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Tchad – manifestations du 20 octobre : prison ferme pour 262 personnes

À l’issue d’un procès de masse à huis clos, la justice a prononcé des peines de deux à trois ans de prison ferme pour 262 des manifestants arrêtés lors des rassemblements meurtriers d’octobre dernier.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 5 décembre 2022 à 17:13
 
 
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Les manifestations durement réprimées du 20 octobre 2022 au Tchad ont fait une cinquantaine de morts. © AFP

 

C’est en plein désert, dans la prison de haute sécurité de Koro Toro, à 600 km au nord-est de la capitale, qu’un tribunal a rendu son verdict : deux à trois ans de prison ferme pour 262 personnes arrêtées lors de la manifestation dont la répression a fait des dizaines de morts fin octobre. Quelque 80 autres sur les 401 personnes jugées lors de ce procès tenu à huis clos, sans avocats ni médias indépendants, ont écopé de un à deux ans d’emprisonnement avec sursis, et 59 ont été relaxées, a précisé à la presse, le lundi 5 décembre, le procureur de la République de N’Djamena, Moussa Wade Djibrine.

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Le procès a duré quatre jours et s’est achevé le vendredi 2 décembre, mais le procureur n’a rendu public le jugement que trois jours plus tard, à son retour dans la capitale.

Le 20 octobre dernier, une cinquantaine de personnes ont péri, essentiellement à N’Djamena, quand les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur les manifestants. Ceux-ci répondaient à l’appel de l’opposition contre la prolongation de deux ans au pouvoir du général Mahamat Idriss Déby Itno, proclamé chef de l’État le 20 avril 2021 à l’annonce de la mort de son père, le président Idriss Déby Itno, tué au front.

C’EST UNE PROCÉDURE DE DÉPAYSEMENT « ILLÉGALE » SELON LES AVOCATS, QUI ONT DÉCIDÉ DE NE PAS SE RENDRE AU PROCÈS

Les autorités avaient reconnu l’arrestation de 601 personnes – dont 83 mineurs – pour la seule ville de N’Djamena et annoncé leur transfert dans la prison de haute sécurité de Koro Toro, les accusant d’avoir voulu mener une « insurrection » et une tentative de « coup d’État ». Les manifestants condamnés ce vendredi ont été reconnus coupables notamment « d’attroupement non autorisé, destruction de biens, incendie volontaire, violence et voies de faits et trouble à l’ordre public », selon le procureur.

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Ce procès s’est déroulé dans le bagne de Koro Toro, et il s’agit d’une procédure de dépaysement « illégale », selon les avocats des accusés, qui avaient décidé de ne pas s’y rendre. Amnesty International avait pour sa part dénoncé « un procès à huis clos qui soulève de sérieuses inquiétudes concernant le respect du droit à un procès équitable […] du droit de préparer sa défense […] du droit à un procès public […] et du droit à l’information » du public.

L’ordre des avocats en grève

L’ordre des avocats s’était mis en grève sur tocut le territoire avant l’ouverture et pour la durée du procès, dénonçant l’ »arbitraire et l’injustice » d’une « parodie de procès ». Il a annoncé une reprise des plaidoiries à partir de mardi. Sur les quelque 600 personnes arrêtées pendant et après la manifestation à N’Djamena, les cas de plus de 200 sont encore sous le coup d’une enquête menée par des juges d’instruction, a précisé le procureur.

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Après les manifestations, l’opposition – dont les principaux leaders sont aujourd’hui cachés ou en exil –, des ONG locales et internationales ainsi qu’une partie de la communauté internationale – Union européenne (UE) et Union africaine (UA) en tête – avaient condamné un recours excessif à la violence « contre les civils ». Ce lundi, le gouvernement a annoncé la levée de l’état d’urgence décrété à dans la capitale et plusieurs villes du pays au soir du 20 octobre.

(avec AFP)

Mali: inauguration du barrage de Gouina, sur le fleuve Sénégal

 

Les chefs de gouvernement de la Guinée, de Mauritanie et du Sénégal ont été conviés à l'inauguration de ce barrage car il s'agit d'un projet régional. Le Premier ministre par intérim Abdoulaye Maïga a inauguré ce samedi le barrage de Gouina, à 45 km de Kayes, dans l'ouest du Mali. Un projet hydroélectrique majeur de l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal.

Neuvième plus long cours d’eau en Afrique, le fleuve Sénégal comprend plusieurs barrages, dont celui de Gouina de 1 347 mètres de long. Il a été réalisé en amont de Kayes avec une centrale électrique au fil de l'eau d'une puissance de 140 mégawatts et il fournit déjà de l'électricité depuis plusieurs mois car il a été connecté au réseau électrique de la Guinée, du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal en mars dernier.

Cette infrastructure permettra d'« augmenter la capacité de production de Manantali à 340 mégawatts », a indiqué le Premier ministre malien par intérim, Abdoulaye Maïga, lors de l'inauguration. « Ce barrage aura pour effet d’entraînement, dans le secteur de l’énergie et dans l’espace OMVS [Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, NDLR], d'augmenter la capacité de transit de l’énergie dans le réseau, de favoriser les échanges d’énergie dans le cadre du marché de l’énergie sous-régional et enfin de renforcer les capacités de la Sogem, qui comprend entre autres la construction de trois lignes », a-t-il ajouté.

Ce gigantesque ouvrage, dont la construction a été réalisée par le Chinois Sinohydro, a coûté à l'OMVS 283 milliards de FCFA, l'équivalent de 424 millions d'euros. Une somme financée à plus de 80% par un prêt de la banque chinoise Eximbank.

► À lire aussi : vers un marché commun de l’énergie sur le fleuve Sénégal

Le chef de gouvernement du Mali a profité de ce moment pour vanter l'aspect écologique de ce projet. « Au regard des orientations mondiales en matière de production d’énergie en raison des impératifs de limiter le réchauffement climatique, les énergies renouvelables restent sans nul doute l’énergie de l’avenir, le chemin de salut pour l’humanité », a-t-il déclaré, invitant « l’OMVS à se doter d’un plan d’action ambitieux pour la production d’énergies renouvelables, particulièrement hydroélectrique ».

Un autre projet, encore plus puissant, doit voir le jour le long des rives guinéennes du fleuve Sénégal, celui de Koukoutamba. Un objectif sur lequel est revenu M. Maïga, encourageant « les instances de l’OMVS à diligenter les travaux de ce projet et à redoubler d’efforts pour que (le) plus grand barrage hydroélectrique, à savoir celui de Koukoutamba en Guinée, soit réalisé dans les plus brefs délais ». 

Selon l'OMVS, ce nouveau barrage permettra de couvrir les besoins en énergie des quatre États membres.

► À écouter aussi : Au fil de l’eau sur le fleuve Sénégal

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Les barrages existants et les futurs projets de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). OMVS

 

Nigeria: le président veut s'attaquer au mauvais état des routes, un frein économique pour le pays

 

Pour répondre aux problèmes économiques dus à des routes impraticables, le président Muhammadu Buhari a inauguré cette semaine un vaste projet pour l'accès aux marchés ruraux. Selon les chiffres de la Banque mondiale, 87% des routes du pays sont en très mauvais état.

Avec notre correspondante à LagosLiza Fabbian

Sur les 230 000km de routes rurales que compte le Nigeria, seuls 30 000km sont praticables. Le projet pour l'accès aux zones rurales et agricoles (RAAMP), inauguré par le président nigérian, devrait permettre de désenclaver de nombreuses communautés dans 19 États. Au total, 575 millions de dollars ont été alloués à ce chantier financé en partie par la Banque mondiale et l'Agence française de développement (AFD).

Depuis plusieurs années, l'insécurité généralisée dans le nord-est et le nord-ouest du Nigeria a largement contribué à la dégradation du réseau routier car les travailleurs dépêchés sur les tronçons endommagés s’exposaient régulièrement au risque de kidnapping. Et les récentes inondations ont également aggravé l'état des routes.

Ce projet est donc un enjeu majeur pour le pays qui voit son activité économique freinée par les difficultés à circuler à travers le pays. Elles entravent des services cruciaux tels que le transport des fruits et des légumes ou encore les livraisons d'essence.

Lors du lancement du projet pour l'accès aux zones rurales et agricoles (RAAMP), le directeur de la Banque mondiale pour le Nigeria a par ailleurs rappelé le coût exorbitant des subventions étatiques sur le carburant. Il a donc suggéré que cet argent pourrait plutôt servir à la rénovation du réseau routier.

 Tchad: le procès des 401 personnes arrêtées le 20 octobre a pris fin à la prison de Koro Toro

 
 

Le procès des 401 personnes interpellées lors des manifestations du 20 octobre et les jours suivants s’est achevé vendredi soir à la prison de Koro Toro, a-t-on appris samedi. Une grande partie des prévenus ont été libérés.

Avec notre correspondant à NdjamenaMadjiasra Nako

Au total, 401 personnes étaient jugées à la prison de Koro Toro, dans le nord du pays, où elles avaient été transférées après les manifestations sanglantes du 20 octobre. Sur la totalité des prévenus, près de 300 ont été soit relaxés, soit condamnés avec sursis. La plupart des prisonniers de Koro-Toro seront donc libérés dans les jours à venir.

Le procès s'est tenu sans avocats, puisqu'il a été boycotté par le conseil de l'ordre des avocats du Tchad. Il dénonce des vices de procédures et le refus du gouvernement de mettre à leur disposition les conditions dans lesquelles les prévenus ont été emmenés dans ce bagne situé en plein désert à près de 600 km de la capitale.

L’équipe du dispositif judiciaire missionnée par le gouvernement a regagné la ville de Faya samedi avant de regagner Ndjamena. Jusqu’à tard vendredi, elle a dû juger les derniers prévenus, ceux qui n’avaient aucun lien avec les manifestations mais qui avaient quand même été raflés par les forces de l’ordre, indiquent des sources judiciaires

Selon ces mêmes sources, 82 mineurs identifiés parmi les 401 prévenus ont été ramenés à Ndjamena il y a trois jours.

 

Qu’avez-vous (encore) contre le franc CFA ?

La discipline imposée par la monnaie commune et son arrimage à une devise solide ont amorti les chocs qui ont ébranlé d’autres économies africaines. N’est-ce pas précisément son rôle ?

Mis à jour le 2 décembre 2022 à 14:38
 
 
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Par Joël Té-Léssia Assoko

 

Les autorités économiques et monétaires françaises auraient pu nous épargner l’incongru moment d’autosatisfaction enduré à la mi-novembre, à la sortie du dernier rapport économique et financier sur la coopération avec les zones monétaires africaines. « Imaginez si le Mali ou le Burkina Faso, en proie à des crises politiques et sécuritaires successives, avaient leur propre monnaie. Celles-ci s’effondreraient face aux devises internationales, avec comme conséquence la “dollarisation” des économies », ont-elles indiqué à Jeune Afrique.

Est-il sage de relancer le débat sur le franc CFA, alors que l’habituel chœur dénonçant la « servitude monétaire » semble dépassé par les événements ? Peut-être.

À LIREFranc CFA-Euro : la parité fixe, facteur de la résilience des économies de l’Uemoa et de la Cemac

Interventions désespérées

Depuis le début de l’année, le cédi a cédé 57% face au dollar américain, contre 8,6% pour le franc CFA. À Accra, l’inflation a atteint 37,2% en septembre, soit quatre fois la limite souhaitée par les autorités monétaires. Et cela malgré les interventions désespérées de la Banque du Ghana, qui a relevé son taux directeur de onze points depuis un an.

Le Nigeria s’en sort mieux, si l’on peut dire, avec une inflation de « seulement » 20,8%, deux fois à peine la limite supérieure souhaitée par la CBN. Entre-temps, elle reste en-dessous de 8% dans la zone Uemoa, et de 4,1% dans la Cemac, selon la BCEAO. Les contempteurs du franc CFA souhaitent-ils pour ces pays le sort du Ghana ? « Ils diront que les chiffres publiés ne sont pas vrais et que la population ghanéenne vit bien. J’ai déjà entendu cela », regrette un financier abidjanais.

À LIREEt si on ouvrait un vrai débat sur le franc CFA ?

La France peut se défendre – ou s’enfoncer  toute seule quand il s’agit de ses relations avec ses anciennes colonies. Mais demeure la réalité qu’il n’y a ni miracle ni malédiction en matière de politique économique. Hormis pour ceux qui persistent à croire que les décisions prises par les États africains n’ont aucune conséquence, que catastrophes et réussites interviennent comme surviennent des « cas de force majeure », des « actes de Dieu ». Entendez : des décisions des Occidentaux.

Il se dit que les déboires d’Accra ont été exacerbés par les agences de notation occidentales. Des financiers africains pourtant bien informés adhèrent à la thèse selon laquelle une application irraisonnée des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) explique la dégradation de la notation du pays, qui aurait par ricochet aggravé la dépréciation du cédi, l’inflation et le malheur des populations locales.

Quel carcan monétaire ?

Personne n’a obligé le gouvernement d’Accra à accroître sa dette extérieure à 82% du PIB en 2021, quand Abidjan maintenait ce ratio autour de 51%, en-dessous de la limite de 70% imposée par le « carcan monétaire », c’est-à-dire les critères de convergence économique de la zone Uemoa.

Pense-t-on vraiment que les autorités ivoiriennes n’auraient pas souhaité obtenir plus de financements ? Et qui a bien pu « contraindre » le gouvernement du président Nana Akufo-Addo de recourir à des endettements de court terme aussi onéreux ? Ils sont estimés à plus de 16% de la dette externe, soit quatre fois le niveau observé en Côte d’Ivoire et plus de cinq fois celui du Cameroun.

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La dette à court terme comprend toutes les dettes dont l'échéance initiale est d'un an et moins et les intérêts en retard sur la dette à long terme. © Banque mondiale

Qui peut croire que c’est l’expertise économique des impayables autorités militaires de Bamako qui a convaincu le marché régional de prêter 12 milliards de F CFA (18,2 millions d’euros) au Mali au début de novembre, au taux extraordinaire de 6,6 % pour une maturité de sept ans ?

C’est à peine 1 point de plus que le taux exigé par les investisseurs pour la Côte d’Ivoire, dont l’économie et la qualité de la gouvernance sont d’un tout autre calibre. Et ce alors que la dette ghanéenne d’une maturité similaire atteint un taux d’intérêt de 40%. CQFD.