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Asma Lamrabet : « Au Maroc, la question des droits des femmes n’est pas prioritaire »

Mohammed VI a plaidé pour une refonte du Code de la famille. Asma Lamrabet, essayiste et auteure de plusieurs ouvrages sur la femme et l’islam, insiste sur l’urgence de mener cette réforme. Tout en s’inquiétant de l’immobilisme politique.

Mis à jour le 12 novembre 2022 à 11:41
 

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Asma LAMRABET © MONTAGE JA : DR



L’ACTU VUE PAR – Dix-huit ans après la Moudawana, Mohammed VI appelle à une refonte de ce texte considéré comme « révolutionnaire » pour le statut des femmes à l’époque. Aujourd’hui, comme l’a souligné le monarque dans son discours prononcé le 30 juillet dernier à l’occasion de la Fête du Trône, cette mouture du Code de la famille « ne suffit plus en tant que telle ». Plusieurs contradictions et obstacles sont apparus, révélés par l’expérience sur le terrain, et qui s’opposent à l’esprit de la Moudawana, ainsi qu’à celui de la Constitution de 2011, qui met en avant une égalité parfaite entre les hommes et les femmes.

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Médecin biologiste, auteure de plusieurs ouvrages sur la place des femmes dans l’islam, Asma Lamrabet dirige la Chaire “Genre” à la Fondation euro-arabe de l’Université de Grenade depuis mars 2018. Dans cet entretien, celle qui milite depuis plusieurs années pour l’égalité des genres au Maroc, que ce soit en matière juridique, économique ou sociale, explique ce qu’on peut attendre de cette réforme annoncée, tout en pointant les défis auxquels elle sera confrontée dans une société traversée par une vague de conservatisme.

Jeune Afrique : Mohammed VI a invité à une réforme « audacieuse et juste » du Code de la famille. Pourquoi ce texte de 2004 doit-il être modifié ? 

Asma Lamrabet : Ce texte, qui constituait certes une belle avancée il y a 18 ans, a permis de nombreux acquis. Mais il comporte des anachronismes et des éléments qui sont en déphasage avec la transformation sociétale actuelle, ainsi qu’avec les conventions internationales que le Maroc a signées, et avec le référentiel des droits humains. Il faut donc une réforme globale du Code de la famille, qui abroge tout ce qui est discriminatoire parce que ça entre en contradiction avec la Constitution de 2011, rédigée après la Moudawana et qui prône, elle, l’égalité entre les hommes et les femmes. Contradiction aussi avec une lecture éthique du référentiel religieux prôné par cette même Constitution, qui parle d’une religion musulmane modérée et qui appelle à ne pas en faire une lecture rigoriste, conservatrice ou traditionaliste. On ne peut plus cautionner des interprétations « fiqhiques », juridiques, du texte coranique, qui remontent au VIIIe siècle et qui parfois n’ont aucune légitimité ni coranique, ni même en lien avec la tradition du Prophète.

Cette volonté affichée se traduit-elle dans les faits ?

L’existence d’une haute volonté politique est quelque chose de très positif. En revanche, ce qui me désole, c’est qu’après un tel discours, qui représente clairement un feu vert, un appel aux décideurs politiques et à tous les acteurs concernés par ces réformes, la réponse reste assez tiède. C’est vrai qu’il y a quelques tables rondes organisées ici et là, mais au niveau du débat politique nous sommes quasiment dans un silence assourdissant.

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Longtemps, on s’est caché derrière la présence d’un gouvernement PJD pour justifier les retards à réformer. Mais aujourd’hui l’exécutif est libéral. Il semblerait qu’au Maroc, qu’on soit de gauche ou de droite, conservateur ou islamiste, la question des droits des femmes n’est pas prioritaire pour la majorité des acteurs politiques.

Quels sont les principaux obstacles à lever ?

Les politiciens ne s’aventurent pas sur ce terrain de peur de perdre une partie de leur électorat et de l’opinion publique parce que la société est majoritairement conservatrice, minée par l’islam wahhabite et l’islam politique pendant des décennies. D’autant plus que la réforme de l’approche du religieux et des manuels scolaires est encore très insuffisante. Sans parler du cadre universitaire et des institutions religieuses officielles où, en dehors de la présence minoritaire de quelques théologiens ou penseurs indépendants, aucune approche réformiste globale de la pensée religieuse n’a été opérée.

Quelles sont les règles et lois à réformer en priorité ? 

On peut citer la règle du taâsib, l’héritage par agnation qui oblige les filles d’un défunt à partager leur héritage avec des parents mâles, qui est totalement dépassée comme approche juridique. Cette jurisprudence, qui trouve son origine dans le droit romain avant d’être reprise par le Fiqh traditionaliste, répondait à une situation de vide juridique lorsque les filles, dont le père venait à mourir et qui ne travaillaient pas, étaient prises en charge par un membre de la famille paternelle.

Aujourd’hui, nous vivons dans des schémas de familles nucléaires. Je ne vois pas pourquoi des oncles et des cousins éloignés viendraient partager le patrimoine de filles seules, sans enfant garçon, alors que ces dernières se sont occupées de leur père âgé jusqu’à la fin de sa vie. Et ce d’autant plus que cette règle ne trouve sa légitimité ni dans le texte fondateur du Coran, ni dans la tradition du prophète. C’est un pur produit du Fiqh islamique.

Certes, il est possible de contourner la loi actuellement via des donations de biens effectuées par les pères de leur vivant à leurs filles. Mais pourquoi un contournement ? Pourquoi cette hypocrisie ? Il faut abroger cette loi.

Qu’en est-il du maintien de la tutelle juridique parentale exclusive aux hommes ? 

On ne peut plus l’accepter.  Il y a une contradiction dans le Code de la famille de 2004, qui plaidait pour la responsabilité familiale partagée, tout en soulignant que la tutelle juridique revient toujours à l’époux. En clair, la femme ne peut pas obtenir le moindre papier administratif pour ses enfants si elle n’a pas l’autorisation du père. Si les deux époux sont co-responsables de la famille, l’égalité juridique doit suivre.

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Idem pour la polygamie qui, à mes yeux, doit être totalement abrogée. Le Coran est clair là-dessus, c’est la monogamie qui est la norme. La polygamie est certes possible, mais à condition que l’égalité entre les épouses soit totale… Tout en ajoutant que cette égalité ne peut jamais être complètement atteinte. Le texte pose une condition éthique à la polygamie, qui était une exception à l’époque et qui est devenue, avec le temps et la lecture patriarcale, un droit des hommes.

La législation seule ne suffit cependant pas à régler tous ces problèmes. On le voit bien sur la question du mariage des filles mineures : la loi actuelle fixe l’âge minimum à 18 ans. Mais la réalité est toute autre… 

L’égalité entre les garçons et les filles a été inscrite dans la loi, avec un âge du mariage fixé à 18 ans, mais la possibilité a été donnée aux juges d’accorder des dérogations. Et on voit bien que les mariages de filles mineures ont explosé, notamment en milieu rural. Je ne suis pas en train de dire qu’au Maroc, la majorité des juges, qu’ils soient hommes ou femmes, ont une vision patriarcale.

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Bien souvent, c’est le contexte socio-économique qui pousse ces adolescentes à venir avec leur père demander une autorisation pour se marier. Une jeune fille de 16 ans va préférer épouser un homme de 45 ans qui vit en Italie que de rester dans un milieu pauvre où elle n’a pas de perspective. Nous devons donc travailler sur l’éducation et les conditions socio-économiques pour que les réformes du Code de la famille soient appliquées à la réalité sociale.

La loi permettant de prouver la filiation des enfants nés hors mariage, question encore taboue, doit elle aussi être clarifiée, et le recours aux tests d’ADN doit être rendu possible pour permettre de protéger ces enfants, qui n’ont aucun droit civique tant qu’ils sont considérés comme illégitimes. Pour le moment, bien que le Code de la famille stipule qu’on peut utiliser des procédés scientifiques pour prouver la paternité, dans les faits, ils ne sont pas reconnus juridiquement.

N’y a-t-il pas un décalage entre ces situations et le nombre croissant de femmes marocaines qui accèdent à des postes de haut niveau ? 

Absolument. Ce sont les contradictions du modèle marocain dans lequel les femmes, tout en participant de façon importante au développement économique du pays, sont amputées d’un grand nombre de leurs droits, et invisibilisées. Juridiquement, les femmes restent mineures, mais aussi précarisées sur le plan socioéconomique.

Cette faille entre l’essor du pays qui progresse sur le plan économique – notamment grâce à ses femmes ! – et les discriminations juridiques et culturelles flagrantes que subissent les Marocaines fait que le pays est toujours parmi les derniers dans les listes du Global Gap Gender.

En 2018, vous avez été contrainte de démissionner de la Rabita Mohammedia des oulémas pour vos positions en faveur de la réforme de la loi sur l’héritage. En 2003, la volonté de réforme du Code de la famille affichée par Mohammed VI au début de son règne a provoqué des manifestations massives. Pensez-vous qu’il y a toujours un risque de forte opposition populaire ?

Nous ne sommes pas dans le même contexte qu’au début des années 2000, quand les gens sont descendus dans la rue par milliers. Aujourd’hui, les réformes peuvent se faire parce qu’il y a cette volonté politique et aussi, parce qu’il y a des mutations et de réelles métamorphoses sociétales en cours. Il y a aussi une conscience du fait que l’islam politique, au pouvoir pendant deux mandats, a été un échec. Un échec qui a permis à beaucoup de comprendre que les solutions ne sont pas aussi simplistes que le prétendait une certaine vision instrumentalisant le religieux à des fins politiques.

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Mais il faudra œuvrer intelligemment et dépassionner le débat dans l’intérêt du pays, en sortant de l’opposition entre référentiel religieux et référentiel universel humaniste. Il faut au contraire les réconcilier et démontrer que les valeurs éthiques du référentiel religieux sont en harmonie avec les principes humanistes universels de dignité, d’égalité et de justice.

Tchad: les autorités reconnaissent avoir envoyé plus de 600 détenus à Koro Toro

 

Trois semaines après les manifestations du 20 octobre et les violences qui ont officiellement fait 50 morts et 300 blessés, le gouvernement tchadien a mobilisé plusieurs ministres pour apporter des éclairages sur la situation et a reconnu pour la première fois avoir incarcéré plus de 600 personnes dans la prison de Koro Toro. Si Ndjamena n’avait jamais nié y avoir envoyé des détenus, le pouvoir n’avait jamais avancé de chiffre. Le Tchad reste tendu, avec des centaines de personnes arrêtées et des partis politiques et organisations suspendues.

Avec notre envoyé spécial à Ndjamena, Sébastien Németh

Cinq ministres sont venus ensemble à ce grand oral, alors que de nombreuses familles sont dans l’expectative concernant le sort de leurs proches arrêtés ou disparus.

Le ministre de la Justice a affirmé qu’une commission judiciaire était en place, avec quatre procureurs saisis à Ndjamena, Moundou, Koumra et Doba. Mahamat Ahmat Alhabo a révélé que 621 personnes avaient été auditionnées à la prison de haute sécurité de Koro Toro, dont 82 mineurs.

401 détenus en situation de flagrant délit ont vu leurs dossiers transmis au parquet de Ndjamena. 137 sont visés par des charges plus lourdes et leurs cas sont confiés aux cabinets d’instruction.

Nous avons connu une insurrection qui a tenté de renverser le régime et qui a malheureusement causé beaucoup de morts et beaucoup d’arrestations. Ces enquêtes devraient ordonner des poursuites à l’encontre de toutes les personnes, civiles et militaires, qui sont impliquées. C’est un travail de longue haleine qui ne se termine pas en quelques jours.

Le principe d’une mission d’enquête internationale a été accepté, « pour montrer notre bonne foi et situer les responsabilités », a indiqué le porte-parole du gouvernement. « Cela n’entame en rien le travail de nos magistrat », a précisé le Garde des sceaux.

Quant à la suspension d’activité qui touche sept partis politiques, le gouvernement menace désormais l’existence légale de ces formations. Le ministre de l’Administration territoriale a indiqué que l’État avait trop souffert de laxisme. Des éléments sont rassemblés pour permette à la Cour suprême d’ordonner « une dissolution pure et simple de certaines formations. On ne peut plus reculer. Nous allons opposer la rigueur de la loi », a déclaré Limane Mahamat.

En parallèle de la fermeté, le gouvernement a voulu montrer une ouverture. « Une large campagne d’échange sera lancée pour retrouver un consensus, car le pays ne doit pas basculer », a indiqué le ministre de la Réconciliation nationale Abderaman Koulamallah.

LE MINISTRE TCHADIEN DE LA RÉCONCILIATION NATIONALE ABDERAMAN KOULAMALLAH AFFIRME QUE LE GOUVERNEMENT VEUT TROUVER «UN CONSENSUS»

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Sénégal : Dakar Dem Dikk peut-il passer à la vitesse supérieure ?

L’opérateur public de transports en commun entend jouer un rôle croissant pour fluidifier la circulation de l’agglomération. Il devra pour cela renouveler une flotte de bus aujourd’hui décimée.

Par  - à Dakar
 

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Un car Dakar Dem Dikk dans les rues de Dakar, en 2022. © Martin A1999A/CREATIVE COMMONS

 

« Le parc est pratiquement à terre, on peine à sortir 50 bus par jour dans Dakar et sa banlieue, la situation est intenable. » C’est le constat dressé par Alioune Badara Konaté, secrétaire général de l’Union démocratique des travailleurs de Dakar Dem Dikk (DDD), qui appelle de ses vœux le renouvellement du parc automobile de l’opérateur public de transport fondé en 2001. Selon le responsable syndical, sur les 475 véhicules reçus par Dakar Dem Dikk en 2016 – suite à un contrat passé avec le constructeur indien Ashok Leyland (Hinduja Group) –, une grande partie serait aujourd’hui hors service.

Une commande de 1 400 bus

Si, selon nos informations, un contrat commercial a été signé il y a quelques mois entre le gouvernement sénégalais et le constructeur automobile franco-italien Iveco Group concernant la livraison de 1 400 véhicules, en deux phases, le dossier ne semble pas aujourd’hui totalement ficelé. En juillet, l’ancien directeur général de DDD, Omar Bounkhatab Sylla, parlait d’une arrivée « imminente » de ces nouveaux bus, dont la durée de vie devrait être comprise entre quinze et vingt ans. Quatre mois plus tard, son remplaçant, Ousmane Sylla – par ailleurs élu maire de Kédougou lors des dernières élections locales – la repoussait « à la fin du premier trimestre » de l’année 2023.

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Sur le papier, la société dispose pourtant d’une marge de manœuvre importante pour compter dans la mobilité urbaine de Dakar et sa banlieue – qui représente près de la moitié de la population urbaine du pays. Selon une récente étude réalisée par la fondation Friedrich Ebert sur les défis de l’urbanisation à Dakar, seulement 6 % de la demande en transports est assurée par Dakar Dem Dikk. Les mini-bus Aftu (Tata) seraient les plus utilisés, avec 35 % des déplacements, suivis des cars rapides (20 %), des clandos (12 %), des taxis (10,5 %) et des Ndiaga Ndiaye (4 %). Par ailleurs, la marche à pied serait le mode de déplacement le plus utilisé, à hauteur de 70 % du total.

Nouveau souffle

DDD a donc une carte à jouer pour contribuer à désembouteiller la capitale, en appui du Train express régional (TER), dont le deuxième tronçon (qui desservira l’aéroport international Blaise-Diagne à partir de la ville nouvelle de Diamniadio) est actuellement en construction, ainsi que du Bus Rapid Transit (BRT) – qui devrait être mis en service courant 2023. Ce dernier projet d’envergure sera composé de 121 bus qui transiteront à travers 23 stations étalées sur 14 communes, de la gare ferroviaire de Dakar à la mairie de Guédiawaye.

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En attendant la finalisation du dossier Iveco, Dakar Dem Dikk devra composer avec les moyens du bord. « Sur le parc actuel qui couvre Dakar et sa banlieue, seuls 40 % des bus sont opérationnels », estime Ousmane Sylla, le nouveau directeur général, qui a pris ses fonctions à la mi-octobre au sein de la société, à laquelle il aimerait donner un nouveau souffle.

« L’objectif, avant la fin de l’année, c’est de faire circuler 120 bus par jour », ambitionne ce patron de 42 ans qui a passé l’essentiel de sa carrière à des postes de direction au sein du groupe sidérurgique ArcelorMittal, en Europe et en Afrique. « Il y a un travail de maintenance à venir, la plupart des bus sont réparables », estime celui qui voit dans la société « un potentiel extraordinaire » à développer.

Desserte de dix-sept villes

Outre la desserte de Dakar et sa banlieue – une quarantaine de lignes –, ainsi que le transport périscolaire, l’opérateur est également actif, depuis 2017, sur le territoire national via la couverture de dix-sept villes dans les quatorze régions du pays. En juillet, la société a reçu 33 bus modernes – équipés de ports USB, d’une connexion wifi et de sièges rétractables – pour renforcer ce volet périurbain.

« Nous avons également de nombreux projets dans la sous-région », indique Ousmane Sylla. Mauritanie, Maroc, Côte d’Ivoire : la société souhaiterait à terme desservir les capitales environnantes. Des ambitions déjà évoquées en 2020 avec le lancement d’Afrique Dem Dikk – qui se cantonne depuis lors à des liaisons quotidiennes avec la Gambie.

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Dernière mise en œuvre dans la stratégie numérique de l’opérateur qui emploie 2 900 salariés : la signature d’une convention avec l’entreprise de mobile money Wave pour l’achat de billets par voie digitale. Ce service était déjà disponible auprès d’Orange money. Le groupe travaille aussi à la numérisation d’informations en temps réel, comme les retards ou les numéros de voies…  Si DDD semble avoir toutes les cartes en main pour peser davantage dans la mobilité urbaine de Dakar et du pays, « la seule chose qui nous freine pour le moment, c’est le manque de bus », estime le syndicaliste Alioune Badara Konaté.

 

Mali : quand Wagner devient la cible privilégiée des jihadistes du JNIM

Depuis le retrait de l’armée française, les groupes jihadistes n’hésitent pas à communiquer à outrance sur les exactions supposées du groupe paramilitaire russe contre les civils.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 10 novembre 2022 à 10:59
 
 
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Manifestants du mouvement Yerewolo, hostiles à la France, à Bamako, le 19 février 2022. © FLORENT VERGNES / AFP

 

Poussée vers la sortie par les colonels au pouvoir depuis août 2020, la France a achevé le 15 août 2022 son retrait du Mali, plus de neuf ans après le lancement de son intervention contre les groupes jihadistes dans ce pays.

Parallèlement, les autorités maliennes se sont tournées vers la Russie, et plus particulièrement vers le groupe paramilitaire russe Wagner, dirigé par Evgueni Prigojine, un proche de Vladimir Poutine. Bamako dément, reconnaissant uniquement le soutien d’« instructeurs » militaires russes.

Mais c’est bien Wagner que le « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans » (JNIM), principale coalition affiliée à Al-Qaïda au Sahel, cite nommément ces derniers mois en tête d’affiche de ses communiqués.

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« Wagner est vraiment un ennemi du JNIM »

« Les opérations de Wagner sont surtout localisées dans le centre du Mali et ciblent principalement la communauté peule, dont le JNIM se présente comme le protecteur. Donc dans cette dynamique, Wagner est vraiment un ennemi du JNIM », explique Héni Nsaibia, chercheur au sein du Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled), spécialisé dans la collecte des données relatives aux conflits.

« Il y a eu beaucoup d’affrontements du JNIM avec les forces armées maliennes et Wagner qui opèrent conjointement », précise-t-il. « D’une certaine manière, Wagner a remplacé la France comme force étrangère dans le théâtre du conflit, même si les jihadistes ne traitent pas Wagner de “Croisés” comme les troupes françaises, mais plutôt de mercenaires ou de “milice criminelle” », dit-il.

Le JNIM s’est targué fin octobre d’avoir, grâce à une embuscade dans la région de Bandiagara (centre) contre « l’armée malienne, les mercenaires de Wagner et des miliciens progouvernementaux en guerre ethnique contre les musulmans », restitué à leurs propriétaires le bétail que les autorités leur avaient enlevé, selon lui.

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Exactions contre des civils

Depuis des années, « les groupes jihadistes se présentent comme les défenseurs des populations contre l’armée et ses supplétifs qui, selon eux, ne font que tuer les civils », observe Boubacar Haïdara, chercheur au Bonn International Centre For Conflict Studies (BICCS).

Le recours à cet « alibi pour justifier la violence qu’ils exercent », selon lui, leur est facilité par « l’arrivée d’éléments russes », coïncidant avec « des informations sur des exactions à l’encontre de civils qui se répètent et de plus en plus mortelles ».

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Si la majorité des 860 civils tués au Mali au premier semestre 2022 ont été victimes des groupes jihadistes, 344, soit 40 %, ont péri lors d’opérations de l’armée, selon l’ONU.

« La population juge par rapport aux exactions commises sur les civils », prévient Binta Sidibé Gascon, vice-présidente de l’observatoire Kisal, qui défend les intérêts des populations pastorales. « Or, depuis l’arrivée de Wagner, notamment avec ce qu’il s’est passé à Moura nous assistons à une augmentation exponentielle des victimes civiles ».

Prise de conscience

Quelque 300 civils ont été massacrés en mars dans cette localité du centre par des soldats maliens associés à des combattants étrangers, peut-être russes, selon Human Rights Watch (HRW). L’armée malienne dément, affirmant avoir « neutralisé » plus de 200 jihadistes.

Le principal chef du JNIM dans la région, le prédicateur peul Amadou Koufa, a incriminé Wagner et l’armée malienne dans une rare vidéo en juin, assurant que parmi les tués de Moura ne figuraient « qu’une trentaine de combattants », les autres étant « des innocents ».

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« Ce qui va accélérer la prise de conscience », estime la responsable de Kisal, « c’est que face à toutes ces exactions sur des civils, aucune reconquête du territoire n’est effective et malheureusement la situation empire : augmentation des déplacés, écoles fermées, crise humanitaire… »

Néanmoins, Boubacar Haïdara constate que « beaucoup parmi la population ne croient pas du tout que ce sont des civils qui sont tués », et se montrent réceptifs au discours officiel de l’armée rejetant « des calomnies françaises pour dénigrer les forces maliennes alors qu’elles “sont en train de faire plus que Barkhane n’a pu faire en neuf ans” ».

Guerre informationnelle

Faire appel à Wagner s’est révélé un « très mauvais choix » pour les autorités maliennes, avec « une augmentation d’environ 30% des actes terroristes » sur les six derniers mois, a affirmé fin octobre la sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland.

En revanche, Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network (ASSN), considère que « si le gouvernement malien attendait un appui de Wagner en matière de guerre informationnelle, de ce point de vue il peut être satisfait des résultats. (…) Sur le territoire malien très largement, en tout cas au niveau de la capitale et des réseaux sociaux, poursuit-elle, ils ont gagné la bataille de l’opinion contre tous les partenaires occidentaux ».

(Avec AFP)

Niger : entre Bazoum et Issoufou, jeu d’équilibriste au PNDS

Le parti au pouvoir s’apprête à organiser un congrès fin décembre à Tahoua et à procéder à quelques changements à sa tête, tout en conservant un équilibre entre les proches du chef de l’État et ceux de son prédécesseur. Avec en tête, déjà, la présidentielle de 2026.

Mis à jour le 10 novembre 2022 à 10:46
 
 
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VMohamed Bazoum (g.) et Mahamadou Issoufou lors de la célébration de la fête de l’indépendance, le 3 août 2019 à Niamey Mohamed Bazoum (g.) et Mahamadou Issoufou lors de la célébration de la fête de l’indépendance, le 3 août 2019, Niamey © Louis Vincent

 

Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir) met actuellement la touche finale à l’organisation de son congrès ordinaire autour du 23 décembre, date qui marque l’anniversaire de sa création en 1990. Clôturant le renouvellement des instances fédérales, engagé il y a plusieurs mois, celui-ci se déroulera à Tahoua, fief politique de l’ancien président Mahamadou Issoufou.

Selon nos informations, ce grand raout de la formation socialiste confirmera à son poste de président du parti – qu’il occupe pour le moment par intérim – Foumakoye Gado. Ancien ministre, celui-ci est aujourd’hui Haut représentant du président Mohamed Bazoum. Sa prochaine nomination à la tête du PNDS a d’ailleurs été actée en coulisses par le chef de l’État et par le prédécesseur de ce dernier, Mahamadou Issoufou.

Les deux hommes – compagnons de lutte politique depuis 1990 – s’entretiennent en effet encore quasi quotidiennement, même s’ils ne se rencontrent qu’en privé et en dehors des salons officiels de la présidence. Mahamadou Issoufou continue également de recevoir à son domicile un grand nombre des plus importants décideurs politiques du pays.

Gado, l’homme d’Issoufou

En ce qui concerne le futur congrès du PNDS, une incertitude demeurerait en revanche au sujet de l’attribution des postes de secrétaire général et de premier vice-président. Le ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, est toutefois pressenti pour accéder à la vice-présidence, et donc quitter sa fonction de secrétaire général. Cette dernière reviendrait alors à Kalla Ankourao, son actuel adjoint et premier vice-président de l’Assemblée nationale.

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Seulement, Hassoumi Massaoudou et Foumakoye Gado sont originaires de la même région, celle de Dosso. Plusieurs cadres estiment donc qu’il serait inopportun de leur confier de façon pérenne la présidence et la première vice-présidence. Ceux-ci poussent pour que Kalla Ankourao, dont le fief politique est la région de Maradi, accède directement au poste de premier vice-président. Il reviendra au congrès de décembre de trancher.

« C’est un débat qui importe peu. Selon son titulaire, le secrétariat général peut avoir plus de poids que la première vice-présidence, et vice-versa », glisse toutefois un cadre du parti. « L’important est surtout que Foumakoye Gado prenne officiellement la tête de la formation. C’est un message clair puisque chacun sait qu’il est avant tout l’homme de confiance de Mahamadou Issoufou et qu’il ne s’entend en revanche que modérément avec Mohamed Bazoum », ajoute cette source, contactée par Jeune Afrique.

Un maximum d’influence

Mahamadou Issoufou souhaite en effet conserver un maximum d’influence au sein du PNDS. Outre le fait de disposer de Foumakoye Gado à la présidence, l’ancien chef de l’État joue surtout sur sa mainmise sur la région de Tahoua, dont il est originaire et qui fait figure de premier réservoir électoral du pays. Le responsable régional du parti est en effet encore l’un de ses proches, en la personne d’Issoufou Katambe, ex-ministre de la Défense.

Ce dernier a surtout pour deuxième vice-président l’actuel ministre du Pétrole, c’est-à-dire le fils de Mahamadou Issoufou lui-même, Sani Mahamadou Issoufou, dit « Abba ». L’autre figure tutélaire du « clan de Tahoua » est enfin l’actuel Premier ministre (et coordinateur régional du PNDS), Ouhoumoudou Mahamadou. Fidèle parmi les fidèles de Mahamadou Issoufou, il a été le directeur de cabinet de celui-ci, qui a appuyé sa nomination à la primature.

« Avec Gado à la présidence et en conservant le contrôle sur Tahoua, Issoufou s’assure de contrôler le parti et de rester l’artisan incontournable d’un second mandat de Bazoum en 2026 », glisse un membre fondateur du PNDS. En 2019, l’ancien président avait déjà imposé la candidature de son ministre de l’Intérieur d’alors, malgré l’opposition interne de certains barons, dont Foumakoye Gado.

2031 déjà en ligne de mire ?

Au-delà de 2026, l’élection présidentielle de 2031 est-elle, elle aussi, déjà dans toutes les têtes ? La candidature de Mohamed Bazoum pour un second et dernier mandat semble faire consensus au sein du PNDS, même si toutes les réticences de 2020 n’ont pas été écartées. En interne cependant, des voix s’élèvent d’ores et déjà pour réclamer, en prévision de l’après-2026, un renouvellement des instances du parti et en particulier d’un présidium où la génération Issoufou reste aujourd’hui aux commandes.

Selon nos informations, plusieurs noms sont régulièrement cités pour intégrer la très fermée et plus haute instance du PNDS lors des prochains congrès. Parmi les pressentis (et les ambitieux) : l’ex-ministre de la Défense et député de Dakoro (Maradi) Kalla Moutari, et Sani Mahamadou Issoufou. En compagnie de son père lors d’une visite remarquée à Tahoua en septembre, ce dernier – qui était directeur de campagne de Mohamed Bazoum en 2020 – construit patiemment son parcours politique.

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Alors que les ambitions ne manquent pas chez les aînés du ministre du Pétrole – qui espèrent ne pas être écartés en même temps que la génération Issoufou –, celui-ci devrait s’appuyer à terme sur des personnalités nées, comme lui, autour de 1980. Le fils de l’ex-président, qui aura quarante ans en 2023, pourrait notamment compter sur le soutien de son ami, le ministre des Finances, lui aussi originaire de la région de Tahoua, Ahmat Jidoud.