L’assemblée générale extraordinaire s’est ouverte le vendredi 19 août et devait se refermer le samedi 20, après l’adoption des textes du nouveau parti et l’élection des responsables des différentes structures. Et, sans surprise, c’est Simone Gbagbo qui doit être investie à la tête du parti. À 73 ans, elle se lance dans une nouvelle bataille, avec pour ambition de prendre part aux élections locales de 2023 et, peut-être, à la présidentielle de 2025.
« Les militants [de MGC] ont estimé que la politique constituait un levier fort, qui peut transformer le pays, explique Ben Monhessea Dekpeya, président du comité d’organisation de l’assemblée générale. La société civile a montré ses limites. Il faut aller plus loin, être audacieux. »
Cavalier seul
Depuis son amnistie en 2018, Simone Gbagbo s’est entourée d’un cercle de fidèles et est restée relativement discrète. C’est après le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, en juin 2021 – le couple est en instance de divorce –, que les choses se sont accélérées. L’ancienne Première dame a refusé de rejoindre le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), le nouveau parti créé par Laurent Gbagbo après qu’il s’est résigné à laisser le Front populaire ivoirien (FPI) aux mains de Pascal Affi N’Guessan. S’estimant reléguée à un rôle de figurante, elle a préféré faire cavalier seul, marquant une véritable rupture politique avec l’ex-président. Tous deux ont ensuite échangé quelques communiqués au ton peu amène.
Plusieurs anciens poids lourds du FPI, parti qu’elle avait co-fondé avec Laurent Gbagbo, ont pris part à la création et à l’implantation du mouvement MGC, jusqu’alors présidé par Marie-Claude Kraidy. Parmi eux, Lazare Koffi Koffi, qui fut plusieurs fois ministre dans les gouvernements de Pascal Affi N’Guessan (2000 à 2003) puis de Gilbert Marie Aké N’Gbo (2010-2011). En exil au Ghana après la crise post-électorale, il est rentré en Côte d’Ivoire en janvier 2019. On retrouve aussi les anciens ministres Richard Kouamé Secré, revenu d’exil en 2019, Émile Guiriéoulou, élu député de Guiglo lors des élections législatives de mars dernier, et Thomas N’Guessan (ministre de l’Enseignement supérieur). Entre Laurent et Simone, ils ont choisi leur camp.
L’ancienne Première dame peut aussi compter sur le soutien du syndicaliste Tapé Kipré, sur celui de Toto Jérôme Balou Bi, professeur à l’université de Cocody et le président de la Fondation Simone Ehivet Gbagbo, ainsi que sur celui d’Innocent Akoï Kacou, qui présida le conseil régional de Grand-Bassam – tous sont d’anciennes figures du FPI. Officiellement devenu un parti politique, le MGC espère encore attirer de nouveaux membres et nouer des alliances avec des partis de gauche pour les prochaines élections. En janvier dernier, isolée, sans parti mais déterminée à se faire entendre dans le dialogue politique mené par le Premier ministre, Patrick Achi, Simone Gbagbo avait pris la parole au nom de plusieurs d’entre eux. Mais cela n’avait par la suite débouché sur aucune action commune.
Que va faire Blé Goudé ?
Parviendra-t-elle à rallier Charles Blé Goudé à sa cause ? Accusé de crimes contre l’humanité mais finalement acquitté par la Cour pénale internationale (CPI), l’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo a récupéré son passeport fin mai mais n’est toujours pas rentré en Côte d’Ivoire. Peut-il rejoindre le MGC ? Simone Gbagbo et lui se sont beaucoup rapprochés ces derniers mois, tandis que des tensions sont apparues avec l’entourage de l’ancien chef de l’État.
LA MEILLEURE MANIÈRE DE SAVOIR CE QUE L’ON PÈSE, C’EST D’ALLER AU SUFFRAGE
Après avoir incarné une ligne dure sous la présidence de son mari, l’ancienne Première dame s’est trouvé un autre registre. Elle critique désormais la corruption et la mauvaise gouvernance, dénonce une crise des valeurs et brandit la crainte de Dieu. Un discours qui séduit particulièrement au sein de l’Église évangélique, dont elle est une fervente fidèle. Rien ne dit toutefois si elle pourra aisément transformer la sympathie dont elle jouit auprès d’une partie de la population ivoirienne en bulletins de vote dans les urnes. « La meilleure manière de le savoir, c’est d’aller au suffrage, rétorque Ben Monhessea Dekpeya. Elle n’est pas inconnue du paysage politique ivoirien. Nous avons la même base que le FPI et le PPA-CI : trois entités qui se revendiquent progressistes. Nous verrons la différence sur le terrain. Mais nous ne désespérons pas de voir les partis de gauche et de la social-démocratie aller ensemble. »
« Tout parti rêve de conquérir le pouvoir d’État et donc d’être présent sur tout le territoire, commente Sylvain N’Guessan, directeur de l’Institut de stratégie d’Abidjan. Mais je ne pense pas que, pour l’heure, l’ambition réelle de cette nouvelle formation soit d’être dans chacun des 109 départements. Le MGC va cibler les zones où il a des personnalités fortes, pour essayer de remporter les élections municipales, comme dans la région de Bassam [dont Simone Gbagbo est originaire, ndlr] ou de Guiglo et Bangolo [ouest]. Mais s’implanter dans tout le pays demande des moyens financiers, humains et un projet qui fasse rêver la jeunesse. Je ne pense pas que ce soit le cas pour le moment. »