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Burkina Faso : Apollinaire Kyélem de Tambèla, le Premier ministre surprise du capitaine Traoré

Polémiste populaire, sankariste convaincu sans le revendiquer, cet avocat est réputé pour son franc-parler et ses positions iconoclastes. Vendredi 21 octobre, il a été nommé pour conduire le futur gouvernement de transition.

Mis à jour le 22 octobre 2022 à 17:32
 
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Le capitaine Ibrahim Traoré, nouveau président du Burkina Faso, assiste à la cérémonie du 35e anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara, à Ouagadougou, le 15 octobre 2022. © OLYMPIA DE MAISMONT/AFP

Il y a quelques jours, c’est sur le ton de la blague qu’un de ses collègues lui conseillait de se préparer à rentrer au gouvernement. Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla n’avait pas relevé, se plongeant en souriant dans ses notes. Personne n’imaginait sérieusement qu’il puisse accéder à pareilles fonctions. Même pas lui : il y a quelques jours, il souhaitait publiquement « qu’il n’y ait pas de Premier ministre » au Burkina Faso.

Mais dans la soirée du vendredi 21 octobre, quelques heures après avoir prêté serment, Ibrahim Traoré, le nouveau président de la transition burkinabè, a déjoué tous les pronostics. Et a nommé ce civil, à la fois avocat, enseignant, polémiste mais novice en politique, chef du futur gouvernement.

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Polémiste populaire

Avec cette décision, le jeune capitaine Traoré fait d’abord le choix de la popularité. Au Burkina, impossible de ne pas avoir déjà entendu Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla. S’il signe sous pseudonyme dans un des plus plus grands quotidiens du pays, il s’est fait connaître dans les médias audiovisuels depuis quelques années. Les auditeurs de Radio LibertéSavane FM et Horizon FM connaissent tous la voix de cet homme qui y animait des émissions. À la télévision, il a été aux commandes de Press Échos et 7 Infos sur BFI TV, sans compter tous les débats auxquels il accepte de participer.

 

Apollinaire Kyélem de Tambèla a été nommé Premier ministre du Burkina Faso le 21 octobre 2022. © Primature du Burkina Faso


Apollinaire Kyélem de Tambèla a été nommé Premier ministre du
 Burkina Faso le 21 octobre 2022. © Primature du Burkina Faso

 

Pour les médias, Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla est ce qu’on appelle « un bon client ». Il refuse rarement une invitation, n’a pas peur de prendre position, et défend des idées souvent iconoclastes. Certains de ses étudiants de l’École nationale de l’administration et de la magistrature (ENAM) le qualifient d’ailleurs de « fou », tant il n’a pas peur de déranger.

Sankariste

Nourri par les idées de la révolution, il est décrit comme un sankariste dans l’âme. Pourtant, lorsque dans les années 1980, le président Sankara l’appelle pour lui proposer d’entrer à son cabinet, Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla refuse. Le jeune homme préfère se consacrer à ses études et décide alors de s’éloigner du Burkina Faso. Ce sera la France, où il s’installe pendant plusieurs années, avant d’aller au Canada.

De loin, il continue néanmoins d’appuyer activement la révolution. Il crée le Comité de défense de la révolution (CDR) Nice Côte-d’Azur qui apporte un soutien financier au régime. Dans l’Hexagone, il s’implique dans les syndicats étudiants de gauche, prend sa carte à l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) et de l’Union des étudiants communistes (UEC).

En 1988, il publiera Thomas Sankara et la révolution au Burkina Faso, une expérience de développement autocentré, dont le spécialiste de l’histoire du Burkina Bruno Jaffré dira que « sans les difficultés de diffusion, ce livre aurait tout pour devenir la référence sur la révolution burkinabè ». La même année, il publie aussi Coopération et développement autocentré, qui retrace « le long cheminement des relations diplomatiques et la souveraineté des États dans le monde ». En 2007, il fait éditer Relations diplomatiques et souveraineté chez L’Harmattan.

Critique et ferme

Dans ses ouvrages, comme dans ses prises de positions publiques, le nouveau Premier ministre de la transition a toujours été très critique vis-à-vis de la gouvernance au Burkina Faso, qu’il estime marquée par la corruption et le népotisme. Il ne retenait ses coups ni contre le régime de Blaise Compaoré, ni contre celui Roch Marc Christian Kaboré ou, ces dernières semaines, contre Paul-Henri Sandaogo Damiba. On l’a entendu dénoncer les décisions impopulaires prises récemment par le putschiste, comme celle de l’augmentation des salaires des ministres du gouvernement.

Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla connaissait bien l’ex-président qui, après avoir commis un putsch en janvier, vient lui-même d’être renversé par Ibrahim Traoré le 2 octobre, notamment car ils étaient originaires de la même province, le Kourritenga, dans le centre-est du pays. Mais quand à plusieurs reprises il s’est vu proposer des fonctions officielles dans la transition dirigée par Damiba, il a systématiquement décliné.

Ibrahim Traoré aura donc su le convaincre. L’annonce de la nomination de cet homme qui n’appartient ni aux classes hautes ni aux classes bourgeoises a été plutôt bien accueillie. Pour beaucoup de Burkinabè, c’est l’occasion rêvée de le voir mettre en œuvre ses idées « révolutionnaires ».

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Quels partenaires ?

Même s’il n’a jamais occupé de fonction politique par le passé, à 64 ans, Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla fait aussi figure d’homme d’expérience face aux 34 ans d’Ibrahim Traoré.

Les prises de position de cet avocat réputé pour sa constance et sa fermeté seront particulièrement scrutées. Notamment sur les partenariats que le Burkina Faso va renforcer ou nouer. Dans ses prises de parole, il a pour l’instant défendu l’idée de multiplier les partenaires, et de ne se couper d’aucun d’eux, ni la France ni la Russie, en les utilisant pour ce qu’ils peuvent apporter au Burkina Faso.

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Après avoir attisé le sentiment anti-Français et s’être appuyé sur les réseaux pro-Russes lors de son putsch, Ibrahim Traoré a quant à lui prôné un « développement endogène » du pays dans le discours prononcé à sa prestation de serment. « Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, en essayant de repenser profondément notre agriculture, notre élevage, notre technologie… », a-t-il déclaré. Son nouveau Premier ministre n’aurait sans doute pas dit mieux.

15 000 recenseurs déployés au Togo pour compter la population

Le cinquième recensement de la population et de l’habitat commence ce dimanche sur toute l’étendue du territoire. les agents recenseurs vont faire du porte-à-porte pour collecter les données des Togolais.

Avec notre correspondant à Lomé, Peter Sassou Dogbé

C’est une opération statistique qui consiste à compter toute la population et toutes les habitations du pays. L’objectif principal est de rendre disponible une base de données démographiques et socio-économiques fiable. Il s’agit de répondre aux besoins de planification et de gestion de programme en vue de la réduction de la pauvreté sur le territoire national.

L’opération coûte près de huit milliards de francs CFA, financés par le Togo en partie, la Banque mondiale, le Fonds des nations unies pour la population et la coopération allemande à travers le GIZ. L’opération commence aujourd’hui et va durer jusqu’au 12 novembre.

Premiers résultats en décembre

Toute la population résident sur le territoire est concernée y compris les étrangers exceptée les membres du corps diplomatique.

La particularité de ce cinquième recensement, affirme le ministre conseiller à la présidence, Simféïtcheou Pré, c’est l’utilisation des technologies de l’information et de la communication : pour la première fois des données seront enregistrées sur des tablettes puis numérisées.

Pas moins de 15 000 agents recenseurs sont déployés sur le terrain, armés de GPS, qui leur permettront de quadriller tout le territoire. 

Les premiers résultats sont attendus en décembre, il s’agit d’un recensement général de la population, bien différent du recensement électoral ou encore du recensement fiscal.

Côte d’Ivoire Terminal : Abidjan prêt à se mesurer à Pointe-Noire, Lomé et Tema

Le 1er novembre, le nouveau terminal à conteneurs d’Abidjan va officiellement démarrer ses services. Avec l’ambition de faire rapidement du port ivoirien l’une des principales escales maritimes de la côte ouest-africaine.

Mis à jour le 20 octobre 2022 à 16:38
 

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Le terminal est dimensionné pour pouvoir traiter 2 millions d’EVP par an. © Crédit Bolloré Ports

Le port d’Abidjan s’apprête à recevoir dans quelques semaines son deuxième terminal à conteneurs. Après avoir réalisé deux escales tests, à la fin d’octobre, sur des navires MSC, le Terminal à conteneurs numéro deux (TC2) démarrera officiellement ses opérations le 1er novembre, pour manutentionner dès le lendemain son premier porte-conteneurs, estampillé cette fois CMA CGM, et ses 15 000 équivalents-vingt-pieds (EVP).

Le terminal en profitera pour abandonner le nom de code dont il a été affublé dès l’origine du projet en mars 2013, pour prendre celui, commercialement mieux identifiable, de Côte d’Ivoire Terminal (CIT).

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Développer le transbordement

Il voisinera avec l’ex-TC1, lancé en 2003 et rebaptisé depuis Abidjan Terminal, de plus en plus saturé depuis dix ans, dans la foulée des 12 % de croissance annuelle enregistrés par le port ivoirien sur ses trafics conteneurisés. Tous deux opérés par le même consortium, composé du français Bolloré Africa Logistics (BAL) à 51 %, associé pour le reste au danois APM Terminals, filiale de l’armateur Maersk, les deux terminaux ne se feront pas concurrence et le second ne se contentera pas uniquement d’ajouter des capacités de manutention et de stockage au premier. « Ce nouveau terminal a surtout vocation à développer les activités de transbordement à Abidjan », explique Olivier de Noray, directeur général Ports & Terminaux chez Bolloré Ports.

LE TERMINAL EST DIMENSIONNÉ POUR POUVOIR TRAITER 2 MILLIONS D’EVP CHAQUE ANNÉE

Ce n’est pas un hasard si les premières années de ce vaste chantier se sont exclusivement concentrées sur les travaux de dragage, pour porter le tirant d’eau des futurs quais à – 16 mètres et celui de leur chenal d’accès, dans le canal de Vridi, à – 18 mètres, contre une profondeur de 11,5 mètres pour Abidjan Terminal. « Les navires de 14 000 boîtes, en provenance d’Europe et d’Asie, qui ne pouvaient accoster sur le TC1, pourront désormais faire escale à Abidjan », reprend Olivier de Noray.

Dimensionné pour pouvoir traiter 2 millions d’EVP chaque année, CIT va apporter un peu d’air au terminal voisin, en même temps que les capacités nécessaires pour accompagner les échanges commerciaux de la Côte d’Ivoire et de ses voisins enclavés. Il doit surtout permettre à Abidjan de faire son entrée dans le club des grands ports d’éclatement de la côte ouest-africaine, aux côtés de Pointe-Noire, Lomé et Tema.

L’exemple MSC

Faute d’être positionné sur l’autoroute maritime Est-Ouest comme Tanger, Abidjan va davantage s’inspirer de Singapour et de sa desserte en étoile de l’Asie du Sud-est, en fonction des connexions établies par les trois principaux armateurs, MSC, Maersk et CMA CGM.

« Les compagnies maritimes veulent avoir le choix, avec plusieurs plateformes disponibles », assure Olivier de Noray, qui annonce vouloir transborder 450 000 conteneurs à la fin de 2023. Comme MSC, dont le terminal de Lomé est déjà saturé et qui envoie déjà certains de ses trafics de transbordement sur les installations de Tema gérées par BAL. « L’un des plus beaux terminaux de la sous-région », estime encore le patron de Bolloré Ports, avec bientôt CIT donc, dont la phase de montée en puissance devrait prendre une douzaine de mois.

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Fort d’un accord de concession s’étalant sur 21 ans, le consortium d’opérateurs a investi 450 millions de dollars pour réaliser sa plateforme estampillée « green » selon la nomenclature en cours chez Bolloré. Ses 1 300 mètres de quai lui permettront de manutentionner trois navires simultanément, grâce aux six portiques prévus pour l’équiper à terme.

De quoi pousser les compagnies maritimes à suivre l’exemple de MSC, seul armateur aujourd’hui à envoyer dans la région ses « géants des mers » d’une capacité supérieure à 12 000 EVP en touché direct depuis l’Asie. Un beau cadeau, certainement le dernier, mis par BAL dans la corbeille quelques mois seulement avant la finalisation de son mariage attendue pour le début de 2023 avec MSC. Et que viendra très officiellement inaugurer le président ivoirien Alassane Ouattara, dès que son agenda lui permettra.

Côte d'Ivoire: le PPA-CI se met en ordre de marche pour les élections locales et la lutte pour la démocratie

Le PPA-CI a soufflé sa première bougie hier lundi 17 octobre. Un millier de militants issus des instances du nouveau parti, se sont réunis autour de Laurent Gbagbo à Abidjan pour célébrer leurs douze premiers mois dans le paysage politique ivoirien. Déjà troisième force politique du pays, la formation de gauche a été fondée après l’acquittement définitif de l’ancien président à la CPI et son retour au pays en juin 2021. L'ancien président Laurent Gbagbo a appelé ses militants à achever ľimplantation du parti à travers le territoire ďici la fin de ľannée.

Avec notre correspondant à Abidjan, Sidy Yansané

Au palais de la Culture de Treichville, c’est d’abord le secrétaire général du PPA-CI, Damana Adia Pickass, qui détaille le travail d’implantation du nouveau parti sur le territoire national : « Nous sommes à 131 580 militants qui ont effectivement une carte ou un reçu de paiement au PPA-Ci. Nous avons 34% de femmes et 21% de jeunes ! ».  

Le secrétaire général a appelé à se préparer aux élections locales de l’an prochain, « un test grandeur nature » pour le parti, a-t-il déclaré, avant de laisser la parole à Laurent Gbagbo. L’ancien chef d’État a exhorté l’audience à se mobiliser pour la lutte pour la démocratie, notamment en piquant au vif, sans le nommer, le président Alassane Ouattara entre autres. « La Constitution dit que tu as deux mandats... y'en a qui disent 'je n'ai pas fini mon programme', mais en politique on ne finit pas de programme ! Vouloir rester toute sa vie au pouvoir, c'est la dictature ! »

À lire aussi en Côte d'Ivoire, première bougie pour le PPA-CI, le parti de l'ancien président Gbagbo 

Laurent Gbagbo s’est aussi exprimé sur le cas des 46 militaires ivoiriens emprisonnés au Mali depuis juillet. « Il faut demander à Assimi Goïta de penser à sa fraternité d'armes ; surtout, il faut que le président Gnassingbé, qui est accepté comme médiateur, redouble d'efforts. »

À 77 ans, le Woody de Mama ne s’est pas prononcé sur ses intentions pour la présidentielle de 2025. Mais son secrétaire général l’a martelé au micro : Laurent Gbagbo est notre candidat naturel.

Cedeao – Guinée : comment Embaló met la pression sur Doumbouya

Le chef de l’État bissau-guinéen et président en exercice de la Cedeao a posé un ultimatum au président de la transition guinéenne, avant de faire une demande très particulière au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Explications.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 17 octobre 2022 à 19:18
 

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Umaro Sissoco Embaló à Accra, le 3 juillet 2022.. © Nipah Dennis/AFP.

Selon nos informations, Umaro Sissoco Embaló a envoyé ce 17 octobre un courrier à Mamadi Doumbouya, avec copie aux partenaires internationaux de la Guinée – l’Union européenne et les États-Unis entre autres – afin de l’enjoindre à accepter le calendrier de la Cedeao, d’ici au 22 octobre, sous peine de sanctions. L’organisation sous-régionale qu’il préside avait en effet donné cette date butoir aux autorités guinéennes pour revenir à « une durée de transition raisonnable et acceptable », c’est-à-dire inférieure aux trois ans jusque-là annoncés.

Blocage total

La Cedeao pourrait cette fois décider d’un blocage total, en interdisant notamment de sortie de territoire tous les membres du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), ainsi que ceux du gouvernement et du Conseil national de transition (CNT). De telles sanctions ont déjà été décidées lors d’une réunion de crise, le 22 septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, mais elle n’ont pas encore été rendues effectives.

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Umaro Sissoco Embaló ne s’est pas arrêté là. Dans le même temps, il s’est également adressé par courrier au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, afin de lui demander, au nom de tous les chefs d’État de la Cedeao, qu’aucun président ou membre d’un gouvernement de transition issu d’un coup d’État, ne puisse prendre la parole à la tribune de l’ONU. Embaló a encore en tête les interventions très virulentes, le 24 septembre à New York, des Premiers ministres malien et guinéen. Après avoir été l’une des cibles de propos très acerbes de la part d’Abdoulaye Maïga et de Bernard Goumou, il souhaite en effet éviter que cela ne se reproduise.