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Législatives au Bénin: la délicate fin de campagne de Paul Hounkpe (FCBE)

 

Fin de campagne ce vendredi 6 janvier à minuit pour les sept partis qui briguent les 109 sièges de l’Assemblée nationale à pourvoir. Paul Hounkpe, secrétaire exécutif des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), l’autre force se réclamant de l’opposition, a tenu un de ses derniers grands meetings, hier, jeudi, dans son fief la commune de Bopa, à plus de 100 km de Cotonou. Nommé chef de file de l’opposition en mai 2021 après les scrutins contestés des municipales et de la présidentielle, son statut n’est pas reconnu par les autres. Les enjeux du vote sont importants pour lui. Le champion de Lobogo a donc soigné la mise en scène de son arrivée.

 

Paul Hounkpe a tenu son meeting à la gare routière de Lobogo, son village d’origine, écrit notre correspondant au Bénin, Jean-Luc Aplogan : caravane, tam-tam et un maître de cérémonie pour chauffer la place. Les affiches avec le symbole cauris et son effigie sont partout. Les militants l’ont attendu presque trois heures, et c’est une sirène qui annonce son arrivée.

Paul Hounkpe est ovationné. Il salue la foule comme un prélat. Lobogo s’est mobilisée en témoignent ces réactions : « Paul Hounkpe est un frère à nous, digne du nom. Nous sommes derrière lui pour le soulever pour qu’il nous représente à l’Assemblée nationale » ; « Il est dynamique ! » ; « Je vais voter pour lui. Je vais voter FCBE ! »

« Un parlement du peuple pour le peuple »

La banderole à l’entrée résume l’offre parlementaire FCBE : « Un parlement du peuple pour le peuple ». Et le peuple a déjà sa liste de doléances : « La voie est notre priorité pour le moment. Du travail pour les jeunes, et il est bien placé » ; « le goudron, l’eau et l’électricité » ; « nous les femmes, on a besoin de beaucoup de choses. La route, le courant électrique, tout ! »

La participation des Démocrates change la donne, Paul Hounkpe et son parti ne seront plus la seule force d’opposition dans le match. Au bout, il y a le statut de chef de file de l’opposition à décrocher.

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Au Bénin, les derniers scrutins avaient été marqués par de fortes tensions et des violences, en raison de la non-participation de l’opposition. Cette fois, à deux jours du vote, à Savè, commune du département des Collines, l’atmosphère est calme.

Commerces ouverts, routes dégagées, raconte notre envoyée spéciale sur place, Magali Lagrange. À quelques jours des législatives, Savè offre un visage bien différent de celui d’avril 2021 : « Ça se passe bien, il y a du calme. Tout va bien et vraiment, c’est bien bon ! »

Emmanuel Houessou lave une voiture devant une pharmacie, là où un camion barrait la route, avant la dernière présidentielle. Des barrages avaient été érigés là et sur la route menant à Parakou par des manifestants hostiles à la tenue d’un scrutin sans grande figure de l’opposition. L’armée avait été envoyée en renfort, de violents heurts avaient éclaté. Cette fois, du côté de la mouvance présidentielle comme de l’opposition, on espère que cette élection, plus inclusive, fera revenir les électeurs aux urnes. Les partis affirment avoir pu mener leur campagne normalement : « Il y a les caravanes qui passent, il y a l’harmonie entre eux, il n’y a pas de tapage, les gens ne se blessent pas. Comme ils ont permis à l’opposant d’y assister, il y a le calme ! L’ambiance, c’est normal. Chaque parti a dit ce qu’il veut faire, maintenant, c’est à toi de juger ce qui est bon pour toi, et d’aller voter, dans le calme. »

Le calme, la paix. Comme Gilbert, c’est le souhait qu’exprimaient hier plusieurs habitants de Savè, y compris ceux qui affichent leur désintérêt pour le scrutin. Le souvenir des tensions des dernières élections est encore vif. Hier, aucun dispositif sécuritaire particulier n’était visible dans les rues de la ville.

 

Entre le Mali et la Guinée, une « solidarité » qui coûte cher

Croissance en berne, baisse des exportations, différends avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). En 2022, les économies guinéenne et malienne ont connu une passe difficile. Jeune Afrique fait le point.

Mis à jour le 3 janvier 2023 à 18:11

 
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Le chef de la junte guinéenne, Mamadi Doumbouya (à g.), et le président de la transition au Mali, Assimi Goïta, à Bamako, Mali, le 22 septembre. Le chef de la junte guinéenne, Mamadi Doumbouya (à g.), et le président de la transition au Mali, Assimi Goïta, le 22 septembre, à Bamako (Mali). © AP/SIPA

 

La sanction est tombée au premier jour de janvier. Au même titre que l’Éthiopie, la Guinée et le Mali ont été exclus de l’African Growth opportunities Act (Agoa) – loi qui permet aux pays d’Afrique subsaharienne d’exporter vers les États-Unis sans droits de douane – en raison de « l’absence de pluralisme et de l’absence de l’État de droit », selon le bureau du représentant américain au Commerce (USTR, United States Trade Representative). Conjuguée aux dissenssions avec la Cedeao, la croissance commerciale de ces deux pays s’en est trouvée très affectée.

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Sanctions et restrictions

En septembre dernier, en effet, les pays de la Cedeao, réunis en marge de la 77e Assemblée générale de l’ONU, ont reproché à la junte guinéenne son inflexibilité concernant l’annonce d’une date de retour des civils au pouvoir. À la suite de cela, des « sanctions progressives sur des individus et contre la junte guinéenne » ont été prises, comme l’indiquait le président de l’organisation, Omar Aliou Touray, lors du sommet de la Cedeao qui s’est déroulé à huis clos à New York. Ces sanctions comprennent le gel des avoirs financiers des dirigeants du pays, une interdiction de voyager pour ces derniers, mais surtout la suspension de toute aide financière et de toute transaction financière en faveur de la Guinée par les institutions de la Cedeao.

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Également dirigé par une junte militaire, et lourdement sanctionné par la Cedeao jusqu’en juillet dernier, le Mali a déclaré « se désolidariser » des mesures prises par ses pairs à l’encontre de son voisin géographique. D’autant plus que la junte guinéenne conduite par Mamadi Doumbouya avait décidé de ne pas condamner Bamako, et ce malgré le principe de l’extraterritorialité. Ainsi, les frontières aérienne, terrestre et maritime de la Guinée sont restées ouvertes au Mali enclavé.

« Deux poumons d’un même corps »

Alors que le concept de fédération Mali-Guinée, symbolisée par les « deux poumons d’un même corps », date de l’époque de Sékou Touré et Modibo Keita, une ère où il était question de réunir les deux pays ainsi que le Ghana en fédération, l’idée demeure jusqu’à présent. « Nous sommes dans le même bateau, alors on tente d’avancer ensemble », avait confié à Jeune Afrique le conseiller du Premier ministre guinéen Bernard Goumou lors de la dernière AG de l’ONU.

BAMAKO ET CONAKRY SONT DE PLUS EN PLUS MIS À L’ÉCART DE LA SCÈNE RÉGIONALE

D’ailleurs, pas plus tard qu’au mois de novembre, le Mali et la Guinée ont signé cinq accords de coopération à l’issue de la neuvième grande commission mixte de coopération bilatérale. Cette commission, qui s’est tenue à Conakry, a pour objectif de renforcer et d’institutionnaliser l’alliance entre les deux pays. Les accords conclus concernent les domaines du « commerce, de la sécurité et de la protection civile, de la santé, des mines, de la géologie, de l’exploration minérale, de l’énergie et de la pêche », indique Abdoulaye Diallo, conseiller technique du ministère des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine du Mali.

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D’autres projets sont en cours, parmi lesquels l’inauguration, au port autonome de Conakry, d’un parc de stationnement d’une capacité de 1 200 camions (le Parc de Kidal) réservé exclusivement aux véhicules du Mali. Une coopération précieuse, mais à double tranchant car de nombreux États africains voient d’un mauvais œil ce rapprochement des régimes putschistes : Bamako et Conakry sont de plus en plus mis à l’écart de la scène régionale.

Vulnérabilité aux chocs exogènes

En Guinée, selon les données officielles du gouvernement, les exportations nettes ont diminué de 29 % entre 2021 et 2022. Au Mali, d’après le dernier bulletin officiel, les exportations ont diminué de 6 % aux deuxième et troisième trimestres de 2022 par rapport à la même période en 2021. Mais l’activité commerciale a repris au dernier semestre de l’année écoulée.

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Selon la BAD, la croissance du PIB guinéen a atteint 4,9 % en 2022 et sera de l’ordre des 5,7 % en 2023, notamment grâce aux projets miniers, à la disponibilité de l’énergie et aux investissements dans les infrastructures. Toutefois, l’économie guinéenne est peu diversifiée et très vulnérable aux chocs exogènes, en particulier ceux liés aux matières premières. Et le secteur agricole, qui emploie 52 % de la population active, ne représente que 23 % du PIB.

Avec une croissance de 2,6 % en 2022, et malgré une prévision de +5,3 % en 2023, le Mali est confronté à une inflation en hausse, qui a atteint +8 % en 2022 et qui est prévue à +3 % en 2023. De plus, la dette publique du pays est de l’ordre de 55,9 % du PIB. Ce ratio demeure néanmoins inférieur à la norme régionale de 70 % du PIB.

2023, année électorale : RDC, Bénin, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali… Les Africains appelés aux urnes

Des législatives, des municipales, un référendum et, surtout, sept présidentielles… Que leur déroulement soit serein ou houleux, que leur issue soit prévisible ou surprenante, ces scrutins seront scrutés à la loupe.

 
Par Jeune Afrique
Mis à jour le 1 janvier 2023 à 10:37

 
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Des électeurs nigérians se pressent devant les listes électorales, lors du scrutin pour les gouverneurs, dans l’Etat d’Osun, en juillet 2022. © Pius Utomi EKPEI / AFP

Il en va des élections africaines comme du rituel des saisons : elles reviennent chaque année, charriant leur lot inépuisable de clichés sur leur caractère a priori frauduleux et ethnicisé, tout juste bonnes à servir la légitimation des pouvoirs en place. Pourtant, et de plus en plus, les consultations électorales qui se déroulent sur le continent démentent ces préjugés culturalistes pour s’ancrer dans un autre rituel, celui d’un rendez-vous démocratique dont nul ne peut prévoir l’issue.

Ainsi en est-il d’au moins trois des sept présidentielles prévues pour 2023, à commencer par celles des deux géants, Nigeria et RD Congo, plus de 300 millions d’habitants à eux deux, et presque autant d’incertitudes quant à l’identité du successeur de Muhammadu Buhari et aux capacités de Félix Tshisekedi à obtenir un second mandat.

Dispendieuse tournée

Même imprévisibilité à Madagascar, où nul ne peut encore prédire le résultat (en octobre) de la répétition d’un étonnant scénario qui verrait le président sortant affronter dans les urnes deux de ses prédécesseurs.

Quant au Liberia, pays quasiment abandonné par son président, George Weah, pendant près de sept semaines à la fin de 2022 – le temps d’une dispendieuse tournée qui l’a conduit au Maroc, en Égypte, en France, à Monaco et aux États-Unis en passant par le Qatar, histoire d’y supporter son fils footballeur –, il faudra au Ballon d’or 1995 beaucoup de pédagogie pour convaincre ses concitoyens qu’ils ne se sont pas trompés de casting en le sélectionnant il y a cinq ans, tant son bilan est controversé.

Si la réélection d’Ali Bongo Ondimba au Gabon et celle d’Emmerson Mnangagwa au Zimbabwe sont plus que probables – même s’il conviendra de surveiller la régularité du processus pour l’une, et les risques de répression des contestations pour l’autre –, certains des scrutins locaux de 2023 ne seront pas sans enjeux.

Taux d’abstention

Dès le 8 janvier, les législatives béninoises diront si l’opposition, absente en 2019, parviendra à envoyer un nombre significatif d’élus au Parlement. Et, dix mois plus tard, les municipales ivoiriennes scelleront l’avenir du nouveau parti de Laurent Gbagbo. Dans tous les cas, il faudra observer de près le taux d’abstention, lequel mesure le degré de désaffection pour le vote motivé par un sentiment d’impuissance à changer les règles du jeu et qui est sans doute le pire ennemi de la démocratie. Un ennemi plus redoutable encore que ne le sont le vote communautaire, pas forcément antinomique du vote d’opinion, la violence électorale directement liée à la compétition démocratique, ou même la fraude à laquelle tous les concurrents ont recours, le seul problème étant l’inégalité d’accès aux moyens de tricher.

Après tout, de Kinshasa à Harare et de Libreville à Monrovia, c’est en période électorale que le peuple peut reprendre aux hommes politiques un peu de ce qu’ils ont accumulé. Tirer profit au sens financier du terme pendant une campagne électorale, puis se prononcer librement le jour venu en fonction de ses autres intérêts, ne relève pas du mercenariat mais de la démocratie participative. Ce n’est pas sur son programme – qui n’engage que ceux qui y croient – ni sur son projet de société – au mieux évanescent – qu’un candidat, grand ou petit, sera jugé. Mais sur sa capacité à redistribuer.

François Soudan


RDC : le contre-la-montre de Félix Tshisekedi 

 

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Félix Tshisekedi, ici au siège de l'UDPS lors de la campagne présidentielle en RDC en décembre 2018. © LUIS TATO/AFP

 

 

Les Congolais iront-ils aux urnes le 20 décembre prochain ? Si la présidence et la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’ont cessé, tout au long de l’année écoulée, de répéter qu’un report des élections générales n’était pas au programme, l’hypothèse d’un glissement de calendrier n’est pas écartée. Elle est même jugée crédible par de nombreuses chancelleries.

Au rang des défis figure évidemment la situation sécuritaire, plombée depuis plusieurs mois par les combats entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise, mais aussi le retard pris dans le financement du processus électoral et dans les opérations d’enrôlement. Cette étape cruciale, qui n’avait pas commencé au début de décembre 2022, n’a jamais pris moins de treize mois lors des trois précédents cycles électoraux.

À LIRERDC : face au M23, Félix Tshisekedi « chef de guerre » malgré lui

Les candidats, eux, sont déjà nombreux. Outre Félix Tshisekedi, qui briguera un second mandat, plusieurs opposants ont déjà annoncé qu’ils se présenteraient. Convaincu d’avoir gagné en 2018, Martin Fayulu tentera de prendre sa revanche. L’ex-Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, chahuté par la justice dans différentes affaires de détournements de fonds, est lui aussi sur la ligne de départ, tout comme Adolphe Muzito, partenaire de Fayulu au sein de la coalition Lamuka, et Jean-Marc Kabund, l’ex-patron de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). La candidature de ce dernier reste toutefois suspendue à l’issue de son procès pour outrage au chef de l’État.

Félix Tshisekedi pourrait également affronter certains membres de sa propre coalition. En désaccord ouvert avec le président, Moïse Katumbi (Ensemble pour la République) a officialisé sa candidature le 16 décembre. L’incertitude demeure, en revanche, sur l’identité de celui qui représentera le camp de Joseph Kabila. La formation de l’ex-président n’a toujours pas réuni son congrès et peine à se remettre de la perte de sa majorité.

Romain Gras


Gabon : et de trois pour Ali Bongo Ondimba ? 

 

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Le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, en septembre 2020 à Libreville. © WEYL LAURENT/PR GABON

 

Une présidentielle, puis des législatives et des locales… En 2023, le calendrier électoral gabonais sera très chargé. La présidentielle, prévue en août, est déjà au centre de toutes les attentions. La classe politique réfléchit au moyen d’éviter que ne se reproduisent les violentes contestations qui avaient émaillé les précédentes éditions (2009 et 2016) et qui avaient engendré des crises postélectorales.

La Cour constitutionnelle cherche donc la formule magique en consultant l’opposition, laquelle propose notamment de transférer toutes les compétences électorales au Centre gabonais des élections (CGE) et de renouveler sa composition. Elle suggère aussi d’impliquer toutes les formations politiques dans les différentes phases du processus, d’adopter un bulletin de vote unique au format A3, de transmettre la liste électorale à tous les partis et de la publier sur le site internet du CGE.

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Dans le même temps, les états-majors partisans se préparent sans trop savoir ce qui les attend. Réuni en congrès les 21 et 22 décembre dernier, le Parti démocratique gabonais (PDG) célébrera aussi en grande pompe le 55e anniversaire de sa fondation, en mars 2023. C’est à cette occasion que le président sortant, Ali Bongo Ondimba, devrait officialiser ses intentions, même s’il fait peu de doute qu’il briguera un troisième mandat de sept ans.

De son côté, Alexandre Barro Chambrier, réélu à la tête du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) lors du congrès du 2 décembre dernier, espère prendre le leadership de l’opposition, qu’il appelle à constituer un front uni contre le pouvoir. Reste à savoir si Jean Ping, arrivé deuxième en 2016, lui passera symboliquement le témoin. Pour le moment, l’ancien président de la Commission de l’UA se mure dans le silence. Silence aussi à propos des candidatures de Guy Nzouba-Ndama, l’ancien président de l’Assemblée nationale, empêtré dans des affaires judiciaires, et de Paulette Missambo, tous deux poids lourds de l’opposition.

Georges Dougueli


Mali : de l’espoir malgré les obstacles

 

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Le colonel Assimi Goïta, en août 2022 au palais présidentiel, à Bamako. © Presidence Mali

 

Maintes fois promise, maintes fois reportée depuis la fin des années 1990, la révision de la Constitution de 1992 devrait enfin être soumise au vote en 2023. Un avant-projet a déjà été remis aux autorités en octobre 2022. Il devra être adopté par le Conseil des ministres, puis par le Conseil national de transition (CNT), qui fait office d’organe législatif, dans les mois à venir. Les Maliens, eux, seront appelés à se prononcer le 19 mars dans le cadre d’un référendum constitutionnel.

Cette nouvelle mouture de la Loi fondamentale met notamment en avant « le caractère unitaire de l’État malien », fermant la porte à l’idée d’un État fédéral dans lequel certains voyaient une solution pour répondre aux aspirations indépendantistes du Nord. Elle offre aussi la possibilité à l’État d’accorder à un certain nombre de langues locales le statut de langue officielle.

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Sept mois plus tard, le 29 octobre 2023, les Maliens reprendront le chemin des bureaux de vote afin d’élire les membres de l’Assemblée nationale, dissoute au lendemain du putsch de 2020. Ils choisiront leurs 147 députés dans un contexte de recomposition du paysage politique. Certains leaders sont en effet décédés : Ibrahim Boubacar Keïta (Rassemblement pour le Mali, RPM) ; Soumaïla Cissé (Union pour la République et la démocratie, URD) ; Soumeylou Boubèye Maïga (Asma-CFP) ; d’autres responsables politiques sont en exil.

Principal défi pour ces législatives comme pour le référendum : parvenir à organiser le scrutin dans tout le pays alors qu’une large partie du territoire échappe au contrôle de l’État. Les autorités devront également veiller à ce qu’il soit libre et transparent, alors que les dernières législatives (mars-avril 2020), organisées sous la présidence d’IBK et entachées d’irrégularités, avaient soulevé de vives contestations, précipitant la chute du président.

Manon Laplace


Côte d’Ivoire : que pèse vraiment Laurent Gbagbo ? 

 

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Laurent Gbagbo, devant les militants du Parti des Peuples Africains, en octobre 2022. © ISSOUF SANOGO:AFP

En octobre et en novembre, les Ivoiriens seront appelés à élire leurs quelque 200 maires, ainsi que les présidents de région. Ces scrutins seront analysés de près, ne serait-ce que parce qu’il s’agira du premier grand test électoral pour le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), qu’a créé Laurent Gbagbo.

Que pèse cette formation, fondée en octobre 2021 à Abidjan et née d’une scission du Front populaire ivoirien (FPI), finalement laissé à Pascal Affi N’Guessan ? La création par l’ancienne première dame Simone Gbagbo de son propre mouvement aura-t-elle un impact sur cette gauche déjà divisée ?

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Parmi tous les duels qui se profilent, celui qui sera disputé dans la commune de Yopougon, immense labyrinthe de l’ouest d’Abidjan, considéré comme un bastion pro-Gbagbo, sera très observé. Le fils de l’ancien président, Michel Gbagbo, élu député dans la circonscription, devrait être candidat. Face à lui, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) a déjà fait le choix d’un poids lourd : Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale, qui joue gros avec cette candidature surprise.

Dans le reste du pays, le parti présidentiel alignera d’autres personnalités, des proches d’Alassane Ouattara ainsi que de nombreux ministres. En 2018, le RHDP avait raflé plus de la moitié des régions et presque autant de communes. Va-t-il encore gagner du terrain ? Quoi qu’il en soit, certaines candidatures seront sans aucun doute suivies de près par le chef de l’État à deux ans de la présidentielle.

De son côté, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), d’Henri Konan Bédié, entend bien freiner la progression du RHDP. Mais, traversé par de vives querelles internes, parviendra-t-il à se mettre en ordre de bataille d’ici à cette échéance ? S’alliera-t-il avec le PPA-CI, et si oui, où ? Demeure une inconnue de taille : la participation, liée aux deux facteurs que sont la sécurité du scrutin et l’assurance, pour l’opposition, que ces élections seront transparentes. Les partis ont moins d’un an pour convaincre les Ivoiriens qui se sont détournés de la politique d’aller voter.

Florence Richard


Madagascar : la bataille des « ex- »  

 

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Marc Ravalomanana, Andry Rajoelina et Hery Rajaonarimampianina. © MONTAGE JA : RIJASOLO / AFP ; TUNISIAN PRESIDENCY / ANADOLU AGENCY via AFP ; Mamyrael / AFP

 

On prend les mêmes et on recommence ?  Selon toute vraisemblance, les têtes d’affiche de la prochaine présidentielle devraient être les mêmes qu’en 2018 : les anciens présidents Marc Ravalomanana (2002-2009) et Hery Rajaonarimampianina (2014-2018), ainsi que l’actuel chef de l’État, Andry Rajoelina, qui fut président de la transition entre 2009 et 2013. Le trio, qui domine la vie politique malgache depuis deux décennies, avait déjà rassemblé 83,4 % des suffrages en 2018.

À moins d’un an du premier tour, annoncé pour octobre, seul Marc Ravalomanana a déjà officialisé sa candidature. Hery Rajaonarimampianina y réfléchit toujours, selon ses proches, mais ne devrait pas tarder à se déclarer, tout comme Andry Rajoelina. Ce dernier a ressorti le Plan Émergence Madagascar (PEM), qui, sous un nom différent, lui avait déjà servi de programme électoral il y a cinq ans. Un document toujours d’actualité tant le pays semble loin d’avoir atteint le développement économique promis.

Le président en exercice a certes dû composer avec une pandémie mondiale puis avec la guerre en Ukraine – deux événements qui ont compliqué son quinquennat. Mais plus de trois Malgaches sur quatre vivent encore au-dessous du seuil de pauvreté. L’économie devrait donc s’imposer dans les débats et trouver sa place entre les invectives qui ponctuent habituellement les campagnes présidentielles sur la Grande Île.

Olivier Caslin


Bénin : l’opposition à Patrice Talon tient-elle sa chance ?

 

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Patrice Talon, au palais présidentiel, en 2020. © YANICK FOLLY/AFP

 

« Je suis fier de cette législature. » Devant le Parlement, le 8 décembre dernier, Patrice Talon n’a pas hésité à affirmer que le travail des députés sortants avait « marqué un tournant dans l’histoire politique » du pays. Un satisfecit qui a fait froncer plus d’un sourcil dans les rangs de l’opposition, dont aucun membre ne siège dans cette Assemblée élue en avril 2019. Seules les listes du Bloc républicain (BR) et de l’Union progressiste (UP) – qui se réclament de la mouvance présidentielle – avaient été autorisées à concourir.

Quatre ans plus tard, l’opposition parviendra-t-elle à envoyer des élus au Parlement à l’issue des législatives du 8 janvier ? Les Démocrates, parti fondé par l’ancien président Thomas Boni Yayi, ont finalement été autorisés à participer et, en tout, huit formations alignent des candidats. Les mêmes qui, il y a quatre ans, déploraient que l’Assemblée soit « monocolore » se félicitaient, quelques jours avant le vote, d’une élection « inclusive, festive et transparente », pour reprendre les termes d’Éric Houndété, le patron des Démocrates.

À LIREScrutin clé pour Patrice Talon : cinq questions pour comprendre les législatives au Bénin

S’apprête-t-on pour autant à tourner définitivement la page des crispations politiques ? Les partisans des opposants Reckya Madougou et Joël Aïvo, incarcérés après leur condamnation pour des faits de « terrorisme », ne sont pas de cet avis. Reste une inconnue : Patrice Talon, que la Constitution oblige à céder sa place en 2026, n’a pas désigné de dauphin. Mais les premières manœuvres en coulisses ont déjà débuté.

Matthieu Millecamps


Nigeria : objectif Aso Rock

 

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Atiku Abubakar et Bola Ahmed Tinubu, les deux candidats en lice pour la présidence du Nigeria. © MONTAGE JA : Sunday Alamba/AP/SIPA ; KOLA SULAIMON/AFP

 

 

Le 25 février, les quelque 95 millions d’électeurs du pays le plus peuplé du continent éliront le successeur du président sortant, Muhammadu Buhari, qui, à 80 ans et conformément à la Constitution, ne se représentera pas à l’issue de ses deux mandats.

Alors que la campagne électorale n’a fait émerger aucun favori, l’opposant Atiku Abubakar, du Peoples Democratic Party (PDP), et Bola Tinubu, qui porte les couleurs du parti au pouvoir, le All Progressives Congress (APC), sont les mieux placés pour conquérir Aso Rock, le palais présidentiel d’Abuja. Face à eux, un troisième candidat, Peter Obi, ancien gouverneur de l’État d’Anambra, espère créer la surprise en captant, notamment, le vote des jeunes.

À LIRENigeria : Bola Tinubu contre Atiku Abubakar, duel de vétérans en vue de la présidentielle de 2023

Depuis l’avènement de la démocratie, en 1999, les deux principales formations du Nigeria se disputent la magistrature suprême. Le PDP, d’Atiku Abubakar, espère ainsi regagner la présidence, dont l’avait évincé Muhammadu Buhari en 2015, et incarner la deuxième alternance.

Les deux poids lourds de la politique nationale, qui figurent parmi les plus grandes fortunes du pays, disposent de moyens financiers importants pour faire campagne. Mais leur origine pourrait également influencer le scrutin. Une règle tacite prévoit en effet une alternance entre les présidents originaires du Nord et ceux provenant du Sud, dans un souci d’unité. Un principe qui pourrait favoriser Bola Tinubu, natif du Sud-Ouest, Muhammadu Buhari étant un « nordiste ».

Manon Laplace


Liberia : le Ballon d’or ne fait plus rêver 

 

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Le président libérien George Weah, en novembre 2021 à Monrovia. © JOHN WESSELS / AFP)

 

Mais où est passé George Weah ? Au Liberia, l’année 2022 s’est achevée sur une nouvelle polémique. Parti du pays officiellement pour participer à plusieurs rencontres politiques et économiques de haut niveau, le président a allongé de plus d’un mois son séjour à l’étranger pour assister à la Coupe du monde de football au Qatar et y voir son fils jouer sous le maillot des États-Unis. « Le pays est en pilotage automatique », s’est agacé Joseph Boakai, ancien vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf et leader du Unity Party, qui sera candidat à la magistrature suprême en 2023.

L’affiche de la présidentielle du 12 octobre – qui sera couplée à l’élection des députés et d’une partie des sénateurs – sera vraisemblablement la même qu’en 2018. Weah, qui brigue un second mandat, a repris Jewel Howard-Taylor sur son ticket. Cette alliance constitue un sérieux atout pour diriger le pays cinq ans de plus. La tâche promet néanmoins d’être bien moins aisée cette fois-ci : le « Ballon d’or », qui faisait rêver une partie de la jeunesse, a vu son mandat rythmé par des affaires de corruption et se retrouve critiqué pour l’absence de changement apporté. Lors des sénatoriales de 2020, sa coalition avait subi un lourd revers.

Anna Sylvestre-Treiner  


Zimbabwe : Chamisa peut-il vaincre Mnangagwa ?

 

 

Quarante-trois ans après avoir pris la tête du Zimbabwe, la Zanu-PF s’est donnée un maximum de chances de poursuivre son règne sans partage cinq années supplémentaires. Le tombeur de Robert Mugabe, Emmerson Mnangagwa, choisi par son parti pour concourir à un second mandat, n’a rien modifié du système de son prédécesseur.

À la tête de la Coalition pour le changement (CCC, ex-Mouvement pour le changement démocratique, de Morgan Tsvangirai), qu’il espère renouvelée et débarrassée de ses rivalités internes, l’opposant Nelson Chamisa espère tirer profit de la situation économique catastrophique dans laquelle se trouve le pays. En 2018, avec 44% des voix, il avait manqué de peu la victoire. Au début de 2022, lors d’élections législatives et locales partielles, son parti avait réalisé des scores plus élevés que prévu, ce qui avait marqué les esprits. Mais, face à des institutions verrouillées et à un système répressif redoutablement efficace, Chamisa aura fort à faire pour renverser la majorité.

Anna Sylvestre-Treiner  


Mauritanie : un test pour « Aziz »

 

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© SEYLLOU/AFP

 

Le 13 décembre, la commission électorale a fixé leur date : le premier tour des élections législatives, régionales et municipales devrait se tenir le 13 mai. Un an avant la présidentielle, ces scrutins seront un véritable test de popularité.

Pour Mohamed Ould Abdelaziz, tout d’abord. L’ancien président, qui ne s’est jamais éloigné de la politique en dépit de sérieux ennuis judiciaires, compte en effet présenter des candidats sous les couleurs de Ribat Al Watani, le parti qu’il a rejoint en 2021. Pour son successeur, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, aussi, dont la majorité s’est fissurée ces derniers mois avec la mise à l’écart de Yahya Ould Ahmed El Waghef, secrétaire général du gouvernement (désormais ministre de l’Agriculture), et de Sidi Mohamed Ould Taleb Amar, patron du parti présidentiel (aujourd’hui ministre de l’Hydraulique).

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Enfin, les opposants « historiques » s’étant rapprochés du chef de l’État, d’autres alliances pourraient se nouer entre les ennemis d’hier – Biram Dah Abeid, les islamistes du parti Tawassoul et « Aziz » – et aboutir à l’émergence d’un nouveau contre-pouvoir.

Justine Spiegel


Sénégal : encore un an de suspense

 

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Le débat politique est dominé par la possibilité d'une candidature controversée de Macky Sall (ici en février 2022 à Paris) à un troisième mandat. © SARAH MEYSSONNIER / POOL / AFP.

 

Si le premier tour de l’élection présidentielle se tiendra en février 2024, l’année 2023 ne s’annonce pas moins cruciale. Karim Wade (Parti démocratique sénégalais, PDS) et Khalifa Sall (Taxawu Sénégal) seront-ils en mesure de se présenter malgré les condamnations qui les avaient frappés, respectivement en 2015 et en 2018 ? Selon Ismaïla Madior Fall, le ministre de la Justice, deux projets sont à l’étude : une loi d’amnistie ou bien une modification de la loi électorale, qui leur permettrait de recouvrer la plénitude de leurs droits civiques.

Autre inconnue, le sort judiciaire d’Ousmane Sonko, le leader du Pastef (opposition). Accusé de viols par une jeune Sénégalaise, Adji Sarr, il reste inculpé et pourrait être fixé sur son sort en 2023. Bénéficiera-t-il d’un non-lieu, ou sera-t-il renvoyé devant un tribunal, au risque de subir une lourde condamnation qui entraverait son ascension politique ?

Enfin, c’est sans doute avant la fin de 2023 que Macky Sall dissipera les doutes sur sa volonté de solliciter un troisième mandat. Dans l’hypothèse où il annoncerait y renoncer pour se conformer à l’article 27 de la Constitution, se poserait la question de sa succession au sein de l’Alliance pour la République (APR). Et, dans un tel scénario, celle du maintien ou de la dissolution de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) formée autour de l’APR, du Parti socialiste et de l’Alliance des forces de progrès (AFP).

Mehdi Ba

Au Togo, la fronde gagne l’ANC de Jean-Pierre Fabre

Sept membres de l’Alliance nationale pour le changement réclament la démission de leur président et celle du bureau national en raison, selon eux, de leur « collaboration coupable » avec le régime de Faure Essozimna Gnassingbé.

Par  - à Lomé
Mis à jour le 29 décembre 2022 à 15:11

 

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L’opposant togolais Jean-Pierre Fabre (ici en février 2020) n’a récolté que 4,68 % des suffrages lors de la dernière présidentielle, en 2020. © PIUS UTOMI EKPEI/AFP.

 

À peine Patrick Lawson, premier vice-président et cofondateur de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), inhumé, la fronde a gagné les rangs du parti. Le 11 décembre, sept de ses membres – dont Tévi Nathaniel Lawson, autre figure du mouvement, et des ex-responsables de la fédération internationale Europe-Asie – ont exigé la démission de Jean-Pierre Fabre et de l’ensemble du bureau national.

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Les frondeurs reprochent à leur président et à ses lieutenants une « collaboration secrète avec le régime de Faure Gnassingbé » qu’ils assimilent à une « trahison de [leur] lutte politique ». « Nous avons à plusieurs reprises dénoncé la ligne politique collaborationniste prise par le bureau national depuis la convention de 2020 », indiquent-ils dans une lettre envoyée à Fabre, dans laquelle ils pointent sa « proximité coupable » ainsi que celle de membres de l’ANC avec des cadres du régime de Faure Essozimna Gnassingbé.

L’hommage controversé de Bawara à Lawson

Les frondeurs se sont manifestés quelques jours après l’hommage rendu le 26 novembre à Patrick Lawson – décédé le 23 octobre à 70 ans après une longue maladie – par Gilbert Bawara, ministre de la Fonction publique et figure de l’Union pour la République (Unir, au pouvoir). Ce proche de Faure Essozimna Gnassingbé avait alors évoqué la relation très amicale qu’il entretenait avec l’opposant depuis plus de dix ans.

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« Même dans les chamailleries, les bouderies et les fâcheries, on avait du mal à s’en éloigner. […] Les relations cordiales et confiantes entre Patrick et moi ne doivent rien au hasard. Je savais l’estime que lui vouait le président Faure », avait notamment déclaré Bawara. Et d’ajouter : « Lorsqu’il fut porté à son attention l’état de santé très préoccupant de Patrick, Faure Gnassingbé a décidé de dépêcher au chevet du malade son médecin personnel, puis fit prendre des dispositions diligentes pour son évacuation et sa prise en charge convenable hors du pays. » Gilbert Bawara avait également fait part de la demande de l’opposant, une fois rentré à Lomé, de « rencontrer et [de] remercier le chef de l’État ».

Une proximité qui ne passe pas

Il n’en fallait pas plus pour que les frondeurs dénoncent rapidement une « haute trahison ». Selon eux, la collaboration entre des cadres de l’ANC et le pouvoir remontent à la présidentielle de 2015, officiellement remportée par Faure Essozimna Gnassingbé avec plus de 58 % des voix. « Au moment où des militants se faisaient tabasser, emprisonner, jeter en exil ou même tuer, des cadres du parti se retrouvaient avec les barons du régime pour rigoler ensemble », déplorent-ils.

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Dans leur lettre, les frondeurs exigent la démission immédiate du bureau national du parti, la mise en place d’une cellule de crise chargée de gérer les affaires courantes, la convocation d’un congrès extraordinaire et l’élection d’un nouveau bureau national.

Sans fondement juridique

Selon Éric Dupuy, conseiller spécial de Jean-Pierre Fabre et porte-parole de l’ANC, cette lettre est une « tempête dans un verre d’eau » qui n’a aucun fondement juridique au regard des statuts et du règlement intérieur du parti. « Les signataires de cette fameuse lettre ont eu la probité de préciser qu’ils sont des ex-membres de la fédération internationale Europe-Asie. Je ne sais donc pas sur quoi ils se basent pour adresser une telle lettre au bureau national », s’interroge-t-il.

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Sorti fragilisé de la présidentielle de 2020, lors de laquelle il n’a récolté que 4,68 % des suffrages (contre plus de 35 % en 2015 et près de 34 % en 2010), Jean-Pierre Fabre, détrôné de son statut de chef de file de l’opposition par Agbéyomé Kodjo, est depuis deux ans en pleine opération reconquête et remobilisation de ses militants. Pour l’instant sans grand succès.

En Algérie, Tebboune maintient le pouvoir d’achat sous perfusion

En annonçant des largesses aux petites bourses du secteur public, le pouvoir entend tenir ses promesses électorales et calmer la grogne sociale. Mais gare au risque d’inflation.

Mis à jour le 27 décembre 2022 à 15:39
 
 
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Le chef de l’État algérien Abdelmadjid Tebboune lors d’une conférence de presse au palais d’El-Mouradia, le 17 novembre 2022, à Alger. © PRESIDENCY OF ALGERIA/HANDOUT/ANADOLU AGENCY via AFP.

 

C’est le cadeau de fin d’année du président Abdelmadjid Tebboune à certaines catégories sociales dont le pouvoir d’achat est bien entamé par la crise économique que connaît l’Algérie depuis quelques années déjà. Le chef de l’État a décidé, lors de la réunion du Conseil des ministres qui s’est tenue le 25 décembre, de procéder à la revalorisation de salaires, de pensions de retraite et de l’allocation chômage à partir de janvier 2023.

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Concrètement, quelque 2,8 millions fonctionnaires doivent voir leur rémunération augmenter de 47 % d’ici à 2024, soit une hausse de salaire estimée entre 4 500 et 8 500 dinars (entre 31 et 58 euros) par mois, selon les catégories. Quant à l’allocation chômage, elle doit passer de 13 000 à 15 000 dinars par mois.

Pour ce qui est des petites retraites, elles connaîtront une hausse de 5 000 dinars. Le seuil minimum est ainsi fixé à 15 000 dinars mensuels pour ceux qui percevaient moins de 10 000 dinars par mois et à 20 000 dinars pour ceux qui touchaient jusqu’ici une retraite de 15 000 dinars.

Spirale inflationniste

Ces annonces s’inscrivent dans la droite ligne de l’engagement pris par Tebboune lors de la campagne pour la présidentielle du 12 décembre 2019 d’améliorer les conditions de vie des petites bourses algériennes. Lors d’un entretien télévisé diffusé il y a quelques jours, le 22 décembre, le chef de l’État a ainsi confirmé la politique engagée. « Nous sommes à la quatrième phase du processus d’augmentation des salaires et nous continuerons à les élever de manière à assurer une vie décente [aux citoyens] », a-t-il affirmé.

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Ce qui soulève toutefois une question : ces augmentations ne risquent-elles pas de provoquer une spirale inflationniste ? En 2022, le taux d’inflation a atteint 9,4 %, selon le Fonds monétaire international (FMI), soit son niveau le plus élevé sur les 25 dernières années, quand bien même la loi de finances 2023 table sur un taux maîtrisé durant les trois prochaines années (5,1 % en 2023, 4,5 % en 2024 et 4 % en 2025).

La menace semble prise au sérieux par le chef de l’État, qui a convenu lors de sa prestation télévisée de la nécessité d’accompagner le processus d’augmentation de salaires d’« un contrôle des prix » et d’un « renforcement de la production ».

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Cette crainte est partagée par Brahim Guendouzi, professeur d’économie à l’université de Tizi Ouzou. « Il faut faire très attention au risque d’emballement des prix susceptible de faire tomber l’économie dans une spirale inflationniste difficilement maîtrisable et pouvant menacer les équilibres économiques et sociaux », pointe-t-il.

Dépendance au cours du pétrole

L’économiste souligne néanmoins que « la loi de finances pour 2023 est calculée sur un prix de référence du baril de pétrole de 60 dollars alors que le prix de marché avoisine aujourd’hui les 100 dollars ». Ainsi, estime-t-il, « l’écart entre les deux permettra d’alimenter le Fonds de régulation des recettes (FRR) qui pourra servir à financer l’énorme déficit budgétaire ».

Autrement dit, les pouvoirs publics disposent d’un levier pour, sinon enrayer la dynamique inflationniste, du moins y faire face. Au-delà des augmentations salariales, le vrai enjeu est, selon Guendouzi, « d’arriver à réaliser une croissance vigoureuse porteuse de création d’emplois et de relance de la consommation », d’autant que « l’économie algérienne n’est pas à l’abri d’un retournement du marché pétrolier international ».

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M’hamed Hamidouche, expert en économie auprès d’institutions internationales, se montre lui plus optimiste, pariant sur un scénario différent de celui de 2008. À cette époque, les augmentations salariales octroyées aux fonctionnaires n’avaient pas été immédiatement perçues mais versées un an après leur annonce avec un rappel d’une année et demie. Cela avait engendré « la circulation d’une quantité importante de monnaie, provoquant une inflation galopante ».

Ici, « les augmentations doivent être perçues dès janvier 2023, et l’inflation ne devrait se ressentir que dans plusieurs mois et de façon plus diffuse », expose le spécialiste.

Le secteur productif, grand oublié

Selon Hamidouche, le gouvernement a changé de modèle, souhaitant actionner le levier de la consommation plutôt que celui de la dépense publique comme c’était le cas par le passé. Les hausses de salaires doivent ainsi « se traduire par une augmentation de la consommation des ménages, qui doit générer une hausse du chiffre d’affaires des entreprises, alimentant la fiscalité et l’investissement avec, in fine, des gains d’emplois ».

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« Avec ce modèle, on peut espérer une croissance de plus de 5 %, supérieure aux prévisions de moins de 3 % de la loi de finances 2023 ou encore des institutions monétaires internationales comme le FMI et la Banque mondiale », assure-t-il.

Certains observateurs sont plus réservés, pointant des failles dans le dispositif. Habib Si Ali, expert consultant en droit du travail et ressources humaines, déplore l’existence d’« oubliés de ces augmentations », à savoir les travailleurs du secteur productif privé et de celui public. « Ces derniers doivent attendre, le ministre du Travail renvoyant à la négociation collective pour toute décision d’augmentation des salaires pour cette catégorie, détaille-t-il. Or, la négociation collective n’est pas obligatoire dans le droit algérien. De plus, les discussions de la fameuse tripartite gouvernement-UGTA [Union générale des travailleurs algériens]-patronat sont gelées depuis 2017. »