Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Face aux Congolais de Rome, la forte exhortation du pape François à la paix 

Les faits 

Au cours d’une messe célébrée en présence de la communauté congolaise de Rome, dimanche 3 juillet, le pape François a prié pour la paix et la réconciliation en République démocratique du Congo, terre « tellement blessée et exploitée ».

  • Loup Besmond de Senneville (à Rome), 
Face aux Congolais de Rome, la forte exhortation du pape François à la paix
 
Célébration d’une messe pour la communauté congolaise à la basilique Saint-Pierre, dimanche 3 juillet. GIUSEPPE LAMI/EPA

On danse très rarement à la basilique Saint-Pierre de Rome. C’est pourtant ce qu’ont fait, dimanche 3 juillet, les 2 000 fidèles et la centaine de prêtres venus dans la basilique vaticane pour une messe célébrée par le pape François pour la communauté congolaise de Rome. Tous ceux qui ont assisté ce matin-là à la messe du pape, le jour même où il aurait dû la célébrer à Kinshasa – avant de reporter son voyage – ont dansé au rythme du chœur rythmant la messe et des percussions accompagnant les chants.

Mais sous la coupole de l’église la plus connue au monde, le pape a pourtant pris un ton grave lorsqu’il a fallu évoquer, pendant l’homélie, la situation de la République démocratique du Congo. Parlant de ce pays déchiré par la guerre, dans lequel il avait prévu d’aller du 2 au 5 juillet, avant de se rendre au Soudan du Sud, François a évoqué une terre « tellement blessée et exploitée », priant « pour la paix et la réconciliation ».

« Un chrétien porte toujours la paix, a-t-il insisté. Le chrétien est porteur de paix, parce que le Christ est la paix. » Une attitude à laquelle le pape a opposé la diffusion de « bavardages » et de « soupçons »« Si nous créons des divisions, si nous entravons la communion, si nous mettons notre appartenance avant toute chose, nous n’agissons pas au nom de Jésus », a insisté François.

« Tout attachement malsain à son propre groupe conduit à mépriser les autres »

« Nous prions afin que les chrétiens soient des témoins de paix, capables de surmonter tout sentiment de haine et de vengeance, la tentation que la réconciliation n’est pas possible, tout attachement malsain à son propre groupe qui conduit à mépriser les autres », a ajouté le pape. Devant les catholiques de ce pays dont toute la partie orientale est frappée par d’importantes violences, le pape a encouragé chacun à « mettre de la paix et de l’ordre dans son cœur, désamorcer la cupidité, éteindre la haine et la rancœur, fuir la corruption, les tricheries et les ruses : voilà par où commence la paix ».

Au cours de cette messe, célébrée en rite zaïrois, unique rite inculturé depuis Vatican II, le pape a aussi encouragé les initiatives prises par les catholiques de ce pays sur le terrain. « Nous pensons souvent que nos initiatives ecclésiales ne fonctionnent pas correctement parce que nous manquons de structures, d’argent et de moyens : ce n’est pas vrai », a-t-il insisté.

La messe s’est achevée au moment même où le secrétaire d’État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin, ouvrait une cérémonie à Kinshasa, où le pape lui a demandé de se rendre. Après cette étape dans la capitale congolaise, le prélat italien se rendra ensuite au Soudan du Sud. Le voyage n’est pas destiné à remplacer celui du pape, assure le Vatican. Un message passé à la fin de la messe, à Saint-Pierre, par sœur Rita Mboshu Kongo, l’une des spécialistes du rite congolais. À la fin de la célébration, elle a assuré au pape François : « Nous vous attendons. »

L’AED mène 5 000 projets pour soutenir les chrétiens persécutés dans le monde 

Les faits 

En 2021, l’Aide aux Églises en détresse (AED) est intervenue dans 132 pays. La guerre en Ukraine ainsi que la situation des chrétiens au Nigeria, en Syrie, au Liban, sont très préoccupantes.

  • Christophe Henning, 
L’AED mène 5 000 projets pour soutenir les chrétiens persécutés dans le monde
 
L’AED a pu aider à reconstruire l’église catholique chaldéenne Saint Cyriaque à Batnaya en Irak.AED

Construction d’une chapelle à Malawi, d’un mur d’enceinte autour d’une paroisse au Pakistan, financement d’une radio chrétienne à Vilnius (Lituanie)… En 2021, l’association Aide à l’Église en détresse (AED) a soutenu l’acquisition de 1 338 véhicules, a contribué à la construction de 307 églises, 157 monastères et noviciats, 295 centres pastoraux et 52 séminaires. Autant de projets menés grâce à 22,1 millions d’euros collectés auprès de donateurs en France. « Notre mission est de rendre possibles les projets des Églises dans le monde », explique le directeur pour la France, Benoît de Blanpré, qui présentait le bilan 2021 de l’AED, jeudi 30 juin.

Présente dans 132 pays, AED France travaille avec 22 autres bureaux nationaux, ce qui porte le budget total à 133 millions d’euros et permet de financer très exactement 5 298 projets, toujours organisés en lien avec l’Église locale. Mais la vocation de l’AED n’est pas que dans les subventions : « Nous avons trois missions, confirme Benoît de Blanpré : informer sur la situation des chrétiens dans le monde, prier pour soutenir l’espérance, et enfin financer des aides. » L’information et la prière passent notamment par la publication, tous les deux ans, d’un rapport sur les chrétiens persécutés dans le monde, ou encore la « Nuit des témoins » qui permet à chacun d’écouter des catholiques venus des cinq continents.

C’est l’Afrique qui mobilise le budget le plus important (28 millions d’euros), à la fois pour accompagner les communautés victimes de « la terreur islamiste », mais aussi renforcer la foi des catholiques. En Asie (20 millions d’euros), il s’agit principalement de faire face au fléau de la pauvreté. 16 millions d’euros sont consacrés au Moyen-Orient, notamment pour aider les chrétiens à rester sur place. Suivent l’Europe de l’Est (14 millions d’euros) et l’Amérique latine (13 millions d’euros). De quoi soutenir l’école jésuite de la plaine de la Bekaa (Liban) ou la construction d’un presbytère à 3 000 mètres d’altitude, dans la cordillère des Andes.

Attentats au Nigeria

« Partout, il y a des appels des chrétiens en difficulté, voire persécutés », confie lors de la conférence de presse Benoît de Blanpré. Ce que confirme Amélie Berthelin, responsable du service information de l’AED, faisant le tour des pays endoloris par les atteintes à la liberté de croire. C’est le Nigeria qui reste le plus préoccupant, avec une succession d’exécutions sommaires, d’enlèvements contre rançons et de violences quotidiennes. En Syrie, les chrétiens perdent espoir, et les sanctions économiques internationales pénalisent toute perspective de reconstruction. Au Liban, « il est terrifiant de devenir pauvre », a expliqué à l’AED un professeur d’université.

En Ukraine, l’AED soutient l’Église gréco-catholique depuis soixante-dix ans et continue d’accompagner les 4 879 prêtres ou religieux et les 1 350 religieuses qui ont choisi de rester en dépit de la guerre. Au-delà de l’aide d’urgence – avec des denrées alimentaires ou des groupes électrogènes –, le projet de reconstruction d’un séminaire veut être un signe de confiance en l’avenir.

Né en Ukraine et vicaire à l’église Saint-Volodymyr-le-Grand à Paris, le père Taras Ovsianyk a témoigné, durant cette conférence de presse, du courage des amis d’Ukraine : « Il y a des valeurs et des principes pour lesquels on accepte de mourir. » Estimant que l’Ukraine avait déjà emporté la « victoire morale », il a insisté : « Cela devrait faire réfléchir le monde entier. Nous ne faisons jamais d’erreur quand on aide les autres. »

« Les jeunes ne veulent plus devenir rabbin » : crise des vocations au séminaire israélite de France 

Enquête 

Le président du Consistoire central, Élie Korchia, a fait part, dimanche 26 juin, de sa volonté de renforcer l’accompagnement des élèves du séminaire israélite de la rue Vauquelin, à Paris. Unique école rabbinique consistoriale en France, l’institution souffre depuis plusieurs années du manque d’attractivité du métier de rabbin.

  • Juliette Paquier, 
« Les jeunes ne veulent plus devenir rabbin » : crise des vocations au séminaire israélite de France
 
Office du dimanche matin à la synagogue du Raincy (Seine-Saint-Denis), le 24  septembre 2017.   JULIEN DANIEL/MYOP

Améliorer l’accompagnement des élèves de l’unique école rabbinique consistoriale française, c’est le souhait exprimé par Élie Korchia, président du Consistoire central, et soutenu par le grand rabbin de France Haïm Korsia, en marge de l’assemblée générale de l’institution, dimanche 26 juin.

La prestigieuse école, créée en 1829 à Metz et installée dans la discrète rue Vauquelin à Paris (5e arrondissement) depuis 1859, a pour vocation de former de futurs rabbins « à la française », selon les mots de son directeur, le grand rabbin Olivier Kaufmann. L’institution souffre toutefois d’un manque de dynamisme depuis plusieurs années – jusqu’à récemment, elle n’accueillait qu’entre 5 et 7 élèves, aujourd’hui 12.

Crise des vocations

Cette formation, qui délivre des enseignements religieux et profanes, comme des cours de français ou d’histoire, manque d’attractivité : la profession de rabbin reste méconnue et peu mise en valeur. « Il y a une vraie crise des vocations aujourd’hui : les jeunes ne veulent plus devenir rabbin », déplore un rabbin formé au séminaire.

En cause, selon lui, la mutation du profil de l’élève. « Auparavant, les élèves qui entraient à l’école rabbinique étaient plutôt de jeunes célibataires. Désormais, ces jeunes se dirigent soit dans des grandes écoles, soit en Israël vers des yeshivot. Ceux qui fréquentent l’école rabbinique sont des adultes mariés, qui veulent s’investir dans une communauté. » Et ces élèves plus âgés, qui exercent souvent des métiers par ailleurs, doivent subvenir aux besoins de leurs familles. Or le montant des bourses est de 100 € mensuels pour un élève célibataire, 300 € mensuels pour un élève marié.

« Franco-judaïsme »

Face à cette situation, le président du Consistoire central souhaite mieux les accompagner financièrement. Il envisage de revaloriser les bourses ou de mettre en place des aides à hauteur de 1 100 € mensuels pour un élève marié et 500 € pour un élève célibataire.

Avec l’objectif premier de rendre son attractivité à une formation consistoriale dont la particularité est d’offrir un enseignement qui incarne le « franco-judaïsme » : l’accent est mis sur l’ouverture au monde et le cursus universitaire, pour que les rabbins qui sortent du séminaire représentent « des interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics et des autres communautés religieuses », dans la continuité de la conception prônée à la création du Consistoire par Napoléon.

Manque de transparence

Les changements voulus par le président du Consistoire portent également sur l’accompagnement des élèves, point de tension récurrent selon plusieurs témoignages recueillis par La Croix. Certains anciens élèves regrettent le manque de transparence de la direction et du fonctionnement de la notation. « Comme il y a un sous-effectif, entre autres, les élèves étaient livrés à eux-mêmes. Je me suis senti négligé par la direction », témoigne l’un d’entre eux qui n’est pas allé au bout de la formation, bien qu’il reconnaisse l’« excellente qualité » des enseignements dispensés.

Conscient de ce manque d’accompagnement, Élie Korchia a évoqué la mise en place de rendez-vous trimestriels avec le directeur du séminaire, le président du Consistoire central et le grand rabbin de France avec les élèves, pour échanger sur « ce qui leur tient à cœur, du point de vue des cours, mais aussi du fonctionnement de l’institution ». Des rencontres qui favoriseraient les « échanges directs, pour faire davantage attention à leur vie dans l’établissement », selon le président du Consistoire.

Rabbin à mi-temps

Toutefois, le renforcement de l’accompagnement des élèves ne peut pallier la raréfaction des postes rabbiniques à temps plein en sortie d’école. « Aujourd’hui, il existe davantage de postes rabbiniques à mi-temps, regrette le grand rabbin Olivier Kaufmann, directeur du séminaire. Or un rabbin doit se donner corps et âme à sa communauté :nous ne pouvons pas penser le rabbinat comme du lucratif. »

En outre, il existe un écart entre les communautés en manque de rabbins, souvent situées en province, et les aspirations des jeunes ordonnés en sortie de séminaire. Ces derniers sont parfois réticents à s’installer dans des villes où le confort de la vie juive est moins assuré et où il est difficile de trouver de la nourriture casher ou de scolariser ses enfants dans une école juive.

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Une formation exigeante

Pour intégrer le séminaire israélite de France, une formation préalable n’est pas requise, l’élève rabbin doit avoir obtenu son baccalauréat. En pratique, de plus en plus d’élèves l’intègrent après un apprentissage en yeshiva (école talmudique) ou un cursus universitaire.

La formation, de trois à cinq ans, comporte des enseignements religieux sur les textes fondateurs du judaïsme et des matières universitaires. Depuis quelques années, de nouveaux séminaires thématiques ont été mis en place, autour du dialogue interreligieux et de la psychologie.

À la sortie du séminaire, l’élève rabbin doit remettre un mémoire, et prononcer un sermon devant plusieurs hauts dirigeants, dont les grands rabbins de Paris et de France et le président du Consistoire central.

À la pagode de Vincennes, un festival bouddhique pour la paix dans le monde 

Analyse 

La pagode du bois de Vincennes (Paris 12e) accueille, samedi 24 et dimanche 25 juin, la 15e édition annuelle de son « Festival pour la Paix », en proposant divers concerts, méditations et projections. Les fonds récoltés doivent contribuer à la construction d’« un temple universel pour la paix » en Normandie.

  • Malo Tresca, 
À la pagode de Vincennes, un festival bouddhique pour la paix dans le monde
 
Prières à la pagode de Vincennes. FRED DE NOYELLE/GODONG/MAXPPP

Hausse des cas de contaminations de Covid-19, guerre sanglante aux portes de l’Europe, peurs inhérentes au réchauffement climatique… Après deux ans d’interruption liée aux restrictions sanitaires, l’événement, organisé jusque-là à un rythme annuel, n’aura « jamais été autant d’actualité », à en croire ses organisateurs. Sous l’égide de Lama Gyourmé, responsable spirituel du temple tibétain Kagyu-Dzong, la 15e édition du « Festival pour la Paix » revient, ce samedi 24 et dimanche 25 juin, à la pagode du bois de Vincennes (Paris 12e).

Pendant deux jours, les bouddhistes et autres visiteurs pourront assister, dans l’enceinte du site surplombant le lac Daumesnil, à une riche programmation (1) : concert de « chants pour la paix » de Lama Gyourmé et du compositeur Jean-Philippe Rykiel, projection du documentaire « Écocide, changer ou disparaître ? », méditations pour la « paix intérieure » ou le dialogue interreligieux, écoute de contes tibétains ancestraux, pratique de yoga thérapeutique, visite guidée du temple – abritant le plus grand Bouddha d’Europe (9 mètres) –…

Un ambitieux chantier

« Il y aura des artistes et intervenants d’horizons très divers », se réjouit Bernadette Ota, secrétaire générale de Kagyu-Dzong et vice-présidente de l’association Convergences pour la paix, aux manettes de l’organisation. Fait notable, les recettes des billets (à prendre pour deux concerts notamment, le reste étant en accès libre) et les dons récoltés à cette occasion serviront à relancer le chantier de construction d’un « temple universel pour la paix » à Aubry-le-Panthou (Orne).

Également initié par Lama Gyourmé, le projet n’est pas nouveau, mais l’ambition reste de taille près de vingt ans après la pose, en 2003, de la première pierre de cet édifice dont l’architecture s’inspire d’un célèbre monastère tibétain du VIIIe siècle. Entamés en 2010, les travaux, évalués à plusieurs millions d’euros, qui doivent être financés par des dons de particuliers, de sociétés, des fondations et par du mécénat, « ont dû s’arrêter complètement à cause du Covid. Les fondations sont achevées depuis des années, mais il faut vraiment que nous puissions relancer les choses », explique encore Bernadette Ota.

Fondations achevées

En août 2008, le projet avait reçu un soutien de poids, avec la consécration de son emplacement par l’actuel dalaï-lama, qui y avait alors prononcé un « discours sur la paix ». « Nous sentons combien les gens ont vraiment envie que cela se fasse, combien nous avons besoin de lieux comme celui-ci pour pouvoir réfléchir à la paix dans des contextes si compliqués », poursuit-elle.

Une fois terminé, ce temple hébergera des rencontres multiconfessionnelles, mais aussi des conférences, colloques, expositions, spectacles et autres manifestations artistiques liées à la paix. « Il se veut vraiment un lieu d’enseignement, de transmission sur les valeurs véhiculées par le bouddhisme, et notamment la non-violence, précise Bernadette Ota. Nous comptons sur le Festival pour la Paix pour réveiller le projet. »

Une semaine plus tard, les 1er, 2 et 3 juillet, la grande pagode de Vincennes sera à nouveau le théâtre d’un grand moment de prières dédié à la paix dans le monde, avec une coloration particulière pour les victimes de la guerre en Ukraine. « Nous y organiserons trois jours d’accumulation du mantra [de la compassion, NDLR] de Tchenrézig », expliquait fin mai à La Croix le moine Tenzin Marc Penpa, président d’honneur de l’association Terres du cœur œuvrant auprès de la population tibétaine, à l’origine de cette seconde initiative. Cela représente un million de mantras. Ceux qui ne peuvent venir pourront le réciter là où ils sont, et nous donner le décompte du nombre auquel ils seront arrivés. »

(1) De 10 heures à 19 heures, rens. : www.kagyu-dzong.fr/agenda

13e dimanche du temps ordinaire  C : suivre Jésus

Dans l’évangile de Luc qui est lu à la messe du dimanche 26 juin 2022, Jésus pointe les obstacles qui peuvent nous faire renoncer à le suivre. Sœur Bénédicte Rollin, de la communauté des religieuses de l’Assomption de Vilnius (Lituanie), explique ces paroles un peu rudes.

  • Sr Bénédicte Rollin, 
13e dimanche du temps ordinaire  C : suivre Jésus
 
« Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » (Luc 9, 58)CRISTINA CONTI - STOCK.ADOBE.COM

L’Évangile (Lc 9, 51-62)

Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem. Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? » Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village. En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. » Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. » Il dit à un autre : « Suis-moi. » L’homme répondit : « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu. » Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. » Jésus lui répondit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »

Comprendre

« Il prit la route de Jérusalem. » Dans ces versets-clés de l’Évangile de Luc, l’idée de « faire route » revient cinq fois. La route de Jérusalem, Jésus devait bien la connaître pour être monté au Temple trois fois par an comme tout juif fidèle. L’Évangile de Jean mentionne plusieurs de ces pèlerinages. Cependant les synoptiques ne rapportent qu’une seule de ces montées, présentant de manière schématique la mission de Jésus en deux temps : le ministère galiléen et la montée à Jérusalem.

Ce déplacement physique devient alors, particulièrement chez Luc, métaphore du chemin pascal du Fils, venu du Père et retournant au Père (cf. Jn 13, 1), accomplissant son exode à Jérusalem (Lc 9, 31). La symbolique du chemin traverse toute la Bible : le grand retour de l’humanité à Dieu commence par la mise en route d’Abraham, se fait par la sortie d’Égypte, la traversée du désert, puis le retour de l’exil à Babylone et, quotidiennement, en « marchant selon la Loi du Seigneur », « sur le chemin de ses volontés ». Dans les Évangiles, est disciple celui qui marche derrière Jésus, qui non seulement montre la route mais se nomme lui-même le Chemin (Jn 14, 6).

Méditer

Prenons le temps de contempler Jésus se mettant en route… Il « durcit sa face », comme le serviteur souffrant d’Isaïe qui ne se dérobe ni à l’appel de Dieu ni à la violence des hommes (cf. Is 50, 4-7). Regardons-le, tout tourné vers le Père et la mission reçue. Ce qui le meut n’est pas la volonté durcie d’un kamikaze stoïque mais un grand amour, le feu de l’Esprit qui le brûle et qu’il est venu apporter sur la terre (Lc 12, 49).

Sur la route, des obstacles surgissent aussitôt. Obstacle extérieur : le non-accueil d’un village samaritain. Jacques et Jean, fidèles au surnom de « fils du tonnerre » que leur a donné Jésus, veulent faire tomber le feu du ciel sur les impies. Supprimer l’opposition en supprimant l’opposant : solution simple et si tentante… Mais c’est une vue humaine qui n’est pas celle de Dieu. Le jugement apporté par Jésus se fera par le pardon : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34). La réponse de Dieu au mal passe par sa non-violence et sa non-puissance.

D’autres obstacles sont intérieurs : suivre Jésus partout où il va, d’accord, mais… Or, celui qui suit Jésus doit accepter comme lui de ne pas avoir de « tanière » ni de « nid ». Sa vie est une itinérance qui le force sans cesse à quitter sa « zone de confort », selon l’expression à la mode. Aucun lieu, matériel ou spirituel, ne peut lui faire oublier que sa demeure est ailleurs, et, s’il est appelé à la mission, aucune relation, si chère soit-elle, ne peut freiner son élan. On ne peut pas labourer à reculons. Enterrer un père, dire adieu à ses parents sont des choses louables mais relatives face à l’urgence du Royaume. Jésus, à 12 ans, n’a-t-il pas fait souffrir ses parents en orientant leur regard vers son origine et son but, le Père (Lc 2, 40) ? L’Évangile de Luc est celui de la miséricorde, il nous montre l’humanité pleine de tendresse du Christ, mais il contient aussi des enseignements d’une exigence radicale (par exemple au chapitre 14). Le texte de ce jour est une invitation à nous ouvrir dans la confiance à cette parole-glaive qui pénètre les méandres de nos cœurs enclins aux compromis.

Prier

Jésus, sur ton chemin d’Incarnation et de Pâques
tu t’es donné sans retour dans un amour allant jusqu’à l’extrême.
Fais moi brûler du même Esprit que toi
et accorde-moi de te suivre sans regarder en arrière.