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Sénégal : Déthié Fall, un candidat de plus pour l’opposition ?

L’ex-bras droit d’Idrissa Seck se rêve un destin présidentiel après avoir conduit avec doigté la principale coalition de l’opposition, Yewwi Askan Wi, aux élections locales de janvier et aux législatives de juillet.  

Mis à jour le 6 septembre 2022 à 12:26
 
 

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Si le tribun Ousmane Sonko (à droite) est le visage de YAW, Déthié Fall (à gauche) en est le stratège. Ici à Dakar, le 8 juin 2022. © SEYLLOU/AFP

 

C’est la nouvelle bataille : dans une semaine seront désignés les membres du bureau de l’Assemblée nationale, ce qui devrait clore définitivement le chapitre des législatives du 31 juillet, tout en clarifiant le rapport de forces entre pouvoir et opposition. Mais, d’un côté comme de l’autre, tous les esprits sont déjà tournés vers 2024. À peine les résultats publiés, Ousmane Sonko a pris tous ses camarades de court en annonçant sa candidature à l’élection présidentielle, ouvrant ainsi le bal des ambitieux au sein de l’opposition. Ont suivi Malick Gakou, Bougane Gueye Dany et Karim Wade, sachant que l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, avait annoncé ses intentions dès novembre 2021, dans un entretien accordé à Jeune Afrique.  

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Et ce n’est pas fini. Un nouveau candidat pourrait bien venir se joindre aux précédents. Dans la presse, plusieurs appels invitent Déthié Fall, le mandataire national de Yewwi Askan Wi (YAW, l’une des deux coalitions de l’opposition), à se positionner. L’intéressé est-il à l’origine de ce soudain enthousiasme médiatique ? « Beaucoup de personnes se mobilisent pour que je pose ma candidature, répond l’ancien numéro deux d’Idrissa Seck. C’est une question qui est à l’étude. Je ne tarderai pas à rendre ma décision publique. » 

Colosse au visage poupin

En ce début d’après-midi du 30 août, à Dakar, Déthié Fall échange avec nous au téléphone en même temps qu’il se dirige au volant de sa voiture vers le siège du Parti républicain pour le progrès (PRP), la formation qu’il préside et où se tiennent la plupart des conclaves de YAW. Juste avant, il participait à une réunion « sans rapport avec la politique », explique-t-il. Ce colosse de 47 ans au visage poupin est en effet depuis plusieurs années le directeur industriel de la NMA Sanders, l’un des fleurons agro-industriels du Sénégal fondé en 1996 par l’homme d’affaires Ahmet Amar.

Si le tribun Ousmane Sonko est le visage de YAW, Déthié Fall en est le stratège. Son principal fait d’armes : avoir manœuvré en coulisses pour que l’inter-coalition YAW-Wallu Sénégal voie le jour, après plusieurs tentatives infructueuses. « Les cadres de Wallu voulaient que l’on aille aux législatives avec une liste unique. Mais le choc des ambitions des uns et des autres rendait cette éventualité improbable. J’ai donc émis l’idée que chaque coalition garde son identité, son nom et ses listes, tout en mutualisant les forces », raconte-t-il fièrement. L’accord, simple, mais pour le moins original, consistait à faire en sorte que les deux coalitions se partagent les investitures sur la base des résultats obtenus aux locales. La stratégie s’est révélée payante puisque l’opposition est, pour la première fois, parvenue à mettre la majorité en ballotage.

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N’eût été le ralliement à la dernière minute de Pape Diop à Benno Bokk Yakaar (BBY), Déthié Fall aurait sans doute remporté son pari. « Il a forcé le respect et s’est imposé en tant que leader politique, résume Moussa Diaw, enseignant-chercheur à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis. C’est désormais une voix qui compte au sein de l’opposition. » Près de deux ans après s’être émancipé de la tutelle de son ancien mentor, celui qui a lancé son parti en mars 2021 se rêve maintenant un destin national. 

La rencontre avec Idrissa Seck

Pour cet ingénieur formé à l’École polytechnique de Thiès, tout commence en 2000, lorsqu’il rencontre Idrissa Seck pour la première fois. À l’époque président de l’Amicale des élèves-ingénieurs, il sollicite une audience auprès de celui qui est alors le directeur de cabinet d’Abdoulaye Wade. « S’est alors créée une sympathie mutuelle, et nous avons ensuite maintenu le contact », raconte le natif de Saint-Louis.  

Les deux hommes se rapprochent à partir de 2004, lorsque Idrissa Seck, devenu Premier ministre, tombe en disgrâce et est incarcéré pour détournement de fonds publics. « Je me suis rapproché de lui par solidarité dans un premier temps, puis par compassion. Et cela s’est ensuite traduit par un engagement politique à sa sortie de prison lorsqu’il a lancé, en octobre 2006, son parti », explique Déthié Fall.  Au sein de Rewmi, il gravit rapidement les échelons et passe en six ans de simple militant à vice-président. Une ascension sous l’aile de son protecteur qui culmine avec son élection comme député en 2017.  

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Idrissa Seck réussit à se forger une stature de chef de file de l’opposition en arrivant deuxième à la présidentielle de 2019 mais, en novembre 2020, il annonce son ralliement à Macky Sall. Un retournement de veste surprenant pour un homme qui, pendant près de huit ans, a critiqué la gouvernance du chef de l’État et que Déthié Fall ne comprend pas, si bien qu’il prend publiquement position contre la décision de son mentor. Limogé de ses fonctions, il quitte Rewmi après seize années de compagnonnage. « À l’Assemblée nationale, nous avons toujours porté un discours contre Macky Sall. Il était hors de question que je renie mes convictions. J’ai préféré prendre mes responsabilités et [Idrissa Seck] les siennes », conclut-il. 

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Rewmi, désormais allié à la coalition au pouvoir, a perdu depuis de son envergure et a même été défait à deux reprises à Thiès, fief historique d’Idrissa Seck, lors des dernières joutes électorales. De quoi réjouir le mandataire national de YAW ? « Je préfère ne pas en parler, élude-t-il, refusant d’attaquer son ancien parrain. Je travaille aujourd’hui à massifier mon parti pour les prochaines élections. »  

Pas encore de base politique

Mais face à Ousmane Sonko, principal opposant à Macky Sall, à Khalifa Sall ou à Karim Wade, que pourrait bien peser Déthié Fall, qui n’est plus député faute d’avoir pu se représenter à cause de l’invalidation de la liste nationale des titulaires de YAW ? « Ce serait précipité, s’il se portait lui aussi candidat. Il n’a pas encore de véritable base politique et doit déjà se construire une image pour se différencier des autres leaders », prévient l’enseignant-chercheur Moussa Diaw. Déthié Fall, lui, ne l’entend pas de cette oreille et compte bien se soumettre au vote des Sénégalais si « son parti lui en donne l’accord ». Dont acte.

Tchad: reprise du dialogue national inclusif et des négociations toujours infructueuses

 

Au Tchad, les travaux du dialogue national inclusif ont repris, ce samedi 3 septembre, après une suspension de trois jours afin de négocier avec les partis politiques et les organisations de la société civile qui ont opté pour le boycott. À la reprise des travaux, le présidium a constaté que les efforts n’ont pas abouti, alors que les forces de l’ordre encerclent toujours le siège du parti d’opposition, Les Transformateurs. Ce dernier ne participe pas aux assises.

Après la reprise des travaux du forum, ce samedi matin, le président du présidium, Gali Ngoté Gata a admis que les trois jours de suspension n’ont pas permis de convaincre la frange de récalcitrants de réintégrer le dialogue.

Les dignitaires religieux et les anciens qui siègent au comité ad-hoc de la médiation ont également refusé d'être partie prenante du dialogue. Le présidium a pris acte de leur décision tout en leur demandant de poursuivre leurs efforts. 

Par ailleurs, le projet d’un agenda sur le déroulement du forum jusqu'à son terme, prévu le lundi 5 octobre, a été distribué aux participants. Il devrait être examiné, lundi, en plénière.

Pendant ce temps, le siège du parti Les Transformateurs reste encerclé par les forces de l’ordre. Quelques militants ont cependant tenté de se rapprocher du siège du parti de Succes Masra. Ils ont été repoussés par des tirs de grenades lacrymogènes.

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Dans une vidéo publiée sur Facebook, le leader des Transformateurs a indiqué avoir reçu du gouvernement la proposition d’annuler le meeting prévu pour 14 heures en échange de la libération des militants interpellés. Proposition qu’il affirme avoir déclinée.

 

Côte d’Ivoire : au PDCI, un congrès pour resserrer les rangs

Après maints reports, le bureau politique de l’ancien parti unique doit se réunir le 29 septembre à Daoukro. Un seul point à l’ordre du jour : la date et les thèmes du prochain congrès ordinaire du parti, le premier depuis 2013.

Mis à jour le 3 septembre 2022 à 10:03
 
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L’ancien président Henri Konan Bedie au meeting de son parti, le Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI), à Daoukro, en Côte d’Ivoire, le 15 octobre 2018. © Luc Gnago/REUTERS

 

Dans moins d’un mois, le 29 septembre, Daoukro, à plus de 200 kilomètres au nord-est d’Abidjan, accueillera les plus hauts cadres du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et son comité des sages pour un bureau politique dont l’issue est attendue avec impatience – et une certaine appréhension – par les militants de la formation politique présidée, depuis trois décennies, par Henri Konan Bédié.

Maintes fois repoussée, cette rencontre doit déterminer la date et les thèmes qui seront débattus lors du prochain congrès ordinaire, au cours duquel doit théoriquement se tenir l’élection du président du parti. Ce sera d’ailleurs l’unique point à l’ordre du jour. Et c’est à son secrétaire exécutif adjoint, Georges Philippe Ezaley, qu’Henri Konan Bédié a confié l’organisation « pratique » de ce bureau.

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L’ancien maire de Grand-Bassam se trouve actuellement à Daoukro, où il a été reçu par l’ancien président, dans sa résidence, et où il s’attelle à prendre « les dispositions logistiques et sécuritaires » pour la tenue de l’événement. Un comité de pilotage et un comité scientifique ont également été constitués pour organiser cette journée, un temps prévue fin mai mais repoussée en raison de l’organisation des obsèques du frère ainé d’Henri Konan Bédié, puis annoncée pour le 15 septembre et de nouveau décalée, cette fois pour cause… de rentrée scolaire.

« Un congrès en 2022 ! »

Le temps presse, avertissent certains cadres déçus par la stratégie adoptée lors de la dernière présidentielle d’octobre 2020 et inquiets des dissentions internes qui pèsent sur la vie du parti, malgré des ajustements dans l’organigramme. « Nous attendons que le congrès se tienne en 2022. Il le faut. Nous devons être en ordre de marche pour les élections locales de 2023 et choisir un chef derrière qui se ranger », confie un jeune militant très actif.

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En mai, plusieurs représentants de la jeunesse de l’ancien parti unique s’étaient inquiétés publiquement de la capacité de leur président de 88 ans à mobiliser ses troupes pour les prochaines échéances électorales, et dénonçaient un parti imperméable à l’auto-critique après l’échec de 2020. Au PDCI, le mois de décembre 2022 est évoqué pour la tenue du congrès. « Trois mois pour l’organiser ? On verra, mais ça risque d’être compliqué », craignent déjà certains.

Le dernier congrès ordinaire du PDCI, le douzième, remonte à 2013. Après une modification des textes sur la limite d’âge pour se présenter, Henri Konan Bédié avait été réélu pour une durée de cinq ans avec plus de 93 % des suffrages exprimés, face à l’actuel ministre de la Réconciliation Kouadio Konan Bertin (KKB) et à l’ancien secrétaire général du parti, Alphonse Djédjé Mady.

« Un parti profondément paternaliste »

Le dernier congrès, extraordinaire celui-là, sur le thème de « la stabilité et la clarification », avait eu lieu en 2018 après la rupture avec l’ancien allié, le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie (RHDP, parti présidentiel). Il avait acté la reconduction d’Henri Konan Bédié à son poste de président, dans l’attente d’une nouvelle élection promise après 2020. Ce devait être lors d’un prochain congrès ordinaire. Reste donc à en connaitre la date. Réponse le 29 septembre.

Pour autant, « le parti reste profondément paternaliste et très peu sont ceux qui imaginent le PDCI sans Henri Konan Bédié à sa tête, note un observateur. Le véritable enjeu dans cet esprit de volonté de renouvellement qui est cependant bien présent, se jouera lors de la convention avant la présidentielle de 2025. Et la question sera alors celle de l’identité du candidat du PDCI . »

Guinée: réunion de travail entre le gouvernement et les opérateurs miniers

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À l’initiative du gouvernement guinéen, les opérateurs du secteur minier ont été reçus à la primature par le Premier ministre Bernard Goumou, en présence du ministre des Mines et de la géologie Moussa Magassouba, et de hauts cadres de son département. L’objectif de cette rencontre, restaurer la confiance dans le climat des affaires dans le secteur minier et ramener la confiance entre le gouvernement et les opérateurs miniers. Pour cela, le gouvernement a engagé des réformes qui favorisent la création des PME et pour une meilleure protection de l’environnement.  

 

avec notre correspondant à Conakry, Mouctar Bah

C'est la principale demande du gouvernement aux opérateurs, désormais le gouvernement veut connaître la quantité de bauxite qui sort du pays grâce à une nouvelle méthode instauré depuis l’avènement de la junte au pouvoir.

Nous sommes en train de faire un contenu rigoureux dans tous les secteurs pour surveiller la quantité de bauxite exportée, assure le ministre des Mines et de la géologie, Moussa Magassouba. « Aujourd'hui dans tous les ports minéraliers, vous avez des inspecteurs miniers qui, utilisant la méthode des tirants d'eau, (nous) permettent de connaître la quantité exportée, à tout instant. »

Pour une exploitation sans difficulté des matières dans les périmètres qui leur sont alloués, le Premier ministre demande aux opérateurs miniers de respecter un certain nombre de mesures. 

« Je vous invite à renforcer la cohabitation avec les communautés locales, insiste Bernard Goumou,... (et) je vous demande de protéger, dans vos périmètres miniers, les zones agricoles. » 

Du côté du gouvernement, le Premier ministre rassure les opérateurs miniers. « Le gouvernement va poursuivre ses efforts de sécurisation des sites miniers, c'est pourquoi nous allons travailler sur une stratégie pour structurer l'exploitation artisanale de l'or et du diamant, afin de favoriser une cohabitation harmonieuse entre les exploitations industrielle et artisanale. »     

« Nous sommes tous des investisseurs pour le développement économique et social de la Guinée », a déclaré au terme de cette rencontre le porte-parole des opérateurs miniers et président de la Chambre des mines de Guinée.

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La Guinée possède les plus grandes réserves au monde de bauxite, un minerai servant à fabriquer l’aluminium (photo: usine de bauxite située à Kamsar, au nord de Conakry). (Photo : AFP)

 

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Entre Laurent et Simone Gbagbo, une lutte pour le leadership de la gauche ivoirienne

Après avoir fondé le FPI ensemble dans les années 1990, chacun des membres de ce couple mythique de la scène politique ivoirienne est désormais à la tête de son propre parti. Et pourrait affronter l’autre lors des élections à venir.

Mis à jour le 29 août 2022 à 19:38
 
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Laurent et Simone Gbagbo, ancien couple présidentiel ivoirien, sont désormais chacun à la tête de leur propre parti. © MONTAGE JA : Diomande Ble Blonde/AP/SIPA ; SIA KAMBOU/AFP

 

C’est dans une ambiance festive, au rythme d’une chanson diffusée en son honneur, que Simone Ehivet Gbagbo fait son entrée. À 73 ans, elle conserve son dynamisme et n’hésite pas à esquisser quelques pas de danse, sous les applaudissements d’un public conquis. Ce 20 août après midi, des centaines de partisans et d’organisations proches de l’ancienne première dame participent au lancement officiel de son parti, près d’un an après le lancement de son Mouvement des générations capables (MGC). Et, sans surprise, Simone Gbagbo en prend la tête. Elle est ici dans son élément, et ne manque pas de le rappeler. Dans le discours qu’elle livre après son investiture, elle souligne son combat « trois décennies plus tôt » pour la démocratie et le multipartisme : « Oser défier les braises ardentes du parti unique pour revendiquer la liberté d’expression et d’obédience politique relevait de l’utopie. Cependant, nous, camarades, amis, frères et sœurs de cette époque-là, venus d’horizons divers, même en nombre réduit, nous y avons cru ! »

Humiliée devant les caméras

Après une décennie de démêlés judiciaires, humiliée depuis le retour de Gbagbo à Abidjan en juin 2021, se sentant marginalisée, Simone Gbagbo a décidé de riposter en faisant ce qu’elle sait faire le mieux : de la politique. À Abidjan, la transformation de MGC en parti politique était un secret de polichinelle. Si elle a préféré un temps créer un mouvement pour agir au sein de la société civile, certains membres de son entourage, eux, trépignaient d’impatience d’en faire un parti politique en bonne et due forme. Ce n’était qu’une question de temps avant que celle qui a longtemps été qualifiée de « conseillère de l’ombre » de son époux Laurent Gbagbo – tout en ayant un réel poids sur l’échiquier politique -, ne franchisse le pas pour, cette fois, tenter d’occuper la première place.

Le couple Gbagbo allait mal depuis plusieurs années déjà. Laurent Gbagbo a refait sa vie avec Nady Bamba, surnommée sa « petite femme », ce que personne, sur les bords de la lagune Ébrié, n’ignore. Mais le point de non-retour a été atteint le jour où l’ancien président a foulé le sol ivoirien, le jeudi 17 juin 2021. Alors que son arrivée à Abidjan après plus d’une décennie hors du pays devait être une célébration, un moment de retrouvailles, sous l’œil des caméras du monde entier, Simone a été priée de ne pas se joindre aux festivités et de se faire discrète.

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Une gifle, pour l’ancienne première dame. Elle riposte en se présentant à l’aéroport où elle se fraye un chemin jusqu’à Laurent Gbagbo qui descend d’avion pour le serrer dans ses bras. À peine a-t-elle le temps de lui chuchoter quelque chose à l’oreille que l’ex-président lui demande de s’écarter d’un geste de la main. L’instant n’échappe pas aux dizaines de caméras et de téléphones portables dont les objectifs sont braqués sur ce couple qui a symbolisé un tandem de pouvoir, avant la chute, et son arrestation, le 11 avril 2011 dans un bunker, au terme de la « bataille d’Abidjan ».

L’un des premiers actes de Laurent Gbagbo, une fois rentré en Côte d’Ivoire, est de demander le divorce. Depuis, la procédure suit son cours. Simone Gbagbo, elle, a publié quelques jours plus tard une vidéo dans laquelle elle remerciait les autorités d’avoir facilité le retour de son époux. Un acte qui a touché beaucoup d’Ivoiriens, quand une bonne partie des soutiens de ce qui fut un couple disent leur déception à mots couverts. Laurent Gbagbo, empêtré dans des soucis personnels, longtemps privé de ses privilèges d’ancien chef de l’État et d’accès à ses comptes, obligé de créer un nouveau parti faute d’être parvenu à s’entendre avec Pascal Affi N’Guessan, qui a conservé les rênes du Front populaire ivoirien (FPI), peine à rassurer ses affidés. Il faudra attendre la fin de juillet 2021, une rencontre avec Henri Konan Bédié et un entretien avec Alassane Ouattara pour qu’il s’exprime sur la libération des prisonniers et sur les questions de réconciliation. Trop tard pour rassurer les déçus ?

Lorsqu’il a lancé son Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), Laurent Gbagbo a bien tenté de recoller les morceaux, et a invité Simone à se joindre à lui. Peine perdue. Pour elle, qui a tenu les rênes d’un FPI encore clandestin lorsque son époux était en exil en France de 1982 à 1986, qui a connu les arrestations et la prison et a mobilisé les foules lors des campagnes électorales, se retrouver ainsi reléguée au second plan de cette nouvelle aventure politique est l’affront de trop. Les tentatives de médiation de Hubert Oulaye, directeur exécutif du PPA-CI, n’y ont rien fait. Simone a refusé de s’associer au nouveau projet de son mari. « Je mérite un minimum de respect et de considération », a-t-elle tenu à préciser dans un communiqué, le 8 septembre dernier.

Rupture politique

Si, sur le plan civil, le divorce n’est pas encore prononcé, la rupture politique, elle, est indéniable. Et dans ce duel qui l’oppose à celui avec lequel elle a partagé sa vie autant que ses combats politiques, l’image de la femme loyale bafouée attire de nombreuses sympathies à « maman Simone ». Elle est en outre parvenue à emmener avec elle plusieurs anciens cadres du FPI, qui n’ont pas trouvé leur place au sein du PPA-CI. Depuis son amnistie, en 2018, l’ex-première dame s’est en effet entourée d’un cabinet et de conseillers politiques dont plusieurs sont d’anciens caciques du FPI, certains ayant été des ministres de Laurent Gbagbo. La transformation du MGC en parti politique n’est, à cet aune, qu’un aboutissement logique.

Certes, elle a fait en sorte de ménager le camp d’en face, en tenant un discours rassembleur. Elle a notamment regretté que « la grâce présidentielle accordée à Laurent Gbagbo, en lieu et place d’une amnistie, alourdit davantage l’atmosphère sociopolitique du pays ». Il n’empêche, il faudra désormais bel et bien compter avec elle lors des prochaines échéances électorales. « Quand une organisation se proclame parti, c’est qu’elle a l’intention de mener le combat pour accéder au pouvoir. Nous souhaitons avoir des candidats pour les municipales à venir, pour les présidentielles à venir », a-t-elle déclaré le 20 août, après avoir été investie à la tête de sa formation.

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« Alors vous vous demandez : “Est-ce que j’accepterais de me retrouver confrontée au président Gbagbo ?” a-t-elle continué. Une fois que le parti aura décidé qui va être candidat, celui-ci se battra pour gagner les élections quels que soient les candidats qui seront en face. » Le message est clair. Et il s’adresse en particulier au PPA-CI, dont aucun représentant n’est présent ce jour-là, bien que la formation ait été invitée. « Chacun trace son chemin. Chacun trace son sillon. Mais nous souhaitons que ce sillon ne se trace pas dans l’adversité et les palabres inutiles. […] Nous travaillons tous pour bâtir une nation prospère, développée et respectée par tout le monde », prend-elle soin de préciser.

En quête d’alliés

Dans l’entourage de l’ancien président, on préfère ne pas commenter la création du MGC. Le risque de dispersion de l’électorat fidèle aux Gbagbo et d’un émiettement encore plus grand de la gauche ivoirienne ? Même chose. Laurent Gbagbo et ceux qui lui sont restés fidèles le savent pourtant : il faudra se battre pour conquérir les cœurs, et les bulletins, des mêmes électeurs. Tandis que l’ex-chef d’État s’est retiré, depuis le 25 août dernier, à Mama, son village natal, les cadres de son parti, eux, sillonnent le pays. Il s’agit désormais de remobiliser les militants et d’implanter les structures de base du PPA-CI. Sur ce plan, ce dernier, né il y a un an, a une petite longueur d’avance sur le MGC. Mais le parti de Simone Gbagbo devrait pouvoir capitaliser sur les fiefs réputés acquis à l’ancienne première dame et à ses proches, en particulier dans la région de Bassam, dont elle est originaire, ou à Guiglo et Bangolo, dans l’Ouest.

Pour le MGC, le défi sera double : parvenir à transformer le capital sympathie dont elle semble bénéficier, ainsi que ses soutiens dans les milieux évangéliques, en électeurs ; et nouer des alliances avec d’autres partis pour afficher une assise le plus large possible aux prochaines élections locales. Sur ce dernier point, plusieurs pistes s’offrent à elle. Le FPI, représenté en grand nombre lors du lancement du MGC, ainsi que le Cojep de Charles Blé Goudé, représenté par son secrétaire général, Patrice Saraka. « C’est la symbolique de la solidarité militante entre partis de gauche », résume Bly Roselin, premier vice-président du Cojep. Quant au rapprochement, ces derniers mois, entre celui que l’on surnommait le « général de la rue », qui a obtenu son passeport fin mai, et l’ancienne première dame, Bly Roselin explique que c’est sur la base « des valeurs de paix qu’ils partagent » et au nom de la volonté de voir « le dialogue prévaloir dans toute situation de crise ».

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De son côté, le PPA-CI martèle à l’envi sa volonté de reconquérir le pouvoir, et insiste sur son alliance avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI)-RDA d’Henri Konan Bédié. Mais les leaders du vieux parti, avec lesquels les cadres du PPA-CI avaient noué des alliances pour les législatives de 2020, ne semblent pour l’heure pas répondre aux appels du pied. Le PDCI doit tenir un bureau politique le 15 septembre prochain, qui pourrait donner des orientations sur les prochaines élections. De plus, un comité interne chargé de présélectionner des candidats du parti est déjà à l’œuvre. Mais l’heure des discussions concrètes entre les deux formations n’a pas encore sonné.