Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Le pape aux servants d’autel français : « Comment vois-tu ta place au sein de l’Église ? » 

Les faits 

Devant 2 500 servants d’autel français, le pape François a encouragé les jeunes réunis devant lui, vendredi 26 août, et les a invités à servir non seulement la messe, mais aussi les plus pauvres, les « déracinés » ou les « migrants ».

  • Loup Besmond de Senneville (à Rome), 
Le pape aux servants d’autel français : « Comment vois-tu ta place au sein de l’Église ? »
 
©Vatican Media/ZUMAPRESS.com/MAXPPP - August 26, 2022, VATICAN CITY: This handout picture provided by the Vatican Media shows Pope Francis receiving participants in the national pilgrimage of altar servers of the Church of France during an audience at the Vatican, 26 August 2022.ZUMA PRESS/MAXPPP

Servir la messe et le monde. C’est le programme qu’a esquissé le pape François, vendredi 26 août, devant 2 500 servants d’autel français, au dernier jour de leur pèlerinage à Rome, commencé le 22 août dans la Ville éternelle.

« Cher jeune, je sais que tu te retrouves peut-être le seul de ton âge à la messe, ce qui te semble triste. Ou que tu penses parfois que tu t’ennuies au milieu de personnes plus âgées », a souligné François. Avant d’interroger : « Mais moi je te demande, à toi personnellement : comment vois-tu ta place au sein de l’Église ? »

« Tu n’imagines pas à quel point tu peux être un modèle »

 

Le pape a adressé ses encouragements à ces enfants et adolescents venus de plus de 50 diocèses français. « Tu n’imagines pas à quel point tu peux être un modèle, un repère pour de nombreux jeunes de ton âge, a insisté FrançoisTon attitude durant les célébrations est déjà un apostolat pour ceux qui te regardent. »

Mais « servir la messe demande une suite, a encouragé François. Vous avez peut-être des amis qui vivent dans des quartiers difficiles ou qui connaissent de grandes souffrances, des dépendances. Vous connaissez des jeunes qui sont déracinés, migrants ou réfugiés. Je vous invite à les accueillir généreusement, à les sortir de leur solitude et en faire vos amis ».

Appelant à éviter de « tomber dans la tentation du repli sur soi, de l’égoïsme, de t’enfermer dans ton monde, dans tes petits cercles, dans tes réseaux sociaux », François a encouragé les jeunes à cultiver leurs « racines », notamment à travers les personnes âgées, pour « profiter de leurs conseils et leurs expériences ».

« On a vu le pape ! »

Dans la matinée, les adolescents, tous en aube blanche, avaient pris place dans la vaste salle Paul-VI, où ils avaient assisté à une messe célébrée par le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, en présence d’une douzaine d’autres évêques français.

Lunettes rectangulaires posées devant de grands yeux bleus, Augustin, 13 ans, écoute attentivement. Venu de Laon (Aisne), le jeune homme retrace les quelques jours passés à Rome, la visite des basiliques majeures et la « bonne ambiance » entre les jeunes pèlerins. Lui, qui entre en quatrième à la rentrée, a l’impression, à Rome, d’avoir « approfondi » sa foi, et ne cache pas son admiration pour le « descendant de Pierre » qu’est le pape François.

À quelques pas de là, dans le groupe de Châtillon (Hauts-de-Seine), Cyprien et Anne, 14 ans tous les deux, sont quant à eux « impressionnés » par « la taille des églises » qu’ils ont visitées à Rome. Au total, dix adolescents, sur les 35 qui servent la messe dans cette église de banlieue parisienne, se sont rendus à Rome pour rencontrer le pape. Que diront-ils à leurs camarades de classe, dans quelques jours, au collège ? « Qu’on a vu le pape ! », répond Cyprien.

« Une manière de voir la messe un peu autrement »

Servant d’autel depuis quatre ans, il considère le service qu’il rend chaque dimanche comme « une manière de voir la messe un peu autrement »« On participe mieux », ajoute Anne, qui rend ce service depuis l’âge de 9 ans, comme l’a fait son grand frère avant elle.

La famille, dont le pape a rappelé l’importance en mentionnant la figure des grands-parents, est d’ailleurs évoquée par plusieurs participants. À l’image d’Evan, 15 ans, venu de Pfetterhouse, dans le sud de l’Alsace. « Toute la semaine, j’ai prié pour mon grand-père, glisse-t-il. Si je pouvais parler au pape, je lui demanderais de prier pour lui. » Il n’aura pas l’occasion de s’adresser directement à François. « Ce n’est pas grave. Je ne m’attendais déjà pas à le voir. C’est une rencontre exceptionnelle. Et quelque part, cela nous rend aussi exceptionnels. »

Côte d’Ivoire-Mali : religieux, hommes d’affaires… Ils s’activent pour la libération des soldats ivoiriens

Plus de six semaines après l’interpellation des 49 militaires, une délégation de chefs religieux venue d’Abidjan est arrivée le 20 août à Bamako afin de tenter d’obtenir leur libération. Cette nouvelle initiative bénéficie du soutien financier d’influents hommes d’affaires maliens.

 
Par Jeune Afrique
Mis à jour le 24 août 2022 à 12:42
 
 
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L’imam Cheick Malick Konaté (au centre) mène la délégation de religieux venue d’Abidjan, le 22 août. © DR.

Après les tentatives infructueuses du ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, et du chef de l’État sénégalais Macky Sall, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine (UA), c’est au tour de dignitaires religieux ivoiriens d’intercéder en faveur des 49 militaires interpellés le 10 juillet au Mali. Inculpés pour « tentative d’atteinte à la sûreté de l’État », ces derniers ont été écroués à Bamako.

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La délégation, arrivée le 20 août et composée d’une trentaine de personnes, est conduite par l’imam Cheick Malick Konaté, guide du Groupe de réflexion islamique, spirituel et ésotérique (Grise). Le prédicateur à l’autorité grandissante, disciple de Cheick Ibrahim Sonta, défunt khalife général des Tidjanes en Côte d’Ivoire, prêche dans une mosquée de Cocody, à Abidjan. À l’occasion de sa visite, il a notamment rencontré l’imam Chérif Ousmane Madani Haïdara, très influent prédicateur malikite qui préside le Haut conseil islamique (HCI) du Mali.

L’oreille d’Alassane Ouattara

Tous ont été reçus le 22 août par les ministres Abdoulaye Diop (Affaires étrangères) et Abdoulaye Maïga (Administration territoriale et Décentralisation), lequel avait été nommé la veille Premier ministre intérimaire. Lors de la rencontre, les dignitaires religieux ont évoqué les conséquences négatives de l’affaire pour la communauté malienne de Côte d’Ivoire et prôné la clémence des autorités de transition. Abdoulaye Diop et Abdoulaye Maïga ont ensuite rappelé la position de Bamako et promis de répondre à ces doléances avant que la délégation ne quitte le Mali, le 25 août. Celle-ci était également censée être reçue ce 22 août par l’imam Oumarou Diarra, ancienne figure religieuse du M5 et désormais ministre des Affaires religieuses. Le rendez-vous a finalement été annulé par ce dernier, compte tenu de la sensibilité du dossier.

La mission menée par Cheikh Malick Konaté, composée d’imams et de représentants des Églises catholiques et évangéliques ivoiriennes, a bénéficié de l’appui financier et de l’entregent d’influents hommes d’affaires maliens présents en Côte d’Ivoire. Parmi eux, Cessé Komé et Maouloud Ben Moctar. Installé sur les bords de la lagune Ébrié depuis plus de trente ans, le premier est cité par plusieurs de nos sources. Contacté par JA, il dément formellement toute implication dans les négociations, précisant d’ailleurs qu’étant en Allemagne, il ne s’est pas rendu au Mali. Propriétaire du Radisson Blu d’Abidjan, ainsi que de celui de Bamako, c’est dans ce dernier établissement que la délégation est logée.

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Résidant lui aussi en Côte d’Ivoire, Ben Moctar a l’oreille d’Alassane Ouattara et du ministre de la Défense, Téné Birahima Ouattara, qui est par ailleurs le frère du président. Il a récemment joué le rôle d’intermédiaire dans la signature de plusieurs contrats d’armement. Selon nos informations, Maouloud Ben Moctar entretient un contact régulier avec le capitaine Demba N’Daw, directeur de cabinet du président de la transition au Mali, Assimi Goïta. Il a également accès aux colonels putschistes Sadio Camara, ministre malien de la Défense, et Modibo Koné, patron de la sécurité d’État, ainsi qu’aux ministres Abdoulaye Diop et Abdoulaye Maïga.

Retour anticipé

Toujours selon nos informations, Maouloud Ben Moctar a facilité la visite, au début d’août, de deux diplomates ivoiriens basés à Bamako auprès des soldats interpellés. C’est à l’école de gendarmerie de la capitale malienne, où ces derniers sont détenus, que Kouadio Konan, chargé d’affaires auprès de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire, et le colonel Brahima Doumbia ont ainsi pu les rencontrer.

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Avant de s’envoler pour le Mali, les dignitaires religieux ont reçu l’assentiment des autorités ivoiriennes qui s’activent pour faciliter la libération de leurs prisonniers. Signe de l’urgence de la situation, Alassane Ouattara a préféré écourter ses vacances à Mougins, dans le sud de la France, où il se trouvait depuis le 13 août. Alors qu’il comptait regagner Abidjan le 30, le chef de l’État a finalement fait son retour une semaine plus tôt.

 

Catholiques et protestants : « Sortons du soupçon négatif ! »

Tribune
  • Père Pierre Lathuilière Prêtre du diocèse de Lyon

Dans ce texte, le père Pierre Lathuilière du diocèse de Lyon évoque les relations entre catholiques et protestants à travers la notion du soupçon, et rappelle que ce dernier n’est pas nécessairement négatif.

  • Pierre Lathuilière, 
Catholiques et protestants : « Sortons du soupçon négatif ! »
 
Les guides et Scouts de France ainsi que les éclaireurs se sont réunis pour une célébration œcuménique de la remise de la Lumière de la Paix de Bethléem, à l église Saint-Merri, à Paris, le 15 décembre 2013.CORINNE SIMON/CIRIC

« Soupçonne-moi du meilleur ! » Ces mots, je les ai trouvés un matin tagués sur les trottoirs de mon quartier. Intrigué, je suis allé consulter Internet et j’ai appris que cette formule « Soupçonne-moi du meilleur ! » avait été inventée le 22 septembre 2021 par un groupe lyonnais comme un appel pour notre temps. Ces mots renversent le sens le plus courant du mot « soupçon », qui comporte une dimension négative. Pendant que les débats authentiques se raréfient pour faire place aux monologues idéologiques ou aux combats de coqs à la négativité envahissante, cette apostrophe inscrite sur le bitume témoigne d’une certaine fraîcheur possible dans notre monde. Elle nous rejoint à la racine de nos comportements.

Le soupçon est ambigu. Il nous est nécessaire pour ne pas en rester à nos naïvetés infantiles. Procédant par des « peut-être », il n’est jamais péremptoire. Mais il arrive qu’il mène à des conclusions absolues et des jugements définitifs. Aussi faut-il prendre soin de soupçonner le soupçon, ne pas le laisser faire une œuvre souterraine de négativité tellement contagieuse. Très naturellement, il s’exerce d’abord à l’encontre des attitudes qui nous intriguent ou nous dérangent. Assez vite, il peut forger une réputation dommageable. Et c’est souvent sous cette forme que le soupçon se propage. D’où l’utilité de tourner le soupçon vers le meilleur.

Un manque de foi eucharistique ?

Il y a quelque temps, dans le cadre du ministère qui m’est confié au service de l’unité entre chrétiens, à la question posée sur la source du désintérêt manifesté par nombre de jeunes prêtres catholiques vis-à-vis du rapprochement œcuménique, la réponse suivante m’a été donnée : « Vous savez, ils ont souvent été choqués par le manque de foi eucharistique de certains de leurs aînés. » Cette réponse m’a semblé marquée par un double soupçon négatif. Le premier est celui, rapporté, de jeunes prêtres à l’égard de leurs aînés dans le ministère. Renversons le soupçon : en ont-ils parlé avec eux de sorte que ces conclusions sur le « manque de foi » soient corroborées par des échanges ?

Quelle différence y a-t-il entre chrétien et catholique ?

Un deuxième soupçon, moins visible mais non moins efficace, habite ce diagnostic : c’est le soupçon que la principale différence entre catholiques et protestants porte sur la foi eucharistique, ce qui, comme tous les soupçons (qu’ils soient positifs ou négatifs), mérite d’être vérifié. Sur ce point, je crois qu’il nous faut user du soupçon positif : pour avoir vu communier, à diverses reprises, des frères et sœurs protestants, je soupçonne derrière leur recueillement et leur prière une authentique foi chrétienne, selon ce qu’il est écrit dans la déclaration commune luthéro-catholique « Du conflit à la communion », signée en 2014 « Luthériens et catholiques peuvent affirmer ensemble la présence réelle de Jésus-Christ dans le repas du Seigneur : “Dans le sacrement de l’Eucharistie, Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est pleinement et entièrement présent, avec son Corps et son Sang, sous le signe du pain et du vin” (1). »

Un peu de nuance

Un peu de nuance devrait pouvoir nous sortir de l’injustice et de la perpétuation du conflit. « Soupçonne-moi du meilleur ! » est un slogan pacifique pour notre temps où la mondialisation s’accélère, où gagne l’ère du soupçon négatif entre les humains alors qu’ils sont appelés à se rencontrer toujours davantage. L’autre dont la présence me dérange ou m’inquiète, dont la différence me trouble ou me perturbe, c’est aussi un être aimé de Dieu. C’est pour cela que nous sommes appelés à prier aussi pour nos ennemis, puisque Dieu fait briller sur eux son soleil et tomber sa pluie.

Ce que Dieu aime à soupçonner en nous, il nous l’a appris par Jésus : c’est la foi. Le manque de foi, c’est trop évident, pour lui c’est presque de l’ordre du constat : « Le Fils de l’Homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre (2) ? » Mais ce qu’il cherche, ce qu’il craint de ne pas rencontrer en notre humanité, c’est notre confiance en Dieu. Et c’est le secret de cette confiance qu’il nous a donnée et nous donne encore.

« Il faut le faire »

Il y a peu, sur RCF, une amie pasteure témoignait comment, dans son ministère en hôpital à Lyon, elle a été amenée à rencontrer un malade du sida auquel elle s’est présentée comme membre de l’aumônerie catholique-protestante de l’établissement. Le malade en question lui a répondu : « Vu ma situation, vous vous doutez que je n’ai pas vraiment besoin de vos services, mais une aumônerie commune entre protestants et catholiques, après tout ce que vous vous êtes mis dessus, il faut le faire ! » Oui, « il faut le faire ». C’est ainsi que l’on peut faire soupçonner le meilleur, ce que le Christ a demandé pour ses disciples : « Qu’ils soient un (3) ! »

« Soupçonne-moi du meilleur ! » nous aide à suivre le Christ. Car il n’a pas cessé de faire apparaître à nos yeux ce que Dieu aime à faire naître dans les cœurs humains. Si le Père ne cesse pas de soupçonner positivement notre foi, c’est parce qu’il cherche en nous le meilleur, ce que notre humanité lui a déjà offert en son Fils.

(1) Le Repas du Seigneur § 16.

(2) Luc 18, 8b.

(3) Jean 17, 21.

Que fêtent les catholiques le jour de l’Assomption ?

Vidéo 

Le 15 août, les catholiques fêtent l’Assomption, dont le dogme proclamé en 1950 par le pape Pie XII affirme que « L’Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la vie céleste ».

  • Gilles Donada, 
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Le 15 août, les catholiques fêtent l’Assomption, dont le dogme proclamé en 1950 par le pape Pie XII affirme que « L’Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la vie céleste ».

Autrement dit, selon ce dogme, le corps la Vierge Marie n’a pas connu la décomposition comme celui des autres humains.

Cet épisode ne figure pas dans les évangiles mais dans d’autres récits non reconnus par l’Église, dits apocryphes.

Dès le Ve siècle, beaucoup de chrétiens célèbrent cet événement et en Orient, depuis le VIe siècle, c’est une fête connue sous le nom de « Dormition de Marie ».

Le 15 août est un jour férié en France depuis 1638, date à laquelle Louis XIII consacra le Royaume de France à la Vierge Marie, pour la remercier de lui avoir donné un fils, le futur Louis XIV.

L’Assomption est marquée par de grands pèlerinages et des processions aux flambeaux dans les sanctuaires dédiés à Marie comme Lourdes.

Cela donne lieu également à des bénédictions, par exemple, de bateaux sur les plages ou dans les ports.

Le mystère Saliège : « Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes » (3/5) 

Récit 

 

À Toulouse, le sauvetage des enfants juifs doit beaucoup à la communauté juive elle-même, qui a confié ses enfants aux responsables catholiques et à l’évêque. Aujourd’hui encore, la communauté juive, traumatisée par la tuerie de l’école Ozar-Hatorah en 2012, entretient cette mémoire. Troisième volet de la série, avec ce récit d’une amitié entre juifs et chrétiens, à une époque où l’Église restait marquée par une culture antisémite. Un évêque sous l’Occupation, le mystère Saliège (3/5)

  • Isabelle de Gaulmyn, envoyée spéciale à Toulouse (Haute-Garonne), 
Le mystère Saliège : « Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes » (3/5)
 
Une plaque rendant hommage à Jules-Géraud Saliège se trouve dans la synagogue de Toulouse (au milieu sur la photo).VINCENT NGUYEN/RIVA PRESS POUR « LA CROIX »

Dans les archives du diocèse de Toulouse, c’est le document numéro EJ34845. L’écriture à la main est encore lisible, le bleu étonnement vif de l’encre, après quatre-vingts ans, sur un papier abîmé par l’humidité. C’est une écriture digne : « Je soussigné Frejer Heijmann, père de Michel et Raphaël René Frejer, déclare déléguer la garde de ses enfants à Monseigneur Saliège, Archevêque de Toulouse, ou éventuellement à ses successeurs. » Plus loin, cette précision, déchirante : « Dans le cas où je viendrais à disparaître ou être mis hors d’exercer mes droits de puissance paternelle, je délègue, dans les conditions ci-dessus, l’ensemble de mes droits de puissance paternelle. » Sous sa signature, une autre, à l’écriture plus ronde, tout aussi décidée : Suzan Frejer.

Heijmann et Suzan sont-ils revenus ? Ont-ils pu de nouveau embrasser leurs petits Michel et Raphaël ? Devant cette lettre, on éprouve une immense admiration pour le courage de ces parents, qui se sont séparés de leurs enfants pour leur donner une chance de survie. Michel et Raphaël font partie de ces fratries prises en charge par le « réseau Saliège », dans des couvents, des maisons d’accueil, grâce à toute une cohorte de « gens de bonne volonté » qui ont su s’élever contre l’innommable.

La synagogue de la rue Palaprat

« Vois-tu, j’ai déposé devant toi aujourd’hui la Vie et le Bien, la Mort et le Mal, et tu choisiras la vie ! » Comme en écho, cette phrase du Deutéreunome, chapitre 30, verset 15, qui figure sur la plaque apposée au mur de la petite synagogue de Toulouse, en « reconnaissance éternelle au cardinal Jules-Géraud Saliège ». Ce ne doit pas être courant qu’une synagogue accroche une plaque en souvenir d’un cardinal catholique. Rue Palaprat, dans le vieux quartier de Toulouse, l’édifice religieux est à peine visible de l’extérieur. Son responsable bénévole, Pierre Lasry, me fait rentrer. C’est la synagogue historique des juifs de Toulouse, « celle où nous avons tous un souvenir », raconte-t-il : une bar-mitsva, un Talmud Thora, Yom Kippour, une circoncision…

 

Le mystère Saliège : « Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes » (3/5)

À l’intérieur, la salle de prière, avec la téba, au centre, tout en bois, forme un ensemble harmonieux. L’édifice a été construit par la ville en 1857, en application du décret de Napoléon. Le préfet, dans sa recension, avait alors compté 28 juifs à Toulouse… Leur nombre a régulièrement progressé, après la Première Guerre mondiale, avec les migrations de juifs d’Europe de l’Est, chassés par les pogroms. La région de Toulouse est celle qui connaît la plus forte densité de camps d’internement à partir de 1940. La population juive fut en partie décimée par les déportations mais, après guerre, elle s’est reconstituée avec l’arrivée des juifs du Maroc ou d’Algérie. C’est à ces juifs séfarades que l’on doit le travail de mémoire fait autour de la Shoah, hommage à leurs frères ashkénazes assassinés pendant la Seconde Guerre mondiale…

« Les juifs n’ont pas été des brebis que l’on conduisait à l’abattoir, affirme ainsi Maurice Lugassy, coordinateur régional du Mémorial de la Shoah, enseignant lui-même. Ils ont été des résistants, et ils n’ont pas été seuls. » Résistants, et pas seuls : Maurice Lugassy appelle cela « éviter le syndrome Massada », du nom de cet épisode emblématique de l’histoire juive contre l’occupant romain, en 73 de notre ère, où les Hébreux, acculés dans la forteresse, préférèrent se suicider plutôt que de se rendre.

Antijudaïsme profond du catholicisme

Ici, il y a eu résistance. Une résistance qui a eu le courage de se séparer de ses enfants. Une résistance qui a frappé aux bonnes portes, notamment celle de Mgr Jules-Géraud Saliège, et su nouer des alliances auprès de toute la population non juive et de ses réseaux. À sa tête, Georges Garel, juif français, créateur de l’OSE (Œuvre de secours aux enfants) qu’il a étendue ensuite sur tout le territoire français. Georges Garel entre en contact avec l’archevêque, pour organiser des filières de sauvetage avec les éclaireurs israélites. Avec un objectif : que ces enfants se souviennent qu’ils sont juifs. Il semble que Mgr de Courrège ait d’ailleurs explicitement interdit aux religieux du réseau de chercher à convertir ces enfants au catholicisme.

Car l’antijudaïsme profond, tout au long des siècles (Israël serait le peuple déicide) restait bien ancré dans les mentalités catholiques, avec le sentiment de la supériorité du christianisme, qui s’était « substitué » au judaïsme. « L’enseignement du mépris », pour reprendre l’expression de Jules Isaac, presque naturel pour l’Église de l’époque, n’évoluera qu’après 1945, et surtout avec Vatican II où l’Église catholique reconnaît tout ce que le christianisme doit théologiquement au peuple de la première annonce.

Mais nous n’en sommes pas là. Et la répulsion qu’éprouve dès le début Mgr Saliège face à l’antisémitisme nazi est moins fondée sur une analyse théologique du judaïsme qu’une réaction viscérale au nom de la conception chrétienne de la dignité de la personne humaine. C’est tout le sens de cette phrase coup de poing, qui figure au centre de sa lettre de 1942 : « Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes. » En 1938, déjà, l’archevêque de Toulouse fustige dans La Semaine catholique de Toulouse la « nouvelle hérésie du nazisme qui brise l’unité humaine, et met dans un sang qu’elle croit privilégié une valeur surhumaine ». Mais, dans le même numéro, il écrit que « les divers aspects, social, économique, politique de la question juive méritent une étude sérieuse ». Choquante aujourd’hui, cette phrase permet aussi de mesurer le poids des mentalités auxquelles se heurtaient ceux qui, à l’époque, condamnaient l’antisémitisme.

De ce point de vue, les prises de position de l’archevêque de Toulouse sont nettes, et bien avant l’Occupation. Ainsi de sa participation, le 12 avril 1933, au Théâtre du Capitole, à une manifestation contre le racisme nazi aux côtés du rabbin et du pasteur. Pour l’époque, voir côte à côte un rabbin et un évêque était rarissime. Comme le discours prononcé par Mgr Saliège : « Par ma foi vivante qui est celle de l’Église, je suis un être inhabitué qui ne prend pas, qui ne peut pas prendre son parti de l’injure, de l’injustice qui atteint son semblable, quelle que soit sa religion, quelle que soit sa race. »

Attentats de 2012 : tués parce qu’ils étaient juifs

Les juifs de Toulouse savent dès lors qu’ils pourront compter sur cet « être inhabitué à l’injustice »… Après guerre, ils seront seuls, ou presque, à entretenir la mémoire de l’archevêque de Toulouse. Mgr Saliège est proclamé Juste dès 1969. En 2009, la plaque commémorative est apposée à la synagogue, et en 2012 une autre plaque est déposée dans son village natal, dans le Cantal, par l’association Zakhor pour la mémoire.

 

Le mystère Saliège : « Les juifs sont des hommes, les juives sont des femmes » (3/5)

Voilà quelques semaines, le grand rabbin Haïm Korsia a demandé que la lettre de Mgr Saliège soit lue dans toutes les synagogues. Cette année encore, l’initiative d’organiser à Toulouse une série d’événements autour des 80 ans de la lettre est venue de la communauté juive, relayée ensuite largement par l’Église catholique. Pourquoi ? Les catholiques ne sont pas les seuls à avoir participé au sauvetage des juifs à Toulouse. « Peut-être parce que cela venait d’une religion qui nous a si longtemps méprisés qu’on ne l’attendait pas là », avance Maurice Lugassy, du Mémorial de la Shoah. Peut-être aussi qu’ici, plus qu’ailleurs en France, les juifs savent que rien n’est jamais acquis définitivement.

À Toulouse, la mémoire a été ravivée de manière particulièrement dramatique avec la tuerie de l’école Ozar-Hatorah. Le 19 mars 2012, la fille du directeur de l’établissement, Myriam Monsonego, 8 ans, les deux frères Arié et Gabriel Sandler, 5 et 3 ans, et leur père enseignant, Jonathan, 30 ans, sont tués à bout portant par un terroriste. Tués parce qu’ils étaient juifs… Le traumatisme réveille les souvenirs de l’été 1942. Les juifs de Toulouse le vivent d’autant plus douloureusement qu’ils ont le sentiment que l’on peine à nommer le crime antisémite, et que la France reste indifférente : « Les Français sont sortis dans la rue pour Charlie, par pour Myriam, Arié Gabriel et Johnathan », note encore Maurice Lugassy. Pas faux.

Revient alors ce sentiment d’insécurité et de solitude, face à la montée d’un nouvel antisémitisme d’origine islamiste. « Nos jeunes ne veulent plus rester en France », témoigne encore Pierre Lasry. Mgr Robert Le Gall, archevêque lors de l’attentat de 2012, sut trouver les mots et les gestes de compassion, fidèle en cela à une tradition de proximité entre juifs et chrétiens établie depuis Mgr Saliège. « Mais pour combien de temps ? », s’interroge Maurice Lugassy, inquiet de constater que les « militants chrétiens » du dialogue avec le judaïsme sont âgés, et que le sujet ne semble plus concerner les jeunes générations.

C’est l’une des clés de la fidélité des juifs de Toulouse à Mgr Saliège : affirmer, comme des sentinelles de notre mémoire commune, que seule une amitié nourrie permettra d’empêcher que l’innommable ne revienne. Une amitié qui, comme nous allons le voir, tranche avec la relative indifférence qui fut, globalement, celle des évêques face au sort des juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

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Jacques Maritain, « L’Impossible Antisémitisme »

Jacques Maritain, avec son ami l’abbé Charles Journet (qui deviendra cardinal), sera l’un des initiateurs d’une nouvelle théologie chrétienne du judaïsme. En 1937, dans L’Impossible Antisémitisme, il écrit : « Ce n’est pas peu de chose pour un chrétien de haïr ou mépriser, ou de vouloir traiter d’une manière avilissante la race d’où son Dieu et la mère immaculée de son Dieu sont issus. C’est pourquoi le zèle amer de l’antisémitisme tourne toujours à la fin en un zèle amer contre le christianisme lui-même. » Ce livre sera distribué et lu clandestinement par les résistants chrétiens durant la Seconde Guerre mondiale.

Retrouvez, jeudi 11 août, le quatrième épisode de notre série sur le site de La Croix : Les évêques et Vichy, un silence qui pèsera lourd.