Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

La Chine confirme ses velléités de conquête du monde,
menée par un Xi tout puissant | The Conversation

Emmanuel Véron, Institut national des langues et civilisations orientales – Inalco – USPC

Le 19e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) s’est achevé le mardi 24 octobre 2017 par la consécration du président XI Jinping, dont le mandat à la tête du parti est renouvelé, mais surtout, dont le nom et la pensée ont désormais été inscrits dans la charte du PCC. Un symbole fort qui élève Xi au rang de leader incontesté, au même titre que l’était Mao Zedong.

Or, ce leadership chinois sur le monde est bien ancré dans le programme politique du parti, fixé dans le cadre de ce 19e congrès pour les cinq prochaines années.

Pourtant la situation géopolitique demeure incertaine, voire instable : risques nucléaires en Corée du Nord, mouvements islamistes en Chine et à ses frontières, récessions économiques en Europe, en Amérique latine…

Malgré ces défis, la Chine entend s’engager encore plus sur la scène internationale, comme l’avait déjà exprimé Xi à Davos en janvier dernier, s’érigeant alors en apôtre du libre-échange.

Cette prise de position se veut une démonstration de la stabilité et de la montée en puissance du pays, qui espère maintenir un niveau annuel de croissance élevé, actuellement autour de 6 % du PIB.

Le 19e Congrès lance ainsi un nouvel élan dans l’ascendance de la puissance chinoise afin d’établir un niveau de superpuissance jouxtant celui des États-Unis.

Nouvelles technologies, innovations et enjeux climatiques sont ainsi devenus depuis quelques années des enjeux clefs pour Pékin.

Championne de l’environnement et du numérique

Dans la continuité des accords 2015 de Paris, le Parti-État a réitéré son engagement dans la protection de l’environnement notamment dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Cela se traduit par exemple par la mise en place d’un système de quotas d’émissions de carbone généralisé – des programmes pilotes existent déjà à travers le pays – mais aussi par la conquête des parts de marché dans le secteur de l’éolien et du photovoltaïque.

En prenant le leadership sur le climat, la Chine devance les États-Unis de Trump, qu’elle talonne déjà au niveau technologique, en particulier sur le digital et l’intelligence artificielle.

Dans ce secteur, les géants chinois (BATX, Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) devraient poursuivre leur expansion à travers le monde en particulier dans les pays en développement. Actuellement, Tencent et Baidu totalisent plus de 577 milliards d’euros et Jack Ma, patron d’Alibaba souhaite investir 15 milliards de dollars dans l’intelligence artificielle pour les trois prochaines années.

Déjà, le tourisme, les transactions bancaires, les paiements en ligne impliquent une utilisation régulière de ces « GAFA » chinois (acronyme utilisé pour les titans classiques du web, Google, Apple, Facebook, Amazon), une tendance qui pourrait se mondialiser.

Enfin, selon les récentes déclarations de Xi Jinping le secteur financier soutiendra l’industrialisation de pointe au même titre que les autres grands secteurs (énergie, infrastructures, transports…). La Chine pourrait ainsi rapidement concurrencer les pays occidentaux en termes de dépôts de brevet. Et avec le plan « Made in China 2025 » lancé en décembre 2016, le pays espère devenir le nouvel hub mondial pour les nouvelles technologies.

Cette concentration économique n’est pas sans arrière-pensée pour la place à prendre à l’échelle régionale.

Activisme et influence en Asie

La montée en puissance de la Chine depuis les années 1980 et sa restauration sur la scène internationale, un objectif quasi obsessionnel de la part de ses dirigeants – ne peuvent s’effectuer sans d’abord affirmer sa suprématie en Asie.

Cela se traduit par des stratégies visant à évincer les ambitions japonaises et à écarter l’Inde, sa grande rivale dans la région.

Pékin compte ainsi s’appuyer sur une politique commerciale et économique offensive, en se décrétant à la fois meneur et arbitre dans les conflits régionaux. Ces derniers sont principalement liés au non-règlement de frontières maritimes ou terrestres, tels que la mer de Chine méridionale ou les litiges himalayens sino-indien.

Cette « diplomatie du pourtour » selon le vocable chinois est très active et à géométrie variable. L’enjeu fondamental est d’éloigner au maximum la présence – militaire, diplomatique, économique- américaine en même temps que de développer des liens économiques et diplomatiques dans la région. Ainsi 80 % des exportations mongoles se dirigent vers la Chine. Les échanges commerciaux avec le Vietnam ont eux augmenté de 23,6% en un an, soit 47 milliards de dollars entre janvier et juin 2017. Et, malgré les risques sécuritaires, les affaires se poursuivent activement au Pakistan et en Corée du Nord.

La Birmanie, la Mongolie, une partie de l’Asie du Sud-est et de l’Asie centrale fournissent aussi à la Chine quantité de ressources naturelles (minéraux, charbons), consolidant la position de Pékin qui s’érige en suzerain. L’ancizn Empire s’assure ainsi des partenaires fidèles qui lui éviteront une trop grande dépendance au détroit de Malacca par lequel transit une part importante des ses approvisionnements (hydrocarbures et marchandises).

Ces stratégies illustrent parfaitement la pensée de Xi Jinping qui a, durant son premier mandat, proposé la « renaissance de la nation chinoise » et la création d’une « communauté de destin » pour l’Asie (et plus largement pour le monde).

Cette « communauté » devrait se traduire par les nouvelles routes commerciales tracées au-delà du seul espace asiatique.

Tisser les nouvelles routes de la soie

Lancé à la fin de l’année 2013, le projet des nouvelles routes de la soie permet à la Chine de rester au cœur de la globalisation tout en ignorant les États-Unis et le Japon. Le projet prévoit de financer plus de 900 grands travaux d’infrastructures à travers l’Eurasie et l’Afrique à hauteur de 800 milliards d’euros.

Les «routes» sont particulièrement soutenues par la création ou la diversification d’importantes institutions financières depuis 2012 : banque asiatique d’investissement – qui se veut une alternative à la Banque mondiale et qui siège à Pékin –, élargissement de l’Organisation de Coopération de Shanghai à l’Inde et le Pakistan (là aussi, le siège est à Pékin) et à Shanghai la New Development Bank pour financer les BRICs. Ces structures sont accompagnées d’accords commerciaux importants dans la région ainsi que la mise en place en 2016 d’une zone de libre-échange Asie Pacifique.

Ces gigantesques réserves de capitaux (plus de 2 000 milliards de dollars) sont en partie destinées à investir dans des régions moins développées (continent africain), mais aussi au sein de pays mieux dotés. C’est la stratégie européenne de la Chine.

Stratégie européenne

L’Europe est perçue par Pékin comme stable et prospère (bassin important de l’innovation, notamment en terme de brevet) et dans le prolongement continental eurasiatique, cible du projet chinois.

Cependant, l’Union européenne est perçue de manière plus hétérogène. La Chine joue sur ses liens particuliers avec les trois grandes puissances : Allemagne, Royaume-Uni et France ; mais également avec les pays d’Europe centrale et orientale. La stratégie consiste en une maîtrise accrue des points d’entrée et de sortie de l’UE (ports, aéroports : Le Pirée, Toulouse Blagnac, Klaipedia, etc.) pour mieux contrôler la géoéconomie européenne.

Les pays émergents et en voie de développement sont également intégrés au schéma stratégique essentiellement pour des logiques d’acquisitions de ressources naturelles et de diplomatie.

Avec les économies émergentes, la Chine oscille entre une diplomatie du chéquier et celle du fait accompli. Elle participe à la construction d’infrastructures en échange de soutien politique dans les instances multilatérales et d’accès privilégié aux ressources naturelles.

Une armée chinoise d’envergure

Le 19e congrès a également évoqué la poursuite de la modernisation et des réformes des armées.

Les ambitions de modernisation se situent principalement sur la montée en gamme qualitative des armées, une restructuration des forces et meilleure capacité opérationnelle.

Les dépenses budgétaires, autour de 200 milliards de dollars par an en 2016 (là où les États-Unis dépensent plus de 600 milliards par an) font de la Chine la seconde puissance militaire mondiale, malgré des incertitudes sur les capacités opérationnelles, l’interamisation et le comportement au combat. Les domaines du maritime, du cyber et de la balistique sont parmi les mieux dotés.

Nouvelle gouvernance mondiale incertaine

L’établissement de la superpuissance chinoise comporte de nombreux risques et incertitudes. En renforçant son autorité au sein du Parti et sur la scène internationale, Xi envoie également un message aux dissidents, opposants et voix s’élevant, en Chine et ailleurs, à l’encontre du régime.

Les cinq prochaines années verront l’établissement durable de capitaux chinois pour la construction d’une véritable armature structurant l’environnement régional de Pékin et des points d’ancrage/portes d’entrée solides à travers l’Europe, l’Afrique et l’Amérique Latine. L’ambition chinoise est un projet long et progressif, patient et obstiné, inscrit dans un cadre de rivalité stratégico-militaire avec les États-Unis. La France et l’Europe se doivent de suivre intelligemment cette ascension.

Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur, responsable de la géographie et de la géopolitique à l’Inalco, Institut national des langues et civilisations orientales – Inalco – USPC

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

Politiques identitaires et mythe du «grand remplacement» | The Conversation

 

Dans un tome récemment paru des Cahiers noirs, Heidegger se réclamait de la métapolitique qui doit selon lui remplacer la philosophie (Gesamtausgabe, t. 94, 2014, p. 115). La métapolitique connaît aussi un regain d’intérêt dans une certaine gauche radicale (voir par exemple Alain Badiou, Abrégé de métapolique, Paris Seuil, 1998).

 

Hommage aux victimes à Christchurch, après l’attentat de mars 2019. Wikipédia

François Rastier, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

La métapolitique séduit largement, car elle subordonne la politique à un mythe ou à une théologie qui transcende les contingences historiques. Qu’il soit nationaliste, ethnique ou racial, l’irruption de ce mythe dans l’histoire s’accomplit dans un bain de sang, comme l’a souligné en 1945 Ernst Cassirer dans Le mythe de l’État.

Par exemple, le plan général des nazis pour l’Est (Generalplan Ost), affirmait que les Allemands « de souche » avaient été remplacés par les juifs et les Slaves, et qu’il fallait donc exterminer les juifs, déporter les Slaves et établir à nouveau des paysans allemands dans les territoires ainsi libérés, de la Baltique à la Crimée.

La purification raciale fut d’abord le but explicite des Lois de Nuremberg promulguées en 1935, élaborées sous la responsabilité d’une commission dirigée par Hans Frank et dont Heidegger était membre. Pour protéger le peuple allemand et sa « santé héréditaire », les nazis justifiaient les massacres par la nécessité d’un eugénisme actif, tant racial que culturel, tant biologique que spirituel. En effet, selon eux, l’identité d’un peuple peut être détruite par son adultération génétique comme par une invasion qui le prive du territoire où il est enraciné. L’image horrifique de l’étranger violeur synthétise encore ces deux périls.

Références et maîtres à penser

Pour les identitaires, le mythe nazi demeure une source d’inspiration, revendiquée plus ou moins ouvertement selon les publics et les situations. En 1983, le groupe terroriste The Order forgea le slogan des « 14 mots », adapté ainsi en français : « Nous devons assurer l’existence de notre race et un futur pour les enfants blancs », slogan notamment repris en avril 2019 par l’attaquant d’une synagogue près de San Diego et par Brenton Tarrant, auteur du massacre dans les mosquées de Christchurch.

Quand en 2013 le militant néonazi Dominique Venner se suicida spectaculairement dans Notre-Dame de Paris, il laissa en ligne un ultime post consacré à… Heidegger ; et Radio Courtoisie diffusa le lendemain une lettre où il écrivait : « Je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations ». Peu après, Marine Le Pen, rendait ainsi hommage à ce militant : « Respect à Dominique Venner, dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple français ».

En février 2015, Martin Sellner, fondateur et dirigeant du Mouvement identitaire autrichien (Identitäre Bewegung Österreichs), à l’aile droite du FPÖ, publiait dans la revue d’extrême droite Sezession, un article intitulé « Mon chemin de pensée vers Heidegger ». Il y loue sa « métapolitique », et se réfère à Guillaume Faye, le négationniste fondateur des Annales d’histoire révisionniste, où Faurisson publia les lettres de soutien qu’il avait reçues de Jean Beaufret, principal initiateur de l’école heideggérienne en France.

Nouveau Saint Paul, Sellner évoque aussi son « chemin de Damas » avec Heidegger (p. 8). Dans le même numéro spécial Heidegger, Sellner voisine avec Ernst Nolte, historien révisionniste élève du Maître et fondateur reconnu de l’école révisionniste allemande. Par ailleurs, Sellner se réfère aussi à Dominique Venner, Alain de Benoist et Alexander Douguine, eurasiste radical, auteur de plusieurs livres à la gloire de Heidegger, et qui demandait récemment l’extermination des Ukrainiens.

Proche de l’extrême droite allemande, inspiré par Génération identitaire en France et CasaPound en Italie, Sellner a d’abord multiplié les pèlerinages sur les tombes de la Wehrmacht. Son mouvement s’est fait connaître par des profanations de bâtiments religieux accueillant des réfugiés, des attentats contre les permanences du parti socialiste SPD, dont la tiédeur sociale-démocrate ne semblait pas appeler de telles violences, et des actions commando contre l’Université et le Burgtheater de Vienne pour empêcher la représentation d’un spectacle d’Elfriede Jelinek, coupable non seulement d’être prix Nobel, antinazi et de père juif, mais de mettre en scène des réfugiés. L’attaque du théâtre fut alors présentée comme « pacifique » (friedlich) par Heinz-Christian Strache, dirigeant du FPÖ et alors en passe de devenir vice-chancelier.

Or, après le meurtre de masse (51 victimes) commis à Christchurch par Brenton Tarrant, on apprit que ce terroriste néonazi s’était rendu en Autriche en 2017, entretenait avec Sellner une correspondance militante, échangeait avec lui des invitations amicales et avait même financé son mouvement. Comme lui, il est vrai, Sellner propage la thèse de la substitution des populations (Bevölkerungsaustausch), engageant les blancs à une lutte pour la vie. Son mouvement dissous et sous la menace d’un procès, Sellner prodigue à présent des menaces voilées, déclarant par exemple : « Si l’on ne nous écoute pas, la société sera de plus en plus radicalisée. Je ne me sentirai pas du tout responsable si une fusillade avait lieu en Autriche » (Le Monde II, 18 mai 2019).

En France aussi

Bien entendu, la France n’est pas absente de l’internationale néo-nazie. Brenton Tarrant a intitulé Le grand remplacement (The Great Replacement) le texte de 74 pages qu’il a mis en ligne avant de commettre son crime et qui finit par cet adieu au lecteur : « Je vous verrai au Valhalla ». L’éditeur véloce de la traduction française présente ainsi l’auteur : « Celui-ci explique ici les raisons de son passage à l’acte en invoquant notamment les thèses françaises de Renaud Camus à propos du “grand remplacement” ou encore du “génocide blanc”. L’influence de la situation française est au cœur de son œuvre, notamment dans son analyse de la politique et des rapports avec les musulmans en France ».

Lors de son voyage en Europe, Tarrant avait été catastrophé par la victoire du « mondialiste » Macron contre Marine Le Pen. Elle milite en effet contre le grand remplacement, bien qu’elle s’en défende à l’occasion. En 2011, elle questionnait : « Comment pourrions-nous nous satisfaire de voir nos adversaires poursuivre leur œuvre de ruine morale et économique du pays, de le livrer à la submersion par un remplacement organisé de notre population ? ». En septembre 2018, dans un meeting à Fréjus, elle répétait : « Jamais dans l’histoire des hommes, nous n’avons vu de société qui organise ainsi une submersion irréversible et d’une ampleur non-maîtrisable qui, à terme, fera disparaître, par dilution ou substitution, sa culture et son mode de vie. ».


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Par solidarité avec l’extrême droite française, Brenton Tarrant a également financé Génération identitaire, le mouvement de jeunesse du parti Les identitaires (ancien Bloc identitaire), ce que son porte-parole, Romain Espino, a fini par reconnaître.

Comme avant lui Anders Breivik qu’il a pris pour modèle, Brenton Tarrant a puisé dans la symbolique nazie, ornant par exemple ses armes et son manifeste d’une roue runique, ou « Soleil noir », signe ésotérique de l’Allemagne secrète qui orne au château SS de Wewelsburg la salle d’apparat des Obergruppenführer. Mais il a prodigué d’autres signes de reconnaissance : quand il a diffusé en direct son massacre sur Facebook live, il a fait le signe des suprématistes blancs : le pouce et l’index arrondis ensemble pour dessiner un P, les trois autres doigts levés, pour dessiner un W, soient les initiales de white power.

Quelques semaines après, en Estonie, le néonazi Ruuben Kaalep, élu du parti EKRE, membre de la coalition au pouvoir, recevait Marine Le Pen et diffusait un selfie où tous deux font ce même signe suprématiste. Le 15 mai, sur France Inter, Marine Le Pen se disculpait toutefois en interprétant ce signe comme le OK des « plongeurs de combat », et en précisant que son hôte n’était pas un « suprématiste blanc », mais un « suprématiste finno-ougrien », nuance euphémique que le lecteur appréciera pleinement.


François Rastier a récemment publié « Heidegger, Messie antisémite. Ce que révèlent les Cahiers noirs » (Le bord de l’eau, 2018) et « Faire sens. De la cognition à la culture », Garnier Classiques, 2018).

François Rastier, Directeur de recherche, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

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Mali: qui est derrière l'attaque de Sobane?

Des politiques et des habitants se tiennent près des cendres le 11 juin 2019 dans le village de Sobane, près de Sangha au Mali, après la tuerie du 9 juin 2019.
© STRINGER / AFP

Le Premier ministre malien Boubou Cissé s'est rendu ce mardi dans le village de Sobane endeuillé par la tuerie du 9 juin, dont le bilan de 95 morts pourrait être revu à la baisse par Bamako. Le massacre dans ce village du pays Dogon n'a pas été revendiqué. Aucune piste n'est écartée pour déterminer l'identité des assaillants.

Les autorités maliennes restent prudentes. Faute de revendication, pas question d'être affirmatif, même si ceux qui se sont exprimés jusqu'ici imputent le massacre de Sobane à des « terroristes ». Sous-entendu : les hommes du prédicateur Amadou Koufa, pour ne pas les citer. La zone d'action, le mode opératoire et les armes décrites par les témoins de l'attaque abondent en ce sens.

Quelles pourraient alors être les motivations de la katiba Macina ? Le chercheur Baba Dakono émet une hypothèse : les jihadistes auraient pu monter l'opération pour attiser les conflits intercommunautaires afin d'offrir par la suite leur protection aux villageois. Si tel était le cas, l'attaque ne serait pas revendiquée. Les jihadistes ont-ils voulu se venger ? À ce stade, « on ne peut rien exclure », ajoute le chercheur de l'Institut d'études de sécurité. D'autant que beaucoup d'acteurs sont devenus des « entrepreneurs » du conflit.

Parmi eux, les milices d'autodéfense qui profitent de la situation pour commettre des crimes. Passée celle, plus visible et bien organisée, de Dan Nan Ambassagou, présente dans le cercle de Bandiagara, il existe dans la région plusieurs groupes d'autodéfense : celui de Ségou, celui de Djenné et plus au sud, les chasseurs du Cercle de sang. Des organisations très mobiles qui n'ont pas été dissoutes, en dépit de la consigne des autorités après le massacre d'Ogossagou.

On est vraiment tristes. Ils ont tué nos camarades, nos frères et sœurs.


►À lire aussi : Mali: vive émotion et de nombreuses questions après le massacre de Sobane

[Chronique] Shoah et esclavage :
comparaison est déraison

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Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè

En évoquant la concurrence des mémoires, samedi soir lors d'une émission de grande écoute à la télévision française, la « chroniqueuse » Christine Angot a esquissé une hiérarchie entre le traumatisme de la Shoah et celui de l’esclavage. Certains y ont lu une banalisation de la traite négrière…

Dans l’émission « On n’est pas couché » diffusée samedi 1er juin sur la chaîne publique France 2, l’écrivain Christine Angot évoquait la « différence fondamentale » induite des déroulements respectifs de l’esclavage et de la Shoah : « le but avec les Juifs pendant la guerre, ça a bien été de les exterminer », alors qu’à l’époque de « l’esclavage des Noirs envoyés aux États-Unis », l’idée « était qu’ils soient en pleine forme, en bonne santé pour pouvoir les vendre ».


>>> À LIRE – Quand l’esclavage enrichissait Bordeaux : visite guidée des vestiges du passé trouble de la ville


Pour leurs tortionnaires respectifs, les uns auraient été considérés comme des déchets à négliger, les autres comme un capital à entretenir, d’où une différence de traitement des différents déportés. En dénonçant la théorie du « tout se vaut », la chroniqueuse entendait hiérarchiser les traumatismes historiques.

900 saisines du CSA et des excuses

Christine Angot a-t-elle convaincu que la concurrence des mémoires est prétexte à des rancœurs victimaires stériles ? Sans doute peu, alors que d’autres idées plus nauséabondes ont été évoquées lors de cette émission. Il en est ainsi de la formule lapidaire « c’était exactement le contraire », qui peut suggérer plus qu’une banalisation de la Traite.

De même, évoquer des esclaves « en bonne santé » – dans un débat qui ne concernait qu’un livre de Franz-Olivier Giesbert sur la période de l’Holocauste – , ne pouvait que susciter la mise au point des historiens de l’esclavage. Ces derniers rappellent qu’un dixième des Africains enlevés mouraient dans les cales des navires ou que l’espérance de vie dans les plantations était de huit ans. En quoi le souvenir de siècles de coups de fouet est-il devenu moins traumatisant, dès lors que fut inaugurée la première chambre à gaz ?

La controverse aura au moins démontré le risque d’une parole à la lisière de plusieurs disciplines intellectuelles

Si Christine Angot n’est censément pas « négrophobe », sa saillie ne pouvait que débrider d’autres négationnismes tapis dans l’ombre des réseaux sociaux… Après 900 saisines de téléspectateurs auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’intéressée a présenté ses excuses pour des propos « absurdes ». La controverse aura au moins démontré le risque d’une parole à la lisière de plusieurs disciplines intellectuelles. La sienne navigue maladroitement entre licence littéraire et examen historique, ultime ingrédient du ragoût médiatique d’un programme dont on ne sait plus s’il est trop ambitieux ou pas assez.

Peu entendu à force d’être attendu, l’animateur Claudy Siar a souligné avec justesse la nécessité de relier les traumatismes par une solidarité humaniste, sans banaliser certaines douleurs par une hiérarchisation stérile. Et de conclure en faisant remarquer que, bien souvent, les déportés de la Traite ou de la Shoah étaient pareillement chosifiés par des tatouages…

Migrants : quand les mots décident du destin
| The Conversation

« Le langage construit la perception que l’on a du monde ». L’expression, formulée par les chercheuses Marie Veniard et Laura Calabrese, s’adapte parfaitement à la question des réfugiés et des migrants en Europe.

Dans les discours (politiques, médiatiques, administratifs, etc.), on découvre ainsi les différentes acceptions et la construction des catégories qui se cachent derrière les termes réfugié versus migrant.

Amandine Van Neste-Gottignies, Université Libre de Bruxelles

Contrairement au statut de « réfugié » défini dans la Convention de Genève de 1951, certaines de ces catégories construites discursivement n’ont aucune valeur juridique puisqu’elles ne sont pas définies dans des textes légaux (« réfugié économique », « réfugié légitime »). Elles peuvent, par contre, devenir de puissants instruments politiques se matérialisant parfois dans la pratique des institutions en charge des questions migratoires.

C’est ce que révèle notre enquête de terrain menée entre 2014 et 2017 dans deux centres d’accueil pour demandeurs d’asile en Belgique. Dans ces contextes pourtant sous pression, les travailleurs sociaux résistent ainsi aux injonctions politiques visant à traiter différemment ces personnes en fonction des catégories auxquelles elles sont assignées et de ce que ces dernières recouvrent.

Mais notre enquête a tout d’abord exigé de comprendre les termes utilisés.

« Réfugié » ou « migrant » ?

Des chercheurs ont ainsi montré que dans les discours médiatiques et politiques, le « réfugié méritant » (« raisons politiques »/« migration forcée ») est plutôt connoté positivement alors que le « migrant peu méritant » (« raisons économiques »/« migration volontaire ») est connoté négativement.

Au-delà de cette opposition binaire (« migrants » versus « réfugié »), une dichotomie s’opère au sein même de la catégorie « réfugié ». Le « réfugié légitime » devient alors, dans la perception et les discours de certains celui qui a le droit de rester dans le pays d’accueil tandis que le « réfugié illégitime » est alors apparenté au « migrant économique » et/ou à un « faux réfugié ».

Les exemples dans les discours politiques sont nombreux comme l’illustre l’allocation de François Fillon à la télévision lors des présidentielles françaises de 2017 :

« On n’est pas en présence, pour l’essentiel, de réfugiés. En tout cas, pas de réfugiés au sens politique, qui fuyaient un régime. Il y a une partie de ces hommes et de ces femmes qui fuyaient la guerre en Syrie, bien sûr. Mais l’immense majorité de ces réfugiés sont en réalité des hommes et de des femmes qui fuient la pauvreté. »

« Réfugié économique », une expression ancienne

Cette distinction entre « réfugié légitime » et « réfugié illégitime » a également mené à l’émergence d’une nouvelle dénomination, le « réfugié économique » considéré a priori comme un « faux réfugié ».

En dépouillant les Archives générales du Royaume belge de la Police des Étrangers, j’ai retrouvé le terme « réfugié économique » dans un dossier relatif à la conférence internationale pour le droit d’asile qui s’est tenue à Paris en 1936.

La dénomination avait été utilisée pour nommer un groupe d’étrangers d’origine polonaise présent en Belgique et ne jouissant pas de la protection du gouvernement polonais :

« Ce sont généralement des circonstances économiques » qui les auraient menés à quitter la Pologne. Ils seraient donc devenus apatrides « par leur faute […] ce sont donc des réfugiés économiques […] qu’il ne convient pas d’inclure dans la conception du “réfugié” ».

Lettre datée du 22 septembre 2015, rédigée en arabe et en anglais. Elle a été envoyée nominativement aux demandeurs d’asile irakiens résidant dans les centres d’accueil. RTBF, Author provided

La manière dont sont représentés, catégorisés, dénommés les réfugiés compte. En effet, le réfugié – tout comme l’étranger, le migrant, etc. – est une catégorie de l’altérité, une manière de nommer l’« Autre » issue d’une construction sociale complexe. Comme l’ont montré des études dans le domaine de la psychologie sociale, la manière avec laquelle nous catégorisons les individus – ce qui s’exprime sous la forme de dénominations – participe à la formation de l’identité, les nôtres et celles des autres.

Ces catégorisations sont aussi véhiculées, instrumentalisées et énoncées par des figures d’autorités : politiciens, médias et institutions, comme nous l’avons observé au sein de centres d’accueil belges.

Le retour volontaire : une information destinée à certains plus qu’à d’autres

À travers cette enquête, nous dévoilons que la communication écrite sur le retour volontaire (site web, brochures d’information, lettres, etc.) est différenciée selon le pays d’origine des demandeurs, alors que légalement le traitement de ces derniers doit être égalitaire.

En effet, il est clairement apparu que la communication sur le retour volontaire s’est faite plus volontiers vers les Marocains, Afghans et Irakiens.

Lettre datée du 2 juin 2016, rédigée en dari et pachto, envoyée aux Afghans dans les centres d’accueil. Author provided

Les lettres envoyées par le Secrétaire d’État belge à l’Asile et à la Migration, Theo Francken (N-VA), aux demandeurs d’asile d’origines afghane et irakienne en sont d’ailleurs une parfaite illustration.

Écrites en plusieurs langues – dari, pachto, arabe et anglais –, ces lettres ont été envoyées directement à certains demandeurs d’asile dans les centres d’accueil en 2015 et 2016.

Elles visaient à encourager le retour volontaire et à dissuader la poursuite de la procédure d’asile en Belgique.

La Ligue des Droits de l’Homme estime que ce type de message est discriminatoire par le fait qu’il

« ne vise qu’une nationalité, sans que cette discrimination soit proportionnée et fondée sur de justes motifs ».

Sans mention du pays d’origine, la note de politique générale belge sur l’asile et la migration de 2017 justifie cette différenciation :

« Un demandeur d’asile n’est pas l’autre. […] Cette forte divergence sur les perspectives de séjour signifie qu’une communication uniforme n’est pas la façon la plus appropriée d’informer […] »

Accueillir d’une main, rejeter de l’autre

L’envoi de ces lettres a suscité un certain malaise dans les centres d’accueil. Une assistante sociale m’explique que ce sont les travailleurs qui ont distribué le courrier sans en connaître le contenu, ce qui a engendré de la « peur » chez les demandeurs d’asile. Un réfugié d’origine afghane raconte sa confusion suite à la réception du courrier :

« I was really really sad and a little bit angry […]. I went to my social assistant and I said “come on, why you do that” […] but I don’t believe that ».

En s’insérant au sein même de la relation, la parole politique tente d’imposer sa vision aux travailleurs de l’accueil les obligeant à se soumettre à un double positionnement : accueillir d’une main, rejeter de l’autre. L’envoi de lettres de cette nature peut donc étioler la confiance fragile qui se construit entre travailleur social et demandeur d’asile.

Le réfugié syrien comme figure légitime

D’après Benjamin De Cleen – chercheur en communication de la Vrije Universiteit Brussel – et ses collègues, certains partis politiques auraient donc tendance à limiter la catégorie de « réfugié » aux demandeurs d’asile d’origine syrienne alors que les demandeurs d’asile issus d’autres pays, à l’instar des Irakiens ou des Afghans, auraient été largement exclus de cette catégorie.

Pour la sociologue Karen Akoka, si le demandeur d’asile syrien représente aujourd’hui la figure légitime du « réfugié », c’est en raison, d’une part, de ses ressemblances sociologiques avec les classes moyennes européennes et d’autre part, du contexte géopolitique et idéologique dans lequel les Syriens fuient.

La communication sur le retour différenciée selon le pays d’origine, fragilise donc davantage certains groupes encouragés à retourner volontairement dans leurs pays et contribue à façonner la figure moderne du « réfugié légitime » ayant le droit de rester.

Amandine Van Neste-Gottignies, Doctorante en communication, Université Libre de Bruxelles

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