Des électeurs nigérians se pressent devant les listes électorales, lors du scrutin pour les gouverneurs, dans l’Etat d’Osun, en juillet 2022. © Pius Utomi EKPEI / AFP
Il en va des élections africaines comme du rituel des saisons : elles reviennent chaque année, charriant leur lot inépuisable de clichés sur leur caractère a priori frauduleux et ethnicisé, tout juste bonnes à servir la légitimation des pouvoirs en place. Pourtant, et de plus en plus, les consultations électorales qui se déroulent sur le continent démentent ces préjugés culturalistes pour s’ancrer dans un autre rituel, celui d’un rendez-vous démocratique dont nul ne peut prévoir l’issue.
Ainsi en est-il d’au moins trois des sept présidentielles prévues pour 2023, à commencer par celles des deux géants, Nigeria et RD Congo, plus de 300 millions d’habitants à eux deux, et presque autant d’incertitudes quant à l’identité du successeur de Muhammadu Buhari et aux capacités de Félix Tshisekedi à obtenir un second mandat.
Dispendieuse tournée
Même imprévisibilité à Madagascar, où nul ne peut encore prédire le résultat (en octobre) de la répétition d’un étonnant scénario qui verrait le président sortant affronter dans les urnes deux de ses prédécesseurs.
Quant au Liberia, pays quasiment abandonné par son président, George Weah, pendant près de sept semaines à la fin de 2022 – le temps d’une dispendieuse tournée qui l’a conduit au Maroc, en Égypte, en France, à Monaco et aux États-Unis en passant par le Qatar, histoire d’y supporter son fils footballeur –, il faudra au Ballon d’or 1995 beaucoup de pédagogie pour convaincre ses concitoyens qu’ils ne se sont pas trompés de casting en le sélectionnant il y a cinq ans, tant son bilan est controversé.
Si la réélection d’Ali Bongo Ondimba au Gabon et celle d’Emmerson Mnangagwa au Zimbabwe sont plus que probables – même s’il conviendra de surveiller la régularité du processus pour l’une, et les risques de répression des contestations pour l’autre –, certains des scrutins locaux de 2023 ne seront pas sans enjeux.
Taux d’abstention
Dès le 8 janvier, les législatives béninoises diront si l’opposition, absente en 2019, parviendra à envoyer un nombre significatif d’élus au Parlement. Et, dix mois plus tard, les municipales ivoiriennes scelleront l’avenir du nouveau parti de Laurent Gbagbo. Dans tous les cas, il faudra observer de près le taux d’abstention, lequel mesure le degré de désaffection pour le vote motivé par un sentiment d’impuissance à changer les règles du jeu et qui est sans doute le pire ennemi de la démocratie. Un ennemi plus redoutable encore que ne le sont le vote communautaire, pas forcément antinomique du vote d’opinion, la violence électorale directement liée à la compétition démocratique, ou même la fraude à laquelle tous les concurrents ont recours, le seul problème étant l’inégalité d’accès aux moyens de tricher.
Après tout, de Kinshasa à Harare et de Libreville à Monrovia, c’est en période électorale que le peuple peut reprendre aux hommes politiques un peu de ce qu’ils ont accumulé. Tirer profit au sens financier du terme pendant une campagne électorale, puis se prononcer librement le jour venu en fonction de ses autres intérêts, ne relève pas du mercenariat mais de la démocratie participative. Ce n’est pas sur son programme – qui n’engage que ceux qui y croient – ni sur son projet de société – au mieux évanescent – qu’un candidat, grand ou petit, sera jugé. Mais sur sa capacité à redistribuer.
François Soudan
RDC : le contre-la-montre de Félix Tshisekedi
Félix Tshisekedi, ici au siège de l'UDPS lors de la campagne présidentielle en RDC en décembre 2018. © LUIS TATO/AFP
Les Congolais iront-ils aux urnes le 20 décembre prochain ? Si la présidence et la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’ont cessé, tout au long de l’année écoulée, de répéter qu’un report des élections générales n’était pas au programme, l’hypothèse d’un glissement de calendrier n’est pas écartée. Elle est même jugée crédible par de nombreuses chancelleries.
Au rang des défis figure évidemment la situation sécuritaire, plombée depuis plusieurs mois par les combats entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise, mais aussi le retard pris dans le financement du processus électoral et dans les opérations d’enrôlement. Cette étape cruciale, qui n’avait pas commencé au début de décembre 2022, n’a jamais pris moins de treize mois lors des trois précédents cycles électoraux.
Les candidats, eux, sont déjà nombreux. Outre Félix Tshisekedi, qui briguera un second mandat, plusieurs opposants ont déjà annoncé qu’ils se présenteraient. Convaincu d’avoir gagné en 2018, Martin Fayulu tentera de prendre sa revanche. L’ex-Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, chahuté par la justice dans différentes affaires de détournements de fonds, est lui aussi sur la ligne de départ, tout comme Adolphe Muzito, partenaire de Fayulu au sein de la coalition Lamuka, et Jean-Marc Kabund, l’ex-patron de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). La candidature de ce dernier reste toutefois suspendue à l’issue de son procès pour outrage au chef de l’État.
Félix Tshisekedi pourrait également affronter certains membres de sa propre coalition. En désaccord ouvert avec le président, Moïse Katumbi (Ensemble pour la République) a officialisé sa candidature le 16 décembre. L’incertitude demeure, en revanche, sur l’identité de celui qui représentera le camp de Joseph Kabila. La formation de l’ex-président n’a toujours pas réuni son congrès et peine à se remettre de la perte de sa majorité.
Romain Gras
Gabon : et de trois pour Ali Bongo Ondimba ?
Le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, en septembre 2020 à Libreville. © WEYL LAURENT/PR GABON
Une présidentielle, puis des législatives et des locales… En 2023, le calendrier électoral gabonais sera très chargé. La présidentielle, prévue en août, est déjà au centre de toutes les attentions. La classe politique réfléchit au moyen d’éviter que ne se reproduisent les violentes contestations qui avaient émaillé les précédentes éditions (2009 et 2016) et qui avaient engendré des crises postélectorales.
La Cour constitutionnelle cherche donc la formule magique en consultant l’opposition, laquelle propose notamment de transférer toutes les compétences électorales au Centre gabonais des élections (CGE) et de renouveler sa composition. Elle suggère aussi d’impliquer toutes les formations politiques dans les différentes phases du processus, d’adopter un bulletin de vote unique au format A3, de transmettre la liste électorale à tous les partis et de la publier sur le site internet du CGE.
Dans le même temps, les états-majors partisans se préparent sans trop savoir ce qui les attend. Réuni en congrès les 21 et 22 décembre dernier, le Parti démocratique gabonais (PDG) célébrera aussi en grande pompe le 55e anniversaire de sa fondation, en mars 2023. C’est à cette occasion que le président sortant, Ali Bongo Ondimba, devrait officialiser ses intentions, même s’il fait peu de doute qu’il briguera un troisième mandat de sept ans.
De son côté, Alexandre Barro Chambrier, réélu à la tête du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) lors du congrès du 2 décembre dernier, espère prendre le leadership de l’opposition, qu’il appelle à constituer un front uni contre le pouvoir. Reste à savoir si Jean Ping, arrivé deuxième en 2016, lui passera symboliquement le témoin. Pour le moment, l’ancien président de la Commission de l’UA se mure dans le silence. Silence aussi à propos des candidatures de Guy Nzouba-Ndama, l’ancien président de l’Assemblée nationale, empêtré dans des affaires judiciaires, et de Paulette Missambo, tous deux poids lourds de l’opposition.
Georges Dougueli
Mali : de l’espoir malgré les obstacles
Le colonel Assimi Goïta, en août 2022 au palais présidentiel, à Bamako. © Presidence Mali
Maintes fois promise, maintes fois reportée depuis la fin des années 1990, la révision de la Constitution de 1992 devrait enfin être soumise au vote en 2023. Un avant-projet a déjà été remis aux autorités en octobre 2022. Il devra être adopté par le Conseil des ministres, puis par le Conseil national de transition (CNT), qui fait office d’organe législatif, dans les mois à venir. Les Maliens, eux, seront appelés à se prononcer le 19 mars dans le cadre d’un référendum constitutionnel.
Cette nouvelle mouture de la Loi fondamentale met notamment en avant « le caractère unitaire de l’État malien », fermant la porte à l’idée d’un État fédéral dans lequel certains voyaient une solution pour répondre aux aspirations indépendantistes du Nord. Elle offre aussi la possibilité à l’État d’accorder à un certain nombre de langues locales le statut de langue officielle.
Sept mois plus tard, le 29 octobre 2023, les Maliens reprendront le chemin des bureaux de vote afin d’élire les membres de l’Assemblée nationale, dissoute au lendemain du putsch de 2020. Ils choisiront leurs 147 députés dans un contexte de recomposition du paysage politique. Certains leaders sont en effet décédés : Ibrahim Boubacar Keïta (Rassemblement pour le Mali, RPM) ; Soumaïla Cissé (Union pour la République et la démocratie, URD) ; Soumeylou Boubèye Maïga (Asma-CFP) ; d’autres responsables politiques sont en exil.
Principal défi pour ces législatives comme pour le référendum : parvenir à organiser le scrutin dans tout le pays alors qu’une large partie du territoire échappe au contrôle de l’État. Les autorités devront également veiller à ce qu’il soit libre et transparent, alors que les dernières législatives (mars-avril 2020), organisées sous la présidence d’IBK et entachées d’irrégularités, avaient soulevé de vives contestations, précipitant la chute du président.
Manon Laplace
Côte d’Ivoire : que pèse vraiment Laurent Gbagbo ?
Laurent Gbagbo, devant les militants du Parti des Peuples Africains, en octobre 2022. © ISSOUF SANOGO:AFP
En octobre et en novembre, les Ivoiriens seront appelés à élire leurs quelque 200 maires, ainsi que les présidents de région. Ces scrutins seront analysés de près, ne serait-ce que parce qu’il s’agira du premier grand test électoral pour le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), qu’a créé Laurent Gbagbo.
Que pèse cette formation, fondée en octobre 2021 à Abidjan et née d’une scission du Front populaire ivoirien (FPI), finalement laissé à Pascal Affi N’Guessan ? La création par l’ancienne première dame Simone Gbagbo de son propre mouvement aura-t-elle un impact sur cette gauche déjà divisée ?
Parmi tous les duels qui se profilent, celui qui sera disputé dans la commune de Yopougon, immense labyrinthe de l’ouest d’Abidjan, considéré comme un bastion pro-Gbagbo, sera très observé. Le fils de l’ancien président, Michel Gbagbo, élu député dans la circonscription, devrait être candidat. Face à lui, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) a déjà fait le choix d’un poids lourd : Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale, qui joue gros avec cette candidature surprise.
Dans le reste du pays, le parti présidentiel alignera d’autres personnalités, des proches d’Alassane Ouattara ainsi que de nombreux ministres. En 2018, le RHDP avait raflé plus de la moitié des régions et presque autant de communes. Va-t-il encore gagner du terrain ? Quoi qu’il en soit, certaines candidatures seront sans aucun doute suivies de près par le chef de l’État à deux ans de la présidentielle.
De son côté, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), d’Henri Konan Bédié, entend bien freiner la progression du RHDP. Mais, traversé par de vives querelles internes, parviendra-t-il à se mettre en ordre de bataille d’ici à cette échéance ? S’alliera-t-il avec le PPA-CI, et si oui, où ? Demeure une inconnue de taille : la participation, liée aux deux facteurs que sont la sécurité du scrutin et l’assurance, pour l’opposition, que ces élections seront transparentes. Les partis ont moins d’un an pour convaincre les Ivoiriens qui se sont détournés de la politique d’aller voter.
Florence Richard
Madagascar : la bataille des « ex- »
Marc Ravalomanana, Andry Rajoelina et Hery Rajaonarimampianina. © MONTAGE JA : RIJASOLO / AFP ; TUNISIAN PRESIDENCY / ANADOLU AGENCY via AFP ; Mamyrael / AFP
On prend les mêmes et on recommence ? Selon toute vraisemblance, les têtes d’affiche de la prochaine présidentielle devraient être les mêmes qu’en 2018 : les anciens présidents Marc Ravalomanana (2002-2009) et Hery Rajaonarimampianina (2014-2018), ainsi que l’actuel chef de l’État, Andry Rajoelina, qui fut président de la transition entre 2009 et 2013. Le trio, qui domine la vie politique malgache depuis deux décennies, avait déjà rassemblé 83,4 % des suffrages en 2018.
À moins d’un an du premier tour, annoncé pour octobre, seul Marc Ravalomanana a déjà officialisé sa candidature. Hery Rajaonarimampianina y réfléchit toujours, selon ses proches, mais ne devrait pas tarder à se déclarer, tout comme Andry Rajoelina. Ce dernier a ressorti le Plan Émergence Madagascar (PEM), qui, sous un nom différent, lui avait déjà servi de programme électoral il y a cinq ans. Un document toujours d’actualité tant le pays semble loin d’avoir atteint le développement économique promis.
Le président en exercice a certes dû composer avec une pandémie mondiale puis avec la guerre en Ukraine – deux événements qui ont compliqué son quinquennat. Mais plus de trois Malgaches sur quatre vivent encore au-dessous du seuil de pauvreté. L’économie devrait donc s’imposer dans les débats et trouver sa place entre les invectives qui ponctuent habituellement les campagnes présidentielles sur la Grande Île.
Olivier Caslin
Bénin : l’opposition à Patrice Talon tient-elle sa chance ?
Patrice Talon, au palais présidentiel, en 2020. © YANICK FOLLY/AFP
« Je suis fier de cette législature. » Devant le Parlement, le 8 décembre dernier, Patrice Talon n’a pas hésité à affirmer que le travail des députés sortants avait « marqué un tournant dans l’histoire politique » du pays. Un satisfecit qui a fait froncer plus d’un sourcil dans les rangs de l’opposition, dont aucun membre ne siège dans cette Assemblée élue en avril 2019. Seules les listes du Bloc républicain (BR) et de l’Union progressiste (UP) – qui se réclament de la mouvance présidentielle – avaient été autorisées à concourir.
Quatre ans plus tard, l’opposition parviendra-t-elle à envoyer des élus au Parlement à l’issue des législatives du 8 janvier ? Les Démocrates, parti fondé par l’ancien président Thomas Boni Yayi, ont finalement été autorisés à participer et, en tout, huit formations alignent des candidats. Les mêmes qui, il y a quatre ans, déploraient que l’Assemblée soit « monocolore » se félicitaient, quelques jours avant le vote, d’une élection « inclusive, festive et transparente », pour reprendre les termes d’Éric Houndété, le patron des Démocrates.
S’apprête-t-on pour autant à tourner définitivement la page des crispations politiques ? Les partisans des opposants Reckya Madougou et Joël Aïvo, incarcérés après leur condamnation pour des faits de « terrorisme », ne sont pas de cet avis. Reste une inconnue : Patrice Talon, que la Constitution oblige à céder sa place en 2026, n’a pas désigné de dauphin. Mais les premières manœuvres en coulisses ont déjà débuté.
Matthieu Millecamps
Nigeria : objectif Aso Rock
Atiku Abubakar et Bola Ahmed Tinubu, les deux candidats en lice pour la présidence du Nigeria. © MONTAGE JA : Sunday Alamba/AP/SIPA ; KOLA SULAIMON/AFP
Le 25 février, les quelque 95 millions d’électeurs du pays le plus peuplé du continent éliront le successeur du président sortant, Muhammadu Buhari, qui, à 80 ans et conformément à la Constitution, ne se représentera pas à l’issue de ses deux mandats.
Alors que la campagne électorale n’a fait émerger aucun favori, l’opposant Atiku Abubakar, du Peoples Democratic Party (PDP), et Bola Tinubu, qui porte les couleurs du parti au pouvoir, le All Progressives Congress (APC), sont les mieux placés pour conquérir Aso Rock, le palais présidentiel d’Abuja. Face à eux, un troisième candidat, Peter Obi, ancien gouverneur de l’État d’Anambra, espère créer la surprise en captant, notamment, le vote des jeunes.
Depuis l’avènement de la démocratie, en 1999, les deux principales formations du Nigeria se disputent la magistrature suprême. Le PDP, d’Atiku Abubakar, espère ainsi regagner la présidence, dont l’avait évincé Muhammadu Buhari en 2015, et incarner la deuxième alternance.
Les deux poids lourds de la politique nationale, qui figurent parmi les plus grandes fortunes du pays, disposent de moyens financiers importants pour faire campagne. Mais leur origine pourrait également influencer le scrutin. Une règle tacite prévoit en effet une alternance entre les présidents originaires du Nord et ceux provenant du Sud, dans un souci d’unité. Un principe qui pourrait favoriser Bola Tinubu, natif du Sud-Ouest, Muhammadu Buhari étant un « nordiste ».
Manon Laplace
Liberia : le Ballon d’or ne fait plus rêver
Le président libérien George Weah, en novembre 2021 à Monrovia. © JOHN WESSELS / AFP)
Mais où est passé George Weah ? Au Liberia, l’année 2022 s’est achevée sur une nouvelle polémique. Parti du pays officiellement pour participer à plusieurs rencontres politiques et économiques de haut niveau, le président a allongé de plus d’un mois son séjour à l’étranger pour assister à la Coupe du monde de football au Qatar et y voir son fils jouer sous le maillot des États-Unis. « Le pays est en pilotage automatique », s’est agacé Joseph Boakai, ancien vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf et leader du Unity Party, qui sera candidat à la magistrature suprême en 2023.
L’affiche de la présidentielle du 12 octobre – qui sera couplée à l’élection des députés et d’une partie des sénateurs – sera vraisemblablement la même qu’en 2018. Weah, qui brigue un second mandat, a repris Jewel Howard-Taylor sur son ticket. Cette alliance constitue un sérieux atout pour diriger le pays cinq ans de plus. La tâche promet néanmoins d’être bien moins aisée cette fois-ci : le « Ballon d’or », qui faisait rêver une partie de la jeunesse, a vu son mandat rythmé par des affaires de corruption et se retrouve critiqué pour l’absence de changement apporté. Lors des sénatoriales de 2020, sa coalition avait subi un lourd revers.
Anna Sylvestre-Treiner
Zimbabwe : Chamisa peut-il vaincre Mnangagwa ?
Quarante-trois ans après avoir pris la tête du Zimbabwe, la Zanu-PF s’est donnée un maximum de chances de poursuivre son règne sans partage cinq années supplémentaires. Le tombeur de Robert Mugabe, Emmerson Mnangagwa, choisi par son parti pour concourir à un second mandat, n’a rien modifié du système de son prédécesseur.
À la tête de la Coalition pour le changement (CCC, ex-Mouvement pour le changement démocratique, de Morgan Tsvangirai), qu’il espère renouvelée et débarrassée de ses rivalités internes, l’opposant Nelson Chamisa espère tirer profit de la situation économique catastrophique dans laquelle se trouve le pays. En 2018, avec 44% des voix, il avait manqué de peu la victoire. Au début de 2022, lors d’élections législatives et locales partielles, son parti avait réalisé des scores plus élevés que prévu, ce qui avait marqué les esprits. Mais, face à des institutions verrouillées et à un système répressif redoutablement efficace, Chamisa aura fort à faire pour renverser la majorité.
Anna Sylvestre-Treiner
Mauritanie : un test pour « Aziz »
© SEYLLOU/AFP
Le 13 décembre, la commission électorale a fixé leur date : le premier tour des élections législatives, régionales et municipales devrait se tenir le 13 mai. Un an avant la présidentielle, ces scrutins seront un véritable test de popularité.
Pour Mohamed Ould Abdelaziz, tout d’abord. L’ancien président, qui ne s’est jamais éloigné de la politique en dépit de sérieux ennuis judiciaires, compte en effet présenter des candidats sous les couleurs de Ribat Al Watani, le parti qu’il a rejoint en 2021. Pour son successeur, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, aussi, dont la majorité s’est fissurée ces derniers mois avec la mise à l’écart de Yahya Ould Ahmed El Waghef, secrétaire général du gouvernement (désormais ministre de l’Agriculture), et de Sidi Mohamed Ould Taleb Amar, patron du parti présidentiel (aujourd’hui ministre de l’Hydraulique).
Enfin, les opposants « historiques » s’étant rapprochés du chef de l’État, d’autres alliances pourraient se nouer entre les ennemis d’hier – Biram Dah Abeid, les islamistes du parti Tawassoul et « Aziz » – et aboutir à l’émergence d’un nouveau contre-pouvoir.
Justine Spiegel
Sénégal : encore un an de suspense
Le débat politique est dominé par la possibilité d'une candidature controversée de Macky Sall (ici en février 2022 à Paris) à un troisième mandat. © SARAH MEYSSONNIER / POOL / AFP.
Si le premier tour de l’élection présidentielle se tiendra en février 2024, l’année 2023 ne s’annonce pas moins cruciale. Karim Wade (Parti démocratique sénégalais, PDS) et Khalifa Sall (Taxawu Sénégal) seront-ils en mesure de se présenter malgré les condamnations qui les avaient frappés, respectivement en 2015 et en 2018 ? Selon Ismaïla Madior Fall, le ministre de la Justice, deux projets sont à l’étude : une loi d’amnistie ou bien une modification de la loi électorale, qui leur permettrait de recouvrer la plénitude de leurs droits civiques.
Autre inconnue, le sort judiciaire d’Ousmane Sonko, le leader du Pastef (opposition). Accusé de viols par une jeune Sénégalaise, Adji Sarr, il reste inculpé et pourrait être fixé sur son sort en 2023. Bénéficiera-t-il d’un non-lieu, ou sera-t-il renvoyé devant un tribunal, au risque de subir une lourde condamnation qui entraverait son ascension politique ?
Enfin, c’est sans doute avant la fin de 2023 que Macky Sall dissipera les doutes sur sa volonté de solliciter un troisième mandat. Dans l’hypothèse où il annoncerait y renoncer pour se conformer à l’article 27 de la Constitution, se poserait la question de sa succession au sein de l’Alliance pour la République (APR). Et, dans un tel scénario, celle du maintien ou de la dissolution de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) formée autour de l’APR, du Parti socialiste et de l’Alliance des forces de progrès (AFP).
Mehdi Ba