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Burkina : Ibrahim Traoré président de la transition jusqu’en 2024

Le capitaine Ibrahim Traoré, qui a pris le pouvoir par la force il y a deux semaines, a été désigné vendredi président de transition jusqu’à l’élection présidentielle prévue en juillet 2024.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 15 octobre 2022 à 12:23
 
 
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Le nouveau chef de la junte du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traore, assiste aux funérailles de 27 soldats tués, au camp militaire du Général Sangoule Lamizana, à Ouagadougou, le 8 octobre 2022. © Photo by Issouf SANOGO / AFP

 

Le capitaine Traoré a été désigné par des assises nationales rassemblant quelque 300 représentants de l’armée et la police, des organisations coutumières et religieuses, de la société civile, des syndicats, des partis et des déplacés internes victimes des attaques jihadistes qui frappent le Burkina depuis 2015.

Sous les acclamations, le jeune capitaine de 34 ans qui préside depuis le 30 septembre une junte appelée Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), a signé vendredi soir à l’issue des travaux, une « Charte de la transition » qui fait de lui le président pour les vingt et un mois à venir.

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L’article 5 de cette charte stipule que « le président du MPSR assure les fonctions de président de la transition, chef de l’État, chef suprême des Forces armées nationales ». Un membre de la junte avait auparavant indiqué que cet article avait été adopté « à l’unanimité ». L’article 4 souligne que « le mandat du président de la transition prend fin avec l’investiture du président issu de l’élection présidentielle » prévue en 2024. Cet article précise que « le président de la transition n’est pas éligible aux élections présidentielle, législatives et municipales qui seront organisées pour mettre fin à la transition ».

« Recentrer la transition sur les urgences sécuritaires »

La charte maintient un gouvernement de 25 membres et une Assemblée législative de transition (ALT) de 71 membres non rémunérés, hormis des indemnités de session. Vingt des membres de l’ALT seront désignés par le président Traoré, seize par les Forces de sécurité et de défense (FDS), les autres par les régions, les partis politiques et les organisations de la société civile.

Le 24 janvier, des militaires emmenés par le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba et regroupés au sein du MPSR, avaient renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’incapacité face aux attaques jihadistes qui se sont multipliées au Burkina. Elles n’ont pas cessé en huit mois et, face à la dégradation constante de la situation, un nouveau putsch a eu lieu le 30 septembre, qui a porté au pouvoir Ibrahim Traoré, afin de « recentrer la transition sur les urgences sécuritaires », selon la junte.

Le capitaine Traoré avait assuré qu’il ne ferait qu’expédier « les affaires courantes » jusqu’à la désignation d’un nouveau président de transition civil ou militaire par des « assises nationales ». Mais depuis son coup d’État, il n’a cessé de bénéficier du soutien de la rue. Vendredi encore, plusieurs centaines de personnes ont manifesté près du centre de conférence où se tenaient les assises, en brandissant son portrait et en criant son nom, d’autres agitant des drapeaux russes, burkinabè et maliens.

Dans plusieurs pays d’Afrique francophone, Moscou jouit d’un soutien populaire grandissant quand la France, ex-puissance coloniale, y est de plus en plus vilipendée, en particulier au Mali, pays voisin du Burkina également dirigé par des militaires putschistes depuis 2020.

Le choix du peuple

« Nous voulons le capitaine Traoré ou rien. Il faut que les participants aux assises comprennent clairement ce message et suivent le choix du peuple », a déclaré un manifestant, Sayouba Ouedraogo. « Nous savons exactement ce que nous voulons » et « c’est la confirmation du capitaine Traoré comme chef de l’État et président du Burkina Faso », a dit pour sa part Monique Yeli Kam, qui représente le Mouvement pour la renaissance du Burkina (MRB, ex-opposition) aux assises. Selon elle, il « incarne le renouveau, un renouvellement générationnel, une rupture avec les anciennes pratiques ».

L’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade, avait appelé ses compatriotes « à limiter » vendredi leurs déplacements « au strict nécessaire », « par crainte de nouveaux mouvements de protestation ». Des intérêts de la France au Burkina, dont l’ambassade et deux Instituts français, ont été pris à partie par des manifestants pro-Traoré à l’occasion du dernier putsch.

Les attaques régulières de groupes armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique (EI) ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes depuis 2015. Plus de 40% du territoire échappe au contrôle de l’État, notamment du côté des frontières avec le Mali et le Niger.

Le capitaine Traoré a assuré que Ouagadougou continuerait à respecter les engagements pris sous M. Damiba vis-à-vis de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en particulier sur l’organisation d’élections et un retour de civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.

(Avec AFP)

Guinée-Côte d’Ivoire : comment Mamadi Doumbouya tente de se rapprocher d’Alassane Ouattara

Le président de la transition guinéenne multiplie les prises de contact, via plusieurs émissaires, avec le chef de l’État ivoirien. Explications.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 11 octobre 2022 à 17:53
 

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Le colonel Mamadi Doumbouya, au Palais du peuple, à Conakry, le 12 octobre 2022. © Présidence Guinée

 

 

Dernière initiative en date, l’envoi à Abidjan, le 10 octobre, d’une délégation conduite par Bachir Ballo, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, pour officiellement s’imprégner du modèle ivoirien. La Guinée qui partage plus de 600 kilomètres de frontière avec la Côte d’Ivoire, de l’Ouest au Nord, est un partenaire du pays dans plusieurs secteurs.

Bachir Ballo était accompagné par plusieurs hauts gradés de la police nationale, dont le contrôleur général Abdoulaye Sampil, le directeur général de la police nationale guinéenne. La présidence et la primature ivoiriennes ont autorisé le général Vagondo Diomandé, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, à recevoir pendant une semaine son homologue guinéen.

Discrète médiation

Les deux ministres évoqueront des projets de coopération dans tous les domaines. La délégation guinéenne a notamment prévu de visiter l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme, fruit de la coopération franco-ivoirienne, située dans la station balnéaire de Jacqueville, près d’Abidjan.

Avant cette visite, plusieurs émissaires guinéens ont envoyé des messages à l’entourage du président Alassane Ouattara (ADO). Le 23 septembre, le colonel Mamadi Doumbouya s’est rendu à Bamako, pour assister à la cérémonie officielle des festivités du 62e anniversaire de l’indépendance du Mali. En marge de cet évènement, le président de la transition guinéenne a plaidé auprès de son homologue malien, le colonel Assimi Goïta, pour la libération des 46 soldats ivoiriens toujours détenus dans la capitale malienne. Cette médiation a fait long feu face au refus de Goïta, qui a préféré la médiation togolaise.

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Lors de son passage à Abidjan, le week-end dernier, le Premier ministre guinéen Bernard Gomou a, à son tour, fait passer un message à ADO. Il s’est par ailleurs entretenu avec l’opposant Sydia Touré, afin de le convaincre de rentrer à Conakry, sans succès pour le moment.

Lors de son voyage en Guinée, le 17 septembre 2021, où il a rejoint son homologue ghanéen Nana Akufo-Addo, le président ivoirien avait d’abord décelé chez Doumbouya de bonnes aptitudes à conduire rapidement la transition, avant de se raviser. Mais, le contact reste maintenu via Thomas Boni Yayi, l’ancien chef de l’État béninois, qui est aussi le médiateur de la Cedeao pour la Guinée. Ce dernier était en Côte d’Ivoire en juillet dernier, où il a été reçu par Alassane Ouattara.

RDC, Côte d’Ivoire, Mali… Trop de partis tue la démocratie ?

Soucieux de rationaliser le système partisan autant que de dissuader partis-fantômes et candidatures fantoches, de nombreux pays ont adopté des lois restrictives. Mais cela n’est pas sans risque, surtout pour les opposants. Décryptage en infographies.

Mis à jour le 7 octobre 2022 à 14:55
 
 

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Pour limiter l’émiettement des votes, les gouvernements ont mis en place des procédés de filtrage. © MONTAGE JA : ADOBE PHOTOSTOCK.

 

Au Sénégal, on parle de partis « télécentres » et, en Guinée, de partis « cabines téléphoniques », l’intégralité de leurs membres pouvant théoriquement tenir dans un espace réduit. En RDC, où l’on compte un parti reconnu pour 150 000 habitants, on surnomme « partis-mallettes » ou « partis-tiroirs » ceux qui servent uniquement à faire de la figuration au sein d’une grande coalition afin d’en étendre l’influence.

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Ces expressions populaires sont révélatrices d’un paysage politique ultra-morcelé, bien plus que l’illustration de la vitalité démocratique des pays concernés. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, depuis l’avènement du multipartisme dans les années 1990, le nombre de formations politiques a explosé sous le coup des divisions internes, des candidatures isolées et du vagabondage partisan.

Clarification ou exclusion ?

Pour limiter cet émiettement, les gouvernements ont mis en place des procédés de filtrage – comme les parrainages et le système de caution – destinés à limiter le nombre de partis susceptibles de prendre part aux différents scrutins. L’idée est d’instaurer un jeu démocratique plus clair et plus représentatif, en excluant les candidatures fantaisistes ou anecdotiques. Mais cela n’est pas sans conséquence. Au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou au Bénin, ces instruments sont devenus si complexes à utiliser qu’ils en sont devenus dissuasifs. Ils ont aussi été accusés de permettre la mise à l’écart de certains opposants.

Bénin, Sénégal, Côte d’Ivoire… Quel pays reconnaît le plus de formations politiques ? Où demande-t-on la caution la plus élevée pour se présenter à la présidentielle ? Quels procédés de filtrage ont été mis en place ? Quel a été leur impact sur le nombre de candidatures ? Décryptage en infographies.

Tchad: la question-clé de la réforme de l'armée peu évoquée au dialogue national

 

Au Tchad, les mouvements politico-militaires qui ont participé au pré-dialogue de Doha n’avaient cessé d’exiger que la question sensible de l’« indispensable » réforme de l’armée tchadienne, accusée d'être régionale, soit abordée avec Ndjamena. Renvoyée au dialogue national inclusif, qui s’est clôturé il y a deux jours à Ndjamena, une partie des politico-militaires et de l’opposition estime qu’elle a finalement été discrètement évacuée, même si elle est évoquée sur le papier. 

À Doha, les politico-militaires s’étaient heurtés, pendant cinq mois, à un « non » ferme de l’équipe gouvernementale. Motif invoqué : ce sujet intéresse toute la nation tchadienne. L’équipe avait alors promis qu’il serait sur la table des discussions lors du Dialogue national inclusif à Ndjamena. Et pour rassurer les rebelles, cela avait été inscrit dans l’Accord de paix signé le 8 août dernier au Qatar.

Pour de nombreux Tchadiens, les corps de défense et de sécurité sont au cœur de toutes les crises que le pays a traversées depuis son indépendance. La plénière a d’ailleurs reconnu que, « la réorganisation de ces corps engagés après la Conférence nationale souveraine de 1993, n’a pas permis d’en faire une armée véritablement républicaine ».

Après un mois et demi de dialogue national, l’opposition et les mouvements politico-militaires tchadiens regrettent le fait que ces sujets ont été rapidement évacués. « La question de la réforme de ces corps a été citée lors de ce Dialogue, oui, mais elle n’a pas été discutée au fond, alors qu’elle est centrale », pointe Assileck Hallata Mahamat, le porte-parole de l’UFDD. 

« C’est un sujet sensible, presque tabou car les gens ont peur d’en parler », a renchéri un opposant sous anonymat, qui assure « qu’il n’y aura pas de véritable démocratie au Tchad, sans réforme de l’armée ».

Les nombreux soutiens de l’armée tchadienne ont surtout mis en avant, eux, ses « nombreux exploits militaires », qui ont fait du Tchad « un havre de paix ».

Selon des sources officielles, le président du comité militaire de transition, Mahamat Irdriss Deby Itno, devrait prêter serment en tant que président de transition lundi à Ndjamena au cours d’une cérémonie officielle, dans la foulée de la clôture officielle du dialogue nationale inclusif et souverain samedi.

Des invitations ont déjà été envoyées à plusieurs chefs d’État africains, certains ont confirmé, selon une de ces sources.

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Cedeao : les chefs d’État annulent le sommet de Dakar

La réunion de l’organisation, prévue le 14 octobre et censée être consacrée en grande partie à la situation au Burkina Faso, n’aura finalement pas lieu.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 6 octobre 2022 à 18:16
 
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Umaro Sissoco Embaló, le 3 juillet, à Accra. © Nipah Dennis/AFP.

 

La réunion extraordinaire de la Cedeao, prévue à Dakar le 14 octobre, est annulée. Les chefs d’État se retrouveront donc comme prévu lors de leur sommet ordinaire, en décembre, à Abuja. Selon des sources proches d’Umaro Sissoco Embaló, le président en exercice de l’organisation ouest-africaine, ce dernier souhaite en faire un rendez-vous d’importance, auquel seront invités de nombreux présidents, y compris extérieurs à la sous-région, ainsi que le dirigeant de la Banque mondiale, David Malpass.

Issoufou chez Traoré

L’ordre du jour devait être consacré au Mali, à la Guinée et en particulier au Burkina Faso. Une mission de la Cedeao s’était en effet rendue à Ouagadougou, le 4 octobre, conduite par le président de la Commission, Omar Alieu Touray et Mahamadou Issoufou.À cette occasion, l’ancien président nigérien s’est entretenu avec le capitaine Ibrahim Traoré, qui lui a expliqué les raisons du putsch ayant visé le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. La junte burkinabè a également témoigné de sa volonté de respecter les engagements pris sous l’ère Damiba, à savoir la tenue d’une élection présidentielle en mai 2024. « Ils ont compris que c’est le même mouvement [le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, MSPR] qui a opéré un changement en interne. Nous sommes passés à l’acte, car celui qui portait nos idéaux nous a trahis », explique un témoin de la rencontre.

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Le nouvel homme fort du Burkina Faso et sa garde rapprochée ont par ailleurs entamé des concertations tous azimuts avec les acteurs politiques et les partenaires extérieurs. Dans une note verbale, le protocole d’État a informé les chefs de missions diplomatiques et des organisations internationales qu’ils étaient conviés le 7 octobre à une rencontre avec Ibrahim Traoré. Alors que la situation revient progressivement au calme, la capacité des nouvelles autorités à contenir les manifestations hostiles à la Cedeao et à la France cristallise les inquiétudes.