Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Comprendre le ramadan en neuf questions

Mois sacré pour les musulmans, le ramadan fait partie des cinq piliers de l’islam. Il débute cette année le 2 avril.

Par Louise Gamichon et Virginie Larousse

Publié aujourd’hui à 00h47, mis à jour à 09h19 

ramadan

 

Une femme musulmane dans la mosquée Nassir-ol-Molk, à Shiraz (Iran), en 2017. 

Le ramadan, mois sacré pour les musulmans, commémore la révélation du Coran au prophète Mahomet (sourate 2, 185). Il est le quatrième des cinq piliers de l’islam. Le jeûne fait donc partie des prescriptions qui incombent aux croyants musulmans, avec la shahâda (profession de foi attestant qu’il n’y a de dieu que Dieu et que Mahomet est son messager), la salât (prière), la zakât (aumône) et le hajj (pèlerinage aux lieux saints de La Mecque). Cette année, le ramadan débute le 2 avril.

Quelles sont les origines du ramadan ?

Le mot ramadan signifie, en français, « grande chaleur » et désigne le neuvième mois du calendrier lunaire musulman. Dans la société arabe préislamique, il s’agissait d’un mois de trêve qui avait, peut-être, une lointaine parenté avec les périodes sacrées du christianisme (carême) ou du judaïsme (Yom Kippour). Il pouvait aussi correspondre à une nécessaire inactivité civile et militaire en période de canicule.

Le 27e jour du ramadan commémore la « nuit du destin » où l’ange Gabriel (Djibril) serait apparu pour la première fois au prophète Mahomet afin de lui révéler le Coran. Ce mois de jeûne est par conséquent étroitement lié au texte sacré musulman, dont le premier verset révélé est « Lis !  » (sourate 96, 1).

Aussi les musulmans sont-ils invités à relire l’intégralité du Coran durant ce mois de ramadan, d’où l’institution d’une séance supplémentaire de prières communes (tarawih), le soir, dans les mosquées, uniquement durant cette période de l’année – tradition que certains font remonter au deuxième calife Omar (579-644).

 Ce mois a donc une signification musulmane à proprement parler, tout en ayant aussi sans doute des origines païennes, à l’instar de certaines fêtes chrétiennes issues du judaïsme et de la religion cananéenne, voire romaine (Pâques, par exemple, correspond à une ancienne fête de printemps, et Noël à une célébration du solstice d’hiver).

Lors de son installation à Médine, le Prophète avait ordonné un jour de jeûne (Achoura), fixé le dixième jour de l’année, sur le modèle du jeûne juif obligatoire de Yom Kippour (jour du Grand Pardon). Cependant, quelques années plus tard, Mahomet choisit un autre temps d’abstinence, plus étendu et plus contraignant, après la révélation d’une nouvelle série de versets. Désormais, les fidèles jeûnent durant tout le mois du calendrier lunaire musulman appelé ramadan.

Que dit le Coran ?

« Le Coran a été révélé durant le mois de Ramadan. C’est une Direction pour les hommes ; une manifestation claire de la Direction et de la Loi. Quiconque d’entre vous, verra la nouvelle lune, jeûnera le mois entier. Celui qui est malade ou celui qui voyage jeûnera ensuite le même nombre de jours. Dieu veut la facilité pour vous, il ne veut pas, pour vous, la contrainte. Achevez cette période de jeûne ; exaltez la grandeur de Dieu qui vous a dirigés (…). »

sourate 2, 185-187

Quand commence-t-il ?

Le neuvième mois étant mobile (il avance d’une dizaine de jours chaque année), la « grande chaleur » peut être célébrée en plein hiver. La période de jeûne commence au début de la nouvelle lune, pour s’achever au début du cycle lunaire suivant.

Les savants musulmans observent l’astre à l’œil nu ou à l’aide d’instruments optiques pour déclarer l’ouverture ainsi que la fin du ramadan, ce qui laisse toujours une incertitude quant aux dates exactes. En effet, même si les calculs astronomiques permettent de connaître précisément le jour de la nouvelle lune, la tradition veut que l’astre soit observable par l’œil humain. Les musulmans appellent cette période d’incertitude la « nuit du doute ». Elle est fixée au 1er avril cette année. Le ramadan débute donc le 2 avril et se terminera le 2 mai.

Quelles obligations s’imposent aux croyants ?

Le ramadan est un mois où les croyants s’abstiennent de manger et de boire, de fumer ainsi que d’avoir des relations sexuelles tout au long de la journée. Avant l’aube, le croyant se lève pour le suhur (ou repas de l’aube) afin de se nourrir et de s’hydrater pour la journée. Il effectue ensuite une première prière (fajr), vers 5 heures 45 du matin cette année en France.

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Peu après le coucher du soleil (« lorsqu’il n’est plus possible de distinguer le fil noir du fil blanc », dit la tradition), la journée s’achève avec la rupture du jeûne, généralement au moyen d’une datte et d’un verre de lait ou d’eau, en disant bismillah (« au nom de Dieu »). Vient ensuite le moment de prendre un repas (iftar), généralement en famille ou à la mosquée, vers 20 h 30 cette année. Une cinquième et ultime prière (isha) a lieu ensuite vers 22 heures, avant que le cycle ne reprenne le jour suivant.

Est-il possible de ne pas jeûner ?

Il existe de nombreuses exceptions au jeûne. Dans le principe, il ne doit pas devenir une contrainte dangereuse pour la santé, aussi un malade, une femme enceinte, un voyageur ou un sportif professionnel peuvent tout à fait s’abstenir de jeûner.

Pour les Jeux olympiques de Londres, en 2012, des chefs religieux de nombreux pays musulmans ont produit des fatwas (avis juridiques sur des questions particulières) qui exemptaient les sportifs du jeûne, les considérant comme des voyageurs. Les jeunes impubères ne sont pas censés jeûner, de même que les personnes âgées et les femmes qui allaitent ou se trouvent en période de règles.

Le premier jeûne du ramadan peut intervenir entre 12 et 15 ans. Dans les familles de culture musulmane, on prépare parfois les enfants en leur proposant de courts jeûnes de quelques jours, à partir de 7 ans. Il est possible de rattraper les jours non jeûnés plus tard dans l’année, à condition de ne pas le faire le jour de la fin du ramadan. Ceux qui n’ont pas pu répondre à cette prescription sont, par ailleurs, priés de contribuer davantage à l’aumône destinée aux nécessiteux.

Quels sont les moments-clés ?

Deux temps importants ponctuent le mois de ramadan : Laylat-el-Qadr (la « nuit du destin », au 27e jour du ramadan) et l’Aïd-el-Fitr qui en marque la fin. La « nuit du destin », décrite « meilleure que mille mois » dans la sourate 97, correspond à la première révélation du Coran par l’archange Gabriel (Djibril) au prophète Mahomet. A cette occasion, de nombreux musulmans prient tout ou partie de la nuit et se recueillent dans les mosquées.

L’Aïd-el-Fitr, fête de fin du ramadan, a lieu le premier jour du mois lunaire suivant. Elle constitue une des plus grandes fêtes reconnues dans tout le monde musulman, avec l’Aïd-el-Kébir, qui commémore le sacrifice d’Abraham.

Le jour de l’Aïd-el-Fitr, il est de coutume de revêtir ses plus beaux habits, de rendre visite à sa famille ou à ses amis et de partager avec eux un grand repas. On offre aux enfants des cadeaux. Le dernier jour du ramadan est aussi l’occasion de s’acquitter d’une aumône spéciale (zakât el-fitr) pour les nécessiteux et les indigents. Elle doit être offerte avant la prière de l’Aïd.

Quel est le sens spirituel du jeûne ?

Au-delà des aspects purement physiques du jeûne, le mois du ramadan est également un mois de profonde piété et de dévotion qui vise à développer l’endurance du croyant, mais aussi sa patience. Le sens spirituel du jeûne l’invite à se purifier, à se tourner vers Dieu, ainsi qu’à se détacher des biens matériels pour se souvenir de l’essentiel. Le ramadan est une période propice à la générosité et à la manifestation de son altruisme.

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Pour que le jeûne soit « accepté », ou « validé », par Dieu, il est indispensable que le fidèle le fasse avec sérieux et dévotion, et non de manière mécanique ou détachée. De nombreux croyants, parfois moins fervents le reste de l’année, profitent de ce moment pour se rendre à la mosquée et prier.

Enfin, le ramadan est la période où les musulmans du monde entier sont en communion. Il revêt donc une dimension sociale très forte, notamment pour les membres de la communauté qui ne vivent pas dans un pays musulman.

En quoi le ramadan est-il différent du carême ?

Le carême (du latin quadragesimus) est une période de quarante jours avant Pâques. Il commémore la retraite de Jésus de quarante jours dans le désert, allusion aux quarante ans passés par le peuple hébreu dans le Sinaï lors de l’Exode d’Egypte.

Les obligations du carême ont beaucoup évolué au cours de l’histoire et comportaient, au Moyen Age, de strictes exigences de jeûne et d’abstinence sexuelle. Aujourd’hui, seuls le mercredi des Cendres et le Vendredi saint comportent, en France, une proposition de jeûne pour les adultes. Comme le ramadan, le carême est un temps de prière et de partage.

Combien de musulmans pratiquent le ramadan ?

D’après le ministère de l’intérieur, il y aurait en France de 5 millions à 6 millions de musulmans. En 2019, une majorité (66 %) de Français musulmans a déclaré avoir respecté le ramadan pendant toute sa durée (d’après une étude du Statista Research Department de 2020).

Cet article a initialement été publié dans la lettre « Laïcité et religions » n° 10, juin 2016, éditée par « Le Monde des religions », et a été mis à jour en mars 2022.

Pourquoi l’Église tient-elle si fort au célibat des prêtres ?

Le choix du célibat pour la vie consacrée est très ancien, même s’il a fini par concerner l’ensemble des prêtres de l’Église catholique latine seulement au XIe siècle. Le P. Luc Forestier, oratorien, enseignant en théologie rappelle l’histoire et la signification de ce choix.

  • Recueilli par Sophie de Villeneuve dans l’émission Mille questions à la foi sur Radio Notre-Dame, 
Pourquoi l’Église tient-elle si fort au célibat des prêtres ?
 
Pour les prêtres catholiques, le célibat est une anticipation de la condition de tous dans le Royaume de Dieu.SEEYOU | C. STEPS - STOCK.ADOBE.

Sophie de Villeneuve : Alors que les scandales des abus sexuels frappent le clergé, une question agite les controverses dans le monde catholique : pourquoi l’Église tient-elle si fort au célibat des prêtres ? Celui-ci s’est pourtant imposé tardivement dans l’Église latine…

 

P. Luc Forestier : L’histoire, et surtout la lecture que l’on en fait, est essentielle dans cette question. Au départ, n’étaient appelés à l’épiscopat que des hommes célibataires, dans l’Église catholique comme chez les orthodoxes. Cette règle s’est ensuite étendue à l’appel au presbytérat dans l’Église catholique latine. Les Églises catholiques orientales, comme les orthodoxes, appellent au presbytérat des hommes mariés ou célibataires. Si les prêtres orientaux veulent se marier, ils doivent le faire avant leur ordination. Ces Églises (une vingtaine) sont rattachées à Rome et présentes en France. Dans la paroisse grecque catholique ukrainienne à Paris, par exemple, où tout catholique peut aller à la messe et communier, il y a des prêtres célibataires et des prêtres mariés. De même pour les diacres, dans l’Église catholique, qui peuvent être célibataires ou mariés.

→ ENTRETIEN : Pourquoi le célibat des prêtres ?

Cela s’inscrit dans une histoire. Dans les Églises chrétiennes, et pas seulement catholiques, il y a une appétence, une prévalence, pour des formes de vie consacrée, même chez les protestants qui n’ordonnent pas leurs pasteurs. Il y a des religieuses protestantes, les diaconesses de Reuilly par exemple, qui ont des liens de proximité très puissants avec les religieuses catholiques. Cette prévalence de la vie consacrée tient à une sorte d’urgence eschatologique. Au nom du Royaume de Dieu qui vient, des hommes et des femmes font depuis très longtemps le choix de ne pas se marier.

Ce n’est donc pas un choix qui leur est imposé ? On sait pourtant que le célibat des prêtres est devenu une obligation au XIe siècle, avec le concile de Latran…

L. F. : La décision juridique qui a été prise alors disait que le mariage est un empêchement dirimant à l’ordination, ce qui est un peu différent. Mais il faut remonter bien en amont, quand s’est élaboré un lien – mais pas dans tous les cas – entre d’une part l’appel à exercer des responsabilités d’évêques, de prêtres et de diacres, et d’autre part cette sorte d’urgence eschatologique qui fait que, au nom de la proximité du règne de Dieu, on vit déjà dans l’histoire ce qui sera vrai pour tous dans le Royaume. Il n’y aura plus alors ni mariage, ni propriété, il n’y aura plus que la communion avec Dieu, de sorte que chasteté, pauvreté et obéissance seront le lot de tous.

→ LIRE : Célibat, pauvreté et vie consacrée

Vous voulez dire que le célibat qui paraît si contraignant à beaucoup est une préparation au règne de Dieu à venir ?

L. F. : La vie religieuse en est une anticipation. Cela dit, surtout aujourd’hui, le choix de se marier est lui aussi un choix radical. La vie consacrée ne prépare pas au Royaume plus que le mariage, mais elle anticipe de manière visible, dans le temps de l’histoire, ce qui sera la destinée de tous.

C’est une signification du célibat à laquelle nous ne sommes pas forcément habitués…

L. F. : La question sous-jacente est la suivante : le lien entre, d’un côté, les besoins pastoraux – il faut des hommes et des femmes qui exercent des charges dans l’Église – et de l’autre des formes de vie consacrée, doit-il être systématique ? Dans l’Église catholique latine, on a eu tendance à répondre que oui, même s’il y a des exceptions. Dans d’autres Églises, on a eu tendance à les disjoindre. Mais ce lien n’est ni imposé ni récent.

Mais aujourd’hui, le choix de vies consacrées pour répondre à des besoins pastoraux est-il toujours d’actualité ? L’Église a-t-elle toujours besoin du célibat ?

L. F. : Nous vivons aujourd’hui de profondes transformations. Ce qui est frappant dans la vie ordinaire des paroisses, c’est de voir des hommes et des femmes prendre, au titre de leur baptême, des responsabilités pastorales parfois considérables. L’Église catholique appelle dans les Églises orientales des hommes mariés ou célibataires au presbytérat, rien n’empêcherait donc qu’elle en fasse autant dans l’Église latine. Doit-elle le faire ? À mon avis, le discernement ne fait que commencer, et la décision ne peut se prendre en un claquement de doigts.

→ LIRE : Faut-il ordonner des hommes mariés ?

Vous êtes vous-même prêtre, et donc célibataire. Comment vivez-vous le célibat ?

L. F. : Cela change beaucoup au cours de l’existence. J’avais 25 ans quand j’ai fait ce choix, j’en ai 56 aujourd’hui. Être prêtre, c’est être appelé à vivre la charité pastorale. Cela prend du sens quand on a la charge de personnes concrètes. Quand on a des étudiants si l’on est enseignant, ou des paroissiens si l’on est curé, on a le sentiment d’avoir à faire dans son cœur de la place pour ces personnes. Ce qui ne veut pas dire que les prêtres mariés ne puissent pas leur faire la même place.

Être célibataire, c’est donc choisir de consacrer sa vie à d’autres personnes qu’à celles que l’on désire ?

L. F. : Oui. Au nom de la foi en Jésus-Christ et de l’imminence du règne de Dieu, j’accepte d’entrer dans un mode de relations différent avec les personnes, avec ce que cela implique d’engagement et de distance.

→ LIRE : Le célibat peut-il vraiment mener au bonheur ?

Mali : l’État islamique au Grand Sahara à la conquête du nord-est du pays 

Analyse 

Depuis le début du mois de mars, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) combat les Touaregs du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) dans la région de Ménaka et de Gao. Une lutte sans merci pour le contrôle d’un territoire clé d’où se retire la force française Barkhane.

  • Laurent Larcher, 
Mali : l’État islamique au Grand Sahara à la conquête du nord-est du pays
 
Un combattant du Mouvement pour le salut de l'Azawad (MSA), lors d’une patrouille dans le désert malien, le 14 mars 2020.SOULEYMANE AG ANARA/AFP

C’est la guerre dans la guerre au Mali. Le 27 mars, l’État islamique au grand Sahara (EIGS) a encore affronté le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), une milice touarègue daoussak signataire de l’accord de paix d’Alger. Ils se sont combattus à Ménaka et aux environs de Gao, dans le nord-est du pays, sans que l’on sache de manière indépendante le nombre de personnes tuées, combattants et civils.

→ ANALYSE. Au Mali, la situation sécuritaire se dégrade dangereusement

Le territoire le plus dangereux du Mali

Depuis le début du mois de mars, l’EIGS et le MSA se font la guerre dans cette région malienne proche du Niger, selon des sources onusiennes, françaises et locales. Une zone considérée comme la plus dangereuse du Mali, abandonnée par l’État et revendiquée par les indépendantistes touaregs. C’est par cette région que passent aussi les routes de la drogue et des migrants venus des pays côtiers subsahariens pour rejoindre le Maghreb et le Machrek : en premier lieu, la route libyenne empruntée par l’essentiel des trafics à destination de l’Europe.

Une région où se sont enracinées, depuis la fin des années 1980, les différentes branches salafistes parrainées par des pays du Golfe et où prospérèrent les groupes djihadistes, tous partisans de l’islam salafiste. C’est dans ce kaléidoscope incontrôlable que l’EIGS affronte le MSA et leurs alliés du Cadre stratégique permanent (CSP, la plateforme des groupes signataires de l’accord d’Alger, majoritairement touaregs) pour en avoir le contrôle.

Un conflit qui se joue aussi sur fond de rivalités communautaires entre les Touaregs daouassak du MSA et les Peuls, majoritaires au sein de l’EIGS. Vivant tous de l’élevage, ils se disputent l’accès aux pâturages et aux points d’eau. À plusieurs reprises, les deux camps ont été accusés par les grandes ONG de défense des droits de l’homme de commettre des exactions sur les civils. Le bureau des droits de l’homme de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) a ainsi accusé les Touaregs du MSA de graves exactions contre les Peuls en avril 2018.

Des affrontements dans les principales villes de la région

Depuis trois semaines, l’EIGS et le MSA se sont violemment opposés dans les communes et les environs de Tamalat, Inchinanane, Andéramboukane, Talatai. À chaque fois, l’État islamique a pris le dessus avant que le MSA, appuyé par le Gatia (1), puisse reprendre pied dans les villes où ils venaient d’être attaqués. Mais tout indique que l’EIGS semble de plus en plus fort dans cette région comme au Burkina et au Niger voisins.

Une montée en puissance qui contredit la série de propos victorieux tenus ces dernières années par la ministre française des armées, Florence Parly, sur les coups décisifs portés contre ce groupe et ses leaders. La mort de leur chef emblématique, Abou Walid Al Sahraoui, tué à la fin du mois d’août 2021 par Barkhane n’a pas été le succès majeur comme l’avait aussi proclamé Emmanuel Macron dans un tweet imprudemment triomphal.

L’État islamique vise aussi l’armée malienne et la Minusma

Preuve de sa vitalité, l’EIGS s’attaque aussi à la Minusma et à l’armée malienne (Fama). Jeudi 24 mars, il s’en est pris à un convoi de la Minusma vers Tessit, au sud d’Ansongo, dans la région de Gao. Et 16 soldats maliens ont été tués lundi 21 mars à Tessit et à Boni (centre) dans deux attaques distinctes, dont la première a été revendiquée par l’organisation État islamique. Comme l’écrit le journal burkinabé Le Pays dans son édition du 28 mars, « ce regain d’activisme de l’EIGS a d’autant plus de quoi inquiéter que l’on croyait la bête immonde mortellement touchée, cela après l’élimination, l’an dernier, par l’armée française, de plusieurs de ses cadres dont l’emblématique Abou Walid Al Sahraoui ».

→ À LIRE. Au Sahel, un après-Barkhane lourd d’incertitudes pour toute la région

Cette intensification des combats n’est pas sans lien avec le départ annoncé et commencé de la force Barkhane du Mali. Présente dans cette région troublée, la force française achève son retrait de Gossi, a commencé celui de Ménaka et prépare celui de sa dernière base malienne, Gao. « Nous aussi, nous avons noté une recrudescence des attaques de l’EIGS. Il a retrouvé une liberté d’action dans cette zone du Mali, mais il ne s’en prend pas à Barkhane », souligne une source militaire à Paris. « À présent, écrit Le Pays, tout se passe comme si les terroristes voulaient profiter du vide laissé par la force française pour occuper des espaces où ils comptent continuer à exercer leur influence. »

(1) Autre groupe armé touareg, issu de la communauté imghad, signataire de l’accord de paix et pro-Bamako.


 Tout d'abord un ouvrage écrit par un Burkinabè originaire de Diébougou

 

 

livre

 

Mariages mixtes, interethniques et interreligieux, rencontres de dialogue interreligieux, relations oecuméniques, développement de la parenté à plaisanterie, ces réalités contribuent à la recherche de la paix dans une cohésion sociale nationale. Mais il faut aller plus loin et parvenir à ce que les individus, les groupes ethniques et religieux adoptent la pratique de l'hospitalité comme éthique globale dans le contexte de brassage des cultures, des religions. La pratique de l'hospitalité est le préalable de toute vie en société, car son intention première est d'accueillir l'autre ou d'être accueilli par l'autre dans une attitude de vulnérabilité et de responsabilité, sans avoir peur du risque. Trait de civilisation, l'hospitalité est aussi de l'ordre du mystère chrétien. En tant que telle, elle devrait constituer un élément de base de la vie chrétienne. C'est donc en la pratiquant que l'Église-Famille de Dieu au Burkina Faso peut vivre de la vie du Christ, lui-même maître en hospitalité, et la transmettre en allant vers les autres à la manière de la Visitation de Marie à sa cousine Elisabeth. La pratique pastorale de Mgr Anselme Titianma Sanon dans ses relations avec les musulmans et les communautés de la Religion traditionnelle africaine ont inspiré l'écriture de ce livre.

 

Biographie de l'auteur

Sie Mathias Kam est prêtre du diocèse de Diébougou au Burkina Faso. Il a exercé le ministère pastoral en paroisse (Burkina Faso et France) et assuré le service de coordination des oeuvres de charité et de développement dans le diocèse de Diébougou. Il a été secrétaire général de la commission épiscopale de la pastorale des migrants, membre du Comité international catholique pour les migrants (CICM) et secrétaire pour l'oecuménisme et le dialogue avec les musulmans dans mon diocèse. Aujourd'hui, il est chargé de la coordination des commissions épiscopales de la conférence épiscopale Burkina-Niger.
 
 
Autre livres sur le même sujet :    Amazon.fr : dialogue interreligieux
 

« Dieu veut des dieux »  : un essai exigeant sur la quête de vie divine

Critique 

Conjuguant la philosophie et la foi chrétienne, Bertrand Vergely développe l’idée d’une recherche sensible d’un équilibre plutôt que d’un chemin d’héroïsme.

  • Christophe Henning, 
« Dieu veut des dieux »  : un essai exigeant sur la quête de vie divine
 
Frère Jean au Skite Sainte-Foy, monastère orthodoxe des Cévennes, le 10 juin 2013.ALAIN TENDERO/DIVERGENCE

Dieu veut des dieux, La vie divine

de Bertrand Vergely

 

Mame, 240 p., 14,90 €

« Il faut que l’homme en prenne conscience. Il y a quelque chose non seulement de royal, mais de divin en lui. » S’appuyant sur la quête philosophique comme sur la foi chrétienne, le philosophe orthodoxe Bertrand Vergely invite à plus d’ambition : l’homme ne croit pas seulement pour être plus humain, mais pour vivre de la vie divine qui est en lui. Il ne s’agit pas d’un chemin d’héroïsme mais plutôt d’une recherche sensible d’un équilibre : «La vie divine renvoie à la vie très concrète et très charnelle avec ses présences, ses vertus, ses surprises, ses finesses et ses saveurs. Elle renvoie également à la vie très spirituelle avec sa sagesse, sa beauté, sa liberté et sa droiture. »

→ LIRE AUSSI. « Vouloir ainsi supprimer la mort est en réalité suicidaire »

La démonstration, qui ne fait pas l’économie d’une recherche philosophique exigeante, passe par Diogène et Socrate, Pascal et Héraclite, et d’autres encore. Qu’il s’agisse de l’être, de l’âme, c’est la dimension intérieure qui fait surgir la vie divine. « Certains la libèrent, d’autres pas. Quelque chose fait que nous sommes nous-mêmes. Souvent, trop souvent, on n’arrive pas à libérer ce quelque chose. Parfois, cependant, on y arrive. On a alors affaire à une manifestation étonnante. Enfin, on est soi. »

La promesse

Loin d’être une fuite, la vie divine conduit à la pleine existence, à une réelle présence au monde. Accédant à une « divine droiture » ou encore à une « divine liberté », l’homme peut goûter cette vie divine dans le concret des jours : « La vie divine n’est pas simplement une réalité perceptible dans la finesse de l’existence et les surprises que celle-ci peut réserver. Elle est aussi une façon d’être. »

→ LIRE AUSSISe questionner, c’est éveiller Dieu dans l’homme

« Nous sommes le monde. Le monde n’est pas en face de nous. Il est nous. La vie est en nous, non à l’extérieur de nous », insiste l’auteur, poussant la réflexion à une vision holistique du monde. Professeur à l’Institut Saint-Serge, à Paris, Bertrand Vergely invite ainsi à cette audace de « l’homme divin », qui s’appuie sur la promesse : « Dieu veut des dieux. » Alors, explique-t-il encore, « nous sentons que nous sommes éternels ». Quant à Dieu, précise-t-il, « Dieu est Dieu parce qu’il est Dieu. Il savoure d’être ce qu’il est. Il est la saveur infinie d’être Dieu. » Mais encore, « Dieu n’est pas ce que l’on croit. Il est la délicatesse même, la délicatesse étant la seule à être plus puissante que la puissance. »

« Dieu veut des dieux »  : un essai exigeant sur la quête de vie divine