À partir du 1er septembre, Mercy Miyang Tembo (63 ans) devient vice-présidente et secrétaire générale de la Banque mondiale (BM), revenant à Washington depuis Dhaka au Bangladesh, où elle supervisait les opérations de l’institution multilatérale dans ce pays, ainsi qu’au Bhoutan, depuis 2019.
La sexagénaire a rejoint la BM en 2000, avant d’accumuler, au cours des quatorze dernières années, de nombreuses responsabilités opérationnelles dans une demi-douzaine de pays, du Caucase à l’Afrique subsaharienne, en passant par l’Asie centrale. Récipiendaire de plusieurs prix internes à la Banque, elle apporte à son nouveau poste « une combinaison unique d’expériences de leadership, que ce soit au niveau pays que sectoriel, ainsi qu’une vaste expérience multiculturelle », s’est réjoui David Malpass, président de la Banque mondiale.
Le choix du président
C’est par une note interne datée du 21 juillet – consultée par Jeune Afrique – que le président a annoncé la nomination de Mercy Tembon comme vice-présidente et secrétaire générale de la plus grande institution mondiale d’aide au développement. « Madame Tembon me rendra compte directement et travaillera en étroite collaboration avec le comité des directeurs exécutifs, les gouverneurs et les autres membres de la haute direction pour faire avancer la mission de l’institution alors qu’elle évolue de façon continue pour répondre aux besoins urgents de ses pays partenaires », a écrit David Malpass aux salariés de la Banque mondiale.
Présente statutairement aux conseils de direction de la BM, dont elle assure la rédaction des comptes-rendus, comme secrétaire générale, Mercy Tembon devra également faire preuve de diplomatie et d’attention rigoureuse à la multitude de dossiers présentés aux hautes instances de l’institution. Sans oublier la gestion de tensions occasionnelles entre grands actionnaires. Cela avait été le cas, il y a une dizaine d’années, au sujet de la quotité de directeurs exécutifs, que ces derniers pouvaient nommer, et que le secrétariat général de la BM avait dû négocier avec l’aide de la vice-présidence aux affaires juridiques.
Courroie de transmission
Pour illustrer l’importance du lien fort entre le secrétariat général et la présidence et/ou le board des institutions financières, il suffit de se rappeler des tensions entre plusieurs administrateurs occidentaux de la Banque africaine de développement (BAD) et Vincent Nmehielle, le secrétaire général de cette institution et bras droit du président Akinwumi Adesina, durant la crise de gouvernance de 2020 ; ou le rôle de médiateur qu’a dû jouer Ecobank au plus fort de la crise entre le conseil d’administration de la banque panafricaine et son ex-directeur général, l’Ivoirien Thierry Tanoh.
« Le secrétaire général moderne n’est plus un “simple serviteur” […] mais fait généralement office de passerelle d’information, de communication, de conseil et d’arbitrage entre le conseil d’administration et la direction, ainsi qu’entre l’organisation et ses actionnaires et parties prenantes », note un manuel de la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale.
Aussi le poste qui revient à Mercy Tembon offre une rare opportunité de saisir l’ensemble des opérations de l’institution, mais également de bâtir un immense carnet d’adresses au sein de la BM et avec ses nombreux partenaires.
Glorieux prédécesseurs
Parmi les personnalités ayant occupé cette fonction avant Mercy Tembon, on retrouve notamment Kristalina Georgieva, future numéro deux de la Banque mondiale et actuelle directrice générale du FMI. Dans ses notices biographiques, cette dernière ne manque pas de rappeler « le rôle clé qu’elle a joué à ce poste dans la réforme de la gouvernance de la Banque mondiale », dans la foulée de la crise financière de 2008.
Autre occupante de ce poste : Ngozi Okonjo-Iweala, future numéro deux de la BM et ministre des Finances du Nigeria, aujourd’hui directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce. Si le poste a été occupé ces dernières années principalement par des femmes, parmi les précédents occupants figurent le Chinois Shengman Zhang, aujourd’hui président Asie du colosse bancaire américain Citi, ainsi que feu le diplomate ghanéen W. Paatii Ofosu-Amaah, futur conseiller spécial de Donald Kaberuka, durant sa présidence de la BAD, et futur acteur majeur des négociations qui ont abouti à l’accord de paix entre le Soudan et le Soudan du Sud.
Si à 63 ans, il est peu probable que Mercy Tembon s’engage ensuite dans une autre carrière de dirigeante d’institution multilatérale, cette position à la Banque mondiale peut être un prélude à une troisième carrière dans l’éducation et le développement. Nombre de grandes institutions privées ou de fondations ne manqueront pas d’apprécier son profil éclectique et multiculturel.
Thèse iconoclaste
Alors que la crise séparatiste frappe son Cameroun natal, il est intéressant de se rappeler le début de carrière de Mercy Tembon. Dans son pays, cette dernière est « membre à vie du conseil d’administration de l’école maternelle et primaire » de l’Union nationale des parents d’élèves qu’elle a fondée en 1989, à Bamenda. Avant de se convertir à la banque de développement, la dirigeante camerounaise a démarré sa carrière dans l’éducation, avec un bachelor de l’École normale supérieure du Cameroun (1982), suivi d’un master à l’université de Liverpool (1988) et d’une thèse de doctorat en économie de l’éducation, soutenue en 1994 à l’université de Londres.
Cette thèse est le fruit d’une enquête menée auprès de 355 ménages, 16 écoles secondaires et 650 élèves dans la zone de Mezam, dans le nord-ouest du pays – touché par les mouvements séparatistes. À l’issue de ses recherches, Mercy Tembon conclut non seulement que les parents des élèves des écoles secondaires publics, en plus des frais indirects déjà élevés auxquels ils font face, ne seraient pas opposés à l’introduction de frais de scolarité plus importants, en contrepartie d’une hausse de l’éducation.
Autre conclusion plus iconoclaste au vu de l’évolution des relations entre les provinces et l’État central, l’économiste suggère d’encourager « la gestion et le financement locaux des écoles », arguant que « la décentralisation de la gestion éducative des écoles contribuera largement à améliorer la qualité et l’efficacité de l’enseignement ». Ce qui demandera « quelques ajustements des structures de financement existantes », ainsi qu’une « immense volonté politique de la part des décideurs »…
Leadership d’excellence
La dirigeante camerounaise qui se décrit comme ayant « une forte orientation client, axée sur les résultats, d’excellentes compétences diplomatiques, interpersonnelles et de communication », a supervisé un portefeuille global de 15 milliards de dollars en projets d’investissements, d’assistance technique et financières à travers les différents pays dans lesquelles elle a exercé (Arménie, Azerbaïdjan, Georgia, Burundi, Burkina Faso, Bangladesh, Bhoutan). Elle a reçu notamment le prix du leadership pour la diversité et l’inclusion du Groupe de la Banque mondiale (GBM) en 2010 et le prix d’excellence en leadership de l’Association du personnel de l’institution multilatérale en 2014.
Dans sa note aux salariés, David Malpass a également salué dans le parcours de Mercy Tembon « une connaissance approfondie des opérations de la BM, une expérience dans la promotion de la croissance économique et du développement social dans plusieurs pays, et une réputation de développement de partenariats solides avec les parties prenantes ».