Mali: ouverture de la Semaine de la réconciliation
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Pour Assimi Goïta, président de la transition (notre photo d'illustration), la «semaine comme celle que nous lançons en ce moment est une aubaine pour chasser les démons de la division».AP - Baba Ahmed
La première édition de la Semaine de la réconciliation au Mali s'est ouverte le jeudi 15 septembre à Bamako. L'événement sera désormais célébré du 15 au 21 septembre. L'objectif est notamment de permettre un échange entre Maliens pour qu'ils puissent se parler, se pardonner.
À Bamako, c'est le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, qui a lui-même présidé à la cérémonie de lancement des activités de la Semaine de réconciliation nationale : « Une semaine comme celle que nous lançons en ce moment est une aubaine pour chasser les démons de la division et de la terreur afin que germent les perspectives de développement, facteur d'épanouissement collectif. »
« Un retour à nos valeurs séculaires »
« Il est donc de notre devoir, dit-il encore, de créer les conditions d’un retour à nos valeurs séculaires pour réconcilier les communautés, réconcilier l’État et les citoyens, en somme, réconcilier l’ensemble des composantes de notre pays afin de faire émerger une unité nationale plus solide, car ancrée dans les valeurs d’écoute mutuelle et de pardon. C’est à ce prix que nous pourrions utilement orienter nos énergies ainsi que nos intelligences vers le développement réel de notre nation. »
À cette occasion, le parti Sadi a décidé d’interpeller les autorités de transition. Il demande l’amnistie des personnalités politiques actuellement poursuivies par l’État malien. Pour Babarou Bocoum, le secrétaire politique du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance (Sadi), « Il y a un certain nombre de sujets qui devraient être clarifiés pour qu’on sache si c’est l’État malien qui cherche à se réconcilier avec des groupes armés ou bien s’il s’agit d’une réconciliation nationale. Forcément, il faut intégrer la classe politique et ses acteurs politiques, y compris Oumar Mariko et d’autres aujourd’hui qui sont en exil - ou presque - hors du pays, et on ne peut pas parler de réconciliation dans ce cadre. »
« Il ne peut pas y avoir de réconciliation dans la confusion »
« Nous, lance-t-il aussi, nous avons dit que, pour parler de réconciliation, il faut qu’on pose au moins un projet de loi au niveau de l’Assemblée pour amnistier toutes les poursuites contre les dirigeants politiques, de la même manière qu’ils ont fait un projet de loi pour amnistier leur coup d’État. Il est tout à fait évident que ceux qui n’ont pas fait de putsch, qui ne sont seulement recherchés que parce qu’ils ont tenu des propos ou qu’ils ne sont pas sur la ligne droite de la transition aujourd’hui, il est évident que ceci mérite encore beaucoup plus de responsabilités et également de clairvoyance dans la situation. C’est pourquoi nous, nous pensons qu’il ne peut pas y avoir de réconciliation dans la confusion. »
Plusieurs milliers d’habitants de Talataye cherchent à rejoindre les grandes villes du nord du Mali. Ces déplacés ont fui les combats qui ont opposé, mardi 6 septembre, les jihadistes de l’EIGS, la branche sahélienne du groupe État islamique, et leurs rivaux du Jnim, liés à al-Qaïda. Les ressortissants de Talataye et les groupes armés locaux s’organisent pour venir en aide aux déplacés.
Selon de nombreuses sources locales – élus et ressortissants de Talataye, groupes armés, sources sécuritaires et humanitaires –, plusieurs milliers d’habitants de Talataye qui avaient fui les combats, le plus souvent à pied, attendent toujours qu’on leur vienne en aide. Ils végètent dans des campements de fortune, dispersés dans un rayon de 20 à 30 kilomètres autour de la ville.
« Les premiers jours, ils n’avaient rien à manger. Mais grâce aux cotisations et à la mobilisation de ressortissants et de personnes de bonne volonté, ils ont pu recevoir des vivres. Mais l’urgence, c’est de les sortir de là », explique un élu de Talataye.
« Tout le monde veut se mettre à l’abri »
Talataye et les campements environnants comptent habituellement environ 10 000 habitants, selon cet élu local. Dix jours après les combats, plusieurs milliers d’entre eux cherchent encore à rejoindre les villes de Gao, à environ 150 kilomètres à l’ouest, ou de Kidal, plus de 200 km au nord. Dans une moindre mesure, certains prennent la direction de la ville de Ménaka ou encore de l’Algérie.
D’autres localités de la zone qui n’ont encore subi aucune attaque se mettent également à se vider de leurs habitants : « Ils ont peur et suivent la même dynamique, tout le monde veut se mettre à l’abri », explique un cadre du MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad), groupe armé local membre de la Plateforme pro-Bamako, signataire de l’accord de paix de 2015.
Depuis dix jours, c’est principalement ce groupe armé qui organise le transport des déplacés. Le MSA, très implanté dans ce secteur et dans toute la région de Ménaka, avait pris part aux combats contre l’EIGS à Talataye pour tenter de protéger les populations.
Quelques éléments locaux de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad, ex-rebelles indépendantistes) sont également mobilisés, de leur propre initiative, selon un porte-parole de la CMA qui précise qu’aucune action à l’échelle du mouvement n’a été décidée.
« Nous sommes seuls »
« Nous avons déjà organisé deux convois vers Gao », raconte un cadre du MSA. « Nous transportons aussi des déplacés plus au nord de la ville, sur la route de Kidal, dans des zones où ils peuvent faire paître leurs animaux. Mais tout ça est difficile à organiser, et nous sommes seuls », déplore cette source qui mentionne également le risque que les combattants de l’EIGS ne reviennent s’en prendre aux populations toujours en attente. « Il faut vite les mettre en sécurité », conclut-il.
La Minusma, déjà mobilisée à Ménaka pour la protection de la ville et l’accueil des déplacés qui ont afflué ces derniers mois, a dépêché à Gao des enquêteurs sur les droits de l’homme. Ils ont déjà commencé à recueillir les témoignages des victimes, selon une information communiquée de source civile locale. Sollicitée par RFI sur le dispositif envisagé pour les déplacés de Talataye, la Minusma n’a pas donné suite.
Plusieurs centaines de personnes déplacées de Talataye – plus de 2 000, selon une estimation non recoupée – sont en tout cas déjà arrivées à Gao. « Ils se sont installés sur un terrain inoccupé dans la ville », explique une représentante de l’Association des femmes ressortissantes de Talataye à Gao, impliquée dans leur prise en charge.
« Mais c’est très difficile, car ils n’ont souvent même pas pu emporter leurs tentes avec eux. Alors, ils en fabriquent avec ce qu’ils trouvent ou ils se mettent sous les arbres. Surtout, poursuit cette source, ils n’ont pas de point d’eau, c’est très difficile. » Cette ressortissante de Talataye s’inquiète également, en cette période d’hivernage, de plusieurs cas de paludisme non pris en charge.
« Le gouvernement n’a rien fait »
« On a besoin de l’aide du gouvernement malien qui n’a rien fait jusqu’à aujourd’hui, déclare cette source qui précise que des équipes du HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) et du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) ont commencé à recenser ce mercredi le nombre des déplacés. Elle souhaite qu’une aide concrète puisse rapidement leur être apportée.
« Nous avons effectivement lancé une mission d’évaluation dans la ville de Gao et dans sa périphérie, confirme le siège du CICR à Bamako. Nous évaluons les besoins en eau, en nourriture et en protection, puis nous essaierons de répondre au maximum de nos possibilités. » À l’heure de la publication de cet article, le HCR a confirmé être mobilisé, mais n’a pas été en mesure de fournir de précisons.
Dans les environs de Talataye, et plus généralement dans cette partie nord-est du Mali qui s’étend jusqu’à la zone des trois frontières (Mali-Niger-Burkina), de nouveaux combats sont à prévoir. La branche sahélienne du groupe État islamique entend consolider son ascendant dans la zone, acquis au cours des six derniers mois. Et le Jnim cherche à se renforcer pour faire face à ces assauts répétés.
De son côté, le MSA reste mobilisé pour défendre les populations civiles. Et d’autres groupes armés, notamment au sein de la CMA, n’excluent plus de participer aux prochains combats. Des consultations internes sont en cours à Kidal afin de déterminer l’implication de ces groupes aux prochains affrontements.
Plus de 900 civils massacrés
Le MSA, depuis plus de six mois en première ligne face à l’EIGS, sollicite le soutien de l’armée nationale pour protéger les populations. L’état-major des armées du Mali a indiqué avoir mené mardi dernier un vol de « reconnaissance offensive » dans la zone, mais aucun homme n’a été déployé sur le terrain, ni au moment des combats, ni depuis lors, pour protéger ou secourir les déplacés.
Depuis le début de l’offensive de l’EIGS dans le nord-est du Mali, en mars dernier, plus de 900 civils auraient été massacrés : 145 à Tamalat, 213 à Anderamboukane, 310 à Inekar… Des bilans effroyables, recueillis auprès des communautés locales et compilés par le journaliste malien indépendant Walid Ag Menani. Ces chiffres viennent préciser et alourdir les bilans fournis jusqu’ici par différentes sources locales et internationales, qui faisaient déjà état de plusieurs centaines de morts.
Et depuis ces dernières heures, un message vocal posté sur les réseaux sociaux suscite émotion et crainte. Il a été enregistré par El Hadj Ag Gamou, figure de la communauté touarègue Imghad, général de l’armée malienne et chef de la branche militaire du Gatia, autre groupe armé local signataire de l’accord de paix.
Dans ce message, le général Gamou demande aux civils de la zone de quitter leurs campements et de se rapprocher des grandes villes pour se mettre à l’abri. Des paroles destinées à sauver des vies, mais qui ont surpris dans la bouche d’un général pourtant rôdé aux combats difficiles. Une prise de parole qui en dit long sur le rapport de force actuel sur le terrain.
Abidjan exprime son indignation et exige la libération « sans délais » des 46 militaires détenus au Mali depuis deux mois. Dans une déclaration lue ce mercredi après-midi devant les médias, les autorités ivoiriennes dénoncent officiellement ce qu’elles estiment être « une prise d’otage ». En effet, les autorités maliennes exigent l’extradition de responsables politiques maliens établis en Côte d’Ivoire, en « contrepartie » de la libération des militaires ivoiriens. Une requête mal perçue par les autorités d'Abidjan, qui ont tenu un Conseil national de sécurité ce mercredi matin.
Avec notre correspondante à Abidjan, Bineta Diagne
Dans cette déclaration, les autorités réitèrent leur version des faits : les 49 militaires envoyés au Mali ne sont pas des mercenaires, ils appartiennent au 8e détachement de la Minusma. Les autorités ivoiriennes regrettent des « incompréhensions et des manquements » qui ont conduit à leur arrestation.
Le Conseil national de Sécurité dénonce, par ailleurs, les conditions posées par Bamako pour libérer les 46 soldats toujours en détention : Abidjan critique un « chantage inacceptable », et rappelle que la Côte d’Ivoire est un pays « attaché à la paix, à la stabilité et à l’État de droit dans la sous-région. »
Au regard des derniers développements, qui sont de nature à porter atteinte à la paix et à la sécurité dans la sous-région, le président de la République a instruit la ministre des Affaires étrangères de saisir la Commission de la Cédéao en vue de la tenue dans les meilleurs délais d’une réunion extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement pour examiner la crise entre la Côte d’Ivoire et le Mali.
Fidèle Sarassoro, le secrétaire exécutif du Conseil national de sécurité
Du côté de la Cédéao justement, le président de la Guinée-Bissao, président en exercice de l'institution, Umaro Sissoco Embaló consulte et centralises les points de vues. La médiation togolaise, poursuit ses efforts et d’autres pays apportent leur touche personnelle, rapporte notre correspondant dans la région Serge Daniel.
Par exemple, d’après nos informations, le colonel Mamadi Doumbouya, chef de la junte guinéenne a récemment demandé à Bamako de libérer les militaires ivoiriens encore détenus en précisant qu’il était lui même volontaire pour venir les chercher et les ramener à Abidjan.
La contrepartie exigée désormais par le gouvernement malien ne passe pas auprès de la quasi totalité des pays membres de la Cédéao, qui affichent désormais leur inquiétude et en même temps leur soutien à la Côte d’Ivoire en y dépêchant des émissaires. Au sein de l’institution sous régionale, on annonce deux réunions sur le sujet au moins une réunion la semaine prochaine à New York en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. Et le ton pourrait monté contre le Mali.
Une rentrée parlementaire houleuse ce lundi pour les députés élus le 31 juillet dernier. Les parlementaires, convoqués ce lundi matin, ont élu le président de l’Assemblée après plusieurs heures de retard et dans une ambiance chaotique. Il s’agit d’Amadou Mame Diop, issu de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar.
Avec notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac
« Je serai votre président. Le président de tous les députés. Ensemble pour relever les défis d’une assemblée constructive… »
Amadou Mame Diop, de la majorité Benno Bokk Yaakaar, a obtenu 83 voix sur 84 votants. Le député-maire de Richard-Toll a été élu à l’issue d’un scrutin boycotté par l’opposition, dans une atmosphère de grande confusion : après plusieurs heures de débats, d’invectives, de cris et de bagarres, les gendarmes sont intervenus dans l’hémicycle.
Deux points étaient à l’origine des blocages. D'abord le cas des députés qui sont également ministres : pour l’opposition, c’est une incompatibilité, ils auraient dû démissionner. Ensuite, il y a une divergence sur les bulletins de vote pour le poste à la présidence de l'Assemblée.
Pas de candidat unique pour l'opposition
L'opposition, de son côté, n'avait pas réussi à s'entendre sur un candidat unique. Les leaders de la coalition Yewwi Askan Wi avait finalement choisi Barthelemy Dias, maire de Dakar comme candidat. Mais le maire de Guediawaye, Ahmed Aidara, du même camp, était aussi sur les rangs. Enfin, Wallu Senegal avait choisi Mamadou Lamine Thiam.
Mamadou Lamine Diallo, membre de Wallu, regrette cette absence de consensus. « C’était mon option dès le départ, bien que la question n’était pas simple. Dans nos anticipations, on n’avait pas discuté de cela auparavant. Malheureusement on est dans une situation un peu serrée, imprévue. A partir de ce moment-là, les concertations n’ont pas été suffisantes. » Malgré cela, « la majorité mécanique », c’est fini, ajoute le député après les débats tendus de lundi. « C’est normal que l’opposition marque son camp ».
Dans la majorité, la candidature d’Amadou Mame Diop annoncée lundi matin a été une surprise. Aminata Touré, tête de liste nationale Benno Bokk Yaakaar pour les législatives et pressentie pour le poste, avait quitté l’hémicycle avant la procédure de vote. Amadou Mame Diop succède donc à Moustapha Niasse au perchoir.
Lors des élections législatives, le camp présidentiel avait emporté de justesse une majorité absolue de 83 députés, grâce au ralliement de Pape Diop. L’opposition des coalitions Yewwi Askan Wi et Wallu Sénégal avait obtenu au total 80 sièges.
Mali : comment Wagner compte faire main basse sur des mines d’or
En échange du déploiement de ses mercenaires sur le terrain, la société militaire privée russe demande trois gisements situés dans le sud du pays. Ils sont pourtant exploités par des entreprises canadiennes et australiennes. Révélations.
Plus de neuf mois après l’arrivée de ses premiers mercenaires au Mali, en décembre 2021, Wagner n’a pas encore commencé à y exploiter de mines – comme elle le fait en Centrafrique – afin de se rétribuer à la hauteur de ce qui avait été initialement convenu avec les autorités de transition : 10 millions de dollars par mois, contre le déploiement d’environ 1 200 hommes sur le terrain.
Confrontée aux difficultés de paiement de son client malien jusqu’à la levée des sanctions de la Cedeao à l’encontre de celui-ci, en juillet, la société militaire privée russe entend désormais trouver une solution pérenne et lucrative. Laquelle passe, notamment, par les mines d’or du pays. Selon nos informations, Wagner a chargé deux géologues russes de faire fructifier ses activités minières sur les rives du fleuve Niger.
Montage financier
Il s’agit de Viktor Popov et de Sergueï Laktionov. Ce dernier avait participé aux premières prospections du groupe dans le pays, entre juillet et décembre 2021. Rentré un temps en Russie, il est revenu au Mali en mars. Francophone, il a été chargé de faciliter les discussions avec les autorités maliennes et de gérer le montage financier des activités minières de Wagner.
Après avoir créé, fin 2021, une première société minière de droit malien, Alpha Development, à travers un prête-nom local, les deux hommes en ont fondé une seconde, Marko Mining, en avril dernier. Au même moment, Sergueï Laktionov a eu plusieurs entretiens avec des responsables, dont le colonel Adama Bakayoko, un intime du général Alou Boï Diarra, chef d’état-major de l’Armée de l’air. Cheville ouvrière du déploiement de Wagner, ce dernier agit dans l’ombre du russophile ministre de la Défense, Sadio Camara.
Négociations en cours
Aux autorités maliennes, Laktionov a demandé de revoir les permis d’exploitation de trois mines d’or prolifiques au profit de Wagner : Fekola, actuellement exploitée par le minier canadien B2Gold ; Loulo-Gounkoto, dont le permis est détenu par un autre minier canadien, Barrick Gold, et enfin Syama, attribuée aux Australiens de Resolute Mining. Les deux premières sont situées dans le sud-ouest du pays, près de la frontière avec le Sénégal, et la troisième dans le sud-est, près de la Côte d’Ivoire.
Depuis, les négociations sont toujours en cours entre les autorités maliennes et les responsables de Wagner. En juin, Lamine Seydou Traoré, ministre des Mines et beau-frère de Sadio Camara, était en Russie pour participer à un forum économique à Saint-Pétersbourg – officiellement.