Histoire

«Ex Africa», «réécrire l’histoire» entre l’art actuel et les arts anciens de l’Afrique

« Ex Africa » au musée du Quai Branly. L’œuvre « Sans titre » (2020) de Théo Mercier montre un tas de masques brisés durant leur voyage entre l’Afrique et la France.
« Ex Africa » au musée du Quai Branly. L’œuvre « Sans titre » (2020) de Théo Mercier montre un tas de masques brisés durant leur voyage entre l’Afrique et la France. © Siegfried Forster / RFI
11 mn

Les 150 œuvres de la nouvelle exposition du musée du quai Branly à Paris promettent « un dialogue visuel inédit » entre les 34 artistes contemporains et les arts anciens de l’Afrique. Le vernissage numérique pour tous d’« Ex Africa - présences africaines dans l’art aujourd’hui » est prévu pour le 21 février, en attendant la réouverture des musées en France. Entretien avec Philippe Dagen, critique d’art, professeur d’histoire de l’art et commissaire de l’exposition.

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RFI : De nombreuses expositions ont déjà abordé la relation entre l'art contemporain et l’Afrique, des Magiciens de la Terre en 1989 jusqu’à la nouvelle vision du monde et de l’art d’Afriques Capitales en 2017. De quelle façon, votre exposition propose-t-elle un dialogue visuel inédit sur les présences africaines dans l’art d’aujourd’hui ? 

Philippe Dagen Je pense qu’il est nouveau dans la mesure qu’il ne s’agit absolument pas de faire un panorama de la création artistique actuelle en Afrique. Il s’agit de réécrire l’histoire de la relation entre les arts anciens d’Afrique jusqu’à la période coloniale, et l’art actuel. L’exposition commence dans les années 1980 et compte un certain nombre d’œuvres qui datent de 2020 et pour certaines même de 2021.  

Le titre Ex Africa et la sélection des œuvres d'artistes si différents comme Léonce Raphael Agbodjelou, Jean-Michel Alberola, Jean-Michel Basquiat, Orlan ou A.R. Penck, obéissent-ils à une démarche esthétique, artistique, géographique, politique, historique ?

L'exposition répond à tout cela. Elle répond clairement à une démarche historique dans la mesure où je veux défaire la relation d’assujettissement qui a longtemps lié les arts anciens d’Afrique aux arts d’avant-gardes occidentaux. Dans ces derniers, les arts d’Afrique - comme d’ailleurs d’Océanie ou les arts amérindiens - étaient exclusivement considérés comme des espèces de réservoirs d’idées formelles, sans aucune considération ni pour leur sens propre, ni pour les usages politiques ou religieux ou moraux qui étaient les leurs, ni pour les conditions dans lesquelles ces objets se retrouvaient dans les collections publiques et privées en Europe, dans un premier temps, et aux États-Unis dans un deuxième temps. De ce point de vue, c’est une exposition qui a un caractère historique et aussi un caractère politique, puisque toutes les œuvres sont considérées exactement de ce seul point de vue : leur proximité, leur complicité, quelquefois leur métamorphose par rapport à ce que l’Afrique a donné à l’humanité en matière de sculpture, de représentation de la figure humaine, etc.  

Vue sur les installations de Romuald Hazoumé (« No Return », 2019) et de Pascale Marthine Tayou (« Eséka », 2020) dans l’exposition « Ex Africa ».
Vue sur les installations de Romuald Hazoumé (« No Return », 2019) et de Pascale Marthine Tayou (« Eséka », 2020) dans l’exposition « Ex Africa ». © Siegfried Forster / RFI

Quel est le point commun entre des artistes comme Myriam Mihindou, née à Libreville, au Gabon, et Gloria Friedmann, née à Kronach, en Allemagne, ou entre Romuald Hazoumé, né à Porto Novo, au Bénin, et Annette Messager, née à Berck, en France ? 

Le fait que – de manière très différente - ils et elles ont regardé ces cultures [africaines], se sont penchés sur elles avec la volonté de les comprendre. Ensuite, elles ou ils ont dérivé(e)s à partir de ces exemples dans des directions complètement différentes. L’œuvre de Myriam Mihindou est sans doute l’une des celles qui est la plus explicitement portée par une réflexion sur la traite négrière, l’esclavage, la manière dont les populations ont été entrainées de force aux Amériques. L’œuvre de Romuald Hazoumé est tout autant politique, parce qu’il parle des migrants et de la mort des migrants en mer. Chaque fois, le rapport est tenu avec des formes et souvent aussi des références artistiques très précises.  

Dans le cas de Romuald Hazoumé qui est lui-même d’origine yoruba, la forme de spirale ou celle du serpent qu’il emploie [dans son installation No return, ndlr], a une signification très fortement ancrée dans des mythologies. Quand Annette Messager rassemble une grande figure féminine inspirée de la statuaire [ivoirienne] Attié et une poupée Barbie qu’elle semble allaiter, l’Africaine allaitant l’Occidentale, je crois que, allégoriquement, le rapport en jeu dans cette œuvre d’art est assez facile à décrypter.  

Qu’est-ce qui vous a surpris le plus en préparant cette exposition  

Ce qui m’a profondément réjoui est d’abord le fait que les artistes ont tous immédiatement accepté, sans réticences, de s’engager dans cette aventure et pour certaines et certains de créer des œuvres absolument nouvelles. Quelquefois même assez loin de ce qu’on attend de leur œuvre. Par exemple, avec des œuvres sculpturales, Gloria Friedmann est très loin des œuvres vidéo qu’on connaît d’elle. Quand ils sont venus installer leurs œuvres, par exemple Sarkis, ils ont immédiatement eu un sentiment de familiarité entre eux et entre leurs œuvres. Les dialogues fonctionnent dans tous les sens et au fond tous parlent chacun dans sa langue, mais s’entendent pour parler d’Afrique. 

« Attye avec Barbie » (2020), œuvre d’Annette Messager dans l’exposition « Ex Africa - présences africaines dans l'art aujourd'hui ».
« Attye avec Barbie » (2020), œuvre d’Annette Messager dans l’exposition « Ex Africa -
présences africaines dans l'art aujourd'hui ».
 © Siegfried Forster / RFI

En 2017, l’exposition Art/Afrique, le nouvel atelierà la Fondation Louis Vuitton, a été structurée en deux parties, une partie consacrée à la collection du milliardaire Bernard Arnault, l’autre réservée à la collection du riche héritier Jean Pigozzi. Le tout donnait l’impression de voir apparaître aujourd’hui de nouvelles lignes de démarcation créées par les plus grands collectionneurs.

Ici, il s’agit simplement de créer un espace commun dans lequel les artistes – quel que soit leur origine familiale, leur âge, leur sexe - puissent se rencontrer. De ce point de vue, on a choisi une muséographie plein d’échappements, encloisonnant au minimum l’espace pour qu’il y ait cette circulation.  

Quant à la question que l’art africain actuel est devenu quelque chose de plus désirable pour un certain nombre de collectionneurs, on peut toujours s’interroger sur les raisons qui rendent désirables pour un collectionneur. Y a-t-il chez certains de l’opportunisme, peut-être même d’autres raisons spéculatives ? Pour l’instant, étant donné l’ignorance et le mépris par lesquels l’art africain a été longtemps tenu, depuis l’époque coloniale jusqu’aux années 1980, à de très rares exceptions près vous ne voyiez pas des artistes africains dans le champ de l’art contemporain. Donc, le premier acquis, c’est que désormais on les connaît, reconnaît et les collectionne. Et en les collectionnant, on permet une exposition comme celle-ci d’avoir lieu.  

Ensuite se posera une autre question qui est moins celle des collections publiques ou privées européennes ou américaines que celles des collections publiques ou privées africaines. Là, il y aura effectivement un effort à faire pour que les artistes africains d’aujourd’hui aient des lieux plus nombreux qu’ils n’en ont à l’heure actuelle pour montrer leurs œuvres sur le continent lui-même. Pour l’instant, il y a la Fondation Zinsou et quelques exceptions heureuses, mais il faut espérer qu’elles soient beaucoup plus nombreuses dans les temps à venir.  

Vue sur l’exposition « Ex Africa » au travers de l’œuvre « Trophée » (2020) de l’artiste Myriam Mihindou.
Vue sur l’exposition « Ex Africa » au travers de l’œuvre « Trophée » (2020) de l’artiste Myriam Mihindou
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 © Siegfried Forster / RFI

Votre exposition a lieu au musée du quai Branly, très concerné par la question de la restitution du patrimoine culturel africain. Dans leur rapport, Bénédicte Savoy et Felwine Sarr ont appelé à une nouvelle éthique relationnelle, une nouvelle relation avec l’Afrique. Cette exposition, s’inscrit-elle dans cette démarche  

Cette exposition ne s’inscrit dans aucune démarche politique au sens où elle aurait été inspirée ou en corrélation avec aucune démarche d’un gouvernement quelconque, ni africain, ni français. À l’origine, c’était un projet personnel, qui a ensuite trouvé un écho très favorable auprès du musée du quai Branly. S’il y a une dimension politique, c’est une dimension presque plus d’éthique politique que d’administration ou de politique étrangère.  

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Vous êtes critique d’art, mais aussi professeur d’histoire de l’art contemporain à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Aujourd’hui, qu’est-ce que les étudiants apprennent dans leur cursus universitaire sur les présences africaines dans l’art aujourd’hui  

Je ne suis pas le seul à l’université Paris 1 à parler des arts actuels d’Afrique. Nous sommes plusieurs enseignants. On a mis en place un socle d’études relativement solide. Ceci étant, c’est récent et il a fallu se battre pour obtenir un premier poste d’enseignement, il y a dix ans. On peut espérer que dans un avenir pas trop lointain, il y en aura d’autres. Mais, si vous voulez me faire dire que et les arts anciens et les arts actuels d’Afrique sont très insuffisamment représentés dans l’enseignement supérieur en France, je vous le dis immédiatement et de surcroît avec le plus grand plaisir. 

Il y a un effort de recrutement et de formation considérable à réaliser. À l’heure actuelle, c’est quand même un très bon signe, nous avons chaque année entre une demi-douzaine et une dizaine d’étudiants et d’étudiantes qui choisissent de se spécialiser sur des questions d’histoire d’art contemporain africain. On peut espérer que certains et certaines deviendront conservateurs-enseignants. On est au tout début de ce processus. Et je crois pouvoir dire que Paris 1 est la seule université en France, en dehors d’une collègue à l’université de Rennes, qui, de manière très volontariste, a vraiment mis l’accent sur la création d’un département. 

« Sans titre (série des Demoiselles de Porto-Novo (2012) », œuvre de Léonce Raphael Agbodjelou, dans l’exposition « Ex Africa » au musée du quai Branly.
« Sans titre (série des Demoiselles de Porto-Novo (2012) », œuvre de Léonce Raphael Agbodjelou,
dans l’exposition « Ex Africa » au musée du quai Branly.
 © Siegfried Forster / RFI

► Ex Africa - présences africaines dans l’art aujourd’hui, exposition au musée du quai Branly, à Paris. Le vernissage numérique (gratuit et accessible pour tous) de l’exposition est prévu le 21 février à 20h30 sur Culturebox, Canal 19 de la TNT, et la plateforme france.tv. Il sera ensuite disponible en replay et sur les réseaux sociaux. Dès la réouverture des musées en France, l’exposition sera ouverte jusqu’au 27 juin 2021.

Pour l’Algérie, «la France doit reconnaître les crimes coloniaux»

Les troupes françaises à Alger en 1956.

Les troupes françaises à Alger en 1956.
 © AP
Texte par :RFISuivre
2 mn

À Alger, le porte-parole du gouvernement, Ammar Belhimmer, a fait cette déclaration dans le journal arabophone El-Massa. C'est la première fois qu'un membre du gouvernement algérien s'exprime sur la période coloniale depuis fin janvier et la remise au président français, Emmanuel Macron, du rapport de l'historien français Benjamin Stora pour la réconciliation des mémoires. 

Ammar Belhimmer ne cite pas nommément le rapport Stora, mais sa réaction indirecte est critique envers l'ancienne puissance coloniale. Si la France ne reconnaît pas ses crimes, c'est parce que, selon lui, certains « ont la nostalgie du passé colonial et l'illusion de l'Algérie française », « mais cette politique de fuite en avant ne peut pas durer », poursuit-il.

Certes le porte-parole du gouvernement algérien salue la remise par Paris, en juillet dernier, des restes de 24 résistants tués au début de la colonisation. Mais pour lui, « l'accomplissement moral le plus important, reste la reconnaissance des crimes coloniaux de la France ».

En 2017, Emmanuel Macron, alors encore candidat à la présidence, avait qualifié la colonisation de crimes contre l'humanité et avait même estimé qu'il fallait présenter des excuses pour cela. Depuis, devenu chef de l'État, il a changé de discours.

Après la remise du rapport Stora, le 20 janvier dernier, qui préconise la mise en place d'une commission Mémoire et Vérité et propose des pistes pour apaiser les mémoires entre les deux pays, Emmanuel Macron s'est engagé à prendre des « actes symboliques », mais a exclu de présenter les « excuses » demandées par Alger.

Accès aux archives sensibles: un accroissement des entraves
qui suscite la polémique 


Les critères d’acceptation ou de refus des demandes d'accès aux archives n’ont pas été énumérés.

Les critères d’acceptation ou de refus des demandes d'accès aux archives n’ont pas été énumérés.
 © AFP/Montage RFI
Texte par :Laurent CorreauSuivre|Amélie Tulet
11 mn

Alors que l'historien français Benjamin Stora vient de remettre au président Emmanuel Macron son rapport sur les questions mémorielles concernant la colonisation et la guerre d’Algérie, la communauté des historiens et archivistes dénonce les entraves croissantes dans l’accès aux archives sensibles. Un texte sur la protection du secret de la défense nationale cristallise la polémique. Un recours vient d’être déposé devant le Conseil d’État 

L’accès aux archives est « une condition indispensable pour répondre à l’appel du président de la République, répété à plusieurs reprises, d’un débat sur le passé colonial de notre pays ». En pleine réflexion sur la réconciliation des mémoires algérienne et française, la communauté des historiens et archivistes rappelle un principe simple : la reconnaissance de la vérité, axe affiché de la politique mémorielle macronienne, nécessite un accès aux sources.

C’est pour garantir cet accès que plusieurs collectifs regroupant chercheurs, archivistes, citoyens ont déposé devant le Conseil d’État français un recours, vendredi 15 janvier 2021. Ils dénoncent l’illégalité de l’IGI 1300, un texte dont l’application entrave actuellement les travaux de recherche sur la période 1934-1970.

L’IGI 1300 est une « Instruction générale interministérielle », un texte établi par les services du Premier ministre qui définit les règles concernant la « protection du secret de la Défense nationale ». La dernière version de cette IGI, publiée au Journal officiel en novembre dernierindique dès son introduction l’objectif : « Mieux classifier pour mieux protéger », « La présente instruction vise à renforcer la rigueur avec laquelle il est fait recours au secret de la défense nationale, selon un principe de stricte nécessité », précise le document.

Cette IGI ne concerne pas que la question des archives, mais elle a des implications directes sur le travail des historiens. Elle crée même de nouvelles entraves alors que la loi prévoit la communicabilité des archives touchant au secret de la défense nationale au bout de cinquante ans. Concrètement, explique l’historienne Raphaëlle Branche, spécialiste des violences en période coloniale, quand un citoyen veut accéder à un document considéré secret défense, « il doit d’abord faire une demande de "déclassification". Cela veut dire que l’administration regarde une nouvelle fois les documents pour vérifier si elle est d’accord pour les communiquer. »  

Raphaëlle Branche, historienne et spécialiste des violences en période coloniale

Cette procédure peut durer des mois, voire plus, paralysant ainsi de nombreux travaux de recherche. « Plus grave encore, ajoute Raphaëlle Branche, les services de l’administration peuvent refuser l’accès au document demandé »Les critères d’acceptation ou de refus des demandes n’ont pas été énumérés. « Cela conduit à des situations absurdes, commente Pierre Mansat, président de l’association Josette et Maurice Audin*. Des documents qui ont été vus par des historiens ne sont aujourd’hui plus accessibles. » « Ces restrictions de l’accès aux archives représentent une atteinte très grave à la démocratie », poursuit Pierre Mansat. « Ce qui est en jeu, c’est quelque chose de fondamental, c’est la possibilité d’accéder aux archives pour écrire l’histoire, pour que les citoyens soient informés des actes pris en leur nom par l’État. »

Pierre Mansat, président de l’association Josette et Maurice Audin

Le recours qui vient d’être déposé est soutenu par des historiens de renom comme Annette Wieviorka, Robert Paxton et Antoine Prost. Il a aussi l’appui d’organisations comme le collectif Secret défense, un enjeu démocratique, qui essaie de faire la lumière sur 16 affaires (dont l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon de RFI) pour lesquelles l’accès aux archives est important. « Le 15 novembre 2020, explique le collectif dans un communiqué, un nouvel arrêté concernant l’accès aux archives était publié. Loin d’ouvrir cet accès, il a au contraire confirmé, voire amplifié, le verrouillage des archives classifiées instauré par une instruction interministérielle de 2011 (appelée IGI 1300) en opposition avec l’esprit de la loi de 2008 qui voulait les ouvrir. »

Une instruction interministérielle au-dessus de la loi ?

Cet argument légal est au cœur de l’argumentaire contre l’IGI 1300 dans sa version actuelle : un texte réglementaire ne peut être en contradiction avec la loi, puisqu’il est censé lui être inférieur. Selon la loi de 2008, les documents publics « dont la communication porte atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l'État dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l'État, à la sécurité publique » sont communicables passés un délai de 50 ans, tant qu’ils ne portent pas atteinte à la sécurité de personnes désignées ou identifiables (les délais pouvant alors s’allonger à 75 ou 100 ans). Or, en imposant cette procédure de « déclassification », l’IGI crée de nouvelles conditions d’accès.

L’autre problème est politique. Le durcissement de l’accès aux archives entre en contradiction avec les déclarations de plusieurs présidents français. Notamment celles de l’actuel chef de l’État, qui a fait de la réconciliation des mémoires, notamment avec l’Algérie, l’un des chantiers de sa présidence. Lors de la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la mort de Maurice Audin, Emmanuel Macron avait annoncé, en septembre 2018, l’ouverture de toutes les archives d’État relatives aux disparus de la guerre d’Algérie.

► À lire aussi : Emmanuel Macron reconnaît le rôle de l'Etat dans la mort de Maurice Audin

Dans le rapport sur les questions mémorielles qu’il vient de présenter à Emmanuel Macron, l’historien Benjamin Stora avance une recommandation sur cette question. Le comité de pilotage du groupe de travail franco-algérien sur les archives pourrait « demander l’application stricte de la loi sur le patrimoine de 2008 en France. Concrètement, il s’agit de revenir dans les plus brefs délais à la pratique consistant en une déclassification des documents "Secrets" déjà archivés antérieurs à 1970. »

 

L’Élysée cherche pour l’instant à justifier le bien-fondé des dispositions de l’IGI 1300 tout en affirmant la nécessité d’une solution plus satisfaisante pour les historiens. « Ce n’est pas l’instruction générale qui interdit l’accès aux archives, c’est le Code pénal, soutient une source proche du dossier à la présidence de la République. Le document est un texte d’application qui doit faire la synthèse du Code du Patrimoine et du Code pénal. C’est cette synthèse qui n’est pas satisfaisante et qui doit être mieux travaillée. Ce travail est fait aujourd’hui par les services du Premier ministre. »

« Sur les archives, poursuit cette source, il y a eu jusqu’ici une pratique qui n’était pas conforme au droit de la protection du secret et qui n’était pas homogène en fonction des services et dans le temps. Il est vrai que le SGDSN, le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale a fait un rappel au droit assez vigoureux… Ce rappel a trouvé une traduction dans les administrations. C’est-à-dire qu’on est revenu à une pratique stricte du droit de la protection du secret. Et ça, c’est perçu comme un recul, ce que nous comprenons très bien. »

Reste que le débat sur la contradiction entre l’IGI 1300 et la loi n’est pas neuf. Et que le durcissement de l’année 2020 s’est donc fait en dépit des mises en garde des experts. Lors d’un séminaire de décembre 2018, le spécialiste du droit de la sécurité et de la défense Bertrand Warusfel pointait déjà une « dérive de l’interprétation des textes » dans la mise en place du système de « double verrou » prévu par l’IGI 1300. « Il me semble, expliquait alors l’universitaire, que ce système de double verrou n’est pas conforme à la logique de la loi puisque le Code du Patrimoine dit bien que les archives publiques sont communicables de plein droit après un délai de 50, 75 ou 100 ans. Pour moi, de plein droit, cela veut dire sans aucune autre condition. »

Les adversaires de l’IGI 1300 s’inquiètent de l’existence de freins puissants. « Ça n’est qu’une hypothèse, note Pierre Mansat, mais l’hypothèse est que des cercles politiques, militaires et du renseignement ne souhaitent pas qu’un certain nombre d’éléments concernant notre histoire soient connus, analysés et compris par les historiens ».


* L’association Josette et Maurice Audin, créée en 2004, lutte pour la vérité sur l’assassinat du jeune mathématicien communiste en Algérie en 1957 par des militaires français et plus généralement pour que la clarté soit faite sur tous les disparus de la guerre d’Algérie et les crimes de l’armée coloniale, notamment l’utilisation de la torture.

CONTENUS SPON

[Tribune] Guerre d’Algérie : la question des excuses
est une affaire franco-française

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Par  Nadia Henni-Moulaï

Journaliste, auteur de « Petit précis de l'islamophobie ordinaire » (Ed. Les points sur les i).

Emmanuel Macron en visite à Alger, en décembre 2017.

Emmanuel Macron en visite à Alger, en décembre 2017. © AP Photo/Anis Belghoul

Alors que l’historien Benjamin Stora a remis à Emmanuel Macron son rapport sur la colonisation et la guerre en Algérie, la question des excuses et de la repentance de la France pollue une fois de plus les débats.

Notre devoir de mémoire a-t-il besoin des excuses de la France pour s’exprimer ? Alors que l’historien Benjamin Stora vient de remettre au président Emmanuel Macron son rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », le débat tourne autour d’une annonce, celle de l’Élysée, faite au même moment. « Ni excuse, ni repentance », plutôt des « actes symboliques », a en effet martelé Paris. Une façon pour l’État français de border le sujet, de se prémunir de tout soupçon d’acte de contrition, surtout.

Dans l’Hexagone, si certains s’enthousiasment des vingt préconisations du rapport de Benjamin Stora, d’autres s’agacent non seulement du refus de la France de présenter des excuses et de faire acte de repentance mais, surtout, de l’instrumentalisation qui en est faite. Les excuses et la repentance sont une affaire franco-française.

Posture d’équilibriste

Regardons les faits, comme le requiert Benjamin Stora. L’État algérien n’a jamais exigé – de manière officielle en tout cas – d’excuses de son homologue européen. Et s’il a imposé le récit officiel de la guerre d’indépendance pour mieux asseoir sa légitimité depuis 1962, l’État français en a fait autant. Belle illustration de cette écriture étatique de l’Histoire, les manuels scolaires. On y enseigne la décolonisation plutôt que la colonisation, évitant ainsi assez habilement d’interroger la violence qu’elle sous-tend.

Par un glissement sémantique, la Toussaint rouge est désignée par l’euphémisme « les événements d’Algérie ». D’ailleurs, il aura fallu attendre quarante ans pour que l’Assemblée nationale française adopte une proposition de loi reconnaissant l’expression « guerre d’Algérie ». Et sans doute autant de temps, on peut le penser, pour essayer d’acter la fin de l’empire colonial et la perte du joyau algérien.

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LA GUERRE D’ALGÉRIE ET, EN FILIGRANE, LA COLONISATION, HANTENT LA MÉMOIRE DE MILLIONS DE FRANÇAIS

Entre rapatriés, harkis et anciens appelés, la guerre d’Algérie et, en filigrane, la colonisation, continuent donc de hanter la mémoire de millions de Français. À travers leurs histoires mais aussi celles de leurs descendants qui, à bien des égards, charrient tous les non-dits et les amertumes de leurs aïeux. C’est en leur nom que le rejet des excuses est brandi aussitôt que le sujet de la réconciliation mémorielle revient sur le devant de la scène. S’excuser serait, à leurs yeux, acte de parjure. Écartelée entre la loyauté qu’elle leur doit et la justice qu’elle doit à l’Algérie, la République française adopte une posture d’équilibriste dont elle a bien du mal à se départir. D’autant que le poids de l’Histoire ne penche pas en sa faveur.

Se dédouaner de ses responsabilités

« Reconnaître les mémoires pour laisser le passé passer » – comme le twittait Emmanuel Macron le 6 décembre 2017 lors de sa visite au Makam El Chahid, à Alger – peut-il permettre à la France de solder ce passif ? Pas si sûr. D’autant qu’il a semé d’importants rhizomes dans la société française. La rancœur liée à la perte du département d’outre-mer a infusé le récit national français, infectant les plaies encore à vif de la République.

Racisme, discriminations, stigmatisation… Ces fléaux ont vu le jour non pas avec des générations d’Algériens nés en France mais bien dans le fracas de la défaite de 1962. Comme l’explique l’historien Yvan Gastaut, la « mémoire négative » de la guerre d’Algérie a posé les bases d’un racisme anti-maghrébin. Cette antienne, alors, « ni excuse, ni repentance », n’est que l’avatar de ce larsen qui siffle à bas bruit mais sans relâche depuis soixante ans. Avec un espoir : se dédouaner de ses responsabilités. La République ne refuse pas de s’excuser. Elle n’assume pas. C’est autre chose.

Un problème franco-français

Depuis deux ans et le début du Hirak, les Algériens s’emploient tant bien que mal à reprendre en main leur destin si souvent confisqué par ceux d’en-haut. Avant cela, il y a eu la décennie noire. Peu d’entre eux ont oublié l’absence de solidarité internationale à leur égard. Comment penser que ce peuple entré dans l’Histoire par la grande porte attende des excuses de l’ex-colonisateur ? A-t-il besoin de son adoubement pour décrocher le statut de victime qu’un jour il fut ?

Si l’histoire repose sur une approche scientifique, la mémoire de la colonisation, elle, repose sur des vécus. Et en la matière, il n’y a pas de doute : la colonisation française en Algérie fut une abomination. Elle rime avec 132 ans de violences, d’humiliations, de spoliations, d’exactions…

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SI LA FRANCE DOIT DES EXCUSES, C’EST D’ABORD À ELLE-MÊME ET À SES IDÉAUX, BAFOUÉS EN ALGÉRIE PENDANT 132 ANS

Pour autant, la question des excuses relève d’une construction tronquée et manipulatoire du débat. Tronquée parce que, encore une fois, elle est un problème franco-français. Manipulatoire parce qu’elle vise à placer au même niveau bourreaux et victimes. Historiquement c’est faux, et c’est surtout déresponsabilisant.

Depuis vingt ans, l’épouvantail des excuses pétrifie les relations entre les deux pays. Le temps d’assumer ce que la République fut est venu. Il en va de la justice, de la vérité et de l’avenir de cette société qui se fissure sous nos yeux. Comme l’écrit Benjamin Stora : « Le métissage (vivre-ensemble) a échoué dans l’Algérie coloniale mais dans la France d’aujourd’hui, c’est un enjeu majeur ». Si la France doit des excuses, c’est d’abord à elle-même et à ses idéaux, bafoués en Algérie pendant 132 ans.

Dakar, 11 janvier 1994, 20 heures 50… Le jour où le franc CFA est tombé

| Par Jeune Afrique
Mis à jour le 31 janvier 2021 à 16h41
Une du numéro de Jeune Afrique consacré à la dévaluation du Franc CFA en janvier 1994.

Il y a vingt-sept ans, la monnaie des ex-colonies françaises perdait la moitié de sa valeur. Revivez ce moment historique, raconté par Géraldine Faes et Rémi Godeau, alors envoyés spéciaux à Dakar de « Jeune Afrique ».

Encerclé par une meute de photographes, le ministre camerounais des Finances lit son communiqué d’une voix monocorde : « Les chefs d’État et de gouvernement de la zone UMOA et BEAC ont marqué leur accord pour modifier la parité du franc CFA, qui s’établit désormais à 100 F CFA pour 1 FF, à compter du 12 janvier 1994 à 0 heure. » Il est 20 heures 50, à l’hôtel Méridien-Président de Dakar. Antoine Ntsimi vient officiellement de mettre fin à quarante-six ans de parité fixe entre le franc français et le franc CFA.

Une du n°1724, de « Jeune Afrique », daté du 20 janvier 1994
Une du n°1724, de « Jeune Afrique », daté du 20 janvier 1994 © DR

Les chefs d’État, après dix-sept heures de huis clos « éprouvantes », se sont quant à eux éclipsés en catimini. Après Antoine Ntsimi, Michel Roussin, le ministre français de la Coopération, Michel Camdessus, le directeur du Fonds monétaire international (FMI), un représentant des Comores et Charles Konan Banny, le gouverneur de la BCEAO, prononcent à leur tour de courtes allocutions. Tous parlent avec émotion. Le patron du Fonds, visiblement troublé, abandonne même la lecture de sa déclaration officielle pour saluer « du fond du cœur, le courage des présidents et leur esprit de solidarité ». En un quart d’heure, après plusieurs mois de folles rumeurs, l’enterrement de l’ancien CFA est achevé. Ite, missa est…

Lorsque le sommet s’ouvre, les jeux restent ouverts

Le dimanche 9, prétextant une réunion d’Air Afrique, les chefs d’État affluent vers la capitale sénégalaise. Mais le sort de la compagnie aérienne panafricaine, déjà scellé, ne les préoccupe guère.

En fait, Abdou Diouf, dès le 20 novembre, a eu l’idée d’utiliser ce prétexte pour convoquer un sommet sans précédent. Le lundi 10, deux heures avant le début des discussions, le président sénégalais rencontre certains de ses invités, dont Omar Bongo.

Entretien de dernière minute pour tenter de convaincre le Gabonais que l’on dit toujours très hostile à la dévaluation ?

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CE SONT EUX QUI DÉCIDENT PENDANT QUE NOS CHEFS D’ÉTAT TAPENT LE CARTON

Depuis quelques jours, Diouf, jusqu’ici partisan du statu quo, a abandonné la lutte. Au cours des diverses rencontres, il adoptera d’ailleurs une attitude de médiateur. Bongo semble, en revanche, bien décidé à ne pas se laisser faire. Le soir de son arrivée, le 9 janvier, il s’entretient pendant deux heures avec le conseiller de François Mitterrand pour les affaires africaines, Bruno Delaye. Dans la nuit du 11, ce sera au tour de Roussin d’abandonner son dîner pour tenter de convaincre le président gabonais. L’entretien durera jusqu’à minuit.

Lorsque le sommet s’ouvre officiellement, lundi à 16 heures, les jeux restent ouverts.

Le 11 janvier 1994, Antoine Ntsimi, ministre amerounais des finances, lit la déclaration des chefs d’Etat à Dakar.
Le 11 janvier 1994, Antoine Ntsimi, ministre amerounais des finances,
lit la déclaration des chefs d’Etat à Dakar. © François Rojon/AFP

« Grand succès », lâche un ministre français

La réunion commence par un huis clos présidentiel. Dans le hall monumental du Méridien-Président, Roussin encadré par Jean-Michel Sévérino, son directeur du développement et par Jean-Marc Simon, son directeur adjoint de cabinet, lèchent les vitrines.

Une heure s’écoule puis, accompagnée de Michel Camdessus et de Katherine Marshall, la directrice Sahel de la Banque mondiale, la délégation française rejoint le premier étage. C’est là, dans deux salles qui se font face, que se jouera le sort du franc CFA. Dans la première, se trouvent les chefs d’État ; dans la seconde, les bailleurs de fonds attendent d’être convoqués. « Ce sont eux qui décident pendant que nos chefs d’État tapent le carton », ironise un reporter sénégalais.

À 19 heures, Roussin, Camdessus, Noyer et Marshall gagnent la salle de conférence pour en ressortir, cinq minutes plus tard, sourire aux lèvres.

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« NOUS N’EXCLUONS PAS DES COMPLICATIONS DE DERNIÈRE MINUTE », MICHEL ROUSSIN À ÉDOUARD BALLADUR

« Grand succès » lâche, sibyllin, le ministre français. Dans les rangs des journalistes, on croit alors la partie gagnée. Mais il faut vite déchanter. Les allées et venues se multiplient, les visages se contractent, et l’attente se prolonge.

La tension monte d’un cran

De suspensions de séance en tractations parallèles dans les salles attenantes, la tension monte d’un cran. Si les quatorze membres de la zone franc se sont accordés très rapidement sur le taux de la dévaluation, les discussions achoppent sur les mesures d’accompagnement.

Lorsqu’à 22 heures 10 Roussin et Camdessus sont rappelés d’urgence dans la salle des chefs d’État, le dénouement semble enfin proche. Erreur.

Moins d’une demi-heure plus tard, à la stupéfaction générale, la séance est ajournée. «Nous n’avons pas fini nos travaux, qui reprendront demain », déclare, laconique, Abdou Diouf. Sans un mot, les chefs d’État regagnent leur chambre.

Tous les transferts bancaires suspendus

Une bonne partie de la nuit, ils passeront de suite en suite. Bongo sait qu’il a perdu, mais fait de la résistance pour obtenir le maximum de compensations, et aussi parce qu’il ne lui déplaît pas d’agacer ces Occidentaux qui imposent leur diktat.

À Paris, on suit de très près l’évolution de la situation. Mardi matin, avant la reprise, le Premier ministre Edouard Balladur téléphone à Dakar. «Nous sommes optimistes, lui dit alors Roussin. Le sommet devrait s’achever vers 13 heures. Mais nous n’excluons pas des complications de dernière minute.»

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« LA SPÉCULATION SE DÉCHAÎNAIT », EXPLIQUERA L’IVOIRIEN CHARLES KONAN BANNY

La séance reprend à 10 heures. Un peu plus tôt, tous les transferts bancaires ont été suspendus. « La spéculation se déchaînait », expliquera plus tard Charles Konan Banny.

Comme la veille, les chefs d’État se réunissent d’abord à huis clos dans une salle de conférences tandis qu’à une vingtaine de mètres de là, au bout d’un large couloir recouvert d’une épaisse moquette, ministres africains des Finances, délégation française, FMI et Banque mondiale s’installent dans les fauteuils en cuir beige d’un immense salon d’attente. Personne ne sait pour combien de temps. Les chefs d’État semblent décidés à quitter Dakar en fin d’après-midi.

Condamnés à ne rien faire, les membres des délégations trompent leur impatience en grignotant des croissants. De temps à autre, un chef de protocole surgit de la salle des chefs d’État, traverse le couloir à grands pas et vient réclamer un ministre, les Français ou les institutions financières.

Mohamed Djohar, le président djiboutien s’énerve

Pendant qu’ici croît une certaine irritation, là-bas, dans la salle des présidents, Mohamed Djohar s’énerve : « Je refuse de dévaluer de 50 % ! » Le président comorien menace de faire échouer les négociations. In extremis, on lui accorde donc une remise de peine : le franc comorien ne sera finalement dévalué que de 33 %.

Les discussions reprennent. Les chefs d’État, acculés à adopter une mesure dont ils ne veulent pas et qui les effraie, exigent des garanties et des engagements concrets. En début d’après-midi, Roussin est à nouveau convoqué avec le directeur du Trésor. Ils donnent des chiffres, précisent des délais. La veille, pour lever toute équivoque sur la détermination française à mener à bien la dévaluation, le ministre français a montré aux chefs d’État des extraits de correspondance entre Edouard Balladur et François Mitterrand.

« La preuve, selon Roussin, que Paris parle d’une seule voix et que le dossier a été étudié en détail au plus haut niveau. »

Une manière comme une autre aussi de signaler aux amis de Jacques Foccart et de Fernand Wibaux (les deux conseillers de Jacques Chirac ont, jusqu’à la dernière minute, encouragé les chefs d’État à refuser la dévaluation) qu’il n’y a pas d’échappatoire.

Les chefs d’État disparaissent un à un dans l’ascenseur

Vers 15 heures, les Français en ont définitivement terminé. Pendant qu’ils se dirigent vers le snack de la piscine, Michel Camdessus, très décontracté, accompagné de Katherine Marshall, entre à son tour en scène dans la salle du sommet. Lui aussi a choisi de rassurer : longuement, il déclare s’être personnellement battu pour obtenir du FMI des ressources exceptionnelles pour l’Afrique : 3 milliards de FF pendant trois ans.

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ÇA Y EST ! ILS VONT REFUSER DE DÉVALUER !

Puis les chefs d’État se concertent à nouveau. 16 heures, 17 heures, 18 heures … Le protocole annule tous les vols de départ prévus dans la soirée. Hagards, les journalistes affalés depuis près de dix heures d’affilée dans le couloir s’affolent « Ça y est ! Ils vont refuser de dévaluer ! »

Le cas de figure semble d’autant plus fou que, toute la journée, radios et agences de presse se sont succédé pour anticiper l’annonce officielle d’une dévaluation de 50 %.

Vers 20 heures enfin, ministres et délégués s’agitent soudainement en tous sens. Photographes et cameramen bondissent, aussitôt stoppés par un cordon de militaires en treillis. Impuissants, ils regardent les chefs d’État disparaître un à un dans l’ascenseur. Et ce n’est que lorsque tous sont partis que la presse est aimablement conviée à la présentation des communiqués finaux.

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IL N’Y A PAS EU DE MIRACLE

Pour entendre ce que tout le monde attendait dès l’ouverture du sommet. « Deux jours, résumera un confrère, pour avoir la confirmation qu’il n’y a pas eu de miracle … »

Décret de 1994, au Tchad, portant création d’une commission de suivi des effets de la dévaluation du franc CFA.jpg
Décret de 1994, au Tchad, portant création d’une commission de suivi des effets
de la dévaluation du franc CFA.jpg © Cabinet Juriscom