Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Massacre de 2009 en Guinée : près de 8 millions
d’euros prévus pour le procès à Conakry

| Par AFP

Le procès du massacre du 28 septembre 2009 dans le stade de Conakry aura lieu dans un ancien cinéma de la capitale guinéenne, a annoncé vendredi à la presse, le ministre de la Justice, Cheick Sako.

A la veille du neuvième anniversaire du massacre, cinq ONG guinéennes et internationales avaient réclamé « que les juges soient nommés et qu’un calendrier soit établi », conditions requises selon elles « pour que ce procès emblématique puisse s’ouvrir en 2019 et que ses 13 inculpés soient enfin jugés ».

Mais le ministre n’a pas fourni de date, à l’issue d’une rencontre avec le comité de pilotage sur l’organisation du procès.

« Il avait été question de délocaliser ce procès à Siguiri, près de la frontière malienne ou Boké, près de la frontière avec la Guinée-Bissau, mais tout cela n’a pas été retenu par tous les membres du comité de pilotage », a précisé M Sako.



« Nous avons préféré pour des raisons de sécurité tenir ce procès à Conakry, dans une salle de l’ex-cinéma Liberté », a dit le ministre.

Budget soumis à l’Assemblée nationale

Un budget prévisionnel de plus de 78 milliards de francs guinéens (7,8 millions d’euros), dont 77% à la charge du gouvernement, a été confectionné et sera soumis à l’Assemblée nationale, a indiqué le ministre, sans préciser de date.

D’autres contributions sont attendues des Etats-Unis et de l’Union européenne notamment. »C’est un procès qui va durer de 4 à 6 mois », avait affirmé le ministre en août.

Le 28 septembre 2009, des militaires avaient tué au moins 157 personnes et violé 109 femmes, dans un stade de Conakry où étaient rassemblés des milliers d’opposants à la candidature à l’élection présidentielle du chef de la junte de l’époque, Moussa Dadis Camara, selon une commission internationale d’enquête de l’ONU.

Moussa Dadis Camara vit en exil au Burkina Faso, où il a été inculpé en juillet 2015 par des magistrats guinéens pour son implication présumée dans le massacre. Son ancien aide de camp, Aboubakar Sidiki Diakité, dit Toumba Diakité, extradé du Sénégal vers la Guinée en mars 2017, fait également partie des prévenus.

Violences en milieu scolaire au Sénégal:
un rapport de HRW très critiqué

Des jeunes filles reviennent de l'école, au Sénégal (image d'illustration).
© AFP PHOTO / SEYLLOU

Au Sénégal, le rapport de Human Rights Watch publié le jeudi 18 octobre, qui dénonce la domination des professeurs sur les collégiennes fait réagir les autorités. Après avoir enquêté et interrogé 160 jeunes filles, l'organisation de défense des droits humains estime que les violences, notamment sexuelles et les abus des professeurs sur leurs élèves sont généralisés. Dans un communiqué, le ministère de l'Education nationale dénonce la qualité de cette enquête qui ne repose, selon les autorités, sur aucune base scientifique.

Pour le gouvernement, il n'y a rien à garder dans le rapport de Human Rights Watch (HRW) car la démarche n'est pas scientifique et ses conclusions sont donc erronées, estime Marie Siby Faye, la porte-parole du ministère de l'Education : « Pour nous, ce rapport est faux dans la mesure où le ciblage n’est pas bon. On ne sait pas sur quelle base ces lycées et collèges ont été choisis, sur quelle base ces filles ont été choisies. En tout cas, nous ne considérons pas ce rapport comme un rapport objectif, scientifiquement mené pour des résultats qui peuvent servir au système éducatif sénégalais ».

Des enquêtes seront menées

Dans son communiqué, le ministère de l'Education ne donne aucune indication sur le sort des 160 jeunes filles qui affirment avoir subi des violences sexuelles dans leur collège. Marie Siby Faye indique que des enquêtes seront menées : « Je ne dis pas que ce qu’elles racontent est faux, mais je dis qu’on ne peut pas se baser sur 168 filles pour dire, "voici la situation au Sénégal" ».

Colère des syndicats des professeurs

« Ce que nous voulons, poursuit Marie Siby Faye, c’est la vérité des faits. Nous ne pouvons pas accepter qu’une catégorie des acteurs de l’Education soient stigmatisés ». Ce rapport de Human Rights Watch provoque aussi la colère des syndicats des professeurs qui réfléchissent au dépôt d'une plainte.

À quoi ressemblent les trois visages du racisme ?
Axelle Mag

L’actualité charrie son lot de drames et d’injustices. De multiples agressions racistes ont récemment fait la une des médias belges. À juste titre, l’opinion s’émeut. Mais quand il faut identifier les coupables, c’est plus compliqué. Les politiques accusent les individus isolés et leur « bêtise ». Les médias pointent du doigt des politiques irresponsables ou des internautes semant leur haine anonyme sur les réseaux sociaux… Bref : ce n’est jamais de « notre » faute… Pourtant, la responsabilité est largement collective. Mais pour le comprendre, il faut avoir décodé les différents visages et les différents niveaux du racisme. Nous tentons d’expliquer cette complexité en dessins, forcément schématiques, extraits de notre hors-série paru cet hiver : « Racisme en Belgique. Solidarités de femmes ».

Les trois visages du racisme © Marie Leprêtre pour axelle magazine

L’agression raciste et sexiste d’une femme musulmane à Anderlues ; des attouchements et insultes de femmes afrodescendantes au festival de musique Pukkelpop par des jeunes hommes qui entonnaient en même temps des chants faisant l’apologie de l’entreprise coloniale ; un adolescent afrodescendant poussé sur la voie ferrée en gare d’Aarschot ; une présentatrice météo qui reçoit quotidiennement des insultes racistes… Ces dernières semaines, les médias ont rendu visible le quotidien des personnes racisées vivant dans notre pays. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Ces actes et ces propos ne sont pas anodins, ce ne sont pas des faits isolés. C’est la manifestation d’un héritage qui dépasse celui de l’histoire coloniale belge et qui perpétue une mécanique raciste : aujourd’hui encore, faut-il le dire et le redire (en fait, il faut surtout l’entendre !), le racisme fait des terribles dégâts.

C’est quoi, le racisme ?

Comme le patriarcat ou le capitalisme, le racisme est un « système de domination ». Concrètement, c’est une organisation de la société à partir de croyances (les « préjugés », par exemple) et de pratiques qui vont définir, classer et hiérarchiser des groupes sociaux entre eux. L’objectif d’un système de domination ? C’est d’imposer la domination d’un groupe social sur l’autre. Schématiquement, dans le cas du patriarcat, c’est la domination des hommes sur les femmes. Dans le système capitaliste : les riches sur les pauvres. Et évidemment, pour le racisme, la domination des « blanc·he·s » sur… sur qui, d’ailleurs ? Sur celles et ceux que le groupe dominant appelle « autres ». Les critères pour « classer » les « autres » peuvent varier : la carnation de peau, la religion, le pays d’origine, la langue…

Cette organisation inégalitaire touche absolument tous les domaines de la vie individuelle et sociale : la famille ; la santé mentale ; les représentations que l’on se fait de soi, de son histoire ; l’école ; les études ; l’emploi ; les relations aux institutions comme la Police (même quand on est victime de violences conjugales…) ou la migration ; les médias

Enfin, certaines personnes vivent au croisement de plusieurs de ces systèmes (qui peuvent, dans certains cas, avoir une histoire commune…) : comme la femme attaquée à Anderlues, qui a été victime d’une agression à la fois parce qu’elle est musulmane (d’autant plus « visiblement » aux yeux de ses attaquants qu’elle portait le foulard) et parce qu’elle est une femme.

Les trois visages du racisme

Le racisme est complexe et revêt plusieurs visages : il peut être hostile, invisible ou paternaliste.



Le racisme hostile © Marie Leprêtre pour axelle magazine

Le « racisme hostile » est la forme de racisme que l’on analyse le plus facilement. L’« autre » est perçu·e comme une menace dont il faut se protéger. Sa seule présence nous agresse : on montre du doigt, on dévisage, on insulte. Cette forme de racisme suscite un discours inquiet : « ils sont partout », « tous des terroristes », « tous des voleurs », etc.

Quant au « racisme invisible », il est paradoxalement très répandu : l’« autre » est invisible, on ne lui parle pas, on ne la/le voit pas. La réaction n’est plus le regard haineux ou l’injure, comme dans le cas du racisme hostile, mais l’indifférence et le silence. C’est par exemple, dans la salle d’attente d’un médecin qui reçoit pourtant ses autres patient·es, une femme portant le voile, qui s’entendra dire après plusieurs heures d’attente : « C’est trop tard, les consultations sont finies. »

Le racisme paternaliste © Marie Leprêtre pour axelle magazine

Enfin, le « racisme paternaliste » est sans doute la forme de racisme la plus difficile à percevoir car parfois, elle se confond avec de « bons sentiments », mais elle contribue pourtant à alimenter la mécanique raciste. L’« autre » est considéré·e comme un·e enfant, immature ou malade. Elle/il a besoin d’un·e tuteur ou tutrice et ne peut pas faire les choses tout·e seul·e. C’est, par exemple, interrompre une réunion de parents d’élèves en s’adressant lentement à la seule personne noire présente et lui demander si elle a bien tout compris, supposant d’emblée qu’elle est non francophone, voire non alphabétisée.

Les trois niveaux du racisme

On a tendance à penser que le racisme est une question individuelle : certaines personnes sont racistes, les autres non. Il suffirait donc de lutter contre les préjugés pour venir à bout du racisme. Toutefois, le racisme se joue à différents niveaux…



Le racisme au niveau individuel © Marie Leprêtre pour axelle magazine

Lorsqu’une femme portant le foulard est insultée en rue, on est à un niveau individuel.



Le racisme au niveau institutionnel © Marie Leprêtre pour axelle magazine

Mais lorsqu’une agence immobilière ou une agence pour l’emploi filtre les candidatures pour exclure de facto celles des personnes racisées, on bascule dans le niveau institutionnel. Car ce refus ne vient pas uniquement d’une personne en chair et en os, mais aussi de l’organisation pour laquelle elle travaille et dont elle répercute les consignes – explicites ou non.



Le racisme au niveau global © Marie Leprêtre pour axelle magazine

Enfin, le racisme peut être véhiculé par les structures et par les discours qui organisent la société. Quand, par exemple, un haut fonctionnaire d’État tient des propos dénigrants sur les personnes migrant·es, propos par la suite répercutés (même de façon critique) dans tous les médias, on est dans ce niveau global.

Ces différents degrés se combinent et se renforcent. Lutter contre le racisme, c’est donc agir sur tous les fronts.

Source : À quoi ressemblent les trois visages du racisme ? – Axelle Mag, Collectif, N°211Septembre 2018

Vaut-il mieux donner du travail aux femmes ou aux personnes immigrées?

Les États confrontés à une pénurie de main-d’œuvre se focalisent souvent sur l’un ou l’autre groupe, alors qu’il n’est pas forcément obligatoire de choisir.

Et pourquoi pas les deux? | Rawpixel via Unsplash License by
Et pourquoi pas les deux? | Rawpixel via Unsplash License by

Avec l’allongement de la durée de vie, l’espoir de financer les systèmes de retraite et de santé s’amenuise, à moins que les êtres humains ne deviennent de plus en plus nombreux à gagner de quoi vivre et à payer des impôts.

C’est la raison pour laquelle, dans le monde entier, toutes sortes de pays tentent d’augmenter la part de la population active. Et ils ciblent pour cela les deux groupes susceptibles d’avoir les plus gros potentiels d’employabilité: les femmes et les personnes immigrées.

 

Viviers identifiés

Dans les pays riches qui constituent l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), il existe encore un écart important entre la participation des hommes et des femmes au marché du travail: en 2017, si 76% des hommes en âge de travailler avaient un emploi payé, ce n’était le cas que de 60% des femmes. Dans les pays en développement, ce pourcentage est encore plus bas. En somme, il devrait y avoir une foule de femmes susceptibles de rejoindre le marché du travail.

Sur le front de l’immigration, il existe également des écarts considérables en termes de nombres de personnes actives entre les pays riches et les pays en développement, ce qui donne aux pays pauvres comptant une population importante mais peu d’emplois la possibilité d’envoyer des compatriotes dans des pays riches, où les emplois sont nombreux mais la main-d’œuvre insuffisante. Théoriquement, cela est censé augmenter la masse salariale des pays les plus riches et, par conséquent, leur nombre de contribuables.

Les pays les plus riches ont tendance à favoriser l'une des deux options au détriment de l’autre. Pour prendre un exemple extrême, en Arabie Saoudite, plus de la moitié de la main-d'œuvre est constituée d'immigrés, principalement des hommes, et seules 15% des femmes travaillent.

À l’opposé, en Suède, quelque quatre femmes sur cinq sont intégrées au marché du travail, mais le recours à la main-d'œuvre étrangère n’est pas encouragé. D’ailleurs, les personnes immigrées courent trois fois plus de risques de se retrouver sans emploi que celles nées en Suède.

Pourquoi certains pays tentent-ils de promouvoir le travail des femmes, et des mères en particulier, tandis que d’autres préfèrent encourager l’immigration? En gros, parce que chaque système équilibre différemment les forces de l’État et du marché et dispose de ses propres normes de genre.

Orientation politique et valeurs culturelles

Sachant que les femmes restent majoritairement chargées de la responsabilité de l’éducation des enfants, le principal obstacle à l’augmentation de la part des femmes dans la masse salariale est le manque de dispositifs publics ou subventionnés de garde d’enfants. Lorsqu’ils ne sont pas adaptés ou qu’ils sont trop chers, le taux d’emploi des mères a tendance à chuter.

En Suède et au Danemark, où les systèmes de garde d’enfants sont abondants et abordables, plus de 80% des mères ont un emploi à temps plein ou partiel. Aux États-Unis, le seul pays riche qui n’ait pas instauré de congé maternité payé obligatoire, ce taux est inférieur de dix à quinze points de pourcentage. Et il serait peut-être encore plus bas si le niveau élevé des inégalités salariales ne permettait pas à certaines familles de la classe moyenne d’employer des nounous privées à bas coût.

Quoi qu’il en soit, un système public de garde d’enfants et abordable est synonyme de dépenses publiques et d’impôts plus élevés. Cela nécessite aussi des partis politiques prêts à les soutenir. Sans surprise, ce sont avant tout les pays scandinaves, bastions historiques des politiques de gauche, qui ont investi massivement dans des politiques de garde d’enfants généreuses et des congés parentaux payés de longue durée. Des impôts plus élevés et un secteur public plus important signifie aussi plus d’emplois pour tout le monde, y compris les femmes.

Dans des pays où les partis de gauche sont faibles, augmenter les impôts pour financer les systèmes de garde d’enfants est politiquement difficile.

Autre facteur entrant en compte dans le taux d’emploi des femmes: les valeurs culturelles. Les pays scandinaves défendent généralement des normes plus progressistes en matière d’égalité des sexes: l’emploi des femmes et le partage des responsabilités parentales sont répandus et acceptés. À l’opposé, les pays où le patriarcat et la religion jouent encore un rôle important dans la société ont typiquement des taux d’emploi des femmes assez bas –comme en Italie (où 55% des mères travaillent) ou en Turquie (30%).

Dans des pays où les partis de gauche sont faibles, augmenter les impôts pour financer les systèmes de garde d’enfants est politiquement difficile. Dans ces cas-là, l’immigration peut apparaître comme une alternative moins coûteuse.

Importer des personnes actives de l’étranger peut permettre d’augmenter la masse salariale sans réaliser les investissements publics massifs nécessaires pour encourager l’emploi des femmes. Les personnes ne bénéficiant pas de la citoyenneté sont moins exigeantes en termes de services, et elles n’ont pas le poids politique nécessaire pour se mobiliser et les réclamer.

Cela conduit aussi à des stratégies macroéconomiques différentes: les femmes sont surtout employées dans les secteurs publics et les services, tandis que les populations immigrées sont surreprésentées dans l'industrie, l'agriculture et dans le secteur privé en général.

Importation de main-d'œuvre

Pour comprendre comment ces questions se sont développées au fil du temps, on peut, comme je l’ai fait dans un récent article pour le Journal of Comparative Policy Analysis, examiner l'évolution des pays d’Europe de l’Ouest après la Seconde Guerre mondiale.

Dans les années 1950 et 1960, face à une pénurie de bras en pleine période de croissance économique, un certain nombre de ces pays (l’Autriche, la Belgique, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse) ont mis en place des programmes de travailleurs étrangers provisoires, déplacés depuis les pays pauvres du bord de la Méditerranée (l'Italie, le Maroc, le Portugal, l'Espagne, la Turquie et la Yougoslavie). Ce genre de programmes étaient souvent organisés conjointement avec les pays d’origine, répartis dans des secteurs et des usines des pays d’arrivée soit par des associations patronales, soit par le gouvernement.

Les États-Unis ont également pratiqué ce type de système, où les pays d’arrivée organisaient activement l’immigration. Le cas le plus remarquable, le programme Bracero, en collaboration avec le Mexique, dura de 1942 à 1964.

Dans les deux cas, les personnes immigrées n’avaient que peu de droits, leur statut de résidence était lié à leur emploi et elles étaient rarement autorisées à faire venir leur famille.

Bien que cette migration ait été principalement masculine au départ, les femmes finirent par représenter une proportion non négligeable du flux de main-d’œuvre; le plus souvent, elles travaillaient davantage que les femmes non-immigrées. En général, ces pays adoptaient des stratégies centrées sur le secteur industriel.

Les programmes d’importation de main-d'œuvre étaient mis en place pour répondre à de supposées pénuries de masse salariale, mais celles-ci ne concernaient que les hommes.

Importer de la main-d’œuvre migrante était bien commode: cela permettait d’augmenter le nombre de personnes actives à bas prix, tout en maintenant la famille traditionnelle.

Dans les années 1960, le taux d’emploi payé chez les femmes en Europe de l’Ouest n’était guère plus élevé qu’en Arabie Saoudite aujourd’hui. Une fois mères, les femmes étaient incitées à cesser de travailler, et les programmes sociaux visant à réconcilier travail et famille étaient limités.

Aux Pays-Bas, État aujourd’hui considéré comme un fief progressiste dans le domaine, seules 22% des femmes étaient intégrées à la population active en 1960. Jusqu’en 1965, les femmes françaises mariées n'avaient même pas le droit de travailler sans une autorisation écrite de leur époux. La situation était comparable aux États-Unis: après la Seconde Guerre mondiale, seules 10% des femmes américaines mariées avec des enfants en bas âge (moins de 6 ans) travaillaient ou cherchaient un emploi.

Dans le contexte du modèle du «soutien de famille» masculin, importer de la main-d’œuvre migrante était bien commode: cela permettait d’augmenter le nombre de personnes actives à bas prix, tout en maintenant la famille traditionnelle défendue par les partis conservateurs et démocrates-chrétiens.

Suisse et Suède, des stratégies opposées

La Suisse est peut-être l’exemple le plus clair de cette stratégie en Europe. Aujourd’hui, un quart de sa masse salariale est constituée de non-Suisses, et son économie repose sur des taux d’immigration élevés depuis le début des années 1950. Le pays n’a accordé aux femmes le droit de vote qu’en 1971, et le congé maternité obligatoire qu’en 2005. Les impôts sont bas et les partis de gauche, tout comme les syndicats, notoirement faibles.

Bien que le nombre de femmes qui travaillent en Suisse soit aujourd’hui élevé, c’est en partie grâce à la prévalence de l'emploi à temps partiel, qui permet aux femmes de concilier travail et garde des enfants lorsque celle-ci n’est pas facilement accessible. Aux Pays-Bas, le contexte est sensiblement le même.

La Suède investit en revanche lourdement dans le travail des femmes depuis les années 1960, tout en fermant de plus en plus la porte à la main-d'œuvre immigrée. Certes, la Suède a elle aussi recruté des travailleurs et travailleuses étrangères dans les années 1950 et 1960, tout particulièrement venues d’ex-Yougoslavie, mais ces programmes étaient à une échelle bien plus modeste, et ils ont cessé au début des années 1970. Les syndicats ont décidé à cette époque que la présence de personnes immigrées était susceptible de créer un marché du travail à deux vitesses, où elles pouvaient casser les salaires de celles et ceux nés en Suède.

La Suède a alors adopté une politique de restriction des entrées des travailleurs et travailleuses étrangères, mais où une fois dans le pays, elles et ils bénéficiaient des mêmes droits que les Suédois et Suédoises, notamment dans leur accès aux généreux services sociaux.

Cette stratégie a eu pour effet paradoxal de rendre particulièrement difficile aux personnes immigrées peu qualifiées de trouver une place dans la population active: des impôts et des salaires élevés augmentent le coût du travail. Les emplois peu payés qui constituent traditionnellement une porte d’entrée dans l’économie pour les travailleurs et travailleuses migrantes peu qualifiées aux États-Unis, où le taux de chômage de la population née américaine et de la population immigrée est comparable, sont difficiles à trouver en Suède.

Ramené au pourcentage du PIB, la Suède dépense trois fois plus que les États-Unis pour ses politiques familiales.

Les gouvernements suédois successifs ont massivement augmenté les dépenses publiques destinées aux systèmes de garde d’enfants et de congé maternité afin de créer un environnement plus favorable aux mères qui travaillent. Le nombre de crèches a énormément augmenté dans les années 1960 et 1970, et le taux d’emploi des femmes a suivi.

Aujourd’hui, la Suède est un leader mondial dans le domaine des dépenses de garde d’enfants d’âge préscolaire, et dans celui des politiques familiales en général. Ramené au pourcentage du PIB, la Suède dépense trois fois plus que les États-Unis pour ses politiques familiales (congé parental, garde d’enfants, etc). Le secteur public est très vaste et constitué à 70% de femmes.

Alternative risquée

Le fait que certains pays aient historiquement préféré l’immigration et d’autres favorisé le travail des femmes ne signifie pas que les deux soient impossibles à concilier. En fait, à la fois le travail des femmes et la part des personnes immigrées dans la main-d’œuvre n’ont cessé d’augmenter aux cours des dernières décennies, en Europe comme en Amérique du Nord. Ce qui est vraiment dangereux, c’est de ne choisir aucune des deux options.

Le Japon se retrouve par exemple depuis quelques dizaines d’années devant un grave problème démographique et économique, à mesure que sa population vieillit et qu’il lutte pour sortir d’une longue période de stagnation économique.

Le gouvernement s’est montré réticent à ouvrir les portes aux migrations, alors même que l’environnement de travail et les structures familiales rendent très difficile le travail des femmes, même si leur participation à la main-d’œuvre a beaucoup augmenté ces dernières années.

Le Japon semble vouloir régler son problème de pénurie de main-d’œuvre en pariant sur son remplacement par des robots et les nouvelles technologies. Nul ne pourra dire si le pari s’est avéré payant avant de nombreuses années, mais étant donné que la plupart des nouveaux emplois s’inscrivent dans des services où la mécanisation est compliquée (comme les soins aux personnes âgées), la voie promet d’être semée d’obstacle.

S'occuper des enfants handicapés ou abandonnés,
telle est la misson du Père Simplice Traoré,
originaire du Mali, au Rwanda
.

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