Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Avec Taizé, des jeunes aux « sources de l’espérance » en Terre sainte 

Les faits 

Jusqu’au 15 mai, la communauté de Taizé réunit plusieurs centaines de jeunes en Terre sainte pour une semaine de pèlerinage « vers les sources d’espérance ». Une dizaine de frères de la communauté animent cette rencontre internationale.

  • Alice Clavier, 

Lecture en 1 min.

Avec Taizé, des jeunes aux « sources de l’espérance » en Terre sainte
 
Les mélodies des chants de Taizé résonneront dans les églises de Jérusalem, de Bethléem et de Nazareth, du 8 au 15 mai.KYRYLO GLIVIN/KIRILL4MULA - STOCK.ADOBE.COM
       

Les mélodies des chants de Taizé résonneront dans les églises de Jérusalem, de Bethléem et de Nazareth, du 8 au 15 mai. Trois cents jeunes âgés de 18 à 35 ans sont arrivés de toute l’Europe en Israël pour un pèlerinage placé sous le double signe de la rencontre et de l’espérance.

→ À LIRE. Syrie : à Homs, 800 jeunes pour une rencontre de Taizé inédite

Cette rencontre internationale s’inscrit dans le cadre des « pèlerinages de confiance » lancés il y a plus de trente ans par le fondateur de la communauté de Taizé, le frère Roger, et par le frère Alois, prieur de la communauté depuis 2005. Il animera ce pèlerinage avec d’autres frères, répondant à sa mission : « Stimuler la marche en avant de la communauté et susciter l’unité et la communion entre les frères », peut-on lire sur le site de Taizé.

Un pèlerinage à la rencontre des chrétiens du Proche-Orient

Organisée en collaboration avec les Églises de Terre sainte et l’Institut œcuménique de Tantur, cette rencontre est le fruit de quarante soirées préparatoires de prière et de réflexion au cours desquelles grecs-orthodoxes, arméniens orthodoxes, catholiques de divers rites, luthériens et anglicans installés en Israël ont préparé l’accueil des jeunes.

→ À LIRE. Aux origines de l’« aventure Taizé »

Les pèlerins seront logés à plusieurs reprises chez l’habitant, en particulier à Bethléem, où est né le Christ. Ce pèlerinage qui les mènera jusqu’au mont Tabor, lieu de la Transfiguration, est l’occasion de leur faire découvrir les divers visages du christianisme au Proche-Orient. Des rencontres avec des jeunes de Terre sainte, des professeurs de l’École biblique de Jérusalem ou encore avec des patriarches, aussi bien grec-orthodoxe que latin, sont prévus.

Un thème : l’espérance

Pendant la semaine, les jeunes seront invités à approfondir le thème suivant : « Cheminer ensemble vers les sources d’espérance. » Au cours d’échanges, d’ateliers et de visites des lieux bibliques, ils réfléchiront à la vertu théologale de l’espérance, ce « moteur qui pousse à agir, en particulier là où sévissent les injustices ».

Un juif sur sept se définit de la mouvance ultraorthodoxe « haredi », selon une étude 

Analyse 

Un juif sur sept se définirait de la mouvance ultraorthodoxe haredi, soit 2,1 millions de croyants dans le monde, selon la dernière étude de l’Institute for Jewish Policy Research. Un chiffre en constante augmentation depuis dix ans, en particulier en Israël et aux États-Unis.

  • Juliette Paquier, 
Un juif sur sept se définit de la mouvance ultraorthodoxe « haredi », selon une étude
 
Un Juif ultra-orthodoxe avant Yom Kippour à Jérusalem, le 24 septembre 2020.DEBBIE HILL/UPI/MAXPPP

Un juif sur sept se définirait comme haredi, soit 2,1 millions de croyants dans le monde, selon une étude publiée par l’Institute for Jewish Policy Research, lundi 3 mai. Cette mouvance ultraorthodoxe du judaïsme, dont l’appellation signifie littéralement « craignant Dieu », représenterait ainsi 14 % de la population juive mondiale (estimée à près de 15 millions à la fin de l’année 2020). Un chiffre particulièrement élevé pour ce courant qui se caractérise notamment par une application stricte des préceptes de la halakha, la loi juive.

Selon cette étude, 90 % des juifs qui se définissent haredim vivent en Israël (1,2 million de croyants) et aux États-Unis (700 000 croyants), ce qui correspond aux deux premiers foyers de peuplement de la population juive dans le monde.

En Israël, les données détaillées du Bureau central de statistiques permettent de déterminer qu’environ 14 % de la population juive israélienne se définissent comme haredim. Une proportion en hausse depuis une dizaine d’années puisqu’ils représentaient 10 % de la communauté juive en 2009. Dans le pays, la croissance démographique des haredim est telle qu’elle entraîne une hausse de la population globale de 1,5 % chaque année.

Taux de fécondité et espérance de vie élevés

Pourquoi cette communauté connaît-elle une évolution démographique aussi rapide ? « L’augmentation phénoménale de la population juive haredi s’explique par la combinaison d’un taux de fécondité et d’une espérance de vie élevés », précise l’auteur de l’étude, le chercheur Daniel Staetsky. En moyenne, les familles haredim ont en effet entre six et sept enfants, poursuit-il.

Le mode de vie haredi entraîne par ailleurs un fort sentiment d’appartenance à la communauté. Bien que certains croyants quittent leur communauté à l’âge adulte, ces départs n’impacteraient pas l’évolution de la hausse démographique de la population haredi dans les vingt prochaines années, selon l’étude.

A contrario, la population non haredi augmente nettement plus lentement, de 0,2 % en moyenne par an. À titre d’exemple, si le taux de fécondité de la population restait le même, l’étude démontre que la proportion de la population haredi devrait doubler tous les dix-huit ou vingt ans, tandis qu’il faudrait attendre 350 ans pour que le nombre de non-haredim soit multiplié par deux.

→ ANALYSE. Qui sont les juifs ultraorthodoxes en France ?

Selon l’auteur de l’étude, «la poursuite d’une croissance très élevée de la population haredi combinée à une très faible croissance de la population non-haredi signifie que la part (d’ultraorthodoxes) dans la population juive totale est appelée à augmenter ».

Chiffres à nuancer

L’institut américain qui a mené l’étude, créé sous l’égide du World Jewish Congress et du American Jewish Congress en 1941, précise toutefois que ces chiffres sont à prendre avec précaution. Beaucoup de pays, dont la France par exemple, n’autorisent pas les statistiques sur des critères ethniques ou religieux. Par ailleurs, l’auteur souligne que, «là où l’estimation du nombre total de juifs est compliquée, l’estimation de l’effectif d’un groupe au sein d’une communauté est encore plus complexe ».

En outre, «comme l’essentiel de la population juive mondiale se situe en Israël et aux États-Unis, leur démographie est surreprésentée dans l’étude, explique l’anthropologue Lucine Endelstein. La proportion de juifs haredim présentée dans l’étude ne correspond pas à la réalité du nombre d’ultraorthodoxes en France, où ces communautés sont très minoritaires. »

Chez les « tradis », les restrictions à la messe en latin ont toujours du mal à passer 

Analyse 

Au cours de l’audience générale de ce mercredi 4 mai, des mères de prêtres doivent remettre au pape François des milliers de lettres lui demandant de revenir sur son motu proprio Traditionis custodes. Promulgué en juillet dernier, l’acte papal limitant strictement la célébration selon la liturgie préconciliaire est toujours très difficilement accepté chez les fidèles de cette forme.

  • Xavier Le Normand, 
Chez les « tradis », les restrictions à la messe en latin ont toujours du mal à passer
 
Célébration d’une messe en forme extraordinaire, à Valence (Drôme), le 20 juillet 2021.NICOLAS GUYONNET/HANS LUCAS AFP

Ce merdi 4 mai, lors de l’audience générale place Saint-Pierre au Vatican, doit être présent au tout premier rang un groupe de Françaises. Venues à pied – en se relayant – de Paris, ces femmes pourront saluer brièvement le pape François pour plaider auprès de lui la cause de leurs fils : prêtres attachés à la célébration selon la liturgie préconciliaire, ceux-ci sont contraints par les nouvelles normes édictées en juillet dernier dans son motu proprio Traditionis custodes.

« Nous sommes venues demander au pape de revenir sur sa décision, au nom de l’unité de l’Église, explique Catherine Balaÿ. Nous voulons lui dire la souffrance et l’incompréhension des prêtres et fidèles touchés par ces restrictions. » Mère d’un prêtre de la communauté Saint-Martin – qui célèbre donc habituellement sous la forme conciliaire –, elle est l’une des cinq mères à avoir parcouru l’ensemble du trajet de Paris à Rome, quelque quarante-cinq autres n’ayant marché que quelques étapes.

« Le grand désarroi de ces fidèles »

Dix mois après sa promulgation, Traditionis custodes est ainsi encore très mal accepté par ceux qu’il concerne. Passant d’un régime de libéralité permis depuis 2007 par la décision Summorum pontificum, cette norme fait désormais de la célébration selon la liturgie préconciliaire une exception sous le contrôle de l’évêque.

Signe que ces normes font toujours polémique : les mères de prêtres arrivent à Rome avec plus de 2 500 courriers de fidèles, pour demander au pape de revenir sur sa décision. « Ces courriers disent le grand désarroi de ces fidèles, insiste Benoît Sévillia, président de l’association qui a organisé la marche des mères et frère d’un prêtre de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP). Nous aimerions que le Saint-Père mesure bien que ceux qui sont touchés par sa décision craignent pour leur vie de foi. »

Si Traditionis custodes est si mal reçu par ceux qu’il vise, c’est notamment parce que les raisons qui l’ont motivé ne sont pas comprises. Dans une lettre aux évêques l’accompagnant, le pape François dénonçait une « utilisation instrumentale » de la forme préconciliaire, « toujours plus caractérisée par un refus croissant non seulement de la réforme liturgique, mais du concile Vatican II, avec l’affirmation infondée et insoutenable qu’il aurait trahi la tradition et la vraie Église ».

Une mouvance « hétéroclite »

Une analyse contre laquelle les intéressés s’inscrivent en faux. « C’est un miroir déformant de la réalité. Il est reproché aux fidèles attachés au rite tridentin de vivre en dehors de l’Église, mais ce n’est absolument pas le cas », conteste Benoît Sévillia. S’il reconnaît que « certains sont un peu caricaturaux », il assure que « la très grande majorité est engagée dans des missions d’Église, que ce soit par la catéchèse, dans des associations humanitaires ou encore dans l’éducation. »

Les deux visions sont-elles vraiment contradictoires ? « Le monde tradi est très hétéroclite, répond un bon connaisseur de ce milieu. Beaucoup ne sont pas intéressés par les querelles théologiques et reconnaissent tout à fait le Concile, tout en étant attachés à une liturgie qui leur correspond. De l’autre côté, il y a aussi des personnes qui ont profité des libéralités offertes pour n’en faire qu’à leur tête, plus dans un esprit de rupture qu’autre chose. » Et pour cet observateur, le motu proprio de François est coupable de s’appliquer indistinctement, sans faire la part entre les différentes réalités de cette mouvance.

S’il comprend le sentiment de « persécution » – le mot revient très souvent dans les réactions des « tradis » devant l’application de Traditionis custodes par les évêques –, cet observateur appelle toutefois à ne pas s’y limiter. « L’un des problèmes du monde traditionnel est qu’il a beaucoup de mal à faire un travail de remise en cause, il y a beaucoup de revendications, mais jamais d’autocritique », tance-t-il. Il souligne par exemple le refus catégorique de certains de concélébrer ou de présider selon la liturgie de Paul VI et l’absence de réflexion véritable sur ces questions. « Les tradis voient ce qui est injuste à leur égard, mais pas ce qui leur est demandé. »

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Des restrictions… et un assouplissement

Avec Traditionis custodes, il n’est plus possible à tout prêtre de célébrer selon la forme antérieure à la réforme issue du concile Vatican II. Les fidèles sont également limités dans leurs demandes de célébration sous cette forme.

Seules des célébrations autorisées par l’évêque peuvent avoir lieu sous cette forme et doivent être présidées par un prêtre « dûment formé » et ayant « à cœur non seulement la célébration correcte de la liturgie, mais aussi le soin pastoral et spirituel des fidèles ».

Une exception : les prêtres de la Fraternité Saint-Pierre, créée par des prêtres ayant refusé en 1988 la rupture de Mgr Lefebvre avec Rome, mais attachés à la forme préconciliaire. Selon une dérogation accordée par le pape François, ceux-ci peuvent présider la messe et les sacrements selon la forme préconciliaire, sans restriction.

Le dialogue interreligieux, une nécessité
pour la cohabitation pacifique des croyants.



Article de notre confrère Jean Bipendo, Congolais

Nous vivons aujourd’hui dans le contexte de la mondialisation et du pluralisme religieux, où adeptes de différentes confessions religieuses se côtoient. Dans ce contexte, la cohabitation pacifique est un besoin fondamental et un devoir pour chacun. Or, nous constatons de plus en plus que, dans nos sociétés actuelles, beaucoup de nos contemporains manquent de points de repère. En outre, l’intolérance, la violence, les conflits et les guerres sont omniprésents, parfois même au nom de la religion. On assiste parfois à l’instrumentalisation de la religion ; on utilise la religion à des fins économiques. Quel est alors le rôle des religions ? Les religions sont-elles des facteurs de paix ou de division ?

 

Les religions, baromètres de nos sociétés
L’être humain étant sacré, il me semble que, dans notre contexte actuel, les religions doivent être le baromètre de nos sociétés. Tel était d’ailleurs le souhait du Pape Benoît XVI. Les religions doivent aider à guérir le monde, l’Afrique en particulier, des virus du matérialisme et de l’intégrisme qui guettent les populations. Soulignant le rôle de l’Église dans ce contexte, Benoît XVI déclare que l’Église catholique en Afrique doit “être toujours un des poumons spirituels de l’humanité, et devenir chaque jour davantage une bénédiction pour le noble continent africain et pour le monde entier !” (Africae Munus n° 177).

 

Bien connaître son identité religieuse
Les religions doivent être des lieux où les gens viennent se guérir et se prémunir de ces virus. Cela suppose que les religions soient ouvertes les unes aux autres et que leurs adeptes respectifs soient soucieux de bien connaître leur propre identité. Ne peut concrètement s’engager dans le dialogue interreligieux que celui qui est réellement convaincu de ce qu’il croit. Car l’ignorance est la mère de la méfiance et du mépris. Et c’est dans la mesure où les adeptes de différentes confessions connaîtront bien leur identité religieuse qu’ils pourront s’ouvrir les uns aux au-
tres et participer à la mission de pacifier et d’humaniser le monde.

Le dialogue interreligieux s’appuyant sur les valeurs sociales, morales et culturelles des populations, est ainsi un élément important pour la cohabitation pacifique des croyants. Dans cette perspective, l’exhortation de la Déclaration conciliaire sur les relations de l'Église avec les Religions Non-Chrétiennes reste d’actualité : “L’Église exhorte donc ses fils, pour qu’à travers le dialogue et la collaboration avec les adeptes d’autres religions, menés avec prudence et charité, et en témoins de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles découvertes chez ces personnes.” (Nostra Ætate ).

La religion est une dimension constitutive de la personne humaine et donc de la société comme telle. La religion doit aider à pacifier le cœur de l’homme : “Les hommes attendent des diverses religions la réponse aux énigmes cachées de la condition humaine qui, hier comme aujourd’hui, troublent profondément le cœur humain : Qu’est-ce que l’homme ? Quel est le sens et le but de la vie ? Qu’est-ce que le bien et qu’est-ce que le péché ? Quels sont l’origine et le but de la souffrance ? Quelle est la voie pour parvenir au vrai bonheur ? Qu’est-ce que la mort, le jugement et la rétribution après la mort ?” (Nostra Ætate).

Les réponses à ces questions, pour être crédibles aujourd’hui, ne peuvent plus être données en ordre dispersé ou avec des formules toutes faites. Il est nécessaire que les grandes religions se concertent, cherchent à se connaître, à rapprocher leurs points de vue, à découvrir tout ce qu’elles ont en commun, pour empêcher que les hommes se réfugient dans le fondamentalisme et le sectarisme. Les religions doivent ainsi apporter un plus aux valeurs culturelles et sociales des populations, transformer la vie des croyants et les aider à s’accueillir mutuellement et à mieux vivre.

 

Sensibiliser les jeunes
Cela dit, il me semble qu’il est important aujourd’hui de mettre un accent particulier sur la sensibilisation et l’éducation religieuses des jeunes. La mise en valeur de ces deux activités les aidera à prendre conscience de la nécessité de la tolérance et de la cohabitation pacifique, pour prévenir toute forme de criminalité et éviter toute sorte de violence présente aujourd’hui dans toute tranche d’âge. Benoît XVI affirme cela en ces termes : “Si nous tous, croyants en Dieu, désirons servir la réconciliation, la justice et la paix, nous devons œuvrer ensemble pour bannir toutes les formes de discrimination, d’intolérance et de fondamentalisme confessionnel… L’Église témoigne ainsi de l’amour de Dieu, créateur de tous et encourage les adeptes d’autres religions à une attitude respectueuse et à une réciprocité dans l’estime.” (Africae Munus n° 94). Les jeunes étant l’avenir du monde, doivent être éduqués à l’accueil de l’autre dans la différence de sa foi afin de sauvegarder la paix sociale.

Le dialogue interreligieux est donc une nécessité pour la cohabitation pacifique des croyants. Il doit être encouragé et soutenu. Que les religions soient des lieux où les gens viennent s’enrichir les uns aux autres en vue de participer à la mission de pacifier et d’humaniser le monde.

Orthodoxie et catholicisme, deux modèles d’Église ?

 
Chronique
  • Isabelle De Gaulmynrédactrice en chef

Jugeant l’Église catholique trop centralisée le pape François a lancé une réforme pour donner plus de pouvoir aux évêques locaux. L’exemple orthodoxe, où chaque patriarche jouit d’une indépendance totale, montre que le risque de voir se constituer des Églises nationales, voire nationalistes, n’est pas mince.

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  • Isabelle de Gaulmyn, 
Orthodoxie et catholicisme, deux modèles d’Église ?
 
Isabelle de Gaulmyn.BRUNO LEVY

Le Vatican vient de publier une nouvelle constitution. L’objectif : réformer la gouvernance au sein de l’Église catholique. Principale nouveauté, des pouvoirs plus importants reconnus aux évêques et aux conférences épiscopales de chaque pays, par rapport à Rome. C’était d’ailleurs la demande qui avait surgi au moment de l’élection du pape François : les 5 000 évêques « de terrain » n’en pouvaient plus d’un exercice du pouvoir romain hypercentralisé, et d’une Curie qui ne laissait guère de marge de manœuvre, faisant d’eux des sortes de hauts fonctionnaires aux ordres du pape.

→ RELIRE. Réforme de la Curie, une nouvelle conception du pouvoir ?

Lointaine héritière de l’Empire romain, l’Église catholique a toujours été organisée autour de la suprématie de Rome et de son évêque – le pape –, qui joue un rôle prééminent. « Roma locuta, causa finita », dit-on en bon catholique : « Rome a tranché, la cause est entendue. »

Rééquilibrer les pouvoirs

La difficulté, apparue au tournant de ce siècle, c’est que ce qui pouvait convenir pour une Église essentiellement européenne ne l’était plus pour une Église mondialisée de plus de 1,2 milliard de pratiquants. On n’est pas catholique de la même manière en Pologne, au Brésil, au Vietnam ou au Congo… Et tout ne peut pas se décider à Rome.

La nouvelle constitution s’efforce donc de rééquilibrer les pouvoirs au profit des conférences des évêques de chaque pays, la Curie romaine ayant désormais pour mission de se mettre à leur service, et non l’inverse… Une décentralisation qui devrait permettre, souligne Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président des évêques de France, dans un entretien avec La Croix, de mieux prendre en compte « la dimension régionale ».

→ ANALYSE. Les conférences épiscopales, interlocuteurs privilégiés pour la Curie

Mais jusqu’où aller dans cette décentralisation ? Comment s’assurer que chaque pays ne construise pas progressivement sa propre Église, de manière autonome ? Avec la montée des nationalismes au XIXe siècle, le catholicisme s’est gardé de trop favoriser le cadre étatique, pour éviter que l’Église ne soit instrumentalisée ou prise en otage par le politique.

Les limites du modèle orthodoxe

L’exemple orthodoxe actuel montre que cette crainte n’est pas vaine. L’orthodoxie, contrairement au catholicisme, est basée sur l’autocéphalie : chaque Église a son propre patriarche, élu localement, qui jouit d’une indépendance totale, sur le plan juridique comme sur le plan spirituel, par rapport à une quelconque autorité. Il n’existe pas de pape au-dessus d’eux. On ne retrouve pas l’organisation pyramidale du catholicisme.

Ce modèle orthodoxe favorise une forme de « synodalité », c’est-à-dire de discussions entre les patriarches, et de pluralisme. Mais on en voit aussi les limites : ce que l’orthodoxie a elle-même appelé le « phylétisme », et qu’elle considère d’ailleurs comme une hérésie, c’est-à-dire la confusion entre le territoire, où est l’Église, et la nation. Car la prise en compte des intérêts nationaux ou ethniques dans les questions d’Église ouvre la porte à une instrumentalisation de la religion comme arme politique.

C’est exactement ce qui se passe actuellement avec le Patriarcat de Moscou, qui a adopté de manière caricaturale les arguments bellicistes de Vladimir Poutine, dont il épouse totalement la ligne. Avec le risque de l’explosion de l’orthodoxie : les positions de Kirill, alignées sur Poutine, sont rejetées par les autres Patriarcats d’Europe de l’Est, et fragmentent durablement l’unité entre « frères orthodoxes ».

→ TRIBUNE. « Kirill va briser l’unité orthodoxe »

Dans le catholicisme, le risque est moindre. Il n’empêche : on a vu des Églises s’enfermer dans les logiques purement nationales. En France, nous avons connu par le passé une tentation gallicane, qui a conduit à confondre christianisme et nationalisme. Le centralisme romain a ses inconvénients. Mais il permet aussi de porter le regard au-delà de nos frontières pour une Église qui se veut catholique, c’est-à-dire universelle…