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Sénégal : l’heure des règlements de comptes au sein de Yewwi Askan Wi ?

Alors que l’opposition a fait une percée historique en remportant près de la moitié des sièges aux législatives du 31 juillet, la coalition YAW doit désormais faire face à ses divisions internes à moins de deux ans de la présidentielle.

Mis à jour le 28 septembre 2022 à 18:47
 
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Incidents à l’Assemblée nationale sénégalaise lors de l’installation de la 14e législature, le 12 septembre 2022. © DR

Quelle aurait été l’issue de l’élection du président de l’Assemblée nationale si l’opposition ne l’avait pas boycottée après avoir semé le chaos et tenté de bloquer le vote ? La réponse est une lapalissade pour Déthié Faye. « Elle aurait été ridiculisée », tacle sévèrement cet ancien membre de Yewwi Askan Wi (YAW), qui ajoute : « C’est certainement parce qu’ils avaient conscience de l’humiliation qui aurait été la leur qu’ils se sont livrés à de telles scènes. »  

À LIRESénégal : comment Macky Sall a imposé Amadou Mame Diop à sa majorité

Le 12 septembre, alors qu’Aida Sow Diawara, la présidente de séance, s’apprête à ouvrir le scrutin, plusieurs députés de l’opposition s’attardent sur des questions de forme. Le règlement intérieur du Parlement ne prévoit que deux couleurs de bulletin – bleu et blanc – pour deux candidats en lice. Mais cette fois, ils sont quatre, et l’Assemblée nationale se retrouve face à un vide juridique. Amadou Mame Diop, présenté par la majorité, doit croiser le fer avec trois noms de l’opposition : Barthélemy Dias, le maire de Dakar, Ahmed Aïdara, édile de Guédiawaye, et Mamadou Lamine Thiam, proposé par Wallu Sénégal, l’autre coalition de l’opposition construite, elle, autour du Parti socialiste sénégalais (PDS), d’Abdoulaye Wade.  

Un cas de figure inédit, que ne prévoient pas les textes. Le ton monte, la séance dégénère, des gendarmes investissent l’hémicycle. Amadou Mame Diop est élu avec la totalité des 83 voix de la majorité présidentielle. L’opposition qui, avec ses 80 sièges, n’avait jamais été aussi proche de la victoire, échoue au pied du perchoir. Comment a-t-elle pu ainsi galvauder ses chances ?

Cacophonie

Des éléments de réponse sont à trouver dans les divisions de YAW. Jusqu’à la veille de la rentrée parlementaire, elle était toujours partagée entre les candidatures de Barthélémy Dias et d’Ahmed Aidara. Le choix porté sur le premier, soutenu par Khalifa Sall, s’est fait au débotté, le jour du vote, via un communiqué non signé. « Barthélémy Dias a été désigné sans l’aval de la majorité des membres de YAW. C’est Khalifa Sall et son acolyte Ousmane Sonko qui l’ont imposé », peste Djibril Diop, membre de la conférence des leaders et soutien d’Ahmed Aïdara.  

La cacophonie qui a prévalu au sein de l’instance décisionnaire de la coalition de l’opposition a révélé de profondes divergences. Cela fait plusieurs mois que la machine électorale qu’a été YAW lors des deux derniers scrutins est enrayée. Une vingtaine de partis et de mouvements membres de la coalition ont mis leurs activités en veilleuse. Depuis juin, ils ne s’acquittent plus de leurs cotisations. Plusieurs leaders politiques ont quitté les fonctions qu’ils occupaient au sein de YAW. C’est le cas de Cheikh Bamba Dièye, qui était à la tête de la commission de médiation et d’arbitrage, ou encore de l’ancien député Moustapha Guirassy, qui s’est mis en retrait de son poste de responsable de la commission de la communication. 

À LIRESénégal : divisée, l’opposition peut-elle faire front contre Macky Sall ?

Depuis, YAW n’est plus animée que par une poignée de personnalités dont les partis ont réussi à obtenir des sièges à l’Assemblée nationale. Ces formations sont accusées en interne d’avoir fait main basse sur la coalition et d’avoir violé ses textes. Deux hommes concentrent l’essentiel des critiques. « Ousmane Sonko et Khalifa Sall se sont accaparé l’entité politique. Ils décident seuls, sans se concerter avec les autres membres de la coalition », dénonce Djibril Diop. « Ces personnalités se sont taillé la part du lion lors des investitures pour les législatives en mettant en avant les militants de leurs propres partis au détriment des leaders des autres formations », renchérit Mamadou Lamine Thiam (homonyme du député de Wallu), directeur de cabinet d’Ahmed Aidara, qui pointe le grand nombre de sièges de députés revenus au Pastef (25), à Taxawu Sénégal (14), mais également au Parti de l’unité et du rassemblement (PUR, 11). 

Les langues se délient

Les frondes au sein de YAW ne sont pas nouvelles. En mai, juste après les investitures, une dizaine de ses cadres s’étaient répandus dans la presse, s’estimant désavantagés sur les listes. « Moi j’avais été investi à la 38e place sur la liste nationale. J’estimais que je méritais mieux. Mais je suis resté parce que le plus important était de faire bouger Macky Sall », explique Mamadou Lamine Thiam. Mais d’autres ont claqué la porte pour rejoindre Benno Bokk Yakaar (BBY, au pouvoir), comme Serigne Mansour Sy Djamil.

Si les langues se délient aujourd’hui, c’est parce que plusieurs responsables estiment ne pas avoir été entendus. « Nous avons posé le débat en interne et réclamé une réunion avec l’ensemble des leaders de la coalition. Elle n’a jamais eu lieu », affirme le directeur de cabinet d’Ahmed Aïdara.  

Née en septembre 2021, YAW prétendait mettre ses différents membres sur un pied d’égalité, sa charte donnant la priorité au consensus ou, à défaut, à la majorité des voix comme mode de prise de décision. Tout se passe sans anicroche majeure jusqu’aux élections locales du 23 janvier, lors desquelles la coalition fait une percée historique en remportant les principales villes.  

À LIRESénégal : l’équipe d’Amadou Ba, entre arrivées surprises et ministres inamovibles

Si la capitale est remportée par Taxawu Sénégal, le parti de Khalifa Sall, les villes de Ziguinchor ou Thiès sont dominées par le Pastef d’Ousmane Sonko. Des résultats qui permettent de clarifier la représentativité de chacune des composantes de YAW. Désormais conscients de leur poids, les deux principaux partis entendent bénéficier d’un droit de préemption dans la perspective des législatives. « À partir de cet instant, nous avons constaté que les décisions étaient déjà arrêtées avant les réunions de la conférence des leaders. Elles étaient ensuite imposées aux autres membres. Il n’y avait vraiment pas de débats. Nous servions juste de faire-valoir », rumine Déthié Faye, président de la Convergence pour la démocratie et la République (CDR).

La CDR sera l’une des premières formations à se retirer de la coalition, en avril, après plusieurs « désaccords majeurs », selon Déthié Faye. Depuis, ceux qui s’estiment lésés mettent en avant le risque d’éclatement de YAW d’ici la présidentielle de 2024. Ils réclament par ailleurs l’organisation d’un congrès pour « faire le bilan politique et financier des échéances électorales et renouveler les instances de la coalition, dont la présidence, exercée par Khalifa Sall ».

« Yewwi Askan Wi n’appartient ni à Ousmane Sonko ni à Khalifa Sall. Ils critiquent le régime de Macky Sall pour son manque de démocratie, mais imposent leur diktat au sein de YAW. La coalition appartient au peuple et ils doivent rendre des comptes », tempête Djibril Diop. Contactés par Jeune Afrique, ni Ibrahima Ndiaye, le conseiller en communication de Khalifa Sall, ni Cheikh Tidiane Youm (PUR), ni Déthié Fall, le mandataire national de la coalition, n’ont répondu. Le Pastef, de son côté, n’a pas souhaité réagir.

Côte d’Ivoire : entre Jean-Marc Yacé et Yasmina Ouégnin, une bataille fratricide au sein du PDCI pour Cocody

C’est à la fois un duel politique et familial. La députée de Cocody est bien décidée à ravir à son oncle, le maire sortant de cette commune d’Abidjan, l’investiture du PDCI pour les municipales de 2023.

Mis à jour le 26 septembre 2022 à 08:09
 
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Jean-Marc Yacé et Yasmina Ouégnin visent tous deux l’investiture du PDCI pour la mairie de Cocody. © Montage JA : Mairie Cocody ; Vincent Fournier/JA

LE MATCH DE LA SEMAINE – L’annonce par Yasmina Ouégnin qu’elle était candidate à l’investiture du PDCI pour la mairie de Cocody, le 28 juillet, sur sa page Facebook, n’a surpris personne ou presque. Les rumeurs prêtant à la députée de Cocody l’ambition de devenir maire circulaient depuis plusieurs mois déjà sur les bords de la lagune Ébrié. Si la quadragénaire avait pris garde de ne pas le confirmer publiquement, elle affichait ses intentions en privé, notamment auprès de la jeune garde du PDCI.

En franchissant le pas, Yasmina Ouégnin s’est pliée au processus interne du parti : elle a déposé sa candidature devant le comité de gestion et de suivi des élections du PDCI-RDA. En mettant fin à ce faux suspens, elle a tout de même créé l’événement. Car la fille cadette de Georges-François Ouégnin, qui fut le directeur du protocole de Félix Houphouët-Boigny trois décennies durant, sera confrontée à un adversaire de taille : le maire sortant, Jean-Marc Yacé.

Yacé, le fidèle

En 2018, lorsque l’alliance entre le PDCI et le RHDP prend fin, c’est en effet Jean-Marc Yacé que le PDCI choisit pour affronter l’édile sortant, Mathias Aka N’Gouan. Issu d’une grande famille ivoirienne, cet officier à la retraite est le neveu de Philippe Yacé, qui fut le premier président de l’Assemblée législative (puis nationale) ivorienne. Proche d’Henriette Bédié, l’épouse du Sphinx de Daoukro, il avait remporté la mairie de Cocody à l’issue d’un scrutin très disputé. En sa qualité de coordinateur des délégués communaux de Cocody, il a joué, depuis, un rôle très actif dans l’animation de la base du parti.

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Le comité d’investiture, dirigé par le professeur Niamkey Koffi – un proche d’Henri Konan Bédié –, devra donc décider laquelle de ces deux personnalités représentera le parti en 2023. Si les critères de désignation et les délibérations sont tenus secrets, plusieurs cadres du mouvement estiment que Jean-Marc Yacé part favori. Il a fait un premier mandat de maire et le parti a tendance à privilégier les candidats sortants. Ses proches mettent également en avant sa fidélité au parti et son respect de la discipline.

Pour l’heure, ni Yacé ni Ouégnin ne se risquent à commenter le processus en cours. Nul doute cependant que Jean-Marc Yacé mettra en avant son bilan. Il revendique la réalisation de 75% des chantiers engagés et le remboursement de près de 60% des 9 milliards de F CFA de dette de la mairie, qu’il dit avoir trouvés en prenant les rênes de Cocody. Le 31 août, il a organisé une cérémonie pour célébrer le prix de « troisième meilleur élu local 2021 » qu’il s’était vu remettre par les autorités.

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Ce jour-là, une forte délégation du parti avait fait le déplacement pour manifester sa solidarité à l’équipe municipale en place. Cette délégation était composée notamment du général Gaston Ouassénan Koné, vice-président du PDCI, qui représentait Henri Konan Bédié, de l’ancien ministre Émile Constant Bombet, ainsi que de plusieurs vice-présidents et secrétaires exécutifs.

La veille, Bédié avait reçu le maire de Cocody et son équipe, à Daoukro, afin de les « féliciter pour le travail accompli ». Autant de signaux de nature à rassurer l’édile sortant. Car, sur les investitures comme sur de nombreux autres sujets, le dernier mot revient à Bédié.

Ouégnin, l’indépendante

Yasmina Ouégnin devra, elle, batailler contre certains cadres du parti, qui lui reprochent son manque de loyauté. De fait, ses relations avec cette formation politique n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille. En 2016, après avoir échoué à obtenir l’investiture du RHDP – alors que le PDCI faisait encore partie de l’alliance –, elle s’était présentée en candidate indépendante. Un temps suspendue du mouvement, elle semble désormais attachée à respecter les logiques d’appareil. En 2021, elle a été réélue pour un troisième mandat de députée à Cocody, sous l’étiquette de la coalition de l’opposition PDCI-RDA/EDS. Autre signe de son retour en grâce, elle avait été désignée pour lire les résolutions finales du colloque consacré à la commémoration du 75e anniversaire du PDCI, en octobre 2021.

Figure incontournable de la génération des « quadras qui montent », réputée pour sa propension à bousculer les caciques – elle a fait partie des cadres qui avaient rejeté l’appel de Daoukro, en 2018 –, Yasmina Ouégnin a toujours rejeté en bloc les critiques mettant en doute sa loyauté, insistant sur le fait que le parti est « dynamique et se nourrit de débats contradictoires ».

Si elle a décidé de se porter candidate face à Jean-Marc Yacé, c’est, explique-t-elle, pour « répondre à l’appel des militants ». En respectant les procédures internes, elle entend démontrer sa volonté de jouer selon les règles du parti.

Qu’adviendra-t-il si sa candidature vient à être rejetée ? Tournera-t-elle, une fois de plus, le dos à sa famille politique pour se présenter en indépendante ? « On répondra en temps voulu », avait-elle indiqué à Jeune Afrique, en avril. Près de six mois plus tard, Yasmina Ouégnin continue de se refuser à tout commentaire, affirmant vouloir respecter le processus en cours.

Duel familial

Dans l’hypothèse où Jean-Marc Yacé obtiendrait l’investiture du PDCI et où il serait opposé à une Yasmina Ouégnin candidate indépendante, l’issue du scrutin n’irait pas de soi tant cette dernière est une redoutable adversaire politique. Au fil de son mandat, Yacé a pu paraître discret et n’a que peu communiqué sur ses réalisations ; la députée, au contraire, a montré, lors de ses précédentes campagnes, sa parfaite maîtrise des outils de communication.

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Le duel qui se joue est aussi familial. Jean-Marc Yacé est en effet l’oncle de Yasmina Ouégnin. Marie-Georgette, l’une des sœurs de Philippe Yacé – qui fut un compagnon de route d’Houphouët –, a épousé en secondes noces François Ouégnin, le grand-père de Yasmina. Plusieurs membres de la famille ont d’ailleurs tenté de dissuader la députée de se présenter contre son oncle. En vain.

En attendant que les instances tranchent, chaque candidat se prépare à la bataille tout en tentant de préserver les apparences. Jean-Marc Yacé et Yasmina Ouégnin sont bien conscients du risque qu’ils prennent à étaler leurs divergences sur la place publique. Éric Taba, le directeur du protocole d’Alassane Ouattara, est actif depuis plusieurs mois dans la commune, et l’éventualité qu’il se présente sous les couleurs du RHDP semble de plus en plus probable. Si Cocody devenait le théâtre d’une guerre fratricide au sein du PDCI, nul doute que le candidat du RHDP pourrait en tirer profit.

Guinée: le leader politique Etienne Soropogui arrêté après avoir critiqué la junte

 
 
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Le leader politique guinéen, président de Nos Valeurs communes, Etienne Soropogui, a été arrêté samedi à Conakry par la gendarmerie nationale, confirme son avocat Me Salifou Béavogui.

Avec notre correspondant à ConakryMokhtar Bah

Etienne Soropogui sortait d’une émission de grande écoute de la radio privée locale Radio fim FM lorsqu’il a été arrêté après avoir critiqué la junte au pouvoir en Guinée. Il a été conduit à la brigade de recherche et des investigations judiciaires de la gendarmerie, dans la banlieue de Conakry. Les autorités n’ont, elles, pas communiqué sur les raisons de cette arrestation.

« Dès qu’il a quitté la radio, une cinquantaine de gendarmes, selon les informations qu’il m’a fournies, l’ont intercepté et l’ont conduit à la Direction centrale des investigations judiciaires de la gendarmerie nationale où il a été retenu, sans qu’aucune infraction ne soit notifiée pour le moment », confirme à RFI son avocat qui précise qu’il est en contact permanent avec son client. 

Il dénonce une arrestation « arbitraire et injuste qui ne repose sur la base d’aucune loi ». « Il n’a pas été encore interrogé et on ne lui a rien notifié, absolument rien. Il est en attente. Est-ce une garde à vue qui a déjà commencé ? Rien ne lui a été notifié conformément à la loi. Il est là et malheureusement, il [a] passé sa première nuit à la gendarmerie en toute illégalité », commente l’avocat. 

► À lire aussi: Guinée: «La junte joue la montre pour rester au pouvoir le plus longtemps possible»

Togo: une nouvelle pierre blanche pour fêter le Nouvel An Guin

 

La communauté Guin fête le Nouvel An ce dimanche 25 septembre. Ce peuple, qui occupe le site marin-lagunaire au sud-est du Togo, s’est retrouvé en fin de semaine pour célébrer l’entrée dans sa 359e année lunaire. Un calendrier unique et accompagné d’un événement quasi religieux : la prise de la pierre sacrée.

Avec notre envoyé spécial à Glidji, Peter Sassou Dogbé

Toute la matinée, jeudi 22 septembre, les adeptes n’ont cessé de converger vers Gbatchome, le lieu des retrouvailles. Ils sont arrivés du Ghana, de Côte d’Ivoire, du Bénin et du Nigeria pour se purifier et recevoir la bénédiction de la nouvelle année, l’année lunaire.

Tous vêtus de blanc, chefs religieux en tête, adeptes ensuite, hommes et femmes ont rivalisé d'élégance, le corps ceint d’un pagne blanc, le torse nu, les bras et jambes recouverts de dessins de leurs couvents au kaolin. Les séquences de danse se sont enchaînées, dans une démarche majestueuse, les transes se suivent aux chants d’allégresse et de youyou.

Le moment fort des cérémonies a lieu dans l’après-midi, lorsque les prêtres se rendent dans la forêt pour en revenir avec la fameuse pierre sacrée. Sa couleur se veut prémonitoire : une pierre rouge annonce des catastrophes. Cette année encore, les prêtes sont accueillis dans des moments de liesse, au son des youyous ; cette année encore, la pierre est blanche, couleur annonciatrice de bonnes nouvelles. 

La nouvelle année s’annonce en pays Guin. Dans toutes les maisons, on servira ce dimanche le yakè yakè, un couscous à base de maïs avec de la viande ou du poisson frais.

Burkina Faso : le MPP de Kaboré survivra-t-il à la saignée ?

L’ancien parti au pouvoir est secoué par une nouvelle vague de démissions. Une hémorragie qui traduit le malaise général de la classe politique depuis le coup d’État de Paul-Henri Sandaogo Damiba.

Mis à jour le 23 septembre 2022 à 14:50
 
 
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Alassane Bala Sakande, le président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). © Sophie Garcia / Hans Lucas

 

Le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) s’en remettra-t-il ? Au pouvoir jusqu’à la chute de Roch Marc Christian Kaboré, renversé le 24 janvier, il vient de subir une véritable hémorragie avec l’annonce du départ de plusieurs de ses dirigeants et de près d’une centaine de ses cadres. Au premier rang des démissionnaires, les emblématiques Alpha Barry, ancien ministre des Affaires étrangères, et Bachir Ismaël Ouédraogo, auparavant chargé des Mines et de l’Énergie.

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Contacté par Jeune Afrique, ce dernier n’exclut pas la création d’un nouveau parti, mais refuse de s’avancer davantage. « L’idée est de proposer une nouvelle offre politique, loin des clivages actuels, pour refonder le Burkina Faso, explique-t-il. Nous allons vers la formation d’un large rassemblement pour travailler ensemble dans la perspective de la prochaine présidentielle. Nous désignerons un candidat ou soutiendrons un prétendant pas nécessairement issu du sérail. »

« Le MPP a pris une claque »

Ces départs, annoncés le 21 septembre, confirment le malaise qui prévaut au sein de la classe politique en général et dans les rangs du MPP en particulier. Marginalisés depuis que Paul-Henri Sandaogo Damiba a pris le pouvoir, les partis traditionnels ne comptent que 8 délégués sur les 71 qui siègent à l’Assemblée législative de transition. « Nous sommes dans un contexte où les formations politiques digèrent leur échec, explique Rinaldo Depagne, analyste à International Crisis Group (ICG). Le MPP a pris une claque et il ne possède pas cette dynamique de grand parti que peut revendiquer le CDP [Congrès pour la démocratie et le progrès, de Blaise Compaoré], qui, après avoir perdu le pouvoir en 2014, a pu jouer sur son enracinement historique pour rebondir. Nous assistons à un éclatement du MPP puisque que ses membres tentent leur chance ailleurs. »

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Cette démission collective est donc aussi à remettre dans le contexte des manœuvres qui ont déjà commencé pour les élections générales de 2024. Selon nos informations, les sortants ont d’ailleurs déjà pris langue avec des transfuges des partis de Bénéwendé Stanislas Sankara (Union pour la renaissance/Mouvement sankariste) et de Zéphirin Diabré (Union pour le progrès et le changement, UPC).

Alassane Bala Sakandé contesté en interne

Cette saignée est également le résultat des frustrations et des crispations qui couvaient à l’intérieur de l’ex-parti présidentiel. Porté sur les fonts baptismaux en janvier 2014 par Kaboré, Salif Diallo, décédé en août 2017, et Simon Compaoré, désormais en retrait de la scène politique, le MPP peine à survivre sans ses leaders historiques. « Les cadres du parti n’ont jamais accepté qu’Alassane Bala Sakandé soit porté à la tête du parti. Ces démissions sont le point d’orgue des contestations internes contre sa présidence, explique un observateur de la scène politique burkinabè. Elles affaiblissent considérablement un parti déjà mal en point. »

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En avril dernier, à la surprise générale, Abdoulaye Mossé, vice-président du Parlement jusqu’à la chute de Kaboré, avait déjà claqué avec fracas la porte du parti, bientôt suivi par plusieurs dizaines de cadres – ensemble, ils ont formé une nouvelle formation d’obédience sociale-démocrate. En août, c’était au tour de l’ancien ministre Smaïla Ouédraogo de quitter le navire MPP. « Je pense que c’est l’aile Salif Diallo qui se lézarde au sein du parti. Le même scénario se prépare pour l’UPC, ainsi que pour l’UNIR/PS, qui a, lui aussi, connu des départs massifs », décrypte Boubacar Sannou, vice-président du CDP.

Jusqu’ici épargné, le parti de Blaise Compaoré résistera-t-il à la recomposition du paysage politique burkinabè ? Sans doute cette question trouvera-t-elle un début de réponse après le 30 septembre, la justice devant ce jour-là départager le camp d’Eddie Komboïgo, qui dirige le parti, de l’aile historique, emmenée par Achille Tapsoba.