensuite à Paris sur le détail des préparatifs de l’opération. Les destinataires ont été « un certain Koch du SDECE ainsi que le colonel Lacase, directeur des services de renseignement de ce même organisme ». Lacase ? Sans doute le colonel Jeannou Lacaze. Koch ? Pendant longtemps, cela a été le patronyme de Jacques Foccart.
Signe des connexions internationales de cette opération, le plan bénéficie, selon les documents d’Expresso, de capitaux « brésiliens et européens » et a reçu « le soutien de pays voisins » [3] de la République de Guinée, restés proches des intérêts français. On apprend à travers les notes de la DGS dévoilées que « des négociations ont eu lieu en Europe entre Portugais, Français, Brésiliens, Sénégalais et autres au niveau des services secrets ».
Alpoim Calvão, stratège de la première invasion de Conakry, est censé être à nouveau aux manettes et aurait « rencontré [Thierno, Ndlr] Diallo et aussi le SDECE, en Europe ». Les services secrets français « prenaient en charge les frais de séjour, en France, des membres de l’opération ». Le SDECE a également la charge « d’organiser à Bruxelles en février 1974 une réunion » avec, entre autres, des partenaires brésiliens et portugais, ainsi qu’un groupe financier européen.
Par ailleurs Expresso dévoile l’existence d’un rapport rédigé en français en date du 4 janvier 1974. Calvão, vraisemblablement, se serait rendu dans un pays africain voisin de la République de Guinée où celui-ci aurait pu obtenir plusieurs garanties pour la mise en place de l’opération contre Sékou Touré : du matériel, du personnel, un camp d’entraînement, un système de liaisons radio, mais aussi « le stationnement d’un avion pour transporter l’équipe de direction à Conakry après le succès de l’attaque nocturne ».
La planification a même été mise au point : l’opération doit avoir lieu en juin. « Avec la saison des pluies en juillet les risques pourraient augmenter si les préparatifs prenaient du retard. » Elle doit commencer par une « réunion dans un pays africain » avec, notamment, des opposants de République de Guinée, des dissidents du PAIGC et d’autres personnalités, en présence supposée de Calvão.
La Révolution des Œillets, le 25 avril 1974 à Lisbonne, met un terme au régime autoritaire portugais et permet, enfin, l’ouverture des négociations en vue des décolonisations africaines. Selon Faligot, Guisnel et Kauffer, elle prend par surprise à Paris Agostinho Barbieri Cardoso, le chef des affaires africaines de la police secrète portugaise, qui avait fait le voyage jusque dans la capitale française « pour finaliser l’opération Saphir avec Alexandre de Marenches [directeur général du SDECE, Ndlr] » [4].
Cardoso a alors été, selon ces auteurs, autorisé à « rester en France » tandis qu’une opération pour récupérer à Lisbonne des archives sensibles pour les Français est décidée… S’y trouveraient des « preuves de la coopération depuis 1962 » entre les deux services secrets concernant « l’opposition portugaise et les mouvements africains qui sont également surveillés à Paris ». La révolution portugaise porte en tout cas un coup brutal aux préparatifs de l’opération « Safira ».
Une collaboration démontrée par les archives
Les sources manquent encore pour approfondir notre connaissance de cette opération. La double page d’Expresso est citée par la plupart des auteurs. Les travaux de l’historien Victor Pereira, s’ils ne mentionnent pas Saphir, mettent remarquablement en lumière les liens qui ont existé à l’époque entre services français et portugais [5]. « La collaboration entre la PIDE et le SDECE est, quant à elle, renforcée par les intérêts communs que possèdent les deux services en Afrique, écrit Pereira. Tous deux luttent contre le "péril communiste" et se montrent méfiants vis-à-vis de la présence des États-Unis sur ce continent ».
Le travail de dépouillement d’archives réalisé par ce chercheur permet de supposer que les contacts ont commencé en 1957 : « Constatant que les États-Unis soutiennent les mouvements nationalistes africains, les agences de renseignement des deux empires coloniaux qui prétendent alors résister à la décolonisation (de façon totale ou partielle) se rapprochent. Jusqu’en 1962, la collaboration entre les deux agences de renseignement s’inscrit dans le combat de deux puissances coloniales contre les mouvements nationalistes indépendantistes qui reçoivent un appui multiforme du bloc communiste. »
Le SDECE, explique Pereira, reçoit de la PIDE-DGS des informations sur les projets communistes en Afrique et appuie en retour, discrètement, des actions contre des régimes jugés hostiles - comme celui de la Guinée - en fournissant des armes et du renseignement. Signe de l’intensité de cette collaboration : entre 1957 et 1974, le SDECE envoie 2101 documents à la PIDE-DGS.
Jacques Foccart, selon le chercheur, joue un rôle pivot dans cette connexion entre les deux services. Le travail sur des dossiers africains d’intérêt commun a démarré avec le soutien apporté au sécessionniste katangais Moïse Tshombé. Il s’est poursuivi, explique Pereira, autour du dossier biafrais. Que se sont dit les deux services sur la mort de Cabral ? On l’ignore toujours.
[2] « PIDE e SEDEC teriam elaborado as linhas de acção », Journal Expresso, 24 janvier 1976, p14.
[3] Le Sénégal et la Côte d’Ivoire selon SOARES SOUSA Julião, Amílcar Cabral (1924-1973) Vida e morte de um revolucionário africano, Coimbra, edição do autor, p 567.
[4] FALIGOT Roger/GUISNEL Jean/KAUFFER Rémi, Histoire politique des services secrets français, Paris, La Découverte, 2012, pp 331-332
[5] PEREIRA Victor, La dictature de Salazar face à l’émigration. L’Etat portugais et ses migrants en France (1957-1974), Paris, Presse de Sciences Po, 2012.
Ce vendredi 13 janvier marquait les 60 ans jour pour jour de la mort du premier président élu du Togo, Sylvanus Olympio. Pour marquer cette date, ses partisans ont effectué un pèlerinage sur sa tombe.
Avec notre envoyé spécial à Agoué, Peter Sassou Dogbé
Le fils, Gilchrist Olympio, n’était pas là. Ce sont deux délégations différentes qui ont fait le pèlerinage ce vendredi matin à Agouè en territoire béninois pour les dépôts des gerbes de fleurs.
Tout d’abord, les membres de l’Union des forces de changement, le parti de Gilchrist Olympio, tous vêtus de blanc : parmi eux Naty de Souza, pour qui c’est un rituel depuis plusieurs années. « Chaque année, j'ai l'habitude de venir pour assister à la commémoration de l'anniversaire de la mort du président Olympio. »
Ensuite, les « femmes pyramides », une association de femmes de la société civile, toutes vêtues de noir, ont aussi déposé une gerbe. Miranda Aziakpor, la porte-parole de la délégation. « Quand il était en vie, il a lutté pour l'indépendance de ce pays, il a travaillé avec les braves femmes, donc nous aussi, en tant que femmes togolaises, femmes pyramides, nous voulons mettre nos pieds sur les pas de nos grands-mères pour lui rendre hommage, pour lui dire que tout le travail qu'il a pu accomplir avec nos grands-mamans, nous aussi, nous avons tissé notre code sur l'ancien code. »
À la mi-journée, tous partisans et héritiers politiques de Sylvanus Olympio se sont retrouvés autour de l’archevêque de Lomé à la cathédrale pour une messe pour le repos de son âme. Puis, les membres de l’Alliance nationale pour le changement se sont retrouvés à la rue Vauban, l’endroit où Sylvanus Olympio a été abattu, pour une libation.
Outre cette cérémonie en terres béninoises, une messe pontificale a également été célébrée à la cathédrale de Lomé par l'archevêque. Au cours de cette messe, l'ancien président de la commission Vérité, justice et réconciliation, entre 2009 et 2012, Mgr Nicodème Anani Barrigah a saisi l'occasion pour interpeler les acteurs politiques.
Du haut de cette tribune, je saisis cette occasion pour poser ces questions qui assaillent l'esprit de tant de Togolais : le temps n'est-il pas arrivé après 60 ans pour que nous regardions ensemble l'histoire de Sylvanus Olympio de manière plus dépassionnée afin d'envisager ensemble notre avenir. Le temps n'est-il pas venu pour que la dépouille mortelle de notre premier président puisse enfin reposer chez lui, dans la terre pour laquelle il s'est battu ?
Pourquoi le corps du père de la nation togolaise repose-t-il au Bénin ?
Depuis 1963, la dépouille du premier président du Togo repose à Agoué, une localité béninoise située sur la côte juste à la frontière. Un lieu qui ne doit rien au hasard : c'est là que les ancêtres de Sylvanus Olympio, venus du Brésil, se sont installés au XIXe siècle.
Après son assassinat, sa famille y transfère son corps clandestinement, selon Godwin Tété, auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire du Togo et d'une biographie du président.
L'écrivain soutient qu'au vu du contexte politique très tendu de l'époque, il paraissait imprudent d'inhumer le chef de l'Etat en terre togolaise. Une situation toujours complexe durant la présidence de Gnassingbé Eyadema, qui avait immédiatement affirmé devant la presse être l'assassin de Sylvanus Olympio, avant de revenir sur sa déclaration en 1992.
Vingt ans plus tard, alors que Faure Gnassingbé a succédé à son père à la tête du pays depuis 2005, une Commission vérité, justice et réconciliation recommande le rapatriement du corps du père de la nation togolaise. Mais sa famille s'y est toujours opposée.
Joint par RFI, Jean-Sylvanus Olympio, neveu du défunt président, explique qu'aucune excuse n'a été présentée par la famille Eyadéma, une condition indispensable pour que le premier président togolais repose dans son pays.
L’« Église noire », épicentre du peuple afro-américain
Analyse
Cet essai fouillé retrace cinq siècles d’histoire de la population afro-américaine, sous le prisme de son lien central avec les Églises communautaires du pays.
Malo Tresca,
Black Church
de Henry Louis Gates Jr
Traduit de l’américain par Serge Molla
Labor et Fides, 22 €, 304 p.
Une rare hauteur de vue pour mieux comprendre les tourments qui agitent aujourd’hui, outre-Atlantique, les communautés afro-américaines à l’ère du mouvement de protestation Black Lives Matter (« Les vies noires comptent ») et des violences suprémacistes blanches qui ne cessent d’y défrayer la chronique. C’est ce qu’offre cet essai documenté de l’historien Henry Louis Gates Jr, qui vient de paraître en français. Et sur un sujet aussi clivant et passionnel, dans une Amérique plus fracturée que jamais, il fallait au moins un homme de son envergure intellectuelle.
Pédagogue, le propos de l’auteur – aujourd’hui directeur du centre de recherche dédié à la culture africaine-américaine à l’université Harvard, et proche de l’ancien président Barack Obama – retrace ainsi l’itinéraire emprunté, au cours des cinq siècles derniers, par cette population déracinée sous l’angle inédit de son lien avec l’« Église noire ». L’expression peut d’emblée faire tiquer, à l’aune de la grande diversité des Églises et dénominations chrétiennes américaines.
« Église noire »
Reconnaissant qu’il n’existe pas de telle instance « monolithique », elle est assumée dès le préambule « par souci de clarté » pour « reconnaître au fil du temps l’importance des institutions de la religion organisée pour les Africains-Américains ». Cette mise au point faite, la réflexion s’attache à démontrer que l’« Église noire » demeure, depuis les prémices de sa fondation par les premières générations d’ancêtres esclaves embarqués vers le Nouveau Monde, un « centre de gravité spirituel, culturel, politique et social » pour cette population.
Des études nationales récentes corroborent d’ailleurs toujours cette idée, estimant à près de 80 % la part d’Africains-Américains qui déclarent toujours comme « très importante » la religion dans leur vie. Des premiers rassemblements où les captifs se livraient secrètement à des pratiques religieuses – alors teintées d’un syncrétisme certain – à l’émergence de la culture hip-hop et des gospels, en passant par la formation de personnalités issues de cette minorité sur la scène électorale, elle fut un lieu décisif dans la transformation sociétale opérée en Amérique.
Lieu, d’abord, de résistance à la suprématie blanche et de mobilisation pour la justice raciale et l’égalité des droits. Lieu, aussi, d’incubation de « talents musicaux et oratoires » d’artistes forgeant cette « culture noire » qui rayonnera ensuite à travers la planète. Lieu, enfin, d’inlassables débats sur les problèmes socioéconomiques et politiques qui taraudent toujours ce peuple. Le récit y mêle avec adresse des souvenirs familiaux et de foi intimes – Henry Louis Gates ayant, par ailleurs, vécu la ségrégation dans son enfance – avec des témoignages de croyants et de non-croyants, et des éclairages d’autres chercheurs, pasteurs ou artistes.
Part critique
Pratiques d’exclusion, d’intolérance, rôle de l’argent, place des femmes, questions de sexualité et de genre, système de « starification » menaçant des responsables religieux… Résistant aux écueils du manichéisme et de l’angélisme, cet essai livre encore un regard analytique critique sur les parts d’ombre passées et les défis plus contemporains qui guettent l’« Église noire ».
« Tout comme l’expérience noire elle-même, l’Église noire est diverse et contestée. Des tensions se manifestèrent dès sa naissance, entraînant rapidement des scissions confessionnelles, touchant des questions doctrinales, des conflits de personnalité, des manières de célébrer, des politiques de respectabilité, relatives au militantisme, à l’intégration, au nationalisme noir », postule encore l’auteur, pour qui « tout cela témoigne de lignes de faille plus larges dans la pensée et l’identité noires ».
Alors que l’« Église noire » n’en a pas fini de s’interroger sur sa place dans la société, cet essai contribue à mieux faire comprendre ce que signifie être noir et chrétien aux États-Unis aujourd’hui.
« J’ai l’immense plaisir de vous annoncer que j’ai été nommé vice-président du groupe d’amitié France-Algérie par le bureau de l’Assemblée nationale ! Cette nomination est le symbole de mon intérêt particulier pour les relations franco-algériennes. » C’est par ces deux phrases postées le 30 décembre sur son compte Twitter que le député du Rassemblement national (RN), José Gonzalez, pied-noir né à Oran en 1943, a annoncé sa nomination à la vice-présidence du groupe présidé par Fadila Khattabi, élue Renaissance.
Aussitôt rendu public, le choix du député des Bouches-du-Rhône (13) a suscité un tombereau de réactions indignées, tant en France qu’en Algérie. Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée et députée de la 10ᵉ circonscription du Val-de-Marne (94), évoque « un nostalgique de l’Algérie française et un défenseur de l’OAS. Cette nomination est une honte et une insulte. »
« Cette nomination par le bureau de l’Assemblée nationale est hautement emblématique de la légendaire et désastreuse bonne conscience coloniale et postcoloniale française, commente de son côté l’historien Fabrice Riceputi. Elle est un symptôme parmi d’autres d’une véritable aphasie postcoloniale, d’une incapacité à reconnaître la réalité de la colonisation et de la guerre coloniale d’Algérie, pourtant fort bien connue. »
Diplomatie parallèle
La désignation de cet élu du Rassemblement national s’est faite selon les procédures en vigueur pour la composition des groupes d’amitié, qui sont au nombre de 154 au sein de l’Assemblée nationale française. « Le nombre de vice-présidents est déterminé à la fois en fonction de l’effectif total du groupe d’amitié et de celui des groupes politiques de l’Assemblée, ceux de ces groupes dont le nombre de membres dépasse un certain seuil ayant droit à des vice-présidences supplémentaires », précise le règlement de l’hémicycle. Le RN, qui compte 89 députés, préside déjà deux groupes d’amitié, ceux de l’Inde et du Brésil. Le parti de Marine Le Pen a réussi à placer trois de ces élus (José Gonzalez, Bryan Masson et Géraldine Grangier) au sein de ce groupe d’amitié France-Algérie.
Fonctionnant comme une sorte de diplomatie parallèle, les groupes d’amitié mettent en contact les députés français avec les acteurs des relations bilatérales : ambassadeurs du pays en poste en France, diplomates du Quai d’Orsay, spécialistes du pays, journalistes, hommes d’affaires, artistes ou responsables d’associations… Ces contacts et ces échanges, indique une note de l’Assemblée nationale, peuvent prendre la forme d’auditions ou de rencontres au sein de l’hémicycle. Les membres d’un groupe amitié organisent régulièrement des réunions de travail lorsqu’une personnalité parlementaire ou gouvernementale du pays concerné se rend en France pour une visite officielle.
De fait, les trois élus du RN et particulièrement José Gonzalez pourraient être amenés au cours de cette législature à rencontrer des personnalités algériennes dans le cadre des activités du groupe d’amitié France-Algérie. Même si la désignation de Gonzalez n’a pas fait l’objet de commentaires ou de réactions officielles à Alger ou à Paris, elle n’est pas de nature à faciliter les activités de ce groupe d’amitié, alors que les relations entre les deux pays sont au beau fixe depuis la visite de Macron en Algérie en août 2022. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune devrait effectuer une visite officielle en France dans le courant de cette année.
Nostalgiques et rapatriés
C’est qu’avant de faire l’actualité avec sa nomination au groupe d’amitié France-Algérie – qui comprend 67 membres dont 9 vice-présidents -, José Gonzalez avait déjà défrayé la chronique le 28 juin 2022. Ce jour-là, le député du RN ouvrait, en tant que doyen, la séance inaugurale de la 16e législature au Palais Bourbon, en s’adressant aux nostalgiques de l’Algérie française et aux rapatriés de 1962. « J’ai laissé là-bas une partie de ma France. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie par le sentiment d’abandon », déclarait-il dans son discours lu et amendé par Marine Le Pen.
Tollé au sein de la nouvelle assemblée. De nombreux députés seront encore plus scandalisés par les propos qu’il tiendra à la presse dans la salle des Quatre-Colonnes, peu de temps après son discours. Questionné sur les crimes coloniaux commis par la France en Algérie, il lance : « Venez avec moi en Algérie dans le djebel, je vais vous trouver beaucoup d’Algériens qui vont vous dire : quand est-ce que vous [les Français] revenez ? »
José Gonzalez arrive à Marseille à l’âge de 19 ans, après la signature des accords d’Évian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie. Directeur d’une auto-école, puis membre de la Chambre de commerce et d’industrie d’Aix-Marseille-Provence, il s’engage dans les rangs du Front national après une rencontre en 1978 avec Jean-Marie Le Pen. Élu municipal et conseiller régional, il ne quittera plus le parti d’extrême et ne cache pas son admiration pour son fondateur. « C’est la politique qu’il [Le Pen, NDLR] menait pour le devenir de la France qui me plaisait. J’étais à peu près d’accord sur toutes les idées, donc je me suis engagé à ses côtés tout en restant à ma place sur mon territoire », expliquait-il sur Europe 1 en juin 2022. Il recevra d’ailleurs les félicitations de Le Pen père pour son discours inaugural à l’Assemblée nationale.
Ayant vécu à Oran jusqu’à l’âge de 19 ans, José Gonzalez ne peut pas ignorer la terreur que l’OAS a fait régner dans cette ville entre 1961 et 1962. C’est le général Edmond Jouhaud, l’un des quatre officiers qui ont fomenté de putsch d’avril 1961, qui y dirigeait l’organisation illégale dont il était l’un des fondateurs. Assassinats individuels, massacres collectifs, attentats à la bombe et à la voiture piégée… les membres de l’OAS ciblaient Algériens et Européens sans distinction (diverses sources historiques estiment le nombre total de ses victimes à 2 700). Ce climat de guerre totale s’est intensifié encore davantage après la proclamation du cessez-le-feu de mars 1962, prélude à l’indépendance de l’Algérie. À Oran, les « équipes spéciales » de l’OAS interdisaient notamment aux Européens de quitter l’Algérie pour la métropole.
On ignore encore si, dans le cadre de ses nouvelles fonctions au sein du groupe d’amitié entre les deux pays, José Gonzalez aura l’occasion de retourner un jour dans le djebel en Algérie. Ce qui semble à peu près certain, c’est qu’il n’y sera pas le bienvenu.