Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Niger: le gouvernement veut s'attaquer au trafic d'êtres humains

 

Près de 600 Nigériens sont arrivés à Niamey en provenance du Sénégal, dans la nuit de vendredi à samedi, dans une opération de rapatriement. Un reportage au Sénégal a révélé les conditions de vie de nombreux migrants nigériens, en train de quémander dans les rues de Dakar. Le gouvernement nigérien accuse les trafiquants d'êtres humains et entend lutter contre ce fléau.

C'est un phénomène qui a surpris les autorités nigériennes. Au Sénégal, des centaines de ressortissants nigériens se sont retrouvés dans la misère, contraints à errer dans les rues de Dakar en quête d'argent. Face à ces révélations, le président Mohamed Bazoum a convoqué une réunion.

Alors que 600 personnes sont revenues au Niger, Tidjani Idrissa Abdoulkadri, porte-parole du gouvernement, a évoqué leur sort au micro de Sébastien Németh : « Il s'agit, pour l'essentiel, de femmes et d'enfants. Ils seront pris en charge à Niamey, mais à la fin, ces personnes doivent être convoyées chez elles. »

« Attaquer le problème à sa racine »

Tidjani Idrissa Abdoulkadri pointe la responsabilité des trafiquants d'êtres humains. Selon lui, ces Nigériens obligés de demander l'aumône « ne sont pas à Dakar pour des questions d'insécurité », mais à cause de « l'existence de réseaux de trafiquants de femmes et d'enfants ». « Je ne peux pas comprendre qu'une maman ou un papa confie un enfant à une personne, fusse-t-elle une personne connue. C'est contraire à nos valeurs, à la religion et à la loi. Il n'y a pas de raison économique objective qui puisse fonder cela », affirme-t-il.

Le porte-parole assure que « le gouvernement va prendre toutes les mesures qui s'imposent face à cette situation ». « Les responsables doivent se retrouver devant la justice, comme le veut la loi. Mais au-delà, le gouvernement doit s'engager de manière résolue à attaquer le problème à sa racine, de manière à apporter des solutions définitives à ce fléau qui discrédite notre pays », précise-t-il.

Mali : les sanctions de l’Uemoa contre Bamako suspendues

Mis à jour le 25 mars 2022 à 09:27
 

 

Goodluck Jonathan et Assimi Goïta à Bamako, le 23 août 2020. © H.DIAKITE/EPA/MAXPPP

Face à un Assimi Goïta qui refuse de céder le pouvoir, les chefs d’État ouest-africains avaient pris des sanctions fortes contre Bamako le 9 janvier dernier. Celles-ci viennent d’être suspendues par la Cour de justice de l’Uemoa.

C’est une décision qui change la donne pour le Mali et redistribue les cartes entre Assimi Goïta et les chefs d’État ouest-africains. Alors que ce vendredi 25 mars, la Cedeao tient un sommet extraordinaire à Accra, la cour de justice de l’Uemoa vient de suspendre les sanctions économiques adoptées contre le Mali le 9 janvier.

Face à la volonté d’Assimi Goïta de se maintenir cinq années supplémentaires au pouvoir, les chefs d’État avaient décidé de mesures dures : le gel des avoirs du Mali à la banque centrale commune aux huit États membres de l’Uemoa, celui des entreprises publiques et des organismes parapublics maliens ainsi que la suspension du pays de toute assistance financière des institutions internationales.

Recours

Des sanctions contestées par l’État malien qui a diligenté un collectif d’avocats pour les faire annuler. Le 21 février dernier, ils ont déposé deux recours dénonçant leur « illégalité absolue ». Ils viennent donc d’obtenir gain de cause.

Bamako a notamment fait valoir que les textes de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) prévoient qu’elle ne peut solliciter ni recevoir de directives ou d’instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des États membres de l’Uemoa, de tout autre organisme ou de toute autre personne. Elle ne peut donc être utilisée pour asphyxier un État membre.

Position de force

Cette décision n’est pas définitive, souligne un ancien magistrat malien, car elle n’est que « suspensive ». « Cela ne présage pas de la décision définitive que prendra la Cour de justice de l’Uemoa », précise-t-il.

Reste qu’elle est une première victoire de taille pour la junte tant les sanctions mettent le pays en difficulté économique. « À la veille du sommet du 25 mars, cette ordonnance met le régime malien en position de force face aux chefs d’État de la Cedeao », commente un diplomate basé à Bamako.

Exceptionnellement invité, Assimi Goïta a choisi, selon nos informations, de ne pas se rendre au sommet extraordinaire de la Cedeao. Dans un courrier transmis à la Commission de la Cedeao, le président de la transition marque seulement sa « disponibilité à interagir par visioconférence » avec les chefs d’État. Il a annoncé dépêcher Abdoulaye Diop, le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Maïga, le ministre de l’Administration territoriale et porte-parole du gouvernement, Ibrahim Ikassa Maïga, le ministre de la Réforme de l’État et Fatoumata Sékou Dicko, la ministre chargé des réformes politiques et institutionnelles pour représenter le Mali. Signe qu’aucun accord décisif ne pourra avoir lieu durant le sommet.

Assassinat de Thomas Sankara : la parole est à la défense

Mis à jour le 23 mars 2022 à 19:27
 

 

Reprise du procès de l’assassinat de Thomas Sankara au tribunal militaire de Ouagadougou, le 31 janvier 2022. © Sophie Garcia / Hans Lucas

 

Trois semaines après avoir été suspendu à la demande des avocats de la défense, le procès des assassins présumés de l’ancien président burkinabè a repris à Ougadougou. Les avocats des accusés plaident, pour la majeure partie, la prescription et jugent que les preuves au dossier sont insuffisantes.

C’est dans une salle presque vide que, trois semaines après avoir été suspendu, le procès des assassins présumés de Thomas Sankara a repris mardi 22 mars. En lieu et place de la foule qui s’était pressée lors des premières audiences devant le tribunal militaire de Ouagadougou, en octobre dernier, c’est devant un auditoire clairsemé que les juges ont siégé. Dans les premiers rangs, cependant, toujours fidèle au poste, Mariam Sankara, la veuve de l’ancien président assassiné, était là.

Le 3 mars, les avocats des douze inculpés, dont le principal le général Gilbert Diendéré, avaient défendu que la prestation de serment du lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba en tant que président du Faso et la validation de cette investiture par le Conseil constitutionnel rendaient de facto le coup d’État légal. Pour les avocats de la défense, les charges d’atteinte à la sûreté de l’État retenues contre leurs clients devaient donc mécaniquement être levées… Vendredi, la Cour constitutionnelle a finalement tranché et rejeté leur requête, ouvrant la voie à une reprise des audiences.

« Mort naturelle » et « parodie de procès »

Depuis mardi, la parole est donc à la défense. Me Issiaka Ouattara, le défenseur du médecin militaire Alidou Diebré, accusé de « faux en écriture publique » pour avoir établi le certificat de décès de Thomas Sankara avec la mention « mort naturelle », a plaidé la prescription des faits et réclamé la relaxe. Me Moumouny Kopiho, l’avocat de Kafando Hamadou, accusé des mêmes faits, mais cette fois pour un certificat de décès faisant état d’une « mort accidentelle » de l’icône de la révolution burkinabè, a lui aussi plaidé la prescription.

Plus offensif, Me Moumouny Kopiho, qui défend le colonel-major Jean-Pierre Palm, a pour sa part dénoncé une « parodie de procès », osant même parler d’un « assassinat du droit ». L’ancien gendarme – il fut nommé commandant général de la gendarmerie par Blaise Compaoré après la mort de Thomas Sankara – est notamment accusé d’avoir, au lendemain de l’assassinat, détruit des enregistrements d’écoutes téléphoniques potentiellement incriminantes pour plusieurs personnalités. Pour l’accusation, comme pour les avocats des parties civiles, c’est la preuve d’une complicité active dans le meurtre, mais aussi d’une volonté de couvrir les traces des auteurs et commanditaires. Assurant qu’il n’y avait « aucune preuve tangible » de ces accusations, son avocat a au contraire dressé le portrait d’un « brillant d’officier », un excellent gendarme qui a servi sa nation « avec dévouement ».

La double défense de Diendéré

Les avocats de celui qui fait figure de principal accusé – présent – dans ce dossier, le général Gilbert Diendéré, ont pour leur part déployé une stratégie de défense sur deux axes : tenter de démontrer que les preuves sont insuffisantes, d’une part, et plaider la prescription des faits de l’autre. Me Mathieu Somé a ainsi évoqué « un dépérissement des éléments de preuve qui se sont effritées », avançant même la notion de « droit à l’oubli », pour réclamer la clémence à l’égard de son client. Tandis que Me Abdoul Latif Dabo a évoqué, si longtemps après les faits, « la fragilité des témoignages ».

Mais, comme depuis le début de ce procès, ce sont surtout les silences des absents qui ont fortement résonné dans la salle d’audience. Car si douze hommes font face aux juges, ils sont quatorze à être officiellement inculpés. Manquent à l’appel, l’ex-président déchu, Blaise Compaoré, qui vit en exil en Côte d’Ivoire depuis qu’il a été chassé du pouvoir en 2014, et Hyacinthe Kafando, ancien commandant de sa garde lors du coup d’État de 1987.

Début février, le parquet militaire a requis à l’encontre de chacun des deux hommes une peine de trente ans de prison ferme pour attentat à la sureté de l’État, recel de cadavre et complicité d’assassinat. L’accusation a par ailleurs réclamé vingt ans de prison ferme pour Gilbert Diendéré, qui purge déjà une peine de vingt ans pour la tentative de coup d’État de 2015. Le procureur, qui a requis des peines allant de trois à vingt ans de prison pour les autres coaccusés, a réclamé l’acquittement pour cinq d’entre eux. Deux en raison de la prescription, trois car les faits qui leur sont reprochés ne sont, au sens de l’accusation, « pas constitués ».

À la Une: la situation sécuritaire se dégrade encore au Burkina Faso

 

« La saignée se poursuit dans les rangs des Forces armées nationales, constate le quotidien Aujourd’huiUne semaine après l’embuscade meurtrière tendue par des hommes armés sur l’axe Taparko-Dori où 12 gendarmes partis secourir les passagers d’un bus qui avait sauté sur un engin explosif improvisé, avaient trouvé la mort, le Burkina Faso est de nouveau endeuillé. Encore un dimanche de deuil, car avant-hier, 13 militaires ont été mortellement touchés et 8 blessés lors d’une opération de sécurisation à une vingtaine de kilomètres de Natiaboani., dans la région de l’est. »

Et Aujourd’hui de remarquer que « depuis le putsch du 24 janvier dernier, qui a consacré l’avènement du MPSR au pouvoir, c’est la toute première fois que les Forces armées sont si durement frappées. Le président Damiba, dont le gouvernement a annoncé la mise en branle de nouvelles stratégies et des actions vigoureuses sur le front, le président Damiba est très attendu et le temps n’est pas son meilleur allié. Pied au plancher, le tombeur de Roch Kaboré se doit donc de mettre les bouchées doubles, estime le quotidien ouagalais, pour mettre en déroute les assaillants qui écument des pans entiers du territoire burkinabè semant mort et désolation sur leur passage. »

Kaboré était-il vraiment le problème ?

Le Pays hausse le ton : « malgré le changement de régime, le décompte macabre se poursuit régulièrement, au point que certains commencent à se demander si le problème était vraiment le président Roch Kaboré. Les militaires, qui ont pris le pouvoir le 24 janvier dernier, ont moins d’excuses parce que la défense du territoire, c’est leur métier, et la plupart d’entre eux étaient sur les théâtres d’opérations sous le régime précédent. Ils sont donc censés connaître la situation sur le terrain. » Alors, s’interroge Le Pays, « s’ils n’ont pas de stratégie adaptée, pourquoi avoir pris le pouvoir sous le prétexte de la dégradation de la situation sécuritaire ?

Par ailleurs, pointe encore Le Pays, « dans la lutte contre le terrorisme, tout le monde devrait regarder dans la même direction. C’est dans ce contexte que l’on peut se poser des questions sur l’opportunité du maintien en détention de l’ancien président Roch Kaboré, alors même qu’officiellement, on ne connaît pas de charges retenues contre lui. Dans un État de droit, seule la Justice peut décider de la détention d’une personne. »

La presse malienne à l’agonie

On le voit, la presse burkinabè ne ménage pas les militaires au pouvoir. Elle conserve sa liberté de ton et son esprit critique. Ce qui n’est plus le cas au Mali. « La presse malienne à l’article de la mort », lance Le Sursaut à Bamako. « C’est un secret de polichinelle, s’exclame le quotidien malien, la presse malienne est de nos jours négligée, piétinée et divisée. » Avec « des courants constitués de laudateurs de Kati, aux amplificateurs de la politique-spectacle. S’y ajoutent les nostalgiques des temps passés, les amis des anciens dignitaires. » Et « ce faisant, poursuit Le Sursaut, l’actualité dominante est ramenée à des sujets de "chiens écrasés". (…) Les vrais maux des Maliens sont relégués au second plan, le pouvoir n’a aucun égard pour l’avenir du secteur des médias. (…) On interdit même la livraison des journaux dans certains services publics (…) et on invite la presse locale à soutenir la transition, le ventre creux, la convocation des créanciers sous l’oreiller. Dormez en paix valeureux journalistes qui n’ont pas vécu ces moments. Ces vœux sont de ceux qui attendent leur tour, car le secteur (de la presse au Mali) est à l’article de la mort. »

L’Afrique en treillis…

Enfin, à lire dans Le Point Afrique cette chronique désabusée de l’écrivain guinéen Tierno Monénembo intitulée « L’Afrique en treillis » : « Les gradés sont de retour au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, constate Tierno Monénembo. Trois coups d’État en un an ! Et rien ne dit que l’avalanche a atteint ses limites. Les mauvaises causes produisant les mauvais effets, le choléra du troisième mandat a entraîné la peste des néo-coups d’État. (…) L’Afrique se trouve coincée dans un dilemme dont elle aura du mal à sortir. On est en droit de penser qu’elle est condamnée dans les prochaines décennies à crouler sous le poids des dynasties militaires. Les Assimi Goïta, Mamadi Doumbouya et consorts n’ont pas du tout l’air pressé en effet. (…) C’est la fin des haricots, soupire encore l’écrivain guinéen. Plus personne ne croit à l’illusion démocratique des années 1990. L’avenir sera en treillis et n’imaginons pas que la catastrophe ne sera qu’économique et sociale. Elle sera aussi largement sécuritaire. »

Guinée : les étranges silences de Mamadi Doumbouya, par François Soudan

Mis à jour le 21 mars 2022 à 09:50

François Soudan
 

Par François Soudan

Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

 

Prestation de serment du colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition, devant les juges de la Cour suprême, le 1er octobre 2021, au palais Mohammed-V, à Conakry. © CELLOU BINANI/AFP

 

Tant que le nouveau maître de Conakry n’aura pas dévoilé ses intentions, que la composition du comité militaire qui l’entoure restera opaque et que le calendrier de la transition jusqu’au retour des civils au pouvoir ne sera pas établi, la période d’apnée politique que traverse la Guinée se prolongera. Au risque de provoquer une asphyxie de la démocratie.

Ce que l’on sait de Mamadi Doumbouya, outre son physique avantageux de pilier de mêlée en battle-dress propre à séduire les couturières du marché Madina – un atout esthétique sur lequel avant lui jouèrent d’autres militaires médiagéniques comme Thomas Sankara ou Jerry Rawlings – tient en la partie émergée d’un iceberg. Jusqu’à preuve du contraire, le colonel putschiste du 5 septembre 2021 apparaît comme un homme honnête et de bonne volonté, désireux de nettoyer les écuries de la République tout en préservant les libertés et – ce qui ne gâche rien – plutôt humble. Un patriote aussi, que l’on dit habité par l’idée qu’il se fait de la Guinée, même s’il s’agit là d’une passion commune à tous les chefs d’État qui l’ont précédé, de Sékou Touré à Alpha Condé.

Le problème est que ce que l’on croit connaître de lui s’arrête là et que la partie immergée de l’iceberg Doumbouya demeure un mystère inexploré, sept mois après sa prise du pouvoir. Tout comme est quasi-illisible, pour l’instant, l’avenir politique de la Guinée.

Part d’inconnu

Le voyage en terra incognita commence par la biographie du personnage, sur lequel on ne connaît en réalité que des bribes avant son irruption sur le devant de la scène. Très peu de choses ont filtré sur sa jeunesse, sur le légionnaire qu’il fût en Afghanistan ou en Centrafrique, sur ses stages de formation, ni même sur son rôle exact en tant que patron des forces spéciales dans la répression de la mutinerie de Kindia et des manifestations contre le troisième mandat d’Alpha Condé.

CETTE OMERTA DONNE LA FÂCHEUSE IMPRESSION QUE LES MILITAIRES CHERCHENT À JOUER LES PROLONGATIONS ET À S’INCRUSTER AU POUVOIR

Le putsch du 5 septembre recèle toujours sa part d’inconnu. Combien de morts (on parle de 150) ? Où sont passés les sacs de devises (plusieurs millions, en euros et en dollars), saisis lors du pillage du palais de Sékhoutoureya ? On ne sait rien, non plus, de la composition du comité militaire, le CNRD, en dehors de quelques-uns de ses membres. Et rien du chronogramme de la transition, ni de la date des élections promises.

À Conakry (comme à Bamako), cette omerta donne la fâcheuse impression que les militaires cherchent à jouer les prolongations et à s’incruster au pouvoir. Soyons réalistes pourtant : nul tambour de guerre ne résonne dans les faubourgs de la capitale pour exiger le retour des hommes en treillis dans leurs casernes.

Ultime outrage

Si beaucoup de Guinéens sont toujours sous le charme de Mamadi Doumbouya, les principaux leaders de l’ex-opposition commencent, eux, à sérieusement déchanter. Applaudir comme ils l’ont fait à la chute d’Alpha Condé, en espérant que la junte ramasse pour eux les marrons du feu, c’était oublier un peu vite que le colonel et ses proches les englobaient dans leur profonde défiance à l’égard de la classe politique guinéenne dans son ensemble. Au point de faire à Cellou Dalein Diallo et à Sidya Touré l’affront qu’Alpha Condé n’avait pas osé : les expulser de leur domicile considéré comme bien mal acquis et les sommer de rendre des comptes sur leur gestion passée.

Pour eux, et en particulier pour « Cellou » – lequel, à l’instar d’un Martin Fayulu, d’un Jean Ping, d’un Maurice Kamto ou d’un Agbéyomé Kodjo se considère comme le « président élu » depuis la présidentielle de 2020, tout en estimant à juste titre avoir joué un rôle majeur dans la déstabilisation d’Alpha Condé –, l’ultime outrage serait de se voir interdire de « compétir » à la prochaine course à la magistrature suprême, pour cause de limite d’âge ou d’inéligibilité judiciaire.

Catharsis

Nous n’en sommes certes pas encore là, mais des lignes de tension réapparaissent, sur fond d’accusations réciproques de communautarisme entre une junte dont l’opacité alimente les rumeurs de « malinkocentrisme » et le principal parti de l’opposition, essentiellement implanté au sein de la communauté peule.

À cela s’ajoutent les doutes sur une possible instrumentalisation de la Cour de répression des infractions économiques et financières, dont l’objectif pourrait être de débarrasser le nouveau régime de tout concurrent potentiel, voire de juger Alpha Condé dans un procès-catharsis (mais à double tranchant), susceptible d’offrir aux militaires un surcroît éphémère de popularité. Tant que les intentions de Mamadi Doumbouya quant à son propre avenir n’auront pas été dévoilées, la période d’apnée politique que traverse la Guinée se prolongera. Au risque de provoquer une asphyxie de la démocratie.