Histoire

Après Toutânkhamon, Paris accueille le pharaon Ramsès II et ses richesses

L’exposition « Ramsès II et l’or des pharaons », qui se tient sous la Grande halle de la Villette jusqu’au 6 septembre, présente de fabuleux trésors égyptiens et entend accueillir plus d’un million de personnes.

Mis à jour le 13 avril 2023 à 09:35
 
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Le cercueil de Ramsès II en cèdre. © Sandro Vannini, Laboratoriorosso/World Heritage Exhibitions

 

 

« Je dois être le dernier à parler ! Il faut que je parle en dernier »insiste un vieux monsieur en costume et cravate, près d’une des deux grandes déesses-chat argentées qui gardent l’estrade de la conférence de presse. Cet œil de faucon, ce visage taillé au burin, cette insistance pour avoir le dernier mot, le premier revenant protocolairement au ministre égyptien du Tourisme et des Antiquités : c’est bien Zahi Hawass, l’« Indiana Jones égyptien », la star des champs de fouilles qui a régné plus d’une décennie sur le Conseil suprême des Antiquités avant d’être poussé sur la touche par la révolution de 2011.

Le théâtral personnage a l’habitude de livrer aux caméras des révélations spectaculaires, parfois sans suite : chambre cachée intacte derrière le tombeau de Toutânkhamon, vastes espaces inconnus dans la pyramide de Khéops, découverte de la momie de la reine Néfertiti annoncée quatre fois en sept ans… De toutes ces merveilles, seule une cavité vide de neuf mètres au-dessus de l’entrée de la pyramide a pu être constatée jusqu’à présent !

Plus d’un million de visiteurs

Quelles surprises nous réserve-t-il, ce 6 avril, pour la présentation de l’exposition « Ramsès II, l’or des pharaons » qui se tient du 7 avril au 6 septembre, sous la Grande halle de La Villette à Paris ? C’est d’abord Ahmed Issa, le ministre venu du Caire en porte-étendard du plus fameux des pharaons, qui enchaîne les superlatifs et les révélations : « Pour la première fois le sarcophage de Ramsès quitte l’Egypte »; « 145 000 tickets ont été prévendus contre 130 000 à l’exposition-événement sur Toutânkhamon au même endroit et qui avait attiré le nombre record de 1,4 millions de visiteurs ». 

 

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Le buste en granit de Merenptah 2020 World Heritage Exhibitions Nouvel Empire, XIXe dynastie © World Heritage Exhibitions

 

 

 Le ministre souligne qu’il s’agit aussi de rendre hommage aux chercheurs français qui avaient accueilli la dépouille nue de Ramsès en 1976 et l’avaient sauvée d’une moisissure maligne. Nombre des objets de l’exposition ont déjà été montrés lors d’une tournée américaine, mais pour son passage à Paris, d’autres sont venus l’enrichir, comme cette momie de singe vert dont les commissaires annoncent l’apparition inédite. Côté révélations, la presse qui est présente massivement, reste un peu sur sa faim : l’Égypte présente officiellement l’ex-ministre du Tourisme et des Antiquités Khaled El-Enany comme candidat au secrétariat général de l’Unesco, où la Franco-Marocaine Audrey Azoulay achèvera son second mandat en 2025.

66 tombes au lieu de 64 dans la vallée des Rois

La tension monte quand Ahmed Issa annonce le calendrier d’ouverture du Grand musée d’Égypte à Guizeh, régulièrement repoussée depuis des années : « Nous devrions faire l’annonce de la date dans les deux mois à venir! » La tension s’affaisse. Mais Zahi Hawass, à qui l’on a laissé le mot de la fin, se charge de la faire remonter : « J’annonce pour la première fois qu’il n’y a pas 64 tombes dans la vallée des Rois mais 66 ; en septembre nous allons chercher le tunnel qui relie la tombe de Ramsès II à celle de son fils, nous serons alors sur le point de découvrir la tombe de Néfertiti et celle du grand architecte Imhotep ! Quant aux nouveaux résultats des scanners de la pyramide de Khéops, attendez-vous à des révélations! »

Africana Jones doit les réserver pour une autre occasion, car il tient à conclure par un vibrant discours de diplomatie culturelle, appelant à la restitution à l’Égypte de trois de ses trésors, la pierre de Rosette conservée à Londres, le zodiaque de Denderah qui est à Paris, et le buste de Néfertiti de Berlin. Les journalistes sont alors invités à aller contempler les trésors de pharaon.

Ramsès et la magie de l’or

L’exposition tiendra-t-elle sa promesse de splendeur ? Réunir en un titre les deux fantasmes de l’imaginaire universel que sont l’or et Ramsès II ne serait-il pas qu’un habile coup marketing destiné à attirer les foules vers quelques artefacts secondaires habilement mis en scène ? On voit en effet peu d’or dans les premières salles où un visage colossal de Ramsès en granit rose accueille le visiteur avec son sourire d’éternité. Son cartouche s’étale partout, sur la cime d’un petit obélisque tronqué, sur des fragments montrant ses ennemis de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud terrassés, sur un ostraca, fragment de pierre où est délicieusement esquissé le grand roi en train de conduire son char.

Enfin, sous le regard d’un beau sphinx en calcaire fin placé devant une vue du temple du Ramesseum de Louxor, l’éclat du métal imputrescible rayonne de trois plats et d’une petite aiguière finement ciselés. Les découvertes se succèdent : lourds colliers, bracelets incrustés de lapis-lazuli, couronne et poignard d’or et de pierres semi-précieuses d’une princesse, miroir d’argent, d’or et d’ébène de Sithathoryunet…

Cercueils à tête de faucon

Jusqu’à l’éblouissement, qui n’est pas d’or mais d’argent, et ne nous vient pas de Ramsès II mais de Sheshonq II qui vécut trois siècles plus tard : ses cercueils exceptionnels à tête de faucon, l’un en bois peint et doré, l’autre en argent massif. De magnifiques pièces du trésor de Tanis, capitale des pharaons des XXIème et XXIIème dynasties, ont ainsi accompagné les richesses de Ramsès à Paris.

La découverte des tombes royales de Tanis, en pleine seconde guerre mondiale, n’a pas reçu la publicité de celle de la tombe de Toutânkhamon en 1922 mais elle n’en fût pas moins remarquable. Comme le trésor de Toutânkhamon sera l’attraction majeure du Grand musée d’Égypte qui va ouvrir à Guizeh, ceux de Tanis seront le clou de l’exposition permanente du musée historique du Caire, place Tahrir. Leur présence à Paris est en effet exceptionnelle, et propre à ravir le plus accro des égyptomanes. L’or est bien là, comme la splendeur des pharaons, mise en valeur par une scénographie ambitieuse sans être prétentieuse. Les richesses exposées font aussi ressortir la beauté simple de la vedette de l’événement : le cercueil en bois de cèdre du Liban de Ramsès II. Aucune dorure, aucune pierre de couleur, à peine quelques traits de pinceaux viennent souligner les yeux et le tour de son beau visage, colorer ses sceptres, sa barbe postiche et le cobra qui se dresse sur son front. L’œuvre a été réalisée après un premier pillage de la tombe royale dans l’Antiquité et son dépouillement apparent a permis à Ramsès d’y reposer en paix pendant des millénaires, jusqu’à sa découverte, en 1881.

Néfertari, épouse favorite du pharaon-soleil

On se prend à philosopher sur la vanité du pouvoir, de la fortune et de la gloire en comparant le modeste cercueil du plus grand des pharaons, qui a régné 66 ans, eut presqu’autant d’enfants, a pacifié durablement de sa poigne armée l’orient de la Méditerranée et couvert son pays d’admirables monuments avec la richesse inouïe du cercueil de Toutânkhamon, obscur souverain oublié dès l’Antiquité.

Une visite immersive avec casque 3D des temples d’Abou Simbel et de la tombe de la belle Néfertari, épouse préférée du pharaon-soleil, complète cette visite très riche, mais nous ne pouvons vous en parler, l’auteur de ces lignes ayant préféré poursuivre son rêve éveillé par tant de splendeurs bien réelles.

9 avril 1938, un premier pas de la Tunisie vers l’indépendance

Il y a 85 ans, la population de Tunis descendait dans la rue à l’appel du Néo-Destour pour réclamer à la France des droits et la création d’un parlement représentatif. Une journée qui s’achèvera dans le sang, mais qui marque une date-clé dans la marche vers l’indépendance.

Par  - à Tunis
Mis à jour le 9 avril 2023 à 10:42
 

 

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Manifestation contre le Protectorat français, à Tunis, le 12 avril 1938. © AFP

 

 

9 avril 1938. La date sonne comme le titre d’un film, une journée particulière pour la Tunisie contemporaine. Ce jour-là, le pays s’est fédéré pour exprimer sa détermination à obtenir des droits confisqués par le Protectorat français.

85 ans plus tard, les revendications d’aujourd’hui semblent faire écho à celles d’hier, et le rapport du peuple au pouvoir est quasiment inchangé. Les Tunisiens d’alors réclamaient la restauration de l’économie, la fin des campagnes diffamatoires menées par La Dépêche tunisienne (le quotidien des colons) et la libération des détenus. Des demandes étrangement similaires à celles des militants politiques en 2023.

À LIREQue reste-t-il de Bourguiba ?

En avril 1938, tout avait débuté par l’exaspération des Tunisiens face aux agissements des forces coloniales, qui disaient se sentir menacées par « la lie de la population ». Le pouvoir colonial se montrait alors franchement hostile aux nationaux, attisant les rancœurs entre les Tunisois et les Tunisiens des campagnes, jouant la carte des citadins, qu’il croyait acquis, contre un monde rural qui lui échappait.

Bourguiba vs Thaalbi

En France, le Front populaire avait fait son temps et entraîné dans sa chute le gouvernement de Léon Blum. On était à la veille d’un conflit mondial et les forces du Protectorat en Tunisie s’inquiétaient du rapprochement entre le Führer allemand, Adolf Hitler, et le président du Conseil italien, Benito Mussolini.

Cette fois et contrairement à ce qui s’était passé en 1914-1918, on pouvait penser que l’Italie, acquise au fascisme, ne serait pas dans le camp des alliés. Une situation d’autant plus inquiétante que la menace venant de Libye, elle-même colonie italienne, se précisait. En conséquence, les Français serraient la vis en Tunisie pour s’assurer du contrôle de la situation.

À LIRETunisie – 9 avril 1938 : ces héroïnes oubliées de la lutte nationale

C’était compter sans les forces politiques tunisiennes. Celles du Destour d’Abdelaziz Thaalbi et celle du Néo-Destour de Habib Bourguiba. Rivales, les deux organisations s’étaient lancées dans une surenchère, chacune espérant éliminer l’autre. Le Néo-Destour remporta le bras de fer et devint le leader de la cause nationaliste.

Dans les mois qui ont précédé le 9 avril, ce sont donc ses ténors qui ont allumé les feux de la contestation. Et même si des figures comme Slimane Ben Slimane et Youssef Rouissi sont arrêtées lors d’une tournée des cellules du parti, le mouvement n’en est que plus déterminé.

Bourguiba adopte des positions radicales. « Le pays est donc décidé à la lutte. Il est prêt aussi à tous les sacrifices que cette lutte comporte », écrit le leader en janvier 1938. Les dirigeants du parti se montrent récalcitrants, mais les militants sont enthousiastes.

L’appel à manifester est lancé pour le 8 avril et Tunis se mobilise. Le mot d’ordre imposant la fermeture des boutiques et des marchés est respecté. C’est dans la médina que tout va se jouer. La manifestation, conduite par les dirigeants du Néo-Destour, Ali Belhouane et Mahmoud Materi, avance à partir des faubourgs Nord et Sud de la vieille ville pour converger vers Bab Bhar (la Porte de la mer), à deux pas de la résidence générale.

Pacifique malgré les slogans forts invitant à la « lutte sans fin » prônée par Ali Belhouane, qui perdra son poste d’enseignant et deviendra une personnalité majeure du Néo-Destour. « Un parlement tunisien ! », scandent les manifestants, accompagnés des youyous lancés par les femmes depuis les balcons. Avant de se séparer, on prévoit une autre marche pour le 10 avril.

Le jour où tout bascula

Le 9 avril, rien n’est prévu. C’est pourtant ce jour-là que la situation bascule. Dans la matinée, une délégation du Néo-Destour réclame au Premier ministre des réformes et la libération des prisonniers politiques. Elle n’est pas entendue. « La colonisation nous a pris nos terres et nous sommes devenus des pauvres, des crèves-la-faim, nous devons continuer à nous réunir jusqu’à ce que nous obtenions satisfaction », écrit le militant Ali Darghouth.

Quand le bruit court qu’Ali Belhouane, responsable de la jeunesse du Néo-Destour, va être arrêté, la foule se dirige spontanément, suivant le tracé des anciens remparts devenu aujourd’hui le boulevard du 9-Avril, vers la place de La Kasbah. Coïncidence troublante : c’est depuis cette place que le mouvement dit « de La Kasbah II » obtiendra la mise en place d’une Constituante en 2011.

Munis de gourdins et d’armes de fortune, 7 000 manifestants réclament d’une seule voix au Bey et à l’autorité coloniale un parlement tunisien. Massés sur la place, ils se trouvent pris au piège lorsque des autos-mitrailleuses et deux colonnes de zouaves surgissent des boulevards Bab Benat et Bab Menara, et ouvrent le feu sur la foule. Il leur faudra quatre heures pour venir à bout de l’émeute.

Le bilan est lourd : 22 morts et 150 blessés. Tous deviennent des héros de la lutte nationale. À 19 heures, l’état de siège est décrété. Le rideau tombe sur une journée sanglante dont le Néo-Destour fera un élément central de son roman national.

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Le lendemain, Bourguiba et douze de ses proches, dirigeants du parti, sont arrêtés. Ils rejoignent Ali Belhouane et Mahmoud Materi, et seront bientôt rejoints par Tahar Sfar, Bahri Guiga et de nombreux militants. Ils sont près de 950 à être incarcérés. Le 12 avril, le Néo-Destour est dissout et la presse nationaliste suspendue. Rien n’est pourtant fini. Au contraire, tout commence.

Il y aura toujours, dans la lutte nationale un avant et un après 9 avril 1938, comme si le mépris de l’occupant avait resserré les rangs des militants pour l’indépendance et entretenu la ferveur de la population à l’égard des leaders de cette lutte. Désormais, le Néo-Destour est considéré comme la principale force indépendantiste.

Une guerre mondiale et dix-huit années de lutte nationale plus tard, la Tunisie est indépendante et conduite par le mouvement destourien. Chaque année, le 9 avril, la Tunisie honore ses héros, qui sont devenus des martyrs dans la mémoire collective, même si certains d’entre eux resteront à jamais anonymes.

Le photographe Adama Sylla, « capteur de magie » sénégalais

Figure de la photographie africaine, Adama Sylla est exposé pour la première fois à Paris, à la galerie Talmart, jusqu’au 22 avril. L’écrivain Elgas se remémore pour l’occasion la grande époque des studios photo, dans lesquels le doyen autodidacte a appris le métier.

Mis à jour le 8 avril 2023 à 10:37
 
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Par Elgas

Ecrivain et docteur en sociologie

 

 

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Dégrisement, Younes Baba-Ali. © Adama Sylla/courtesy galerie Talmart.

 

Jusqu’au début des années 2000, les studios photo étaient au Sénégal plus qu’une simple tradition. C’était un lieu de pèlerinage couru. Les conditions pour faire partie des heureux élus étaient plutôt démocratiques. Il fallait, que l’on soit femme, homme ou enfant, être juste bien mis, endimanché, solennel, avoir l’air seigneurial, ambassadeur, disons, de ce culte de l’élégance que la réputation attribue généreusement aux Sénégalais.

Les jours de fêtes (baptêmes, mariages, tabaski, korité…), le défilé des froufrous soignés s’achevait ainsi immanquablement dans un studio photo. Il fallait consigner l’esthétique nationale, l’archiver, en tirer quelques trésors pour les pèlerins.

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On pénétrait alors dans ces antres souvent exigus, modestement décorés, pour la grande confession picturale. On en sortait impatient de tenir enfin les portraits que l’on s’empresserait de glisser dans des albums, eux-mêmes prochainement présentés à la contemplation aux visiteurs des demeures familiales. Le studio était le sanctuaire le plus important de ce trajet auquel il offrait une mémoire. La photographie n’était pas une science, une technique, une affaire trop sophistiquée.

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Deux Sénégalaises élégamment vêtues. © Adama Sylla/courtesy galerie Talmart.

 

 

Un pays confessé à travers un regard

Pour beaucoup de photographes de ces époques qui paraissent si obscures et que nos joyeuses nostalgies ont tendance à embellir, tout s’apprenait sur le tas, à la force du poignet, de la témérité, dans la rusticité et la chaleur commune des épopées quotidiennes, avec auxiliaires, cobayes, assistants, qui formaient tous la famille du studio. Le photographe était comme le curé, l’imam, le maître d’école, il était un repère à peu de frais, avec une fonction sociale régulatrice. Le cliché ne devait être rien d’autre que la restitution de l’instant, qu’elle étirait tantôt en éternité, tantôt en spectacle fascinant qui fige le regard.

À LIRESmartphones et Instagram, les chambres noires 2.0 de la photographie artistique africaine

En somme, une grammaire des émotions qui captait le fugace, ajoutait l’insolite, sublimait le rien, ennoblissait le cocasse, confessait un pays à travers un regard, une tenue, une rue, un bout de terre, une association d’éléments. Et pour chapeauter le tout :  la patte du photographe, ses obsessions, ses détails, s’épanouissant dans un regard attentif et créatif qui tord la magie du réel pour l’augmenter avec le talent de ne jamais révéler les secrets de l’ouvrage.

Autodidacte

Adama Sylla est de ceux-là, de ces photographes de quartier qui deviennent vite ceux de la ville et du pays par un concours heureux. Autodidacte, attaché à ce Saint-Louis bariolé, il est l’un de ces capteurs de magie les plus singuliers. Saint-Louis et ses visages, ses intérieurs, ses réfrigérateurs, ses salons, ses boutiques, ses rues, son fleuve et ses reflets métalliques ont trouvé une extension de leur périmètre de vie et d’épanouissement dans son studio.

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Adama Sylla, l'un des doyens de la photographie en Afrique. © Tex.

Les portraits défilent face à son objectif. Il en saisit l’essence, la majesté, l’indicible, les émotions, la folie, l’humour, les stations tragiques expurgées de leur venin, l’allégresse, avec une tonalité poétique unique, et un art du hors-champ qui vient en retrancher ou en ajouter du mystère. Tableaux défilants, film vivant qui raconte un pays, couleurs noires et blanches, la galerie est riche de ces nuances du réel.

À LIRESénégal : les nuances de noir du photographe Omar Victor Diop 

La somme de ces visages dit un bonheur presque perdu, un enchantement et une insouciance, les mêmes qui unissaient un pays et ses hommes, et qu’Adama Sylla a été l’un des seuls à mettre dans un écrin pour l’éternité. Il a capté le bonheur d’un pays.

Histoire générale de l'Afrique

A propos du Projet

L’UNESCO a lancé en 1964 l’élaboration de l’Histoire générale de l’Afrique pour remédier à l’ignorance généralisée sur le passé de l’Afrique. Pour relever ce défi qui consistait à reconstruire une histoire de l’Afrique libérée des préjugés raciaux hérités de la traite négrière et de la colonisation et favoriser une perspective africaine, l’UNESCO a fait appel aux plus grands spécialistes africains et internationaux de l’époque. L’élaboration des huit volumes de l’Histoire générale de l’Afrique a mobilisé plus de 230 historiens et autres spécialistes pendant plus de 35 années.

L’Histoire générale de l’Afrique est une œuvre pionnière, à ce jour inégalée dans son ambition de couvrir l’histoire de la totalité du continent africain, depuis l’apparition de l’homme jusqu’au enjeux contemporains auxquels font face les Africains et leurs Diasporas dans le monde. C’est une Histoire qui ne laisse plus dans l’ombre la période précoloniale et qui insère profondément le destin de l’Afrique dans celui de l’humanité en mettant en évidence les relations avec les autres continents et la contribution des cultures africaines au progrès général de l’humanité.

La collection complète est publiée en huit volumes. Les chapitres des différents volumes sont abondamment illustrés de cartes, figures, chiffres et diagrammes et de sélection de photographies en noir et blanc. Les textes sont, pour la plupart, complétement annotés et sont tous complétés par une importante bibliographie et un index.

Ces dernières années, l'UNESCO a entrepris la préparation et la rédaction de trois nouveaux volumes de la HGA (volumes IX, X et XI).

 

ACTUALITÉS

Sénégal: l’extraordinaire histoire de clichés de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme

 

C’est un pan de l’histoire du Sénégal qui vient de resurgir du passé. Six photos, jaunies par le temps et sur lesquelles on peut voir Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de l’importante communauté Mouride, décédé en 1927. La découverte est importante, car une seule image du leader religieux était jusqu’ici connue et reproduite d’ailleurs partout dans le pays. Ces photos ont été achetées à Lyon début mars lors d’une vente aux enchères, après de multiples péripéties, par un collectif de la communauté mouride

Format 7 centimètres sur 4. Dans la marge en bas, il est écrit à l’encre « Le Serigne Amadou Bamba ». Le chef religieux, souvent nommé Sérigne Touba, se tient debout, les mains dans le dos. Son turban, le « kaala » en wolof, ne laisse voir que ses yeux, mais on devine un sourire.

Sur une autre image, Cheikh Ahmadou Bamba, une truelle à la main, est en train de sceller une pierre. Ce second cliché est capital, car il a permis de reconstituer l’histoire de ces clichés, de confirmer que c’est bien le fondateur de la confrérie mouride qui apparait sur ces photos. L’enquête ouverte en 2020 a été d’ailleurs organisée et menée par le collectif qui a acheté les photos.

 

Ci-dessous, un cliché de Cheikh Amadou Bamba, debout, portant un turban rappelle la seule photo connue de lui durant des années.
 © Maison De Baecque

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Une grande enquête

16 avril 2020. Les clichés sont mis en vente sur un site réputé pour la cession de cartes postales anciennes. Le vendeur, un marchand français, Matthieu Robelin, est respecté dans le domaine. Mais dans un premier temps, il n’a aucune notion de la valeur de ces clichés. « J’ai acheté cet album de photographies à un brocanteur qui se trouvait dans le sud de la France, explique-t-il à RFI. Elles n’étaient pas mises en valeur ». Chaque tirage est donc mis aux enchères avec un prix de départ de cinq euros. Ces prix vont s’envoler lorsque des membres de la communauté mouride découvrent la mise en vente. « La photo du chef religieux debout de face est montée jusqu’à 46 000 euros. Les autres autour de 500 euros », ajoute le vendeur. Au bout de trois semaines, le site internet préfère annuler toute transaction. S’engage alors une polémique, car certains estiment que ces photos ne représentent pas Cheikh Ahmadou Bamba. 

Un collectif se forme, nommé la plateforme de recherche sur le mouridisme, « Dîwânul Mahaârif » en wolof. En tout, près de cinquante personnes : des professeurs, chercheurs, spécialistes des sciences religieuses, de l’histoire de l’islam et du Mouridisme, des sociologues décident de mener l’enquête. Ils découvrent que les clichés de Cheikh Ahmadou Bamba sont issus d’un album plus important dans lequel ils découvrent des photos de Dakar et de Diourbel. Ils apprennent également que cet album appartenait à un certain Jean Geoffre. Ce dernier vivait en 1915 à Dakar et était architecte. C’est lui qui serait aussi à l’origine des plans de la mosquée de Diourbel. Les clichés de son album sont datés du 11 mars 1918, date indiquée par l’architecte pour la pose de la première pierre de la mosquée. Après analyse, le comité d’experts confirme le lieu et la présence de Cheikh Ahmadou Bamba avec à ses côtés justement l’architecte français, casque de colon sur la tête.

À écouter aussi : La marche du monde - Au Sénégal, partager les archives, construire la mémoire

 

Ce 11 mars 1918, Cheikh Amadou Bamba est venu poser la première pierre de la mosquée de Diourbel. À ses côtés, l’architecte Jean Geoffre qui a dessiné le bâtiment et fait prendre les clichés. © Maison De Baecque

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« Ça replace Cheikh Ahmadou Bamba au cœur de l’histoire et des choses à transmettre »

Pour le professeur de l’université de Dakar, Massamba Guèye, la découverte de ses clichés apporte une notion d’extraordinaire : « Dans les récits oraux sur Cheikh Ahmadou Bamba, la part d’extraordinaire était plus importante que la part d’humanité. Dans la photo, la part d’humanité vient installer une base d’extraordinaire de Serigne Touba. Donc ça le replace au cœur de l’histoire et des choses à transmettre. »

Après l’échec de la vente en ligne, une importante maison d’enchères est contactée.

La maison De Baecque, basée à Paris et Lyon, organise chaque année d’importantes ventes de photos d’époque. Pour éviter toute complication, les acheteurs potentiels doivent déposer une caution de 5 000 euros pour participer. Le LOT 93 est intitulé : « Exceptionnelle et rarissime suite de six épreuves albuminées d'époque, montrant le Serigne Amadou Bamba. Avant la découverte de cet ensemble, une seule et unique photographie du grand homme, père du Mouridisme, était réputée connue. »

Marteau en main, le 8 mars dernier, c’est le commissaire-priseur Etienne de Baecque qui mène la vente. En trois minutes, l’enchère atteint 48 000 euros et c’est le collectif de la communauté Mouride qui décroche le lot. Pour Etienne de Baecque, « c’est rare et très particulier. Ce sont des documents qui ont une importance majeure pour cette confrérie. Ces photos retournent au Sénégal, cela a du sens. C’est une belle histoire ».

Le collectif de responsables mourides a également acheté l’album complet de l’architecte Jean Geoffre, car il permet de contextualiser les photos de Cheikh Ahmadou Bamba. Ces clichés inédits du leader religieux seront présentés officiellement prochainement puis légués à la confrérie Mouride.

►À voir aussi : 19 juillet 1927, mort d’Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme