Vu au Sud - Vu du Sud

Présidentielle au Mali :
trois candidats déposent des recours

Des soldats montent la garde devant le ministère de l'Administration des territoires à Bamako, le 2 août 2018.
© REUTERS/Luc Gnago

Au Mali, après l'annonce des résultats provisoires du premier tour de la présidentielle, les candidats avaient jusqu'à ce samedi soir pour déposer leur recours devant la Cour constitutionnelle en cas de contestation. Le délai est maintenant expiré et au moins trois candidats ont saisi la haute juridiction.

Aliou Diallo et Cheikh Modibo Diarra ont apporté leurs recours à la Cour constitutionnelle dans la journée ce samedi. Mais ni l'équipe de campagne du troisième homme, ni celle du quatrième homme de l'élection n'ont voulu donner de précisions sur le contenu de ces recours.

Les avocats du candidat qualifié pour le second tour, Soumaïla Cissé, ont également saisi la haute juridiction. « Une vingtaine de recours ont été déposés », indique Tiébilié Dramé, le directeur de campagne du chef de file de l'opposition.

A cela s'ajoute « une requête en récusation de six juges sur neuf » car le directoire de campagne du candidat Cissé les soupçonne de ne pas être neutre. Parmi les juges visés par la requête, la présidente de la Cour constitutionnelle.

Finalement, au-delà de la contestation des résultats du premier tour, l'objectif serait d'empêcher à cette juridiction de délibérer, car pour la délibération, il faut au minimum cinq juges sur neuf.

De son côté, la Cour constitutionnelle a d'ores et déjà annoncé dans un communiqué que les résultats définitifs seront proclamés ce mercredi.


 ■ Second tour : des consignes de vote toujours attendues

Plusieurs candidats malheureux du premier tour sont en phase de réflexion afin de déterminer à qui d’Ibrahim Boubacar Keïta ou de Soumaïla Cissé ils comptent apporter leur soutien. « Nous n’avons pas finalement terminé avec les consultations pour le choix au second tour, il faut attendre ce dimanche », a expliqué à RFI Harouna Sangaré, candidat à l’élection présidentielle qui n’a pas franchi le premier tour.

Trois autres candidats, qui envisageaient rapidement de soutenir le même homme pour le second tour, ont également de leur côté décidé de poursuivre les négociations ce dimanche.

Arrivé en troisième position, l’homme d’affaires malien Aliou Diallo est toujours plus dans la contestation des résultats que dans les négociations du second tour. Ce premier faiseur de rois de l’élection - d’après les résultats provisoires - est cependant déjà sollicité. Selon un de ses proches, il écoute mais ne commente pas pour le moment.

La décision de l'ex-Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra, est elle aussi très attendue. Arrivé quatrième avec 7 % des suffrages exprimés, ce dernier a commencé les tractations, d’abord par des consultations. Des membres de son parti s’expriment et il y aura deux autres étapes avant la décision finale. Il faudra donc probablement encore attendre 48 heures pour savoir quelles seront ses consignes de vote.

Mali: un convoi de l'armée attaqué
dans la région de Ségou

Soldats maliens, juillet 2018, Bamako (illustration).
© REUTERS/Luc Gnago

Une mission de sécurisation des opérations électorales maliennes est tombée, hier mardi 31 juillet, dans une embuscade dans la région de Ségou. Au moins quatre militaires maliens ont été tués. C'est une première depuis l'élection présidentielle de dimanche.

Les militaires maliens sécurisaient un convoi notamment composé de matériels et documents électoraux. Sur l’axe Nampala- Dogofri dans la région de Ségou, situé au nord de Bamako, ils sont d’abord tombés dans une embuscade tendue par de présumés jihadistes. Ensuite, dans la confusion des coups de feux ont été tirés. « Dans le jargon, on parle d’attaque complexe », explique un spécialiste. Le convoi du sous-préfet victime de cette attaque n’était pas en mission officielle.

Au moins quatre militaires maliens ont été tués lors de l'attaque et, selon l’armée malienne, chez les assaillants, huit terroristes ont perdu la vie. Deux véhicules de l’armée malienne, sont encore introuvables et personne ne sait ce que sont devenus les huit militaires qui étaient à bord de ces véhicules. L'armée a organisé des poursuites.

C’est la première fois depuis les élections de dimanche que de présumés jihadistes s’attaquent à un convoi dans lequel se trouvent urnes et autres matériels électoral. Le jour du vote, dans certaines localités du centre et du nord, les mêmes présumés jihadistes avaient empêché le déroulement de l’élection dans quelques localités. 

à (re)lire: Présidentielle au Mali: retour sur une journée de vote dans le calme

Crise au Togo: la Cédéao propose
une feuille de route

Manifestation à l'appel de l'opposition togolaise dans les rues de Lomé, le 5 octobre 2017 (image d'illustration).
© MATTEO FRASCHINI KOFFI / AFP

Le sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest s’est achevé ce mardi à Lomé. Outre les nombreux dossiers à l’ordre du jour, la crise togolaise était au menu et la conférence a donné une feuille de route.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest recommande l’amélioration du cadre électoral pour permettre aux Togolais d’aller aux élections législatives, le 20 décembre prochain.

La recomposition de la Cour constitutionnelle, la limitation à deux du mandat présidentiel, le mode de scrutin à deux tours pour l’élection du président de la République, la réalisation des réformes et le vote de la diaspora constituent les principales recommandations de cette feuille de route de la 53e session ordinaire de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao.

En somme, c’est la pilule drastique trouvée par l’organisation communautaire pour une sortie définitive et durable de cette crise togolaise qui dure depuis bientôt un an. Elle recommande par ailleurs l’adoption de ces réformes par voie parlementaire et invite toutes parties au strict respect de la Constitution.

Les deux facilitateurs, Nana Akufo-Addo du Ghana et Alpha Condé de la Guinée, poursuivront leurs efforts aux côtés des Togolais pour une résolution rapide et durable de la crise. La commission de la Cédéao apportera son expertise technique pour l’organisation des prochaines élections.

Mali: une fin de campagne électorale animée

Au Mali, le Premier ministre rencontrera finalement les candidats de l'opposition. Soumeylou Boubeye Maïga les recevra samedi matin, à 10 heures, à la primature (photo d'archives).
© HABIBOU KOUYATE / AFP

Au Mali, le Premier ministre rencontrera finalement les candidats de l'opposition. Soumeylou Boubeye Maïga les recevra samedi matin, à 10 heures, à la primature. Moins d'un jour donc avant l'ouverture du scrutin présidentiel. Depuis près d'une semaine, les candidats de l'opposition dénoncent des risques de fraude électorale et demandent à rencontrer le Premier ministre qui jusque-là temporisait. Mais tout s'est accéléré vendredi soir.

C'est en toute fin d'après-midi que Soumeylou Boubeye Maïga a rencontré les représentants de l'ensemble des missions d'observation internationales. Celles des Nations unies, de l'Union africaine, de l'Union européenne et de la Cédéao, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest.

A l'issue de cette rencontre, le Premier ministre a donc annoncé son intention de rencontrer les candidats de l'opposition. Jusque-là, il s'était contenté d'entendre leurs doléances.

La communauté internationale en tout cas se réjouit de ce revirement de dernière minute. Cécile Kyenge notamment, chef de la mission d'observation de l'Union européenne a salué « un geste positif ». « Les solutions ne peuvent venir que de la concertation », a-t-elle ajouté.

Reste à savoir maintenant quel type de solutions peuvent être mises en place et surtout dans quels délais. Car le temps presse et les sujets à aborder seront épineux : la fiabilité du fichier électoral, la sécurité dans plusieurs régions du pays ou encore l'absence de représentants de l'Etat pour garantir la bonne tenue du scrutin.

Burkina – Côte d’Ivoire : pourquoi le vote des Burkinabè de l’extérieur fait toujours polémique

| Par

Les Burkinabè de l’extérieur, notamment ceux de Côte d'ivoire, pourraient voter pour la première fois en 2020. Alors que l’Assemblée nationale doit statuer sur un projet de loi visant à modifier le code électoral, l’opposition dénonce un « coup de force ».

Le vote des Burkinabè de l’extérieur, pourtant inscrit dans le code électoral, n’a pour l’instant jamais été une réalité. Une première fois reporté en 2010, il l’a été une nouvelle fois sous la transition, en 2015. Aujourd’hui, la question revient de plus belle à la faveur d’un projet de loi controversé qui sera voté autour du 30 juillet et auquel Jeune Afrique a eu accès.

L’enjeu est de taille : il concerne la présidentielle de 2020. Au cœur de la polémique qui divise opposition et majorité : la nature des documents autorisés pour voter à l’étranger – carte nationale d’identité burkinabè (CNIB), passeport et carte consulaire – et les modalités de déroulement pratique du scrutin, essentiellement le nombre et l’emplacement des bureaux de vote hors du pays.

Le nouveau projet de loi consacre seulement le passeport et la CNIB comme les deux seules pièces requises pour le vote sur le territoire burkinabè et à l’étranger – exit la carte consulaire donc – et érige les ambassades et consulats généraux comme uniques lieux de scrutin hors du pays, précisant qu’ « en cas de nécessité, il peut être créé plusieurs bureaux de vote au sein de l’ambassade ou du consulat général ».

Les Burkinabè de Côte d’Ivoire au centre de l’attention

Les diverses concertations menées par le président Roch Marc Christian Kaboré, dont une dernière réunion avec le Chef de file de l’opposition, Zéphyrin Diabré, en date du 12 juillet dernier, n’ont pas débouché sur un consensus. En cause, des divergences teintées de rivalités politiques sur les deux modifications majeures, avec comme trame de fond la question du vote des Burkinabè de Côte d’Ivoire, qui représentent la diaspora la plus nombreuse avec environ 3,5 millions de personnes et plus de 1,74 million de potentiels électeurs, sur un total de Burkinabè à l’extérieur estimé à près de 7,5 millions de personnes, pour presque 2,6 millions de personnes en âge de voter.

On pense qu’on a peur de la Côte d’Ivoire. Ce qu’on oublie, c’est que nous y avons des militants et des représentants

Ce territoire s’avère donc une manne électorale pour le pouvoir comme pour l’opposition, qui a reçu le renfort du Congrès pour la démocratie et le Progrès (CDP), parti de l’ex-président Blaise Compaoré. L’influence de l’ancien homme fort de Kossyam est d’ailleurs assez ancienne en Côte d’Ivoire, et elle semble même s’y être renforcée depuis son exil dans ce pays et sa récente désignation en tant que président d’honneur de son parti.

La majorité, avec à sa tête le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), parti du chef de l’État, atteste pourtant ne « rien craindre » et vouloir une modification du code électoral pour « garantir la sécurité et la sincérité des votes », affirme Yaya Karambiri, membre du bureau politique du parti présidentiel. « On pense qu’on a peur de la Côte d’Ivoire, s’exclame Lassina Ouattara, président du groupe parlementaire MPP. Ce qu’on oublie, c’est que nous avons également des militants et des représentants aussi sur le territoire ivoirien ».

Majorité et opposition à couteaux tirés

Le code électoral de 2015 désigne « la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB), la carte consulaire ou le passeport burkinabè » comme documents permettant de voter à l’étranger. La majorité présidentielle, avec à sa tête le MPP, souhaitait un vote uniquement avec la CNIB, louant sa fiabilité et estimant que « la majeure partie des Burkinabè de l’étranger, notamment en Côte d’ivoire, ne possède pas de passeport. Quant à la carte consulaire, elle ne justifie pas forcément la nationalité, car elle est délivrée sur la seule présentation d’extraits de naissance », assure Yaya Karambiri.

Un point de vue réfuté par l’opposition : « La carte consulaire est un document officiel délivré par l’État. La récuser, c’est faire preuve de mauvaise foi », estime Kirigahon Alphonse Nombré, vice-président du groupe parlementaire CDP. « Il n’y a pas de débat sur cette carte consulaire pour nous, renchérit Moussa Zerbo, député de l’Union pour le progrès et le changement (UPC). Les conditions d’obtention de la CNIB à l’extérieur sont difficiles. Notre inquiétude est que bon nombre de nos compatriotes ne puissent pas voter. »

Utiliser des écoles ivoiriennes pour aller voter ?

La seconde pomme de discorde concerne les lieux d’installation de bureaux électoraux à l’étranger. En effet, l’article 17 du code électoral de 2015 stipule que les élections hors du pays se tiennent « dans les ambassades et consulats généraux du Burkina Faso ou tout autre lieu en accord avec le pays hôte. » L’opposition voudrait que ce principe demeure, c’est à dire que l’on puisse ériger des bureaux de vote dans d’autres endroits que les ambassades et consulats afin d’éviter les longs déplacements. En Côte d’Ivoire, le Burkina Faso possède une ambassade et trois consulats généraux (Abidjan, Bouaké et Soubré), avec une majorité de Burkinabè vivant dans des villages reculés.

Les Burkinabè de l’étranger doivent se donner les moyens d’aller voter, fustige Anselme Somé, député du MPP

Un exemple qui conforte les opposants dans leurs démarches : « On demandera à nos compatriotes de rallier les lieux de vote à des centaines de kilomètres ? », interroge Moussa Zerbo. « Pour les élections au Mali par exemple, les écoles de la commune de Ouagadougou ont été réquisitionnées. Pourquoi ce ne serait pas le cas pour nous, en Côte d’Ivoire ? », se plaint Alphonse Nombré.

La majorité ne voit pourtant pas le problème du même œil, pointant du doigt les coûts et difficultés d’organisation sur place. « Je crois que les Burkinabè de l’étranger doivent se donner les moyens d’aller voter, estime Anselme Somé, député du MPP. Pour un début, on peut s’entendre sur ce principe afin de minimiser les dépenses. »

Le vote des Burkinabè de l’extérieur était pourtant une promesse de campagne de Roch Marc Christian Kaboré, qui a dirigé les négociations sur la modification du code électoral avec les différents protagonistes. Le projet de loi, tel que porté par le gouvernement et soutenu par la majorité au pouvoir, a de fortes chances d’être adopté. Mais l’opposition affirme ne pas perdre espoir : « Nous ne pouvons pas empêcher le vote du texte car nous ne sommes pas majoritaires au Parlement, explique le député Moussa Zerbo. Mais si la loi passe, nous aviserons. »