Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Gambie : Ousman Sonko, l’ancien ministre de l’Intérieur de Yahya Jammeh, sera-t-il poursuivi pour crimes contre l’humanité ?

 

C'est une arrestation symbolique, venue mettre un terme aux 22 années d'impunité du règne répressif de Yahya Jammeh. Depuis le 26 janvier, le Gambien Ousman Sonko, ministre de l'Intérieur de 2006 à 2016, a maille à partir avec la justice helvétique, qui l'a placé en détention provisoire. Jeune Afrique a interviewé Philip Grant, le directeur de l'ONG qui a signalé sa présence aux autorités suisses.

Une procédure inédite, initiée – une poignée de jours seulement après le départ en exil de l’ex-dictateur – par Trial International, une ONG basée à Genève qui lutte contre l’impunité des crimes internationaux et soutient les victimes dans leur quête de justice.

Démis de ses fonctions en septembre 2016, Ousman Sonko avait rapidement gagné la Confédération helvétique, où il espérait obtenir l’asile politique. Mauvaise pioche. Il lui est désormais reproché d’avoir – au minimum – cautionné des actes de torture. Mais la perspective d’une transmission prochaine du dossier au Procureur général de la Confédération laisse à penser que les faits pourraient être requalifiés en crimes contre l’humanité. Directeur de Trial International, Philip Grant revient pour Jeune Afrique sur ce précédent symbolique.

Jeune Afrique : Dans quel contexte Trial International a-t-elle été à l’origine de cette procédure ?

Philip Grant : Courant janvier, nous avons été informés de la présence d’Ousman Sonko sur le sol helvétique. Il se trouvait en effet dans le canton de Berne [la capitale fédérale], où il avait entamé une procédure de demande d’asile. Nous avons par ailleurs reçu certaines informations sur le rôle qu’il avait pu jouer en Gambie en tant qu’ancien ministre de l’Intérieur. Nous avons ensuite mené notre propre enquête afin d’établir s’il avait, sinon directement ordonné, du moins laissé commettre des actes de torture en Gambie au cours des dix dernières années. Cela nous a convaincu qu’il existait suffisamment d’éléments probants pour demander à la justice d’ouvrir une enquête.

À quel titre  la justice helvétique est-elle compétente dans ce dossier ?

La Suisse a ratifié la Convention contre la torture. Elle s’est, de la sorte, engagée à poursuivre les suspects de torture du simple fait qu’ils sont présents, comme M. Sonko, sur son territoire. Et ce, même si les faits se sont produits à l’étranger et que tant le suspect que les victimes sont de nationalité gambienne.

Dans ce dossier, la justice s’est montrée particulièrement diligente…

Le 25 janvier, nous avons adressé au Ministère public du canton de Berne une dénonciation pénale l’informant de la présence d’Ousman Sonko dans sa juridiction et des suspicions de crimes graves à son égard. Cela a très rapidement justifié l’ouverture d’une instruction pénale, puis conduit à son interpellation dès le lendemain. Le procureur a procédé à l’interrogatoire de M. Sonko, qui s’est vu attribuer un avocat commis d’office. Après quoi il a été déféré devant le tribunal, lequel a ordonné son placement en détention provisoire pour une période de trois mois. Un délai qui peut être renouvelé autant que nécessaire pendant la durée de l’enquête.

De quoi est-il accusé ?

Pour schématiser, deux types de responsabilités peuvent être envisagées le concernant. D’abord une responsabilité directe, pour des actes de torture ou d’autres violations graves des droits humains qu’il aurait lui-même commises ou ordonnées. Nous nous sommes pour l’heure plutôt fondés sur un type de responsabilité plus indirecte, celle dite « du supérieur hiérarchique », qui consiste à tenir pour responsable de crimes commis par ses subordonnés un supérieur civil ou militaire s’il s’avère qu’il n’est pas intervenu pour y mettre un terme. Or nous avons pu documenter l’étendue des crimes perpétrés par l’appareil répressif et sécuritaire gambien, notamment par les  services placés sous les ordres de M. Sonko.

Nos sources montrent que l’impunité était généralisée : aucune procédure disciplinaire ou pénale n’a jamais été engagée contre les policiers impliqués dans ces actes de torture, dont l’ampleur était telle qu’il était impossible que l’intéressé ait pu les ignorer. Outre la torture, des organisations de défense des droits de l’homme font par ailleurs état d’exécutions sommaires ou de disparitions forcées.

La Suisse serait donc en pointe en matière de compétence universelle…

Elle a été l’un des premiers États à y recourir. Dès 1999, elle a condamné Fulgence Niyonteze, un bourgmestre rwandais impliqué dans le génocide de 1994. Depuis, notre pays s’est doté d’une législation très prometteuse au vu des standards internationaux. Le discours des autorités helvétiques sur la nécessité de rendre justice aux victimes de tels crimes est très volontariste. Mais on doit bien reconnaître qu’au plan interne, les moyens accordés aux autorités de poursuite sont insuffisants. Il est vrai que ce sont des enquêtes compliquées, qui prennent du temps et nécessitent des moyens conséquents.

À ce jour, d’autres poursuites sont-elles engagées contre d’anciens responsables gambiens ?

Un officier vient, semble-t-il, d’être interpellé au Sénégal mais je n’ai pas davantage d’informations sur son cas. Ce qui paraît sûr, c’est que le président Adama Barrow entend remettre le pays sur la voie de l’État de droit, ce qui induit notamment le retour de la Gambie à la Cour pénale internationale (CPI). D’autre part, l’annonce de la création d’une Commission Vérité et Réconciliation devrait permettre de faire la lumière sur les exactions du passé.

Votre démarche s’appuie-t-elle sur une concertation avec le nouveau régime ?

À ce stade, nous n’avons eu aucun contact avec les nouvelles autorités gambiennes. En revanche, nous avons été approchés par plusieurs Gambiens qui se réjouissent de l’arrestation d’Ousman Sonko, parmi lesquels des personnes qui nous ont indiqué que certains de leurs proches avaient été victimes de la répression sous son règne. C’est à la justice suisse, et non à l’ONG que nous sommes, qu’il reviendra de solliciter la coopération des autorités gambiennes, dans le cadre de l’entraide pénale internationale. Il est également envisageable que la Gambie sollicite prochainement l’extradition d’Ousman Sonko, auquel cas elle devra montrer qu’elle est capable d’organiser un procès respectant la présomption d’innocence et les règles élémentaires du procès équitable.

Côte d’Ivoire: ouverture du procès des disparus du Novotel d’Abidjan

Le 4 avril 2011, 4 hommes étaient enlevés à l'hôtel Novotel d'Abidjan.
© Jacques Yves Gucia / Accor
 

Dix personnes, dont huit militaires, comparaissent à partir de ce mardi devant la cour d'assises d'Abidjan à l'occasion du procès des « disparus du Novotel ». L’enlèvement et l’assassinat de quatre hommes, dont deux Français, avaient défrayé la chronique en 2011 en pleine crise postélectorale.

La plupart étaient militaires pendant la crise postélectorale. Tous étaient des fidèles de l’ancien président Laurent Gbagbo. Dix hommes sont attendus dans le box des accusés dont Bruno Dogbo Blé, alors patron redouté de la garde républicaine.

Les faits remontent au 4 avril 2011, alors que les combats sont violents. A Abidjan, un commando fait irruption dans le Novotel. Situé à 500 mètres de la présidence, l’hôtel est au cœur d’un des derniers bastions tenus par les forces de Laurent Gbagbo. A l’intérieur, une cinquantaine de personnes ont trouvé refuge dont des journalistes. Le commando embarque le patron du Novotel, Stéphane Frantz Di Rippel, Yves Lambelin, directeur général de Sifca, la plus grande entreprise privée du pays, et deux de ses collaborateurs, le Béninois Raoul Adeossi et le Malaisien Chelliah Pandian. Selon l’enquête, les quatre hommes sont alors conduits à la présidence, torturés et tués.

Les familles espèrent enfin des réponses

Bientôt six ans donc que les familles des victimes se posent des questions essentielles sans obtenir de réponse. Qui a donné l'ordre de tuer ? L'ordre venait-il du président Gbagbo ou de son épouse ? Quel était le mobile ? Et quels ont été les derniers instants des victimes ?

Pour maître Pierre-Olivier Sur, l'avocat de la famille de Frantz Di Rippel, ces audiences doivent permettre la manifestation de la vérité : « Ce décès mérite, pour sa mémoire et pour ses enfants, qu’on sache exactement quel a été le déroulé du drame. On sait qu’il a été torturé, on sait qu’il a été chargé dans un pick-up pour être sans doute jeté à la lagune, mais on n’est pas certain de tout cela. Et il faut que ceux qui l’ont fait aient le courage de le dire, de le dire les yeux dans les yeux ».

Pour l'instant, seul le corps d'Yves Lambelin a été identifié. La mort des autres a été établie sur la base de témoignages et d'indices. Maître Ange Rodrigue Dadjé est l'un des avocats des accusés et selon lui, l'enquête a été bâclée : « Dans ce dossier, il n’y a eu aucune analyse de la justice. Il y a eu une autopsie de complaisance, il n’y a pas eu de véritable autopsie. On n’a pas fait l’enquête comme il fallait. On ne sait pas qui les a tués. L’instruction a fonctionné par soupçons et par déduction. C’est tellement grave de tromper l’opinion en faisant croire que Bruno Dogbo Blé aurait tué cette personne, alors qu’il n’en est rien. Nous fonctionnons avec une justice aux ordres du pouvoir ».

Pour maître Dajdé, les kidnappeurs n'étaient pas de la garde républicaine et les victimes ont été tuées dans un bombardement de l'armée française. Une théorie révisionniste et honteuse, pour maître Pierre-Olivier Sur.

 
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Festival d’Angoulême: la bande dessinée pour dénoncer des injustices en Afrique

 
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Le 44e Festival de bande dessinée d'Angoulême est l'occasion de découvrir de nombreux dessinateurs, le 28 janvier 2017. Yohan BONNET / AFP
 

Alors que le 44ème festival d'Angoulême a récompensé samedi 28 janvier les Belges Éric Lambé et Philippe de Pierpont, le public peut encore profiter des expositions et des auteurs en dédicace. Dans l'espace dédié aux grosses maisons d'édition, un petit éditeur dynamique a réussi à imposer son stand : « Des bulles dans l'océan », basée à la Réunion, découvre et promeut le travail d'auteurs de l'océan Indien et du continent africain.

En à peine six ans d'existence, la maison d'édition des « Bulles dans l'océan » a déjà édité 32 albums. Parmi les derniers en date, Kinshasa rugby club. La bande dessinée retrace l'histoire d'un ancien rugbyman évoluant en Europe qui, la retraite sportive sonnée, rentre à Kinshasa pour tenter de monter une équipe professionnelle.

Le dessinateur Albert Tshisuaka n'a jamais touché un ballon ovale. Le sport lui permet surtout de traiter des problèmes de son pays d'origine. « C’est un créneau qu’on a exploité pour pouvoir atteindre certaines choses qui se passe à Kinshasa. Par exemple, la mentalité qui a dévalué un petit peu comme la situation politique. Nous sommes passés par le rugby pour donner cette image », explique le créateur.

Dénoncer les injustices

Autre bande dessinée à découvrir au festival : Malagasy way of life. Le dessinateur malgache Farahaingo imagine un personnage de lémurien, Philou, une espèce protégée et donc libre de dénoncer les injustices. « C’est un personnage puissant, il est intouchable, on ne peut pas lui faire de mal. Filou ose crier haut ce que les Malgaches n’osent pas penser tout bas », explique-t-il.

Malagasy way of life n'est le premier tome des aventures du lémurien Philou et de son acolyte Mimimaki. « Des bulles dans l'océan » prévoit par ailleurs de publier sept autres nouveaux albums cette année.

A (RE)LIRE : Le festival d’Angoulême sacre les Belges Lambé et Pierpont

 
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Sur le site de "Jeune Afrique"

Côte d'Ivoire : les évêques dénoncent un "climat délétère" et expriment leur inquiétude

Les évêques catholiques ivoiriens se disent "inquiets" face aux remous sociaux en Côte d'Ivoire, où les militaires ont récemment fait parler les armes et où la grève des fonctionnaires déclenchée le 9 janvier se durcit. Mercredi, ils ont dénoncé un "climat délétère qui risque de compromettre gravement tous les acquis enregistrés".

Texte Pris sur le site Zénit

Le 15 janv. 2017, l'Eglise célèbre la Journée mondiale du migrant et du réfugié. Le thème choisi pape François : "Mineurs migrants, vulnérables et sans voix".
Le texte a été publié le 8 septembre 2016


Message de François
Pour la 103ème Journée mondiale du MIGRANT et du REFUGIE

15 janvier 2017.

"Migrants mineurs, vulnérables et sans voix" (texte intégral)

Chers frères et sœurs,

 

" Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille. Et celui qui m'accueille, ce n'est pas moi qu'il accueille, mais Celui qui m'a envoyé " (Mc 9, 37 ; cf. Mt 18, 5 ; Lc 9, 48 ; Jn 13, 20). Par ces mots, les Évangélistes rappellent à la communauté chrétienne un enseignement de Jésus qui est enthousiasmant et, à la fois, exigeant. Ces paroles, en effet, tracent la voie sûre qui conduit à Dieu, en partant des plus petits et en passant par le Sauveur, dans la dynamique de l'accueil. L'accueil même, donc, est une condition nécessaire pour que se concrétise cet itinéraire : Dieu s'est fait l'un de nous, en Jésus il s'est fait enfant et l'ouverture à Dieu dans la foi, qui alimente l'espérance, se décline dans la proximité affectueuse aux plus petits et aux plus faibles. Charité, foi et espérance sont toutes impliquées dans les œuvres de miséricorde, soit spirituelles, soit corporelles, que nous avons redécouvertes durant le récent Jubilé Extraordinaire.

Mais les Évangélistes s'arrêtent aussi sur la responsabilité de celui qui va à l'encontre de la miséricorde : " Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, il est préférable pour lui qu'on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes et qu'il soit englouti en pleine mer " (Mt 18, 6 ; cf. Mc 9, 42 ; Lc 17, 2). Comment ne pas penser à ce sévère avertissement en considérant l'exploitation perpétrée par des gens sans scrupules aux dépens de nombreux enfants contraints à la prostitution ou pris dans le circuit de la pornographie, asservis dans le travail des mineurs ou enrôlés comme soldats, impliqués dans des trafics de drogue et dans d'autres formes de délinquance, forcés à la fuite par des conflits et par les persécutions, avec le risque de se retrouver seuls et abandonnés ?

 

C'est pourquoi, à l'occasion de la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, je tiens à attirer l'attention sur la réalité des migrants mineurs, en particulier ceux qui sont seuls, en demandant à chacun de prendre soin des enfants qui sont trois fois sans défense, parce que mineurs, parce qu'étrangers et parce que sans défense, quand, pour diverses raisons, ils sont forcés à vivre loin de leur terre d'origine et séparés de l'affection de leurs proches.

Les migrations, aujourd'hui, ne sont pas un phénomène limité à certaines régions de la planète, mais touchent tous les continents et prennent toujours plus les dimensions d'une question mondiale dramatique. Il ne s'agit pas uniquement de personnes à la recherche d'un travail digne ou de meilleures conditions de vie, mais aussi d'hommes et de femmes, de personnes âgées et d'enfants qui sont contraints d'abandonner leurs maisons avec l'espérance de se sauver et de trouver ailleurs paix et sécurité. Ce sont les mineurs qui paient en premier lieu le prix élevé de l'immigration, provoquée presque toujours par la violence, la misère et par les conditions environnementales, facteurs auxquels s'ajoute également la globalisation dans ses aspects négatifs. La course effrénée vers des gains rapides et faciles comporte aussi le développement d'aberrants fléaux tels que le trafic d'enfants, l'exploitation et l'abus de mineurs et, en général, la privation des droits inhérents à l'enfance entérinés par la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant.

 

L'âge de l'enfance, par sa délicatesse particulière, a des exigences uniques et inaliénables. Avant tout le droit à un environnement familial sain et protégé pour pouvoir grandir sous la conduite et avec l'exemple d'un papa et d'une maman ; ensuite, le droit-devoir de recevoir une éducation adéquate, principalement en famille et aussi à l'école, où les enfants pourront grandir en tant que personnes et protagonistes de leur propre avenir et de celui de leur nation respective. De fait, dans de nombreuses régions du monde, lire, écrire et faire les calculs les plus élémentaires est encore un privilège réservé à peu de personnes. Tous les mineurs, ensuite, ont le droit de jouer et de se livrer à des activités récréatives, ils ont, en somme, le droit d'être des enfants.

Parmi les migrants, par contre, les enfants constituent le groupe le plus vulnérable, parce que, alors qu'ils se lancent dans la vie, ils sont invisibles et sans voix : la précarité les prive de documents, en les cachant aux yeux du monde ; l'absence d'adultes pour les accompagner empêche que leur voix s'élève et se fasse entendre. Ainsi, les migrants mineurs échouent facilement aux plus bas niveaux de la dégradation humaine, où l'illégalité et la violence brûlent en une flambée l'avenir de trop d'innocents, tandis que le réseau de l'abus des mineurs est difficile à rompre.

Comment affronter cette réalité ?

 

Avant tout, en prenant conscience que le phénomène migratoire n'est pas étranger à l'histoire du salut, ; bien au contraire, il en fait partie. Un commandement de Dieu y est lié : " Tu n'exploiteras pas l'immigré, tu ne l'opprimeras pas, car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d'Égypte " (Ex 22, 20) ; " Aimez donc l'immigré, car au pays d'Égypte vous étiez des immigrés " (Dt 10, 19). Ce phénomène constitue un signe des temps, un signe qui parle de l'œuvre providentielle de Dieu dans l'histoire et dans la communauté humaine en vue de la communion universelle. Sans sous-estimer, certes, les problématiques et, souvent, les drames et les tragédies des migrations, ainsi que les difficultés liées à l'accueil digne de ces personnes, l'Église encourage à reconnaître le dessein de Dieu dans ce phénomène également, avec la certitude que personne n'est étranger dans la communauté chrétienne, qui embrasse " toutes nations, tribus, peuples et langues " (Ap 7, 9). Chacun est précieux, les personnes sont plus importantes que les choses et la valeur de chaque institution se mesure à la façon dont elle traite la vie et la dignité de l'être humain, surtout en conditions de vulnérabilité, comme dans le cas des mineurs migrants.

En outre, il faut viser la protection, l'intégration et des solutions durables.
Avant tout, il s'agit d'adopter toutes les mesures possibles pour garantir aux migrants mineurs protection et défense, parce que " ces garçons et filles finissent souvent dans la rue, livrés à eux-mêmes et la proie de ceux qui les exploitent sans scrupules et, bien souvent, les transforment en objet de violence physique, morale et sexuelle " (Benoît XVI, Message per la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2008).

 

Par ailleurs, la ligne de démarcation entre migration et trafic peut devenir parfois ténue. Les facteurs sont nombreux qui contribuent à créer un état de vulnérabilité chez les migrants, surtout s'ils sont mineurs : l'indigence et le manque de moyens de survie - auxquels s'ajoutent des expectatives irréalistes suscitées par les media - ; le bas niveau d'alphabétisation ; l'ignorance des lois, de la culture et souvent de la langue des pays hôtes. Tout cela les rend dépendants physiquement et psychologiquement. Mais la plus puissante impulsion vers l'exploitation et l'abus des enfants provient de la demande. Si l'on ne trouve pas le moyen d'intervenir avec plus de rigueur et d'efficacité à l'encontre de ceux qui en tirent profit, les multiples formes d'esclavage dont sont victimes les mineurs se pourront pas être enrayées.

 

Il est nécessaire, par conséquent, que les migrants, pour le bien-même de leurs enfants, collaborent toujours plus étroitement avec les communautés qui les accueillent. Avec une grande gratitude, nous regardons vers les organismes et les institutions, ecclésiales et civiles, qui, avec un engagement remarquable, offrent temps et ressources pour protéger les mineurs de diverses formes d'abus. Il est important que se réalisent des collaborations toujours plus efficaces et plus incisives, fondées non seulement sur l'échange d'informations, mais aussi sur l'intensification de réseaux capables d'assurer des interventions rapides et étendues, sans sous-évaluer le fait que la force extraordinaire des communautés ecclésiales se révèle surtout lorsqu'il y a unité de prière et de communion dans la fraternité.

 

En deuxième lieu, il faut travailler pour l'intégration des enfants et des adolescents migrants. Ils dépendent en tout de la communauté des adultes et, très souvent, l'insuffisance des ressources financières devient un empêchement à l'adoption de politiques adéquates d'accueil, d'assistance et d'inclusion. Par conséquent, au lieu de favoriser l'insertion sociale des migrants mineurs, ou bien des programmes de rapatriement sûr et assortis d'assistance, on cherche uniquement à empêcher leur entrée, en favorisant ainsi le recours à des réseaux illégaux ; ou bien ils sont renvoyés dans leur pays d'origine, sans s'assurer que cela corresponde à leur réel ''intérêt supérieur''.

La condition des migrants mineurs est encore plus grave lorsqu'ils se trouvent dans une situation d'irrégularité ou quand ils sont à la solde de la criminalité organisée. Alors, ils sont souvent envoyés dans des centres de détention. Il n'est pas rare, en effet, qu'ils soient arrêtés et, puisqu'ils n'ont pas d'argent pour payer la caution ou le voyage de retour, ils peuvent rester longtemps reclus, exposés à des abus et à des violences de divers types. Dans ces cas, le droit des États à gérer les flux migratoires et à sauvegarder le bien commun national doit se conjuguer avec le devoir de résoudre et de régulariser la situation des migrants mineurs, dans le plein respect de leur dignité et en cherchant à répondre à leurs besoins, quand ils sont seuls, mais aussi à ceux de leurs parents, pour le bien de l'entière cellule familiale.

 

Ensuite, l'adoption de procédures nationales adéquates et de plans de coopération, établis de commun accord entre pays d'origine et ceux d'accueil, demeure fondamentale, en vue de l'élimination des causes de l'immigration forcée des mineurs.

En troisième lieu, j'adresse à tous un appel pressant afin qu'on cherche et qu'on adopte des solutions durables. Puisqu'il s'agit d'un phénomène complexe, la question des migrants mineurs doit être affrontée à la racine. Guerres, violations des droits humains, corruption, pauvreté, déséquilibres et catastrophes environnementales font partie des causes du problème. Les enfants sont les premiers à en souffrir, en subissant parfois des tortures et des violences corporelles, qui accompagnent des tortures et des violences morales et psychologiques, en laissant en eux des signes presque toujours indélébiles.
Il est absolument nécessaire, par conséquent, d'affronter dans les pays d'origine les causes qui provoquent les migrations. Cela exige, en premier lieu, l'engagement de la communauté internationale tout entière à enrayer les conflits et les violences qui contraignent les personnes à la fuite. En outre, une vision clairvoyante s'impose, capable de prévoir des programmes adéquats pour les régions affectées par de multiples graves injustices et instabilités, afin qu'à tous soit garanti l'accès à un développement authentique, qui promeuve le bien des enfants, qui sont l'espérance de l'humanité.

 

Enfin, je souhaite vous adresser un mot, à vous, qui cheminez aux côtés des enfants et des adolescents sur les routes de l'émigration : ils ont besoin de votre précieuse aide, et l'Église aussi a besoin de vous et vous soutient dans le généreux service que vous rendez. Ne vous lassez pas de vivre avec courage le bon témoignage de l'Évangile, qui vous appelle à reconnaître et à accueillir le Seigneur Jésus présent dans les plus petits et les plus vulnérables.

 

Je confie tous les migrants mineurs, leurs familles, leurs communautés et vous qui vous leur êtes proches, à la protection de la Sainte Famille de Nazareth, afin qu'elle veille sur chacun et les accompagnent sur leur chemin ; et à ma prière, je joins la Bénédiction apostolique

 

Du Vatican, le 8 septembre 2016, fête de la nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.

 

FRANÇOIS