Le terminal à conteneurs de TIL, la filiale de Mediterranean Shipping Company (MSC), dans le port de Lomé. © Andrew Esiebo/PANOS/REA.
Principale porte d’entrée et de sortie du commerce international du Togo, le Port autonome de Lomé (PAL) a intégré en 2021 le « One Hundred Container Ports », se classant premier port à conteneurs d’Afrique de l’Ouest et quatrième du continent, mais aussi deuxième plateforme de transbordement des marchandises containérisées en Afrique subsaharienne, derrière Durban.
Avec la cession, qui doit être finalisée d’ici à la fin du premier trimestre 2023, des activités africaines du groupe français Bolloré Transport Logistics (BTL) au géant italo-suisse Mediterranean Shipping Company (MSC), premier armateur mondial, c’est toute la chaîne logistique togolaise qui entre dans une nouvelle ère, avec, en toile de fond, le développement de la plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA), inaugurée en juin 2021, à une vingtaine de kilomètre de Lomé.
Un demi-milliard d’euros d’investissements
Ces dernières années, l’activité du PAL n’a cessé de croître, le volume global traité enregistrant une hausse de 38,4 % de 2019 à 2021, année où il s’est établi à 23,6 millions de tonnes. Une tendance qui fonde certains observateurs à estimer que le PIB généré dans la zone portuaire représenterait désormais plus de 50 % du PIB national.
« Le départ de Bolloré renforce la position de MSC, qui devient seul maître à bord au port. Stratégiquement, pour Bolloré, c’est un soulagement, au regard de la mauvaise image qu’il avait. MSC, qui était déjà partie prenante sur la plateforme portuaire avec le plus grand terminal à containers – Lomé Containers Terminal (LCT) –, va asseoir son hégémonie », commente un entrepreneur togolais.
Présent dans l’actionnariat de LCT à travers sa filiale Terminal Investment Ltd (TIL), MSC a prévu un plan d’investissements de 500 millions d’euros sur dix ans dans la plateforme portuaire togolaise, dont 30 millions d’euros ont déjà été débloqués pour augmenter les capacités du LCT, de 2,2 millions d’équivalents vingt pieds (EVP) à 2,7 millions actuellement, avec l’objectif de les porter à plus de 4 millions de « boîtes » par an à l’horizon 2030.
« Nous tirons les conséquences du départ de Bolloré. Pour nous, il y a des marges de progrès, assure un ministre togolais. Aussi, nous mettons les bouchées doubles pour digitaliser les procédures au sein du hub portuaire par la création d’un port sec, situé à la plateforme industrielle d’Adétikopé. Il permettra d’accueillir les véhicules en transit et de désengorger la zone portuaire. Nous devons améliorer la chaîne logistique avec la PIA, assurer la fluidité du parcours dans le parcours et nous attaquer à la gouvernance. »
La PIA comprend déjà des entrepôts de stockage, un parking pour les camions partant desservir les pays de l’hinterland et, depuis son inauguration, un port sec d’une capacité de 150 000 EVP, ainsi qu’un terminal à conteneurs pouvant accueillir 12 500 unités y ont été construits.
Audit en cours
Le retrait de Bolloré ne signifie donc pas la fin de la montée en puissance de l’attractivité du PAL pour Lomé, qui, bien au contraire, compte doper ses activités. « Nous nous attelons à réformer la gouvernance portuaire. Ce qui manque au PAL, c’est la transparence », assure-t-on dans l’entourage présidentiel. Un audit économique, dont les résultats ne sont pas encore disponibles, a d’ailleurs été commandé.
En attendant, l’autorité portuaire, qui endossait jusqu’à présent la double casquette d’opérateur et de régulateur, a vu ses pouvoirs réorganisés autour de deux fonctions distinctes. Les réformes opérées ces dernières années, visant notamment la dématérialisation des procédures – en particulier au sein de la division des opérations douanières Lomé Port (DODLP) –, ont permis de développer les activités du PAL et son chiffre d’affaires, passé de 26 milliards à 35 milliards de F CFA (de 39,64 à 53,36 millions d’euros) de 2017 à 2021.
Compétitivité accrue
Opérationnel pour l’ensemble des trafics de marchandises depuis 2015, le guichet unique pour le commerce extérieur (Guce) a également contribué à accroître la compétitivité du port en améliorant la transparence, le climat des affaires entre les acteurs du commerce, et en réduisant considérablement les délais de traitement des marchandises. Cette plateforme dématérialisée, accessible 24 h/24 h par internet ou par réseau privé, met en relation tous les opérateurs et usagers intervenant dans les opérations de commerce international au Togo (import, export, transit, transbordement), quel que soit le type de transport.
« Ce guichet permet une meilleure traçabilité des marchandises et connecte directement la douane, le Port autonome de Lomé, les consignataires et les banques », souligne l’Association des grandes entreprises du Togo (Aget), qui reconnaît que ces réformes ont été particulièrement bénéfiques pour le port. L’Aget préconise aujourd’hui de moderniser le port minéralier en doublant la capacité d’accostage des navires vraquiers, de réaliser des chemins de fer pour relier le port à l’hinterland et d’installer de nouvelles capacités de stockage pour faire face à la concurrence des ports de la région : Tema, au Ghana ; Abidjan, en Côte d’Ivoire ; et Cotonou, au Bénin.