Histoire

Togo: 60 ans après sa mort, les partisans du président Olympio lui rendent hommage au Bénin

Ce vendredi 13 janvier marquait les 60 ans jour pour jour de la mort du premier président élu du Togo, Sylvanus Olympio. Pour marquer cette date, ses partisans ont effectué un pèlerinage sur sa tombe.

Avec notre envoyé spécial à Agoué, Peter Sassou Dogbé

Le fils, Gilchrist Olympio, n’était pas là. Ce sont deux délégations différentes qui ont fait le pèlerinage ce vendredi matin à Agouè en territoire béninois pour les dépôts des gerbes de fleurs.   

Tout d’abord, les membres de l’Union des forces de changement, le parti de Gilchrist Olympio, tous vêtus de blanc : parmi eux Naty de Souza, pour qui c’est un rituel depuis plusieurs années. « Chaque année, j'ai l'habitude de venir pour assister à la commémoration de l'anniversaire de la mort du président Olympio. » 

 À lire aussi : Togo: veillée à la mémoire de l’ex-président Sylvanus Olympio, assassiné il y a 60 ans

Ensuite, les « femmes pyramides », une association de femmes de la société civile, toutes vêtues de noir, ont aussi déposé une gerbe. Miranda Aziakpor, la porte-parole de la délégation. « Quand il était en vie, il a lutté pour l'indépendance de ce pays, il a travaillé avec les braves femmes, donc nous aussi, en tant que femmes togolaises, femmes pyramides, nous voulons mettre nos pieds sur les pas de nos grands-mères pour lui rendre hommage, pour lui dire que tout le travail qu'il a pu accomplir avec nos grands-mamans, nous aussi, nous avons tissé notre code sur l'ancien code. » 

À la mi-journée, tous partisans et héritiers politiques de Sylvanus Olympio se sont retrouvés autour de l’archevêque de Lomé à la cathédrale pour une messe pour le repos de son âme. Puis, les membres de l’Alliance nationale pour le changement se sont retrouvés à la rue Vauban, l’endroit où Sylvanus Olympio a été abattu, pour une libation. 

Outre cette cérémonie en terres béninoises, une messe pontificale a également été célébrée à la cathédrale de Lomé par l'archevêque. Au cours de cette messe, l'ancien président de la commission Vérité, justice et réconciliation, entre 2009 et 2012, Mgr Nicodème Anani Barrigah a saisi l'occasion pour interpeler les acteurs politiques.

Du haut de cette tribune, je saisis cette occasion pour poser ces questions qui assaillent l'esprit de tant de Togolais :
le temps n'est-il pas arrivé après 60 ans pour que nous regardions ensemble l'histoire de Sylvanus Olympio de manière plus dépassionnée afin d'envisager ensemble notre avenir. Le temps n'est-il pas venu pour que la dépouille mortelle de notre premier président puisse enfin reposer chez lui, dans la terre pour laquelle il s'est battu ?

Mgr Nicodème Anani Barrigah

A (ré)écouter ► Invité Afrique: Assassinat de Sylvanus Olympio, ancien président du Togo: les archives françaises peuvent-elles parler?

Pourquoi le corps du père de la nation togolaise repose-t-il au Bénin ?

Depuis 1963, la dépouille du premier président du Togo repose à Agoué, une localité béninoise située sur la côte juste à la frontière. Un lieu qui ne doit rien au hasard : c'est là que les ancêtres de Sylvanus Olympio, venus du Brésil, se sont installés au XIXe siècle. 

Après son assassinat, sa famille y transfère son corps clandestinement, selon Godwin Tété, auteur de plusieurs ouvrages sur l'histoire du Togo et d'une biographie du président.

L'écrivain soutient qu'au vu du contexte politique très tendu de l'époque, il paraissait imprudent d'inhumer le chef de l'Etat en terre togolaise. Une situation toujours complexe durant la présidence de Gnassingbé Eyadema, qui avait immédiatement affirmé devant la presse être l'assassin de Sylvanus Olympio, avant de revenir sur sa déclaration en 1992.

Vingt ans plus tard, alors que Faure Gnassingbé a succédé à son père à la tête du pays depuis 2005, une Commission vérité, justice et réconciliation recommande le rapatriement du corps du père de la nation togolaise. Mais sa famille s'y est toujours opposée.

Joint par RFI, Jean-Sylvanus Olympio, neveu du défunt président, explique qu'aucune excuse n'a été présentée par la famille Eyadéma, une condition indispensable pour que le premier président togolais repose dans son pays.
 

L’« Église noire », épicentre du peuple afro-américain

Analyse 

Cet essai fouillé retrace cinq siècles d’histoire de la population afro-américaine, sous le prisme de son lien central avec les Églises communautaires du pays.

  • Malo Tresca, 
L’« Église noire », épicentre du peuple afro-américain
 
Office dans une église baptiste de Houston (Texas), en 2017. Le récit de « Black Church » mêle habilement souvenirs personnels, témoignages et éclairages d’autres chercheurs, pasteurs ou artistes. ALEX WEBB / MAGNUM PHOTOS

Black Church

de Henry Louis Gates Jr

Traduit de l’américain par Serge Molla

Labor et Fides, 22 €, 304 p.

Une rare hauteur de vue pour mieux comprendre les tourments qui agitent aujourd’hui, outre-Atlantique, les communautés afro-américaines à l’ère du mouvement de protestation Black Lives Matter (« Les vies noires comptent ») et des violences suprémacistes blanches qui ne cessent d’y défrayer la chronique. C’est ce qu’offre cet essai documenté de l’historien Henry Louis Gates Jr, qui vient de paraître en français. Et sur un sujet aussi clivant et passionnel, dans une Amérique plus fracturée que jamais, il fallait au moins un homme de son envergure intellectuelle.

Pédagogue, le propos de l’auteur – aujourd’hui directeur du centre de recherche dédié à la culture africaine-américaine à l’université Harvard, et proche de l’ancien président Barack Obama – retrace ainsi l’itinéraire emprunté, au cours des cinq siècles derniers, par cette population déracinée sous l’angle inédit de son lien avec l’« Église noire ». L’expression peut d’emblée faire tiquer, à l’aune de la grande diversité des Églises et dénominations chrétiennes américaines.

« Église noire »

Reconnaissant qu’il n’existe pas de telle instance « monolithique », elle est assumée dès le préambule « par souci de clarté » pour « reconnaître au fil du temps l’importance des institutions de la religion organisée pour les Africains-Américains ». Cette mise au point faite, la réflexion s’attache à démontrer que l’« Église noire » demeure, depuis les prémices de sa fondation par les premières générations d’ancêtres esclaves embarqués vers le Nouveau Monde, un « centre de gravité spirituel, culturel, politique et social » pour cette population.

Des études nationales récentes corroborent d’ailleurs toujours cette idée, estimant à près de 80 % la part d’Africains-Américains qui déclarent toujours comme « très importante » la religion dans leur vie. Des premiers rassemblements où les captifs se livraient secrètement à des pratiques religieuses – alors teintées d’un syncrétisme certain – à l’émergence de la culture hip-hop et des gospels, en passant par la formation de personnalités issues de cette minorité sur la scène électorale, elle fut un lieu décisif dans la transformation sociétale opérée en Amérique.

Lieu, d’abord, de résistance à la suprématie blanche et de mobilisation pour la justice raciale et l’égalité des droits. Lieu, aussi, d’incubation de « talents musicaux et oratoires » d’artistes forgeant cette « culture noire » qui rayonnera ensuite à travers la planète. Lieu, enfin, d’inlassables débats sur les problèmes socioéconomiques et politiques qui taraudent toujours ce peuple. Le récit y mêle avec adresse des souvenirs familiaux et de foi intimes – Henry Louis Gates ayant, par ailleurs, vécu la ségrégation dans son enfance – avec des témoignages de croyants et de non-croyants, et des éclairages d’autres chercheurs, pasteurs ou artistes.

Part critique

Pratiques d’exclusion, d’intolérance, rôle de l’argent, place des femmes, questions de sexualité et de genre, système de « starification » menaçant des responsables religieux… Résistant aux écueils du manichéisme et de l’angélisme, cet essai livre encore un regard analytique critique sur les parts d’ombre passées et les défis plus contemporains qui guettent l’« Église noire ».

« Tout comme l’expérience noire elle-même, l’Église noire est diverse et contestée. Des tensions se manifestèrent dès sa naissance, entraînant rapidement des scissions confessionnelles, touchant des questions doctrinales, des conflits de personnalité, des manières de célébrer, des politiques de respectabilité, relatives au militantisme, à l’intégration, au nationalisme noir », postule encore l’auteur, pour qui « tout cela témoigne de lignes de faille plus larges dans la pensée et l’identité noires ».

Alors que l’« Église noire » n’en a pas fini de s’interroger sur sa place dans la société, cet essai contribue à mieux faire comprendre ce que signifie être noir et chrétien aux États-Unis aujourd’hui.

 

Un nostalgique de l’Algérie française à la vice-présidence du groupe d’amitié France-Algérie

Les propos du député RN José Gonzalez sur la colonisation et l’OAS avaient fait scandale à l’Assemblée nationale en juin 2022.

Mis à jour le 3 janvier 2023 à 13:43
 
 
 gonzalvez

 

 

José Gonzalez à l’Assemblée nationale, le 8 décembre 2022. © Magali Cohen/Hans Lucas via AFP

 

« J’ai l’immense plaisir de vous annoncer que j’ai été nommé vice-président du groupe d’amitié France-Algérie par le bureau de l’Assemblée nationale ! Cette nomination est le symbole de mon intérêt particulier pour les relations franco-algériennes. » C’est par ces deux phrases postées le 30 décembre sur son compte Twitter que le député du Rassemblement national (RN), José Gonzalez, pied-noir né à Oran en 1943, a annoncé sa nomination à la vice-présidence du groupe présidé par Fadila Khattabi, élue Renaissance.

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Aussitôt rendu public, le choix du député des Bouches-du-Rhône (13) a suscité un tombereau de réactions indignées, tant en France qu’en Algérie. Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée et députée de la 10ᵉ circonscription du Val-de-Marne (94), évoque « un nostalgique de l’Algérie française et un défenseur de l’OAS. Cette nomination est une honte et une insulte. »

« Cette nomination par le bureau de l’Assemblée nationale est hautement emblématique de la légendaire et désastreuse bonne conscience coloniale et postcoloniale française, commente de son côté l’historien Fabrice Riceputi. Elle est un symptôme parmi d’autres d’une véritable aphasie postcoloniale, d’une incapacité à reconnaître la réalité de la colonisation et de la guerre coloniale d’Algérie, pourtant fort bien connue. »

Diplomatie parallèle

La désignation de cet élu du Rassemblement national s’est faite selon les procédures en vigueur pour la composition des groupes d’amitié, qui sont au nombre de 154 au sein de l’Assemblée nationale française. « Le nombre de vice-présidents est déterminé à la fois en fonction de l’effectif total du groupe d’amitié et de celui des groupes politiques de l’Assemblée, ceux de ces groupes dont le nombre de membres dépasse un certain seuil ayant droit à des vice-présidences supplémentaires », précise le règlement de l’hémicycle. Le RN, qui compte 89 députés, préside déjà deux groupes d’amitié, ceux de l’Inde et du Brésil. Le parti de Marine Le Pen a réussi à placer trois de ces élus (José Gonzalez, Bryan Masson et Géraldine Grangier) au sein de ce groupe d’amitié France-Algérie.

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Fonctionnant comme une sorte de diplomatie parallèle, les groupes d’amitié mettent en contact les députés français avec les acteurs des relations bilatérales : ambassadeurs du pays en poste en France, diplomates du Quai d’Orsay, spécialistes du pays, journalistes, hommes d’affaires, artistes ou responsables d’associations… Ces contacts et ces échanges, indique une note de l’Assemblée nationale, peuvent prendre la forme d’auditions ou de rencontres au sein de l’hémicycle. Les membres d’un groupe amitié organisent régulièrement des réunions de travail lorsqu’une personnalité parlementaire ou gouvernementale du pays concerné se rend en France pour une visite officielle.

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De fait, les trois élus du RN et particulièrement José Gonzalez pourraient être amenés au cours de cette législature à rencontrer des personnalités algériennes dans le cadre des activités du groupe d’amitié France-Algérie. Même si la désignation de Gonzalez n’a pas fait l’objet de commentaires ou de réactions officielles à Alger ou à Paris, elle n’est pas de nature à faciliter les activités de ce groupe d’amitié, alors que les relations entre les deux pays sont au beau fixe depuis la visite de Macron en Algérie en août 2022. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune devrait effectuer une visite officielle en France dans le courant de cette année.

Nostalgiques et rapatriés

C’est qu’avant de faire l’actualité avec sa nomination au groupe d’amitié France-Algérie – qui comprend 67 membres dont 9 vice-présidents -, José Gonzalez avait déjà défrayé la chronique le 28 juin 2022. Ce jour-là, le député du RN ouvrait, en tant que doyen, la séance inaugurale de la 16e législature au Palais Bourbon, en s’adressant aux nostalgiques de l’Algérie française et aux rapatriés de 1962. « J’ai laissé là-bas une partie de ma France. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie par le sentiment d’abandon », déclarait-il dans son discours lu et amendé par Marine Le Pen.

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Tollé au sein de la nouvelle assemblée. De nombreux députés seront encore plus scandalisés par les propos qu’il tiendra à la presse dans la salle des Quatre-Colonnes, peu de temps après son discours. Questionné sur les crimes coloniaux commis par la France en Algérie, il lance : « Venez avec moi en Algérie dans le djebel, je vais vous trouver beaucoup d’Algériens qui vont vous dire : quand est-ce que vous [les Français] revenez ? »

Interrogé sur les crimes commis par l’OAS (Organisation armée secrète) qui a semé la terreur en Algérie entre 1961 et 1962, José Gonzalez a botté en touche : « Je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes ou pas. » Dans la foulée, il considérait qu’Emmanuel Macron avait commis « une erreur monumentale » en qualifiant la colonisation française en Algérie de « crime contre l’humanité ».

Admiration pour Jean-Marie Le Pen

José Gonzalez arrive à Marseille à l’âge de 19 ans, après la signature des accords d’Évian qui ont mis fin à la guerre d’Algérie. Directeur d’une auto-école, puis membre de la Chambre de commerce et d’industrie d’Aix-Marseille-Provence, il s’engage dans les rangs du Front national après une rencontre en 1978 avec Jean-Marie Le Pen. Élu municipal et conseiller régional, il ne quittera plus le parti d’extrême et ne cache pas son admiration pour son fondateur. « C’est la politique qu’il [Le Pen, NDLR] menait pour le devenir de la France qui me plaisait. J’étais à peu près d’accord sur toutes les idées, donc je me suis engagé à ses côtés tout en restant à ma place sur mon territoire », expliquait-il sur Europe 1 en juin 2022. Il recevra d’ailleurs les félicitations de Le Pen père pour son discours inaugural à l’Assemblée nationale.

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Ayant vécu à Oran jusqu’à l’âge de 19 ans, José Gonzalez ne peut pas ignorer la terreur que l’OAS a fait régner dans cette ville entre 1961 et 1962. C’est le général Edmond Jouhaud, l’un des quatre officiers qui ont fomenté de putsch d’avril 1961, qui y dirigeait l’organisation illégale dont il était l’un des fondateurs. Assassinats individuels, massacres collectifs, attentats à la bombe et à la voiture piégée… les membres de l’OAS ciblaient Algériens et Européens sans distinction (diverses sources historiques estiment le nombre total de ses victimes à 2 700). Ce climat de guerre totale s’est intensifié encore davantage après la proclamation du cessez-le-feu de mars 1962, prélude à l’indépendance de l’Algérie. À Oran, les « équipes spéciales » de l’OAS interdisaient notamment aux Européens de quitter l’Algérie pour la métropole.

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On ignore encore si, dans le cadre de ses nouvelles fonctions au sein du groupe d’amitié entre les deux pays, José Gonzalez aura l’occasion de retourner un jour dans le djebel en Algérie. Ce qui semble à peu près certain, c’est qu’il n’y sera pas le bienvenu.

2022 : les mots et objets qui ont marqué l’année

Sélection 

Des noms, des sigles et des mots ont surgi durant l’année écoulée, marquant de leur empreinte l’actualité. Des objets sont également devenus des emblèmes ou des symboles, frappant les esprits ou les imaginations. « La Croix » en a retenu 20, certains fugaces, d’autres durables, tous évoquant des temps forts d’une actualité riche en rebonds.

  • La rédaction de La Croix, 
2022 : les mots et objets qui ont marqué l’année
 
Rassemblement à Téhéran, le 17 octobre, en réaction à la mort de la jeune Kurde Mahsa Jina Amini.IRANWIRE/MEI-REA

► La table XXL de Vladimir Poutine

D’ordinaire les tables rassemblent. Celle de Vladimir Poutine met à distance : à six mètres d’écart, d’une extrémité à l’autre. Le meuble surdimensionné, en hêtre laqué assorti de feuille d’or, a été la star de l’entrevue entre Emmanuel ­Macron et Vladimir Poutine début février.

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Le président français n’a pas réussi à se faire entendre par le maître des lieux : quelques jours après sa visite, la Russie envahissait l’Ukraine. Le décor aseptisé, le visage impassible de Vladimir Poutine et le bouquet de fleurs, très seul sur l’immense meuble blanc, ont contribué à faire de la scène un symbole du fossé entre Russes et Occidentaux.

 

2022 : les mots et objets qui ont marqué l’année

L’image a aussi fait la joie des réseaux sociaux. Les utilisateurs ont détourné la table pour la transformer en terrain de badminton ou en piste de curling. Plus qu’un signe d’hostilité, la table faisait partie du protocole anti-Covid du ­Kremlin. Ces précautions extrêmes ont d’ailleurs renforcé les interrogations sur l’état de santé de Vladimir Poutine. L’objet a même déclenché une querelle inattendue, un designer italien et un artisan espagnol revendiquant tous les deux sa paternité.

Hadrien Valat

 

► Intelligence artificielle

Avez-vous déjà rêvé de lire un poème sur l’amour façon Rimbaud à l’ère des sites de rencontres ou d’admirer la peinture d’une loutre à la perle style Vermeer ? De nouveaux programmes d’intelligence artificielle s’en chargent pour vous. Dall-E et ChatGPT, deux outils informatiques lancés par l’entreprise « à but lucratif plafonné » ­OpenAI, ont fait une entrée fracassante sur la scène numérique mondiale en 2022.

Le premier vous propose, à partir d’un texte proposé par l’utilisateur, de composer une image inédite. Le second répond à n’importe quelle question, et peut même pondre un texte nouveau en copiant la plume de votre auteur favori. De quoi alimenter le débat sur la place de l’intelligence artificielle dans nos sociétés, tant ces nouveaux acteurs viennent bousculer notre rapport à l’art et à la production originale d’œuvres.

Matthias Colboc

► Soupe à la tomate

Nous aurions également pu choisir « purée », « sauce » ou même « colle », car toutes ces substances ont un point commun : elles ont été projetées sur des œuvres d’art exposées dans des musées. Ce phénomène frappe les institutions du monde entier depuis septembre, du Musée d’Orsay au Prado de Madrid, en passant par le Musée Barberini de ­Potsdam et la National Gallery de Londres.

Cette série noire est revendiquée par des militants écologistes membres du collectif Just Stop Oil, qui défend la nécessité d’arrêter la production de combustibles fossiles à travers des actions coup de poing non violentes. Ainsi a-t-on pu voir les Tournesols de Van Gogh dégouliner de soupe à la tomate et La Jeune Fille à la perle de Vermeer nous regarder à travers un écran de sauce.

Ces œuvres n’ont heureusement pas été endommagées, puisqu’elles étaient protégées par des vitres. Reste que de telles actions suscitent, au mieux, l’incompréhension de l’opinion publique. « Mettre en rivalité la vie ou la planète avec l’art est absurde, s’indignait Laurence Bertrand Dorléac dans La Croix. On ne peut se passer ni des uns ni des autres, tout fait monde. »

Camille Auchère

► Le voile des Iraniennes

Ôté, jeté, piétiné, brûlé… le voile islamique est devenu en creux, et avec le slogan « Femme, vie, liberté », le symbole de la révolte des Iraniennes face à l’oppression imposée depuis les premières heures de la Révolution islamique en 1979. À l’époque, la femme est présentée comme une perle que le voile protège telle une coquille ou un écrin…

La mort, le 16 septembre de la jeune Kurde Mahsa Jina Amini, arrêtée pour non-respect du code vestimentaire de la République islamique, a fait exploser le rejet viscéral de ce morceau de tissu obligatoire. Cet objet très politique s’est retourné contre ceux qui l’imposaient. Du « mauvais voile » dans les années 1980, volontairement mal mis, laissant des cheveux dépasser, coloré, trop ceci ou pas assez cela aux yeux de la police des mœurs, la résistance passive des Iraniennes s’est muée en acte militant.

Malgré le harcèlement, les balles et les exécutions, pas un jour ne passe sans que des Iraniennes de tous âges et de tous milieux se dévoilent pour montrer un autre « symbole » : leurs cheveux dans lesquels s’engouffre le vent de la liberté.

Julie Connan

► 49.3

C’est un nombre presque devenu un nom commun : le 49.3. C’est pourtant un article de la Constitution qui n’existe pas, puisque l’article 49 est suivi de l’article 50, lui-même suivi d’un article 50-1. En effet, point d’article 49-1, 49-2, 49-3 ou 49-4 à se mettre sous la dent ! L’article 49 de la Constitution contient en revanche bien un troisième alinéa : « Le premier ministre peut (…) engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale (…). Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure (…) est votée (…). »

Le voilà, le précieux sésame qui permet à un gouvernement de légiférer sans majorité absolue à l’Assemblée nationale. Pour l’adoption des projets de loi de finances pour 2023, État et Sécurité sociale, le « 49.3 » (le point indiquant donc l’alinéa) a ainsi été utilisé pas moins de dix fois par Élisabeth Borne, provoquant douze motions de censure, toutes rejetées. Mais attention, en dehors des projets de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale, il ne peut être armé que pour un autre texte par session, c’est-à-dire jusqu’à juin 2023.

En attendant, ses équipes ont offert à Élisabeth Borne un cadeau de fin d’année symbolique : un maillot de l’équipe de France de football, portant le numéro 49 à l’avant et le chiffre 3 à l’arrière.

Laurent de Boissieu

► Inflation

Indicateur fétiche des macroéconomistes, l’inflation a fait un retour fracassant dans les pays industrialisés en 2022. Alors que la hausse des prix en France était restée sous 2 % depuis vingt ans – s’affichant même à 0 % en 2015 –, elle a atteint 6,2 % fin novembre sur un an. Et encore, la France s’en sort mieux que ses voisins grâce au bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie mis en place par le gouvernement.

La flambée des prix a atteint plus de 11 % au Royaume-Uni sur un an, 10 % en Allemagne, 8,5 % en Espagne… Amorcé en 2021 avec le redémarrage économique de l’après-Covid, le phénomène a pris de l’ampleur avec les conséquences de l’agression russe en Ukraine sur les prix de l’énergie. Au point que la valse des étiquettes et ses effets sur le pouvoir d’achat des ménages ont alimenté une grande partie des débats de la campagne présidentielle en France.

L’année 2023 s’annonce plus clémente, même si plus personne n’envisage le retour à la situation antérieure. Le pic inflationniste a été atteint dès septembre aux États-Unis et devrait être franchi dans la zone euro au prochain semestre.

Thomas Fraisse

► Bidon d’essence

« Nous demandons aux préfets de prendre des dispositions pour empêcher les stockages inutiles » : la déclaration, en date du 10 octobre, vient de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Les stockages inutiles ? En l’occurrence, des bidons d’essence remplis par des automobilistes exaspérés des longues files d’attente devant les stations-service ou qui pensent pouvoir revendre un carburant devenu rare…

Du 27 septembre ou 8 novembre, un mouvement social de grande ampleur dans les raffineries et dépôts pétroliers de Total et d’Esso provoque des tensions dans l’approvisionnement en carburant, particulièrement ressenties dans les Hauts-de-France et en région parisienne. En cause ? Les demandes de revalorisations salariales portées par les syndicats, CGT en tête. Après un accord avec les directions des deux groupes pétroliers, les derniers grévistes de la raffinerie TotalEnergies de Feyzin (Rhône) suspendent leur mouvement le 8 novembre.

Thomas Fraisse

► Deux couronnes pour un roi

Roi du Royaume-Uni et des autres royaumes du Commonwealth depuis le 8 septembre 2022, jour du décès de sa mère Elizabeth II, le roi Charles sera couronné le 6 mai 2023, à l’abbaye de Westminster. Il recevra alors la couronne dite de saint Édouard, qui avait été fabriquée pour le couronnement de Charles II en 1661. Elle est composée de quatre croix pattées, de quatre fleurs de lys et de deux arches.

Allégée en 1911, elle pèse plus de deux kilos d’or massif, de pierres précieuses et semi-précieuses, rubis, saphirs, améthystes. Elle est garnie d’une toque de velours violet ourlée d’hermine et ne sort de la Tour de Londres que pour les couronnements, dont le dernier en date fut celui de Elizabeth II en 1953.

À la sortie de l’abbaye, Charles III portera la couronne impériale d’État créée pour le sacre du roi George VI, son grand-père, en 1937, et utilisée aussi lors de l’ouverture de l’année parlementaire. Moins lourde, elle est sertie de 2 868 diamants, 17 saphirs, 11 émeraudes, 269 perles et quatre rubis.

Agnès Rotivel

► Qatargate

En pleine Coupe du monde de football, le nom du pays organisateur, le Qatar, a été affublé du suffixe « gate » qu’on accole à tout grand scandale depuis l’affaire du Watergate. Jamais tel opprobre n’avait été jeté sur le Parlement européen, après la mise en examen pour corruption et blanchiment de l’eurodéputée grecque Eva Kaili et de l’ex-député européen Antonio Panzeri, en lien avec l’émirat. Au fil de l’enquête menée par le juge d’instruction belge Michel Claise, l’affaire s’avère tout autant un Qatargate qu’un Marocgate, une partie de l’argent trouvé lors des perquisitions étant soupçonnée de provenir de Rabat.

Le scandale a obligé la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, à annoncer des « réformes d’ampleur » dès 2023 : protection des lanceurs d’alerte, interdiction des groupes d’amitié non officiels, renforcement du registre de transparence sur l’agenda des élus. Dans le viseur, le Qatar, gros producteur de gaz liquéfié, a mis en garde contre un « impact négatif » sur ses relations commerciales avec l’UE.

Jean-Baptiste François

► Le tee-shirt de Zelensky

En tombant la chemise pour le tee-shirt kaki, au lendemain de l’invasion russe du 24 février, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a envoyé un message à ses concitoyens et au reste du monde : celui d’un chef d’État combattant au plus près du terrain. Au fil des mois et des rencontres avec les dirigeants occidentaux, ce bout de tissu vert olive est devenu un uniforme présidentiel, décliné en plusieurs modèles : avec l’emblème de l’armée ukrainienne, les couleurs bleu et jaune, l’écusson 5.11 de la marque américaine Tactical…

 

2022 : les mots et objets qui ont marqué l’année

 

Toujours à manches courtes, le vêtement se porte près du corps, soulignant au passage les biceps d’un dirigeant martial qui soigne sa musculature. Le visage mal rasé et les poches sous les yeux accentuent le symbole d’un responsable toujours sur la brèche. L’homme apparaît par contraste plus jeune et plus viril que Vladimir Poutine, qui arborait lui aussi ses muscles dans les années 2000. Question communication, c’est un coup de maître. Le tee-shirt de Zelensky a participé au processus d’héroïsation d’une société mobilisée contre l’agresseur.

Olivier Tallès

► Sécheresse

Les plus âgés se souvenaient de 1976. Les plus jeunes avaient en mémoire 1989. Avec un déficit de précipitations de l’ordre de 25 % par rapport à la normale, l’année 2022 devrait constituer un nouveau record en matière de sécheresse en France, avec un mois de juillet très peu arrosé.

Aucune partie du territoire n’a échappé à un phénomène qui a touché en premier lieu les agriculteurs. Sols craquelés, végétation perdant ses feuilles… Au cœur de l’été, 93 départements métropolitains ont dû adopter des mesures limitant l’usage de l’eau. C’est la Gironde qui a payé le prix le plus élevé.

Conjugué à des chaleurs caniculaires, le manque de pluie a transformé la forêt des Landes de Gascogne en poudrière. Au total, 32 800 hectares sont partis en fumée dans ce département.
Et plus de 65 000 en France.

Pascal Charrier

► Pull à col roulé

Le 27 septembre dernier, sur France Inter, le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire annonce qu’il va troquer cet hiver la cravate contre un col roulé. S’ensuit un déluge de railleries sur les réseaux sociaux, auquel le ministre répondra par une longue tirade sur sa page Facebook.

Au-delà de l’anecdote, le pull à col roulé devient le symbole des efforts de sobriété demandés aux Français pour passer une saison hivernale qui s’annonce délicate. Entre la Russie qui coupe le robinet du gaz et la moitié du parc nucléaire français à l’arrêt pour des problèmes de corrosion, le gouvernement craint de fortes tensions sur le système énergétique. Sans compter des factures de gaz et d’électricité qui s’envolent. Le gouvernement présente un plan de sobriété énergétique le 6 octobre, qui recommande aux ménages de baisser le chauffage à 19 °C dans les pièces principales. La consigne est la même pour les bureaux, d’où l’utilité de se vêtir chaudement chez soi… et au travail !

Thomas Fraisse

► Très chère « Marilyn »…

C’est désormais l’œuvre du XXe siècle la plus chère jamais vendue aux enchères. Shot Sage Blue Marilyn d’Andy Warhol s’est envolée le 9 mai 2022 chez Christie’s à New York pour 195,04 millions de dollars (183 millions d’euros), dans une année record pour le marché de l’art.

 

2022 : les mots et objets qui ont marqué l’année

Cette sérigraphie sur toile fait partie d’une série de cinq « Marilyn » réalisées par le maître du pop art en 1964, deux ans après le suicide de la star, d’après une photographie promotionnelle du film Niagara (1953). À peine achevées, quatre d’entre elles avaient essuyé un coup de feu tiré dans la Factory de Warhol par une artiste, Dorothy Podber, d’où leur nom de « Shot Marilyn ». De quoi pimenter un peu plus l’aura de cette icône tragique.

Sabine Gignoux

► Pensionnat

Le 25 juillet 2022, c’est une déclaration historique du pape François qui met enfin des mots sur le traumatisme des pensionnats autochtones au Canada« Je suis affligé. Je demande pardon », déclare le pape devant des milliers de descendants des tribus autochtones, évoquant des « abus physiques et verbaux, psychologiques et spirituels » sur 150 000 enfants accueillis au sein de ces institutions.

Entre 1831 et 1996, ces enfants autochtones furent accueillis dans des pensionnats tenus par l’Église catholique. Afin de les « civiliser », ils furent séparés de leur famille et coupés de leur langue et de leur culture. Depuis des décennies, les peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada dénoncent les sévices subis. En 2021, l’opinion publique a pris réellement conscience de l’ampleur du phénomène avec les découvertes successives de 1 300 dépouilles, là où se tenaient autrefois les pensionnats. Au moins 6 000 enfants sont morts derrière les murs de ces institutions, sans compter les victimes de violences physiques et psychologiques.

Perrine Arbitre

► Roe v. Wade

L’arrêt « Roe v. Wade » de la Cour suprême des États-Unis aura joué un rôle central dans la vie politique américaine pendant près d’un demi-siècle : sa remise en cause était l’objectif prioritaire de la droite religieuse, de plus en plus influente au sein du Parti républicain. Elle a obtenu gain de cause le 24 juin 2022, quand les juges de la plus haute instance judiciaire des États-Unis sont revenus sur la décision de 1973, synonyme de légalisation de l’avortement.

Le 22 janvier 1973, c’est au terme d’une bataille de près de trois ans devant les tribunaux que la Cour suprême avait tranché, donnant raison à une jeune femme qui avait attaqué la loi texane interdisant l’IVG. La plaignante, sous le pseudonyme de Jane Roe, avait saisi le tribunal de Dallas, et l’affaire avait suivi son cours jusqu’au sommet de la pyramide judiciaire. Henry Wade, procureur de Dallas, défendait la position du Texas. L’arrêt est entré dans l’histoire sous le nom de Roe v. Wade. Cinq des sept juges ayant voté en faveur de Roe v. Wade en 1973 avaient été nommés par des présidents républicains.

Gilles Biassette

► La feuille A4 des manifestants chinois

Une feuille A4 blanche, vierge de toute inscription, s’est imposée comme le symbole de la contestation née en Chine, le 15 novembre, en réaction aux très sévères restrictions de la politique « zéro Covid ». À Pékin, Shanghaï, Nankin, des manifestants ont brandi ce placard vide de tout slogan mais riche de sens. Dénonciation d’une censure si radicale qu’elle empêche la moindre expression, cette feuille donne aussi un caractère illimité aux revendications : fin des interdictions liées au Covid-19, mais aussi augmentation des salaires, libertés… Ici ou là, des appels à la démission du président chinois ont été entendus.

 

2022 : les mots et objets qui ont marqué l’année

D’une ampleur inédite depuis les événements de Tian An Men, en 1989, la contestation a néanmoins fait long feu, écrasée par les arrestations. Le régime a cependant annoncé, le 7 décembre, un allègement très net de la politique « zéro Covid ». Il n’est pas resté totalement indifférent à l’interpellation silencieuse des feuilles A4.

Marianne Meunier

► Nupes

L’histoire politique est pleine de sigles oubliés. Qui se souviendra demain de la Nupes, acronyme de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale ? Le mot a pourtant ponctué les législatives de juin 2022 : avec 25,8 % des suffrages exprimés, les 545 candidats officiellement investis par la Nupes ont dépassé de 943 voix les 559 de la coalition macroniste, Ensemble (25,79 %). En sièges, toutefois, la Nupes a été nettement devancée (133 contre 246 à Ensemble).

La Nupes se voulait l’élargissement à toute la gauche (PS, EELV, PCF…) de l’Union populaire impulsée par Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle. Politiquement, elle entérinait la nouvelle donne à gauche : l’ancienne formation dominante, le Parti socialiste, désormais dominée par La France insoumise. Stratégiquement, elle marquait un joli coup de Jean-Luc Mélenchon : déjouer le phénomène de démobilisation des électorats vaincus entre la présidentielle et les législatives en maintenant la mobilisation du sien autour de l’idée de « Mélenchon premier ministre ». Bref, d’une cohabitation avec Emmanuel Macron, tout juste réélu. Bien tenté, mais peine perdue.

Laurent de Boissieu

► Omicron

Il a failli s’appeler Nu ou Xi, mais l’Organisation mondiale de la santé (OMS) craignait qu’on ne confonde le premier avec new (« nouveau » en anglais), et le second avec un certain président chinois… C’est donc avec la 15e lettre de l’alphabet grec, Omicron, que la planète a appris à se familiariser en 2022. Moins dangereux mais bien plus transmissible et résistant aux vaccins que ses prédécesseurs (Alpha, Bêta, Gamma et Delta), le sous-variant du Sras-CoV-2, détecté dès novembre 2021 en Afrique du Sud, a lourdement pesé sur l’année écoulée. Selon l’OMS, il serait responsable de plus de 130 millions d’infections et d’un demi-million de décès.

Jeanne Ferney

► « Sortons les poubelles »

Mi-octobre, un an après la remise du rapport de la Ciase, l’hebdomadaire Famille chrétienne révèle que Mgr Michel Santier, ancien évêque de Créteil, avait fait l’objet de mesures disciplinaires par Rome en octobre 2021 pour des abus spirituels à des fins sexuelles. Mgr Michel Aupetit, ancien archevêque de Paris, s’indigne alors de la publication de ces informations dans la presse, jusque-là gardées secrètes par Rome et quelques évêques français. « Pourquoi de si nombreuses personnes aiment fouiller dans les poubelles ? Pour se rassasier des mauvaises odeurs ou pour masquer leurs propres ordures ? », questionne-t-il sur Twitter.

Cette réaction choque et le collectif Agir pour notre Église lance le slogan #SortonsLesPoubelles. « Monseigneur Aupetit reproche à certains d’aimer fouiller les poubelles. Nous répondons que nous souhaitons plutôt les sortir pour qu’elles cessent d’empoisonner notre mère l’Église », réplique-t-il. Le week-end du 30 octobre, des fidèles catholiques se rassemblent dans plusieurs villes. Leurs mots d’ordre ? « Sortons les poubelles », « Pour une Église sûre » et « Pas de confiance sans vérité ».

Héloïse de Neuville

► Synodalité

Le mot vient du grec sunodos, une route parcourue ensemble. Le Synode des évêques a été créé en 1965 par Paul VI pour répondre au souhait exprimé au cours du concile Vatican II d’une instance continuant le travail collégial expérimenté au concile. Mais depuis octobre 2021, le processus dans lequel est engagée l’Église, d’un « Synode sur la synodalité », va plus loin dans cette démarche collégiale. Ce sont tous les fidèles, qu’ils soient laïcs, diacres, prêtres ou évêques, qui sont invités à réfléchir ensemble à l’avenir de l’Église. L’année 2022 a été marquée par les consultations qui se sont déroulées au niveau des paroisses et des diocèses. Le travail se vit désormais au niveau continental, jusqu’au printemps 2023, avant une première session à Rome en octobre prochain.

Clémence Houdaille

Sénégal: hommage à Mamadou Dia, militant de l’indépendance

 

Au Sénégal, une plaque commémorative sera déposée, ce samedi 17 décembre, sur la place Mamadou-Dia de Thiès, ville située à 70 kilomètres de Dakar, pour rendre hommage à cet acteur oublié de l’indépendance du pays.

Avec notre correspondante à Dakar, Théa Ollivier

Il y a soixante ans, celui qui était alors le président du Conseil des ministres avait été arrêté pour « tentative de coup d’État » après avoir fait intervenir la gendarmerie à l’Assemblée nationale pour empêcher le vote d’une motion de censure contre son gouvernement qu’il estimait abusive, un tournant pour le jeune Sénégal de l’époque qui passe d’un régime parlementaire bicéphale à un régime présidentiel dominé par Léopold Sedar Senghor.

Babacar Diop, maire de Thiès, se rappelle toujours avec émotion de Mamadou Dia qu'il a rencontré lorsqu'il était étudiant et avec qui il a collaboré pendant des années, avant son décès, en 2009.

«  Il ne voyait plus à la fin de sa vie. Je lisais donc pour lui et il me dictait aussi des lettres. Il était très âgé mais il avait une certaine énergie qu’il avait gardée », se souvient-il.

Né en 1910, cet ancien instituteur a milité pour l’indépendance du Sénégal, main dans la main, avec Léopold Sedar Senghor avec qui il a fondé le Bloc démocratique sénégalais (BDS).

Devenu président du Conseil des ministres, Mamadou Dia signe les accords d’indépendance, en 1960, puis partage le pouvoir exécutif avec Léopold Sedar Senghor, avant la crise de décembre 1962.

 « Mamadou Dia était un nationaliste. Il était pour le socialisme autogestionnaire et pour l’indépendance économique de notre pays, contrairement à Senghor plus conciliant et plus Français. Donc la crise va éclater et cette crise oppose deux visions différentes », explique Babacar Diop.

Une crise que Mamadou Dia évoquait, sans amertume, avec Babacar Diop récemment récemment élu sous les couleurs de la coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi.

« Il a considéré que les indépendances ont été une occasion ratée et après, il a considéré que l’alternance de 2 000 aussi a été une occasion ratée. Il pensait qu’il appartenait à la jeune génération de conduire le processus d’émancipation de notre continent », ajoute Babacar Diop.

Ecarté pendant quarante ans de l’histoire officielle de l’indépendance au profit de Léopold Sedar Senghor, Mamadou Dia est peu à peu réhabilité par les nouvelles forces politiques du pays.

En quête de nouvelles références

Alors que le nom de Mamadou Dia revient sur la scène politique aux côtés de Thomas Sankara ou de Cheikh Anta Diop, se pose la question de son héritage dans l’arène politique actuelle sénégalaise.

Joint par RFI, Mohammadou Moustapha Sow, enseignant-chercheur en histoire contemporaine africaine, à l’université Cheikh-Anta-Diop (UCAD), spécialisé dans la période post-coloniale, parle de déclin de l’ère senghorienne.

« Mamadou Dia s’est mis à se rendre justice, déjà, par la publication de plusieurs ouvrages. Il revient sur ce qui s’est passé en 1962 et donne sa version des faits. On entre déjà dans une bataille mémorielle et c’est un héritage disputé par une bonne partie des formations politiques. Mamadou Dia avait laissé un parti, le Mouvement pour le socialisme et l’unité (MSU), il y a ensuite le parti, le PASTEF [Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité, NDLR] qui donne aussi le nom de son siège au président Mamadou Dia, ce qui veut dire qu’il revendique tout l’héritage politique et le parcours de cet homme comme personne qui a incarné l’éthique en politique. Il y a enfin le parti actuel au pouvoir qui revendique, d’une certaine manière, l’héritage politique de Mamadou Dia aussi, et puis, le président a inauguré en grande pompe le building du président Mamadou Dia. C’est le déclin de l’ère senghorienne en fait. On est dans une quête de nouvelles références », analyse-t-il. 

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