" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. "(Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)
NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :
En vivant proches des pauvres, partageant leur vie. Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée. Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun. Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.
Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.
Le pape demande la paix en Centrafrique
République centrafricaine: que se taisent les armes et que l’emporte le dialogue (Pape François)
Des armes lourdes ont été utilisées, inhabituellement, en Centrafrique dans des offensive contre les Casques bleus (1) les 8 et 13 mai ’17 (2). la dernière vague de violence a également fait de nombreuses victimes civiles.
Pour sa part, le pape François demande que l’on fasse taire les armes et que l’emporte le dialogue:
« Je prie pour les défunts et les blessés et je renouvelle mon appel, a poursuivi le pape : que se taisent les armes et que l’emporte la bonne volonté de dialoguer pour donner au pays paix et développement » (3).
Il ne s’agit pas d’un conflit interreligieux, mais certains attisent les sentiments religieux pour essayer de dresser les différents groupes l’un contre l’autre.
Yvan Guichaoua (Univeristy of Kent) nous livre son analyse géo-politique et stratégique de la présence militaire française au Mali.
« S’entêter dans le paradigme du contre-terrorisme comme mode principal de résolution de la crise malienne a de fortes chances de mener vers une polarisation explosive du paysage politique. Au contraire, requalifier la crise malienne au plus près de ses enjeux immédiats permet d’entrevoir les espaces dans lesquels la paix peut, éventuellement, s’insinuer. »
L'Afrique de l'Ouest adopte un plan pour en finir avec l'apatridie
Par RFIPublié le 10-05-2017Modifié le 10-05-2017 à 14:00
La lutte contre l'apatridie a fait un pas de plus mardi 9 mai en Afrique de l'Ouest. Un sommet réunissait à Banjul le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), aussi en charge de l'apatridie, et les Etats de la Cédéao. Après la déclaration d'Abidjan en 2015, un plan d'action a été signé par les ministres de la Cédéao pour s'entendre autour de mesures concrètes afin de mettre fin à la situation d'apatridie. Une première au monde. Car être apatride, soit sans nationalité, a beaucoup de répercussions sur la stabilité des pays et la vie quotidienne des personnes concernées.
Pour cette jeune fille de 21 ans, être apatride c'est une réalité de tous les jours. A sa naissance, en Gambie, elle n'a pas été enregistrée. Et impossible ensuite d'être régularisée sans la présence de son père, dont elle a perdu la trace. Aujourd'hui, elle ne peut rien faire. « J'étais à l'école, mais je n'ai pas pu continuer car je n'avais pas de papiers. Je ne peux pas avoir d'emploi car je n'ai pas de papiers. Même à l'hôpital, je n'y vais plus, ils me traitaient comme une étrangère et je devais payer plus. C'est comme si je n'étais personne. J'ai l'impression de ne pas exister », témoigne-t-elle.
Volker Türk, haut-commissaire assistant pour la protectio du HCR, se félicite que la Cédéao prenne aujourd'hui le problème à bras le corps. « Il y a des problèmes de documents. Ça a déclenché des conflits dans le passé. Ça montre qu'il y a un lien entre les questions de développement, les questions de sécurité et le fait qu'il y a des apatrides », souligne-t-il.
Le plan d'action adopté à Banjul donne la marche à suivre pour régulariser le million d'apatrides dans la région. Des mesures supervisées par Fatimata Dia Sow, commissaire en charge des affaires humanitaires à la Cédéao. « C'est essentiellement la réforme sur les législations qui sont souvent restrictives, et au niveau de l'enregistrement. Que dès qu'une personne naît, on puisse l'enregistrer automatiquement et la reconnaître. »
Les Etats se donnent jusqu'à 2024 pour mettre fin à l'apatridie dans la région.
Dix millions d'apatrides dans le monde
Pas d'accès à l'école ni aux soins, impossibilité d'ouvrir un compte bancaire ou d'accéder à la propriété, sans parler des voyages souvent impossibles. Les chiffres manquent et les situations sont souvent incomparables d'un pays à l'autre, mais le quotidien des apatrides se ressemble. Si certaines personnes naissent apatrides, d’autres le deviennent malgré elles.
Au total, les apatrides seraient plus de dix millions dans le monde, selon le Haut-commissariat aux réfugiés, dont un tiers d’enfants. Les apatrides sont plus d'un million en Afrique de l'Ouest, autant en Afrique australe, mais aussi des dizaines de milliers en Afrique de l'Est. Qui sont ces oubliés sur le continent ?
En Afrique de l'Ouest, c'est la Cote d'Ivoire qui concentre le plus d'apatrides. Ils seraient 700 000, selon le HCR. Un tiers seraient des enfants abandonnés auxquels la loi ne permettait pas d'obtenir des papiers jusque-là, les deux autres tiers des descendants de travailleurs des plantations de cacao venus de Haute-Volta. Leurs parents n'ont jamais demandé la nationalité burkinabè à l'indépendance. Ils sont devenus à leur tour apatrides aussi.
Au Sénégal, ce sont les talibés qui inquiètent le HCR. Ces enfants des rues peinent très souvent à récupérer des documents d'identité à l'âge adulte. Une double marginalisation qui empêche leur insertion dans la vie active.
En Afrique australe, on compte aussi de nombreux sans-papiers à cause là de la politique du Zimbabwe qui a restreint les critères d'obtention de nationalité. Résultat : des dizaines de milliers de travailleurs des fermes agricoles venus des pays voisins ont vécu sans papiers et transmis leur statut d'apatride à leurs descendants.
Au moment de l'indépendance, les Etats africains ont décidé de geler les tracés des frontières mais cela n'a pas empêché plus tard que des contentieux se posent sur ces tracés, et précisément ces contentieux existent quasiment entre tous les Etats d'Afrique de l'ouest
Emmanuelle Mitte, spécialiste de l'apatridie en Afrique de l'ouest au HCR
10-05-2017 - Par Anne Cantener
A Madagascar, on ne compte plus les Indo-Pakistanais qui ne peuvent pas prouver leur identité. Fils ou filles d'immigrés qui n'avaient pas pris la nationalité française avant l'indépendance de la Grande Ile, ils n'arrivent plus à obtenir leur régularisation.
Autre catégorie aussi, les nouveaux apatrides, qui avaient des papiers, mais qui ont tout perdu en fuyant la guerre Centrafricaine ou encore les exactions de Boko Haram
■ Le casse-tête des descendants d'Omanais au Burundi
Le cas de la communauté de descendants d'Omanais vivant au Burundi est aujourd'hui un véritable casse-tête. Descendants d'esclavagistes omanais qui se sont établis vers la fin du XIXe siècle pour les premiers arrivants, cette communauté s'est ensuite tournée vers le commerce. Plus d'un siècle s'est écoulé, leurs descendants n'ont jamais pris la nationalité burundaise, mais à part quelques chanceux, ils n'ont pas réussi à récupérer un passeport omanais depuis des années, malgré toutes leurs démarches. Sans aucun statut légal, ils sont considérés comme « des personnes à risque d'apatridie » par le HCR. Une situation difficile à vivre puisqu'ils sont devenus pratiquement des sans-droits.
En fait on était des apatrides depuis notre naissance, mais on ne le savait pas. Comme le gouvernement continuait à nous donner des cartes d'identité pour étrangers, on croyait qu'on était reconnu comme Omanais par le gouvernement burundais.
Jeune Afrique était à bord de l’Esperanza, le navire de Greenpeace qui a patrouillé dans les eaux de six pays d’Afrique de l’Ouest pour dénoncer les graves dangers liés à la pêche illégale.
Ballotté par le roulis, le zodiac de Greenpeace appuie son nez contre le flanc rouillé du chalutier chinois Fu Hai Yu 1111, qui dérive depuis deux jours au large des côtes sierra-léonaises. Il faut quelques minutes pour installer l’échelle de corde qui permettra à l’agent de l’unité de protection des pêches du pays, Mohamed Kamara, de monter à bord – aussitôt suivi par plusieurs membres de l’ONG spécialisée dans la protection de l’environnement.
Le comportement du Fu Hai Yu 1111 intrigue en effet depuis deux jours l’équipage de l’Esperanza. Le navire de Greenpeace mène dans les parages, depuis le 24 février, une campagne de onze semaines baptisée Espoir pour l’Afrique de l’Ouest afin d’attirer l’attention sur la pêche illégale dans une région aux eaux autrefois poissonneuses.
Patrouiller n’est pas le rôle d’une ONG, mais nous pouvons épauler ceux qui en ont la charge
À bord du Fu Hai Yu 1111, plusieurs sons de cloche. Les marins sierra-léonais et libériens indiquent qu’ils ne pêchent plus depuis qu’ils savent que les agents naviguent dans les parages. Les patrons, chinois, affirment pour leur part qu’une avarie moteur les empêche de travailler.
À l’arrière du chalutier, un filet tout neuf, vraisemblablement jamais utilisé, a été placé en évidence. Les membres de Greenpeace n’ont aucun mandat pour enquêter à bord d’un navire ; Mohamed Kamara, lui, peut demander au capitaine son passeport, sa licence de pêche et le logbook où il doit consigner l’ensemble de ses prises. « Patrouiller n’est pas le rôle d’une ONG, confie Pavel Klinckhamers, le responsable de la campagne, mais nous pouvons épauler ceux qui en ont la charge… »
De fait, pour surveiller ses eaux, la Sierra Leone a bien besoin d’aide. « Nous disposons bien d’un navire de patrouille de 24 m, le Sore Ibrahim Koroma, mais nous ne l’utilisons que quand nous pouvons nous permettre de payer le fuel et la nourriture pour les douze personnes à bord, explique Hindolo Momoh, le responsable de l’unité de protection des pêches.
Au total, nous ne sortons que dix à quinze fois par an. Heureusement, nous disposons depuis 2009 de comités conjoints avec la police et la douane pour intervenir ensemble contre la pêche illégale, la piraterie ou la contrebande. »
Usage de filets illégaux
À bord du Fu Hai Yu 1111, la pression monte. L’observateur sierra-léonais, dont la présence est obligatoire à bord de navires étrangers, semble mal à l’aise face aux déclarations du capitaine chinois, qui tire nerveusement sur sa quatrième cigarette.
Après avoir épluché la paperasse et constaté la régularité de la licence de pêche et l’absence du logbook, Mohamed Kamara entreprend d’inspecter le navire. Wenjing Pan, la chargée de campagne chinoise de Greenpeace, sert de traductrice, tandis que le Français Pierre Gleizes et le Suédois Christian Aslund photographient et filment la scène.
Il ne faut guère de temps à l’équipe pour localiser, sous un rouleau de cordage masquant une écoutille cadenassée, la cachette d’un autre filet récemment utilisé. Mohamed Kamara a été rejoint à bord par son supérieur, Hindolo Momoh, qui mesure à la règle une dizaine de mailles du filet : 48 mm en moyenne, c’est 12 mm de moins que la taille minimale autorisée. Aussi serré, un filet ne laisse aucune chance aux poissons les plus petits, qui ne pourront donc ni grandir ni se reproduire.
Provenance incertaine
L’inspection se poursuit en direction des cales, vides selon le capitaine. En réalité, la première contient 70 sacs renfermant des requins entiers et 1 400 boîtes de poissons congelés dont la provenance est incertaine – les eaux libériennes, si l’on se fie aux nouvelles affirmations du capitaine.
Dans la seconde, les agents découvrent un autre filet dont les mailles sont d’une taille illégale. Les autorités en font découper un morceau, qui servira de preuve, et saisissent les passeports de l’ensemble de l’équipage. Le Fu Hai Yu 1111 reçoit l’ordre de rentrer au port de Freetown pour une inspection complète. La présence de filets illégaux devrait lui valoir une amende de 30 000 euros.
Une zone totalement surexploitée depuis plusieurs années
Depuis que l’Esperanza a quitté le port de Praia (Cap-Vert), Greenpeace mène le même genre d’opérations avec les autorités de six pays d’Afrique de l’Ouest : le Cap-Vert, la Mauritanie, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Sierra Leone et le Sénégal. Sur les six, seule la Mauritanie s’est montrée réticente, balayant les découvertes de l’ONG – et notamment les opérations de nombreux navires industriels à l’intérieur de la zone des 12 miles nautiques, vitale pour la pêche artisanale. Partout ailleurs, les autorités ont mandaté des inspecteurs afin qu’ils profitent de la présence de l’Esperanza pour surveiller leur territoire.
Zone d’upwelling – où les remontées d’eaux froides, abondantes en nutriments, attirent de nombreux poissons –, les côtes d’Afrique de l’Ouest sont réputées pour leur richesse. Quelque 300 navires chinois et une centaine de vaisseaux européens y plongent sans relâche leurs filets, traquant le thon, la sardine, le chinchard, le vivaneau, le calamar ou la crevette. La Commission européenne évalue à 874 millions d’euros le produit de la pêche dans la région exporté vers l’UE en 2016. Mais l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’inquiète : la zone est totalement surexploitée depuis plusieurs années.
Il est quasi impossible de savoir quelle quantité de poisson peut être pêchée dans cette région
La baisse des stocks de poisson menace directement l’avenir des communautés de pêcheurs africains, mais les gouvernements tardent à agir comme à s’unir. « Le problème, c’est le manque de management et l’anarchie complète dans les accords entre les différentes nations, souligne Pavel Klinckhamers. Il est quasi impossible de savoir quelle quantité de poisson peut être pêchée dans cette région. »
Membre du bureau de Greenpeace au Sénégal, Ahmed Diamé confirme : « Le Sénégal est mieux doté que les autres en matière de surveillance, mais nous poussons à la création d’un organisme régional ayant les moyens d’agir. La Commission sous-régionale des pêches (CSRP) n’a pas le pouvoir de sanctionner. Et l’unité de surveillance qui existe à Banjul, en Gambie, ne se déplace que lorsque des bailleurs extérieurs mettent la main à la poche. Pour l’heure, c’est la léthargie totale car les États ne cotisent pas. »
Des centaines de millions d’euros par an échappent aux pays africains
Organisation créée en 1971 et surtout connue pour son opposition à la chasse à la baleine et au nucléaire, Greenpeace veut attirer l’attention sur le pillage éhonté des eaux africaines, où la quasi-absence de moyens de contrôle laisse libre cours aux pratiques les plus néfastes pour la biodiversité.
Vu le nombre d’infractions constatées en quelques jours de patrouille, il est possible d’imaginer les montants astronomiques qui échappent aux pays africains – les estimations variant entre plusieurs centaines de millions d’euros et un milliard par an.
En Guinée-Bissau, le Saly Reefer, battant pavillon comorien, a été surpris en train de charger du poisson depuis les navires de pêche Flipper 3, 4 et 5 – alors que le transbordement en mer est illégal. Puis une flottille chinoise (Yi Feng 8, 9 et 10) a été épinglée pour n’avoir pas affiché clairement le nom de ses navires… En Guinée, d’autres navires chinois ont été interpellés pour usage de filets illégaux et possession d’ailerons de requin.
Des infractions qui leur ont valu, respectivement, 350 000 et 250 000 euros d’amende. Mais la législation n’est pas aussi sévère partout : les navires arrêtés en Sierra Leone et renvoyés au port (Cona, Fu Hai Yu 1111…) pour usage de filets illégaux ne risquent, eux, que 30 000 euros d’amende, tandis que le Eighteen, navire italien où 4 kg d’ailerons de requin ont été découverts, peut être condamné au regard de la loi européenne, mais pas selon celle de la Sierra Leone – qui n’interdit pas (encore) cette pratique.
L’épuisement des stocks de poisson a des répercussions extrêmement préoccupantes sur la sécurité alimentaire et l’économie de pays qui comptent parmi les plus vulnérables du monde
Face aux puissantes flottes étrangères, l’absence de coopération des pays de la région se paye au prix fort. « L’épuisement des stocks de poisson a des répercussions extrêmement préoccupantes sur la sécurité alimentaire et l’économie de pays qui comptent parmi les plus vulnérables du monde, et il faut s’y attaquer, soutient Ibrahima Cissé, responsable de la campagne Océans pour Greenpeace Afrique. En Afrique de l’Ouest, le poisson représente une importante source de protéines et génère du revenu et des emplois pour quelque 7 millions de personnes. »
Au sein des communautés côtières, l’inquiétude est de mise. « Beaucoup de chalutiers étrangers entrent dans les zones où travaillent les pêcheurs traditionnels et rejettent à l’eau les prises qui ne les intéressent pas, explique Masudi Koroma, représentant du Syndicat des pêcheurs artisanaux de Sierra Leone. Du coup, il y a de moins en moins de poissons. Nous avons beau alerter le gouvernement, la riposte est très lente. »
Les administrations centrales sont-elles prêtes à tendre l’oreille ? « Depuis le départ de Haïdar El Ali [ancien ministre sénégalais de la Pêche], nos relations avec le ministère ne sont pas très bonnes, confie le Sénégalais Ahmed Diamé. Ils nous considèrent comme des fauteurs de troubles et ne nous écoutent pas. »
Les patrons sont parfois très violents avec eux, ils les battent, leur crient dessus
Après avoir abordé le Fu Hai Yu 1111, l’Esperanza s’est lancé à la poursuite de son jumeau, le Fu Hai Yu 2222. Une fois à bord, les inspecteurs sierra-léonais ont découvert un autre filet illégal. Mais sans doute n’était-ce pas là le plus choquant. Alors que le capitaine chinois était entendu sur le pont, les langues des marins se sont déliées. « Ces gens-là, ils s’en fichent de nous : tout ce qui les intéresse, c’est leur poisson, confie Abdul. Ce sont des racistes, venez voir où nous vivons ! Regardez ce que nous buvons ! »
Entassés à 25 dans quelques mètres carrés au-dessus des machines, ils dorment sur des cartons, dans une chaleur de four. Conservée sur le pont supérieur, dans des bacs en métal, l’eau douce a la couleur de la rouille. Le salaire de leur sueur ? 100 à 130 dollars (92 à 120 euros) par mois. « Les patrons sont parfois très violents avec eux, ils les battent, leur crient dessus », confirme Masudi Koroma.
Parfois, ces damnés de la mer sont rassemblés sous des tentes de fortune, sur le toit des navires, en plein soleil, dans des conditions d’hygiène déplorables… Et si, pour obtenir une licence de pêche, la plupart des bateaux étrangers doivent s’associer à des ressortissants locaux, ces derniers ne sont souvent que des prête-noms. Difficile de faire pire pour les pays côtiers : non seulement les ressources halieutiques s’évaporent, mais personne n’en profite sur place. Le scandale environnemental semble bien se doubler d’un scandale social.
Du côté de Pékin
À peine le bateau de Greenpeace avait-il quitté le port de Praia (Cap-Vert) qu’une association de pêcheurs chinois consacrée aux opérations lointaines envoyait un message à tous les navires présents en Afrique pour les avertir, leur conseillant de respecter la législation et leur demandant de se conformer aux demandes éventuelles des autorités.
Consciente de la forte présence chinoise dans les eaux africaines, l’ONG a fait appel à des membres de son bureau de Pékin pour accentuer l’écho de cette opération. « En fonction de nos découvertes, nous envoyons nos propres lettres au ministère de l’Agriculture pour qu’il enquête, sans attendre que les pays se manifestent », affirme la chargée de campagne Wenjing Pan. La Chine, soucieuse de son image sur le continent, où elle entend se démarquer des anciennes puissances coloniales, assure qu’elle se penchera sur les cas litigieux.
Comment étudier si on n'a pas d'argent ?
L’argent des Africains : Jean-Christian, étudiant en économie en Côte d’Ivoire – 49,5 euros d’argent de poche par mois
Depuis quatre ans, Jean-Christian y étudie l’économie. « J’aimerais travailler dans la finance ou dans une banque commerciale », explique le jeune homme issu d’une fratrie modeste de six enfants. Mais pour l’heure, les seuls chiffres qui intéressent l’étudiant sont les 90 000 francs CFA (137 euros) de frais scolaires que lui coûteront sa deuxième année de master, et qu’il ne sait pas encore comment financer.
34 euros déboursés chaque mois par son père
Car comme les années précédentes, Jean-Christian n’a perçu aucune aide financière de l’État. « Si tu ne connais pas quelqu’un pour faire avancer ton dossier de bourse, c’est difficile de la percevoir. Et nous ne connaissons personne pour accélérer la procédure », assure son père, 62 ans, ancien enseignant désormais retraité. Assis aux côtés de son fils devant la maison familiale, cet ancien fonctionnaire déplore également le retard pris dans le paiement de ses pensions de retraite, qui complique un peu plus le financement des études de ses deux fils encore sur les bancs de l’école.
« Je n’aimerais pas que mes enfants restent au même niveau social que moi, je ne voudrais pas qu’ils soient lésés comme nous l’avons été. Et pour cela, il faut les instruire, c’est pour cette raison que je m’endette », justifie fièrement le père de Jean-Christian, qui donne en moyenne chaque mois 22 500 francs CFA (environ 34 euros) à son fils pour payer son transport, ses frais de photocopies nécessaires au suivi des cours, ainsi que les 45 euros déboursés cette année pour l’achat de trois manuels d’occasion.
Des cours particuliers pour 15 euros par mois
Pour arrondir les fins de mois et aider son père à financer ses études, l’étudiant donne des cours particuliers à deux enfants du quartier. Chaque mois, cette activité lui rapporte près de 15 euros. De quoi participer aux 1,5 euros de frais quotidiens pour se rendre à l’université, mais aussi payer ses 4,5 euros de forfait téléphonique mensuel, avec lesquels Jean-Christian se paye parfois une connexion mobile à Internet.
Une rémunération insuffisante pour laisser place aux loisirs. « On ne peut pas se permettre de sortir le soir à côté », explique Jean-Christian, concentré sur la validation de son année, entrecoupée par les mouvements sociaux dans le secteur de l’éducation. « Ça arrive trop souvent, parfois on ne sait même pas pourquoi il y a grève, on nous demande simplement de quitter l’amphi », déplore l’étudiant, qui attend depuis quelques jours les résultats des examens pour valider son année. « On nous avait dit qu’ils seraient annoncés fin avril, mais nous n’avons encore rien reçu », lâche-t-il, anxieux.