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Sahel : Iyad Ag Ghaly, l’insaisissable ennemi public n°1

 

Depuis le double attentat de Ouagadougou, Iyad Ag Ghaly est le chef jihadiste le plus recherché de la région. À moins que cet ancien interlocuteur privilégié d’Alger et de Bamako ne bénéficie toujours d’une protection…

Pour la troisième fois en un peu plus de deux ans, Ouagadougou a donc été frappée en plein cœur. Cette fois, les jihadistes n’ont pas tué indistinctement des civils dans un café, un hôtel ou un restaurant de l’avenue Kwame-NKrumah, comme en janvier 2016 et août 2017, mais se sont attaqués frontalement à deux cibles symboliques et osées. Le 2 mars au matin, à quelques minutes d’intervalle, deux commandos ont pris d’assaut l’ambassade de France et l’état-major général des armées, distants de moins de deux kilomètres en centre-ville.

Dès le lendemain, cette double opération de grande envergure était revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Dans son communiqué, cet agglomérat des principales katibas jihadistes actives au Mali, affilié à Al-Qaïda et dirigé par le Malien Iyad Ag Ghaly, a affirmé avoir agi en représailles à un raid français mené le 14 février dans l’extrême Nord malien.

Protection algérienne ?

Ce jour-là, les forces spéciales françaises du dispositif Sabre, basées à Ouagadougou, avaient attaqué trois campements et « neutralisé » 23 jihadistes entre Boghassa et Tinzawatène, à seulement 900 m de la frontière algérienne.

Pour le chef du GSIM, le coup est d’autant plus dur qu’il est porté dans son fief. Touareg de la tribu des Ifoghas, Ag Ghaly est natif de la région de Boghassa. Tinzawatène se trouve à quelques dizaines de kilomètres plus à l’est. Depuis 2013, cette petite localité algérienne, collée à la frontière, est pointée du doigt par les services de renseignements français comme étant la base arrière d’Ag Ghaly.

Entre la mi-2016 et la mi-2017, les services de renseignements français n’auraient relevé qu’un seul des déplacements d’Ag Ghaly : à Kidal

À Paris, voilà longtemps que les dirigeants français, sous François Hollande comme sous Emmanuel Macron, sont convaincus que l’ancien rebelle touareg bénéficie de la protection de l’Algérie et qu’il se terre de ce côté de la frontière. Selon un haut responsable du quinquennat Hollande, Ag Ghaly, 60 ans, passerait le plus clair de son temps dans une maison de Tinzawatène en compagnie de son épouse, Anna Walet Bicha et de sa fille.

Impossible, ajoute notre interlocuteur, que cela puisse se faire sans l’accord des puissants services de sécurité algériens. « Il est malin et sait très bien que l’armée française ne peut rien tenter contre lui tant qu’il est en Algérie pour des raisons historiques évidentes », affirme notre source. Ag Ghaly serait prudent et bougerait peu. À bord d’un pick-up ou deux maximum, et souvent en compagnie de femmes ou d’enfants en guise de boucliers humains.

Quel serait l’intérêt d’Alger de protéger le jihadiste le plus recherché du Sahel ?

Entre la mi-2016 et la mi-2017, les services de renseignements français n’auraient relevé qu’un seul de ses déplacements : à Kidal, pour voir Alghabass Ag Intalla, un ex-chef touareg d’Ansar Eddine aujourd’hui à la tête du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad. Depuis le déclenchement de l’opération Serval, les Français ont monté plusieurs opérations visant à le neutraliser en territoire malien, mais toutes ont échoué.

Quel serait l’intérêt d’Alger de protéger le jihadiste le plus recherché du Sahel ? « Depuis l’attaque d’In Amenas, en janvier 2013, les Algériens ne sont pas mécontents que les attentats aient lieu ailleurs que chez eux », affirme un décideur à Paris. Avoir Iyad Ag Ghaly de leur côté permettrait aux Algériens de garder un certain contrôle sur l’extrême nord du Mali pour sécuriser leur frontière sud.

Echanges tendus

Sans oublier que les Algériens n’apprécient guère la présence de troupes françaises si près de leur territoire. Après l’opération du 14 février près de Tinzawatène, ils ont d’ailleurs protesté auprès du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).

C’est peu dire que ces accusations françaises de collusion avec Ag Ghaly agacent à Alger. « C’est totalement faux de dire que nous savons où il se trouve ou que nous le protégeons, avance une source diplomatique algérienne. Nous n’arrêtons pas de dire que, si notre armée peut le tuer, elle le fera. Si les Français ont des preuves que nous savons où il se trouve ou que nous le protégeons, qu’ils les donnent ! »

En juin dernier, le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, n’a d’ailleurs pas fait mystère de son agacement à son homologue français, Jean-Yves Le Drian, en visite à Alger. « Si on trouve Ag Ghaly, on l’élimine », lui a-t-il dit en substance. Un diplomate algérien renvoie la balle du côté des Français. « Le désert est immense, mais ils disposent de multiples moyens de renseignement qui pourraient leur permettre de le localiser, lâche-t-il. Quand Ag Ghaly se fait prendre la tension artérielle, ils sont au courant ! »

Lors de son déplacement à Alger, en décembre dernier, Emmanuel Macron n’a pas hésité à aborder l’épineux sujet avec Ahmed Gaïd Salah, le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major général des armées. Entre le président français et le plus haut gradé algérien, les échanges sur le chef du GSIM ont été tendus.

Tinariwen, alcool et rebellion

Côté français, nul doute que les soupçons sont nourris par la vieille relation qui unit Ag Ghaly aux autorités algériennes. Ancien proche du groupe de musique touarègue Tinariwen, cet homme, souvent décrit comme un ex-séducteur, adepte de fêtes alcoolisées et de poésie dans sa jeunesse, a longtemps vécu dans le Sud algérien.

Jusqu’à un passé récent, les Algériens pensaient qu’Ag Ghaly pouvait être un atout dans la lutte antiterroriste

Figure des dernières rébellions touarègues maliennes, il a été un acteur majeur des accords de paix entre 1991 et 2006 au Mali. Il a, à ce titre, été un interlocuteur privilégié des autorités algériennes, qui ont toujours surveillé de très près les soubresauts indépendantistes chez leurs voisins maliens.

Jusqu’à un passé récent, les Algériens pensaient qu’Ag Ghaly pouvait être un atout dans la lutte antiterroriste. « Nous pensions qu’il pouvait jouer un rôle, mais il nous a trahis », assure une source diplomatique algérienne. Bien qu’ils le soupçonnent d’avoir été de mèche avec le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, qui avait pris en otage sept membres du consulat d’Algérie à Gao, en avril 2012, les Algériens ont tout de même approché Ag Ghaly pour qu’il serve d’intermédiaire avec les ravisseurs. C’est ainsi qu’il séjourna à plusieurs reprises à Alger courant 2013.

« En fait, il n’a participé en aucune façon à la libération des trois derniers otages [deux avaient été relâchés en 2012], affirme un proche du dossier. Et nous avons perdu contact avec lui quand il a retourné sa veste à la fin de l’année 2013. » Depuis, les responsables algériens jurent ne plus être en lien avec le jihadiste, dont le nom figure sur les listes de personnes accusées de terrorisme par le Conseil de sécurité de l’ONU et par le département d’État américain.

Jeu ambigu de Bamako ?

À Bamako, IBK répète la même antienne : il n’a jamais été question de négocier quoi que ce soit avec ce terroriste qui a du sang malien sur les mains. Début 2017, pourtant, les services de renseignements français (notamment la DGSE) avaient la quasi-certitude que les autorités maliennes avaient pris langue avec Ag Ghaly.

Sous François Hollande, certains responsables français estimaient déjà que le pouvoir jouait un jeu ambigu avec le fondateur d’Ansar Eddine. Pour étayer leurs propos, ils citaient le nom de plusieurs personnalités soupçonnées de jouer les émissaires, comme Ahmada Ag Bibi, réputé proche d’Iyad Ag Ghaly et élu député de la circonscription d’Abeïbara sous les couleurs du Rassemblement pour le Mali (RPM, au pouvoir). Plusieurs responsables politiques bamakois sont quant à eux ouvertement favorables à un dialogue avec les jihadistes maliens, estimant qu’aucune paix ne sera possible s’ils sont exclus du processus.

Influent et craint, Ag Ghaly a aussi été longtemps un intermédiaire de choix dans les affaires de libération d’otages occidentaux

Les canaux de communication entre « Iyad » et Bamako sont-ils toujours actifs ? Les dirigeants maliens jurent que non, mais Ag Ghaly demeure un acteur incontournable dans le Nord. Il a longtemps disposé d’un important réseau dans les cercles de pouvoir, constitué au fil de ses années de rébellion, puis sous la présidence d’Amadou Toumani Touré, qui l’avait même nommé conseiller consulaire à Djeddah, en Arabie saoudite, de 2007 à 2010.

Influent et craint, il a aussi été longtemps un intermédiaire de choix dans les affaires de libération d’otages occidentaux. Ses nombreuses connexions ne se limitent pas au Mali : Ag Ghaly a noué des liens en Libye, au Niger ou encore au Burkina Faso – sa proximité présumée avec l’entourage de Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne en 2012-2013, alimente d’ailleurs aujourd’hui les interrogations des autorités burkinabè sur les récentes attaques à Ouagadougou.

Le patron du jihad sahélien

Habile et fin stratège, Iyad Ag Ghaly est parvenu à s’imposer progressivement comme le patron du jihad sahélien. Fin 2014, il se rapproche d’Amadou Koufa, un prédicateur radical peul rencontré dans les années 2000 sur les tapis d’une mosquée de la capitale. Ce dernier lance la katiba Macina, filiale d’Ansar Eddine dans le centre du pays essentiellement composée de combattants peuls.

En mars 2017, Ag Ghaly annonce la fusion des principaux mouvements jihadistes au Mali, dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Al-Mourabitoune, sous son commandement. Avec ses katibas implantées dans différentes régions du pays, le GSIM compterait aujourd’hui entre 500 et 1 000 combattants, selon les différentes estimations. « Il a réussi là où les chefs algériens d’Aqmi, comme Abou Zeïd, ont échoué : fédérer derrière lui des membres de différentes communautés du nord et du centre du Mali, comme des Peuls, des Songhaïs ou des Bambaras », explique une source sécuritaire malienne.

« C’est un opportuniste. Il a compris qu’il pouvait s’imposer comme le boss de la nébuleuse jihadiste régionale »

De fait, depuis la fin de 2015, les attentats de Bamako, Ouagadougou ou Grand-Bassam ont tous été menés par de jeunes Subsahariens. Ce fut encore le cas à Ouaga, le 2 mars, où le chef du commando était un certain Younous Al Fulani (« le Peul »).

Iyad Ag Ghaly a aussi profité de la perte d’influence d’Abdelmalek Droukdel, chef historique d’Aqmi, et de la disparition des écrans radars de Mokhtar Belmokhtar, le « Ben Laden du Sahara ». « C’est un opportuniste. Il a compris qu’il pouvait s’imposer comme le boss de la nébuleuse jihadiste régionale. Il est malheureusement en train d’y parvenir avec le GSIM, qui a montré ses capacités de nuisance bien au-delà des frontières maliennes », analyse une source onusienne.

Sa volonté d’expansion ne semble pas s’arrêter là. Ces derniers mois, il s’est rapproché d’Abou Walid al-Sahraoui, leader de l’État islamique dans le Grand Sahara, actif dans la zone dite des « trois frontières » (Mali-Burkina-Niger), ainsi que d’Ansarul Islam, groupe jihadiste burkinabè qui sévit dans le nord du pays.

Reste une question centrale : pourquoi Ag Ghaly agit-il ainsi ? Pour imposer la charia au Mali ? Sanctuariser le Nord ? Laisser sa marque en tant que « grand » du jihad ? Sans doute un peu de tout cela. L’intéressé ne s’est plus exprimé depuis la diffusion de la vidéo annonçant la création du GSIM, le 1er mars 2017. Soit un peu plus d’un an au cours duquel il a confirmé jour après jour son statut d’ennemi public numéro un au Sahel.


Pour le meilleur et pour le pire

Anna Walet Bicha, l’épouse d’Iyad Ag Ghaly, est la fille d’un colon français et d’une Touarègue de la tribu des Ifoghas. En 1991, elle épouse El Hadj Ag Gamou, ancien rebelle devenu général de l’armée malienne. Cinq ans plus tard, elle divorce pour se remarier avec Iyad Ag Ghaly. Beaucoup estiment que cette histoire de cœur a largement attisé la haine que se vouent les deux hommes depuis plus d’un quart de siècle. Ancienne partisane de la rébellion touarègue, elle s’est radicalisée au fil de ses années de mariage avec Ag Ghaly.

Lire les autres articles du dossier

«Iyad Ag Ghaly : l'homme qui défie la France»

* Sahel : Iyad Ag Ghaly tente-t-il un rapprochement avec Abou Walid al Sahraoui ?   http://www.jeuneafrique.com/mag/529517/politique/sahel-iyad-ag-ghali-tente-un-rapprochement-avec-letat-islamique/

* Mali, un proche d'Iyad Ag Ghaly tué dans un raid de Barkhane à la frontière algérienne   http://www.jeuneafrique.com/531189/politique/mali-un-proche-diyad-ag-ghali-tue-dans-un-raid-de-barkhane-a-la-frontiere-algerienne/

* G5 Sahel : le cas d'Ag Ghaly évoqué    http://www.jeuneafrique.com/mag/502320/politique/g5-sahel-le-cas-ag-ghali/

* Mali :plujsieurs dirigeants jihadistes tués par les forces spéciales françaises   http://www.jeuneafrique.com/mag/540935/politique/mali-plusieurs-dirigeants-jihadistes-tues-par-les-forces-speciales-francaises/

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* Terrorisme : Iyad Ag Ghaly toujours influent, toujours insaisissable   http://www.jeuneafrique.com/mag/289437/politique/terrorisme-iyad-ag-ghaly-toujours-influent-toujours-insaisissable/

Mauritanie: 35 sénateurs dénoncent
un acharnement des autorités

Les leaders de l'opposition mauritanienne lors de leur manifestation contre le projet de révision constitutionnelle, le 7 mai 2016 (photo d'illustration).
© STR / AFP

En Mauritanie, après avoir voté contre la réforme constitutionnelle qui visait entre autres à supprimer le Sénat, il y a de cela un an, trente-cinq sénateurs dénoncent l'arrestation de l'un des leurs - officiellement pour des faits de corruption en lien avec un homme d'affaires mauritanien et opposant, en exil, Mohamed Bouamatou - et l'interdiction de voyager de douze autres.

Ces 35 frondeurs qui appartiennent aussi bien à l'opposition qu'au parti au pouvoir se considèrent toujours comme légitimes et ce, alors que le Sénat a finalement été supprimé à la faveur d'un référendum constitutionnel, en août dernier. Joint par RFI, Cheikh Sidi Hanena, sénateur frondeur de l'UPR, parti présidentiel, et président de ce Sénat fantoche revient sur ce bras de fer avec le pouvoir.

Pour nous, le Sénat existe et c’est une institution légale de Mauritanie.
Cheikh Sidi Hanena
18-03-2018 - Par Léa-Lisa Westerhoff

Sur les trente-cinq sénateurs qui avaient voté contre le projet de réforme constitutionnelle, comme Cheikh sidi Hanena, douze sont toujours sous contrôle judiciaire et un treizième est en prison, depuis trois mois.

Zimbabwe: Robert Mugabe s’exprime
pour la première fois depuis son départ

L'ancien président du Zimbabwe, Robert Mugabe.
© REUTERS/Mike Hutchings/File Photo

Au Zimbabwe, la tension est palpable entre l'actuel et l'ancien président. Pour la première fois depuis son départ, Robert Mugabe est sorti de son silence lors d’une déclaration faite à la chaîne nationale sud-africaine, SABC. Et comme d'habitude, il n'a pas sa langue dans sa poche.

« C’était un coup d’Etat même si certains refusent de l’appeler ainsi ». C’est ce qu’a déclaré jeudi soir Robert Mugabe lors d’une interview diffusée par la chaîne publique sud-africaine, SABC. Il a déploré avoir été la victime d’un coup qu’il a qualifié de « honte à effacer ».

« C’était réellement un renversement par l’armée. Il n’y a eu aucun mouvement visible jusqu’à ce que l’opération soit autorisée par l’armée », a-t-il insisté. Affirmant néanmoins ne pas en vouloir à son successeur, il a ajouté : « Je voudrais travailler avec lui, mais il doit être légitime. Il n’est pas convenable aujourd’hui à son poste, il n’est pas légal. Nous devons effacer cette honte que nous nous sommes imposée à nous-mêmes. Nous ne méritons pas cela. Le Zimbabwe ne mérite pas cela ». Robert Mugabe a affirmé ne pas vouloir revenir au pouvoir.

Les élections en ligne de mire

La réponse du chef de l’Etat ne s’est pas fait attendre ce matin. Emmerson Mnangagwa a déclaré dans un communiqué que le pays « a tourné la page du règne Mugabe. Nous devons continuer à nous concentrer sur la préparation d'élections libres, honnêtes et crédibles en 2018 ».

Les relations entre les deux hommes se sont clairement dégradées. Pour rappel, il y a deux semaines, un militaire à la retraite a lancé un nouveau parti, condamnant notamment le traitement réservé à Robert Mugabe et dénonçant l’illégitimité de ce nouveau gouvernement. Une nouvelle formation à laquelle Robert Mugabe a semblé apporter son soutien.

La formation de ce nouveau parti, le soutien apparent de Mugabe à cette nouvelle formation et son interview télévisée, n’arrivent pas par hasard. A quelques mois des élections présidentielles, et alors que le président Mnangagwa est sous pression pour transformer le pays, Robert Mugabe contre-attaque.

Mugabe tente de déstabiliser son successeur, selon les observateurs

Pour l’analyste politique Siya Biniza, Mugabe n’a pas digéré avoir été écarté du pouvoir et tente de déstabiliser son successeur. « Mugabe a été une épine dans le pied des Zimbabwéens pendant de nombreuses années. Et quand il a quitté le pouvoir, les Zimbabwéens ont regardé Mnangagwa comme un sauveur qui a mis fin à un cauchemar qui a duré plusieurs décennies. Et donc, ce qu’essaye de faire Mugabe aujourd’hui, c’est de remettre en question la réputation de  Mnangagwa.  D’ailleurs si vous analysez ce que fait le chef de l’Etat, il travaille plus à assurer sa survie politique qu’à sauver le pays. Et c’est très clairement ce qu’essaye de montrer Mugabe. Il est en train de dire : "vous me détestez peut-être après 36 ans au pouvoir, mais ce nouveau président a été un de mes proches et il n’ est pas le sauveur que vous pensez, le parfait candidat à l'élection présidentielle », analyse Siya Biniza.

Côte d’Ivoire: un millier d'artistes
se retrouvent au Masa d’Abidjan

La 10e édition, marquant les 25 ans du MASA, s'est ouverte le 10 mars au palais de la culture d'Abidjan.
© alerte-info.net

La Côte d'Ivoire fête la culture africaine jusqu'à 17 mars, avec la 10e édition du Marché des arts du spectacle d'Abidjan (Masa). Mais plus seulement à Abidjan puisque cette année des spectacles se tiennent aussi à Bouaké, Yamoussoukro et Korhogo entre autres. Un bon millier d'artistes de toute l'Afrique et de la diaspora se sont donné rendez-vous.

A l'intérieur, du conte et de la danse, à l'extérieur, de la musique et puis aussi du théâtre, des arts de rue, de l'humour et du slam… Il y en a pour tous les goûts ce dimanche soir au palais de la Culture de Treichville, à Abidjan. Avec pour thème : la nuit du patrimoine.

Et quel patrimoine puisqu'une cinquantaine de pays africains et quelques internationaux sont représentés. Un vrai marché des arts pour l'Ivoirienne Rita Djieka Legre, du groupe de chanteuses « les Femmes Battantes » : « C’est du plaisir parce que nous avons le temps de montrer ce qu’on a l’habitude de faire, ce qu’on fait tous les jours, les arts. C’est notre métier. On n’a pas d’autre métier. Donc c’est un plaisir pour nous de pouvoir montrer ce qu’on cultive tous les jours à ce public ivoirien et à tout ce public aussi du monde entier ».

Plus de mille artistes sont venus s'exprimer cette année, même ceux qu'on ne soupçonnait pas. Pour la première fois, le Togolais Hyacinthe Atta anime une partie des festivités et compte bien se faire une place dans le monde du spectacle : « Il est temps qu’on communique pour nous aussi. Nous devons maintenant nous considérer comme des artistes. L’entrée de scène, pour le lever du rideau, je me suis fait faire un direct sur Facebook pour montrer au monde entier : voilà, je suis sur la scène du Masa, la grande scène, je présente un spectacle ce soir ».

A la Une: Ouagadougou, nouvelles révélations,
nouvelles questions…

Fumées noires sur la capitale du Burkina Faso qui subit de multiples attaques le 2 mars 2018. AFP/Ahmed Ouoba

Quatre jours après les attaques, la justice burkinabè s’est enfin exprimée hier. « Maïza Sérémé, la procureur du Faso auprès du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, a en effet rencontré les journalistes pour dire ce qu’elle savait ou pouvait dire à l’étape actuelle des enquêtes », rapporte L’Observateur Paalga. Principal élément nouveau relève le journal, « contrairement à ce qu’on a entendu ces derniers jours, aucun assaillant ne portait d’uniforme militaire. Les huit jeunes envoyés par Iyad Ag Ghali, qui a revendiqué les attentats, étaient en tenues civiles neuves, comme s’ils s’étaient sapés pour aller au bal de la mort. Ils avaient en outre dans leurs sacs ou ceints autour de leur tête des bandeaux où était inscrite la profession de foi en islam, que les musulmans appellent la Shahada : 'Il n’y a de Dieu qu’Allah et Mahomet est son messager'. »

Alors, s’interroge L’Observateur, « d’où vient donc qu’on ait pu parler de militaires parmi les assaillants ? Si ça se trouve, la confusion a pu naître des huit personnes interpellées jusque-là, parmi lesquelles se trouvent deux militaires en activité et un autre radié. »

Zones d’ombre

« D’où sort-il, renchérit Aujourd’hui, que des témoins aient vu des hommes en tenue militaire burkinabè prendre d’assaut l’ambassade de France et le quartier général de l’armée burkinabè ? Est-il possible qu’ils les aient confondus avec des éléments des forces spéciales qui sont intervenues pour mettre fin à la furie des assaillants avec brio ? Y-a-t-il un lien avec les 400 tenues militaires volées en mars 2017 ? (…) Ensuite, comment ont-ils pu accéder à la porte de l’état-major général des armées et à y accéder avec un véhicule, (…) avec une telle facilité ! Qui leur a vendu la mèche qu’un cénacle se tenait sur la Force G5-Sahel ? (…) Ce n’est que le début des investigations, souligne Aujourd’hui, et sans doute pour les besoins de l’enquête, Maïza Sérémé n’a pas voulu déflorer certaines choses. Mais il reste qu’ultérieurement, les Burkinabè veulent être situés. Quid par exemple, des éventuels taupes et autre renégats qui auraient été d’intelligence avec les terroristes ? Au fait, quelles sont leurs nationalités ? Où ont-ils trouvé tous ces engins de guerre ? Bref, conclut le quotidien ouagalais, il faudra éclairer la lanterne des Burkinabè, pour que Radio-couloir ne continue pas de colporter des informations erronées, cause de psychose et de déstabilisation. »

Peur sur la ville

En attendant, un climat de psychose règne dans la capitale burkinabé… En effet, relève Wakat Séra, « dans l’attente, les populations angoissées continuent, à raison, de suspecter, qui le boutiquier d’une certaine couleur de peau, qui le collègue de bureau, qui encore le voisin de quartier au comportement 'bizarre'. Vite la lumière, s’exclame Wakat Séra, et que chaque Burkinabè, sans verser dans l’inquisition, soit un agent de renseignements, afin qu’une veille constante nous évite la tragédie du vendredi noir du 2 mars 2018. »

Réformer l’armée !

Qui plus est, il faut des mesures drastiques concernant l’armée, estime pour sa part Le Pays … « La première des solutions à envisager est de repenser de fond en comble l’armée, de manière à la hisser à un niveau où elle peut riposter comme il faut au nouveau péril. L’heure n’est plus aux mesures cosmétiques. Toutes les intelligences, et notre armée en regorge, poursuit Le Pays, doivent être mises en synergie pour anticiper les attaques terroristes et leur apporter une thérapie de cheval. A ce propos, on peut déjà envisager la délocalisation des enceintes militaires à des endroits où, en cas d’attaques terroristes, les effets collatéraux pourraient être minimisés. A cela, l’on peut ajouter la nécessaire coordination de tous les services de renseignement de la République. (…) L’autre levier à activer, pointe encore Le Pays, c’est celui de la discipline et de la cohésion de la Grande muette. Les différents régimes d’exception que le pays a connus ont eu raison de ces deux valeurs qui font la force de toute armée digne de ce nom. De ce fait, l’armée semble avoir perdu son âme et le sens de ses missions régaliennes. (…) Aujourd’hui, cette page doit être radicalement tournée, conclut Le Pays. Et sur la nouvelle page, l’on doit poser les bases d’une armée véritablement républicaine, c’est-à-dire une armée non pas au service d’un homme et de son clan, mais une institution forte et résolument tournée vers les intérêts supérieurs de la Nation. »