Témoignages

 

Ces Mauritaniennes qui bousculent le système des castes

Conspuées dans les milieux conservateurs, adoubées par une partie de la population, ces femmes osent remettre en cause la société traditionnelle. Au point de progressivement s’affirmer comme une nouvelle force politique ?

Par  - envoyée spéciale à Nouakchott
Mis à jour le 30 juillet 2022 à 10:45
 
 
 mint
 

 

Saadani Mint Kaytour à Nouakchott, en juin 2022. © Bechir Malum pour JA

 

À Nouakchott, ses propos ont ébranlé les sphères traditionnelles. Dans une vidéo diffusée le 22 mai sur les réseaux sociaux, Saadani Mint Khaytour, 37 ans, a ouvert le débat sur la position des oulémas à l’égard de l’esclavage dans son pays, affirmant que le très influent imam Mohamed El Hacen Ould Dedew n’avait jamais émis de fatwa condamnant cette pratique.

La polémique a enflé et sa sortie médiatique est devenue le sujet dont tout le monde parle en Mauritanie. Cette femme bouscule une société hiérarchisée, encore ancrée dans ses rigidités. Car il ne s’agit pas seulement de piquer au vif les autorités religieuses. Saadani Mint Khaytour est issue de la caste des forgerons, considérée comme inférieure et très marginalisée.

À LIREDroits des femmes en Mauritanie : Saadani Mint Khaytour fait face à son propre camp

En ne cessant d’exprimer sa fierté d’y appartenir, c’est tout un système qu’elle met face à ses propres injustices. Quatre jours plus tard, elle a été exclue de son parti, Tawassoul… dont le cheikh Dedew, à qui elle est accusée d’avoir « manqué de respect », est proche. Mais la députée de Kaédi n’a bien sûr pas, en dépit des pressions, perdu son siège à l’Assemblée nationale.

« Choquer et briser les tabous »

Saadani Mint Khaytour assume ce paradoxe. Cette fervente militante pour une loi sur les violences faites aux femmes, aux idées progressistes revendiquées, est aussi membre de la formation islamiste réputée liée aux Frères musulmans, et ce, depuis l’autorisation accordée à cette dernière en 2007, lorsqu’elle-même était encore étudiante en sociologie à Nouakchott. Tawassoul est devenu en 2013 le premier parti d’opposition du pays et ses rangs sont eux-mêmes divisés.

D’un côté, une frange très conservatrice, emmenée par le président du parti, Mohamed Mahmoud Ould Seyidi, et de l’autre, une aile plus moderniste, incarnée par le prédécesseur de ce dernier, Jemil Ould Mansour. « Il faut faire évoluer les mentalités et, surtout, ne pas avoir peur de choquer et de briser tous les tabous si nous voulons que notre société change profondément, explique la députée, qui reçoit chez elle, entourée de ses sœurs. J’ai reçu énormément de soutiens et pas uniquement parmi les forgerons qui, je le rappelle, sont issus de toutes les communautés. »

À LIREDécryptage : que signifie la condamnation à mort du jeune Mauritanien coupable d’apostasie ?

Comme elle, d’autres femmes n’hésitent pas à se positionner courageusement sur ces sujets très sensibles. Ce fut le cas de la militante Mekfoula Mint Brahim, qui, en 2014, avait défendu à la télévision et sur les réseaux sociaux le droit à un procès équitable pour le blogueur Mohamed Cheikh Ould Mohamed (dit Ould Mkheitir), condamné à mort pour apostasie en raison d’un texte jugé blasphématoire dans lequel il accusait la société mauritanienne de perpétuer un « ordre social inique hérité » de l’époque du Prophète – lui-même est forgeron.

À cette époque, les tensions étaient très vives dans le pays. De nombreux manifestants en colère, à Nouakchott et à Nouadhibou, réclamaient dans la rue l’exécution de Ould Mkheitir, à laquelle celui-ci a finalement échappé. Mekfoula Brahim avait alors été visée par une violente campagne de dénigrement, tout comme la militante Aminetou Mint El Moctar.

Une nouvelle opposition ?

Au moment où les opposants, empêtrés dans l’organisation d’un dialogue national qui a tourné court, semblent de moins en moins se faire entendre, ces Mauritaniennes représentent-elles une nouvelle force politique ? Ces importantes questions de société sont en effet celles qui représentent le plus d’enjeux aujourd’hui. « Oui, il existe une nouvelle opposition, jeune et courageuse, revendique Saadani Mint Khaytour, qui a par ailleurs demandé au ministre des Affaires islamiques de documenter des soupçons de gabegie dans son département. Un mouvement émerge aujourd’hui et se prépare pour faire évoluer les mentalités en faveur des castes victimes d’inégalités. »

Aminetou Bilal, 31 ans, ex-conseillère au ministère des Affaires sociales, de l’Enfance et de la Famille, et fondatrice, en 2021, du mouvement politique « Patriotes en action », le confirme. « L’opposition fonctionne encore de manière traditionnelle, alors que nous sommes à l’ère des réseaux sociaux, constate-t-elle. Nous sommes des jeunes femmes éduquées, certaines ont préféré voyager, mais moi, j’ai choisi de rester, car ma place est ici. Si nous quittons la Mauritanie, qui va la changer ? »

À LIRE[Exclusif] Mauritanie – Mohamed Ould Ghazouani : « Je ne suis pas juge pour dire si Mohamed Ould Abdelaziz est coupable ou non »

Le discours prononcé par le président Mohamed Ould Cheikh Ould Ghazouani à l’occasion du Festival des villes anciennes à Ouadane, en décembre 2021, les a confortées dans l’idée qu’elles avaient un rôle à jouer. Après avoir salué ceux qui ont rendu « des services dans la production artisanale, le développement agropastoral et les édifices architecturaux », le chef de l’État s’est dit affligé par le fait que « ces franges de la société ont enduré des injustices et un manque de reconnaissance, alors que le bon sens aurait voulu qu’elles soient en haut de la pyramide sociale, étant à l’avant-garde des bâtisseurs de la civilisation. » Et d’ajouter : « Il est grand temps de rompre définitivement avec les préjugés et les images stéréotypées. »

C’est la toute première fois qu’un chef de l’État mauritanien se positionne ainsi sur ces questions. Le propos est d’autant plus percutant que la caste des forgerons, visée, entre autres, dans ce discours, s’inscrit en opposition historique avec celle des marabouts, dont Mohamed Ould Cheikh Ould Ghazouani est issu.

Avant elles, Biram

« Saadani a été forte, car elle s’est levée et a combattu, bien qu’on lui ait fait ressentir toute sa vie qu’elle était inférieure », glisse un collaborateur du président. Avant elles, Biram Dah Abeid, le leader de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie), arrivé deuxième à l’élection présidentielle de 2019, leur a ouvert la voie.

Bon orateur, charismatique, il fut le premier à oser être très transgressif pour combattre l’inertie sur ces questions liées à « l’unité nationale » et surtout, aux Haratines – les descendants d’esclaves.

À LIREMauritanie : Biram Dah Abeid en quête de reconnaissance

« La Mauritanie sera obligée de changer dans les prochaines années, les tiraillements seront devenus trop importants entre ceux qui campent sur des positions traditionnelles et ceux qui aspirent au changement, assure Saadani Mint Khaytour. Aujourd’hui, les victimes d’injustice représentent la moitié de la population mauritanienne. »

Burkina Faso – Mariam Sankara : « Je doute de la demande de pardon de Blaise Compaoré »

Au lendemain de la demande de pardon formulée par l’ancien président pour les actes qu’il a commis pendant qu’il était au pouvoir, la veuve de Thomas Sankara réagit en exclusivité pour Jeune Afrique.

Mis à jour le 27 juillet 2022 à 15:38
 
 

 mariam

 

Mariam Sankara, le 11 octobre 2021. © Olympia de Maismont/AFP

 

 

C’est une lettre qui, depuis vingt-quatre heures, suscite beaucoup de commentaires à Ouagadougou. Dans ce courrier, Blaise Compaoré, condamné en avril dernier par contumace à perpétuité pour l’assassinat de Thomas Sankara, en 1987, demande « pardon » à la famille de ce dernier mais aussi à l’ensemble du peuple burkinabè pour « les souffrances » endurées pendant ses vingt-sept années au pouvoir.

Cette lettre est datée du 8 juillet 2022, alors que Blaise Compaoré était de retour à Ouagadougou – sans être inquiété par la justice – pour être reçu par le lieutenant colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, mais a été lue le mardi 26 juillet devant la presse par le porte-parole du gouvernement, Lionel Bilgo. Ally Coulibaly, conseiller spécial d’Alassane Ouattara, et Djamila Compaoré, la fille de l’ancien président, étaient présents à ses côtés après avoir spécialement fait le voyage d’Abidjan pour « porter » cette lettre aux autorités burkinabè.

À LIREProcès Sankara : malade et mutique, Blaise Compaoré, le grand absent

Installée à Montpellier, dans le sud de la France, où elle vit depuis la disparition tragique de son mari, c’est par la presse que Mariam Sankara a découvert l’existence de cette lettre et la demande de pardon de Blaise Compaoré. Interrogée au téléphone par Jeune Afrique, la veuve de l’ancien président y répond.

Jeune Afrique : Acceptez-vous le pardon demandé par Blaise Compaoré pour son rôle dans l’assassinat de votre mari, le 15 octobre 1987 ?

Mariam Sankara : C’est à ma grande surprise que j’ai appris, par la presse, que Blaise Compaoré a demandé pardon au peuple burkinabè et à la famille de son « ami et frère » Thomas Sankara. Sincèrement, je me demande si cette lettre vient de Blaise lui-même. Depuis 1987, il a eu l’occasion de demander pardon à maintes reprises. Mais il est resté impassible. Il aurait pu venir au procès reconnaître sa responsabilité et demander pardon mais il n’a rien fait. Lors de son dernier séjour à Ouagadougou, début juillet, il aurait pu s’adresser aux Burkinabè mais non, il n’a rien fait.

Vous doutez donc que ce soit Blaise Compaoré lui-même qui ait écrit cette lettre ?

Je doute de l’authenticité de cette lettre car, comme je vous l’ai dit, Blaise a eu l’occasion de demander pardon depuis longtemps. Il ne l’a pas fait. Il est venu récemment à Ouagadougou. Tout le monde l’a vu. Il aurait pu parler. Mais il n’a rien dit du tout.

À LIREThomas Sankara : derniers instants, derniers témoins, derniers secrets…

Au-delà du débat sur l’authenticité de cette lettre, acceptez-vous son pardon ?

Le pardon ne se décrète pas. Quand on a commis un acte et qu’il a été jugé, si on le reconnaît, on se rend à la justice. À ce moment, peut être que le pardon aurait pu être accepté par les victimes. En reconnaissant ses actes et en acceptant la justice, il aurait vraiment montré qu’il se repent. Mais demander pardon comme ça, alors qu’on ne sait même pas si c’est vraiment lui qui demande…

Voyez-vous un aveu de culpabilité de Blaise Compaoré dans cette demande ?

Encore une fois, je me demande si c’est bien lui qui a écrit cette lettre. Il avait l’occasion depuis longtemps de demander pardon. Et c’est aujourd’hui, où il ne semble pas être lui-même, qu’il fait cette demande ? Si on veut vraiment le pardon et la réconciliation, il y a des formes à respecter. Là, c’est une manière assez inédite.

Avez-vous été choquée du retour de Blaise Compaoré début juillet à Ouagadougou ?

Oui, j’ai été choquée de ce retour. Quelqu’un qui est condamné et qui passe comme ça par-dessus la justice, cela est choquant. Il est rentré sans que rien ne se passe, sans que personne ne soit averti. Cela a été une surprise de mauvais goût pour tout le monde. S’il doit revenir au Burkina Faso, il faut que la démarche se fasse auprès de la justice burkinabè. Quelque part, je pense qu’on instrumentalise la réconciliation et le pardon, qu’on tolère l’impunité. Or, tous les Burkinabè veulent la réconciliation et la paix dans le pays. Il ne faut pas que ces actes nous divisent. Il faut que l’on reste vigilant et uni, sans céder à la division.

Macron à Cotonou : le grain de pili-pili de l’opposition française

Alors qu’Emmanuel Macron arrivait au Bénin, une lettre de députés français l’invitait à ne pas « servir de caution » à un régime aux « dérives autoritaires ».

Mis à jour le 27 juillet 2022 à 17:09
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

glez 

 

© Damien Glez

 

Un président voyageur doit surveiller ses arrières tout autant que ses « avants ». Si c’est à son point de destination camerounaise qu’Emmanuel Macron recevait, en début de semaine, un topo de défenseurs des droits humains sur l’emprisonnement de « leaders séparatistes et opposants », c’est de la France qu’il recevait un courrier, au moment où il posait les pieds au Bénin, ce mercredi 27 juillet.

À LIREBénin : comment des lobbyistes américains ont tenté de perturber la venue de Macron à Cotonou

« Nous souhaitons attirer votre attention sur la situation politique dans ce pays » où « la situation des opposants politiques au régime » est « de plus en plus alarmante », avec des « parodies de procès », notamment ceux de l’ancienne garde des Sceaux Reckya Madougou et du constitutionnaliste Joël Aïvo : datée du 26 juillet, la lettre qui dénonce des « dérives autoritaires » du régime de Patrice Talon est signée par près de 80 députés français. Ces élus craignent que le faste du déplacement présidentiel serve de caution à un pays dont la réputation de Quartier latin de l’Afrique semble un peu ternie par les récentes déconvenues de l’opposition. Et ceci même si un air de décrispation semble souffler, ces dernières semaines, sur l’ex-Dahomey.

Fronde domestique ?

Certainement blasé, le chef de l’État français sait que les missives écrites sous les lambris de son Assemblée nationale ont une vocation… nationale. Nombre des signataires de la lettre sont membres de la « Nupes », cette coalition de gauche que mena Jean-Luc Mélenchon et qui entend animer la nouvelle législature : l’initiateur écologiste Hubert Julien-Laferrière, membre de la commission des Affaires étrangères, les écologistes très en vue Julien Bayou et Sandrine Rousseau, les communistes Fabien Roussel et André Chassaigne, les socialistes Olivier Faure et Jérôme Guedj ou encore l’insoumise Clémentine Autain. À l’heure où le bloc législatif macronien s’est réduit comme peau de chagrin – passé de majorité absolue à majorité relative –, il est plus inquiétant que certains signataires de la lettre appartiennent à une formation politique qui évolue toujours dans le giron de ladite majorité : le parti « En commun ! » de l’ancienne ministre de Macron Barbara Pompili.

À LIREEmmanuel Macron en Afrique : les cinq travaux d’Hercule

À propos du Bénin, le secrétaire d’État français auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères s’est contenté de rappeler les sujets du déplacement élyséen : la lutte antiterroriste, la sécurité alimentaire et la coopération artistique et culturelle. Plus globalement, sur la nouvelle stratégie d’Emmanuel Macron en Afrique – le traitement du nouvel « illibéralisme » politique africain par des échanges directs avec ses homologues –, l’Élysée a déjà balayé du revers de la main toute « injonction médiatique ». Même publiée dans la presse, une lettre d’élus est un peu plus que « médiatique ».

Commission épiscopale Justice et Paix de Banfora : l’aurevoir du père Macaire SANDOUIDI


Commission épiscopale Justice et Paix de Banfora : l’aurevoir du père Macaire SANDOUIDI

 

Trois années, c’est le temps que le père Macaire SANDOUIDI aura passé à la tête de la Coordination diocésaine Justice et Paix de Banfora (CDJP). Aujourd’hui envoyé en mission d’études à Rome en Italie, il a dit aurevoir à toutes les personnes physiques et morales qui n’ont eu de cesse d’accompagner la CDJP. C’était à l’occasion d’une messe d’action de grâce célébrée le 24 juillet 2022 à Banfora en présence d’autorités administratives, coutumières et religieuses de la région.

L’émotion était au rendez-vous ce 24 juillet 2022 à l’occasion de la messe d’action de grâce pour les trois années que le père Macaire SANDOUIDI a passé à Banfora en tant que non seulement Coordonnateur diocésain de la Commission épiscopale Justice et Paix, mais aussi respectivement curé de la paroisse Saint Viateur et directeur de l’établissement Louis Querbes.

Avec la coordination diocésaine, ce sont essentiellement des actions en faveur de la cohésion sociale qui ont été développées ce, grâce à la forte mobilisation de différents acteurs. « Durant ces années, nous avons travaillé ensemble, nous avons appris à nous connaitre, à nous accepter et à nous aimer. A travers la Coordination Justice et Paix, nous avons initié beaucoup de choses pour la cohésion sociale et la paix dans notre région », a rappelé le père Macaire SANDOUIDI.

 

 

Le père Macaire a salué l’accompagnement des différents acteurs à la Commission épiscopale Justice et Paix

Il n’a donc pas manqué de réitérer ces remerciements aux premières autorités de la région dont le gouverneur des Cascades, le Haut-commissaire de la province de la Comoé, les préfets des départements de Banfora et de Tiéfora, aux membres des délégations spéciales, et aux chefs religieux et coutumiers. Il les a aussi invitées à continuer dans cette dynamique de recherche de la paix comme elles l’ont déjà fait à travers les deux premières éditions de la journée des communautés initiée par la Coordination diocésaine Justice et Paix.

Présents à cette messe d’action de grâce, le Haut-Commissaire de la province de la Comoé, le préfet du département de Tiéfora et les chefs de Terre de Banfora et de Corona ont unanimement salué un homme très proche des communautés qui a beaucoup œuvré pour la paix et la cohésion sociale dans la région. « C’est grâce à lui que j’ai connu la Commission Justice et Paix, pas seulement à Banfora, mais aussi pour ce qu’ils font à travers le pays », a confié Madame Aminata SORGHO/GOUBA, Haut-commissaire de la Comoé.

Quant au père Macaire SANDOUIDI, il a rassuré que même s’il s’en va, la Commission épiscopale Justice et Paix demeure et les actions qui ont été entreprises continueront. Pour terminer, il a émis le souhait de voir la journée des communautés devenir une activité phare dans la région des Cascades qui regroupe les groupes ethniques et les communautés sœurs du Burkina Faso vivant dans la région, pour témoigner que le vivre-ensemble est possible dans la différence.

 

 
photo de famille avec l’ensemble de ses collaborateurs

Ouattara, Gbagbo, Bédié : et s’ils nous surprenaient ? par Marwane Ben Yahmed

Les trois monstres sacrés de la politique ivoirienne vont-ils renoncer à jouer le match retour en 2025 ? On se prend à rêver…

Mis à jour le 25 juillet 2022 à 15:15
 
Marwane Ben Yahmed
 

Par Marwane Ben Yahmed

Directeur de publication de Jeune Afrique.

 

 

oua

 

 

© De g. à dr. : Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, à Abidjan, le 14 juillet 2022.

 

Abidjan, jeudi 14 juillet, en fin d’après-midi. Sur le perron du petit palais de la Présidence, le protocole est sur le qui-vive. Pour la première fois depuis la fin de 2010, Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié ont rendez-vous pour une rencontre au sommet. Une rencontre historique selon la plupart des observateurs et des médias locaux, minutieusement préparée par les états-majors respectifs des trois monstres sacrés de la politique ivoirienne.

Décrispation

L’atmosphère est particulièrement détendue. Le chef de l’État et les deux anciens présidents se donnent l’accolade, sourient, se tiennent par la main comme d’anciens copains d’école qui ne se sont pas vus depuis des lustres et prennent plaisir à se retrouver pour évoquer le bon vieux temps. « La rencontre de ce jour a été une rencontre de retrouvailles destinée à renouer le contact et à échanger dans la vérité sur toutes les grandes questions. Le président de la République et ses deux prédécesseurs ont exprimé leur volonté de faire de ce premier rendez-vous un levier de décrispation du climat politique et social en Côte d’Ivoire », a expliqué le benjamin, Laurent Gbagbo, au sortir de leur entrevue, qui a duré plus d’une heure et au cours de laquelle les sujets de la cherté de la vie, des grands chantiers en cours ou des conséquences de la guerre en Ukraine ont été abordés.

À LIRESerge Bilé : « La politique, ce n’est pas le pouvoir à tout prix »

« Les uns et les autres considèrent qu’il s’agit d’une réunion extraordinaire. Mais on doit considérer qu’elle est ordinaire et qu’elle se répétera régulièrement. À chaque fois que mes prédécesseurs auront le temps de reprendre ces échanges, je ferai appel à eux pour recueillir leurs avis et recommandations. Ce sera une bonne chose pour la nation de les entendre et de les écouter, [en raison de] leur connaissance du pays, [de] leur expérience et [du] poids politique qu’ils représentent », a ajouté Alassane Ouattara.

Éléphants et fourmis

Qu’il est loin le temps de la guerre, des crises postélectorales, des parties de poker menteur, des tensions et des menaces de coups d’État ! L’heure est à l’apaisement et au mantra en vigueur depuis plus d’une décennie : la réconciliation. Mieux, les o­uailles, mais aussi les concurrents de nos trois ténors, n’ont plus aucune raison de plastronner ni de s’écharper. Leurs désaccords ou leur entente dictent depuis près de trente ans le climat politique national. Quand les éléphants ne se battent plus, les fourmis cessent de mourir…

À LIRECôte d’Ivoire : mais qui a tué Désiré Tagro ?

On ne peut que se féliciter de cette initiative et de la décrispation qui en découle. Attention cependant, ce n’est qu’un premier pas tant les sujets de contentieux sont nombreux et restent sur la table : amnistie de prisonniers, retour des exilés, réforme de la Commission électorale nationale indépendante, découpage électoral, recouvrement des avantages liés au statut d’ancien chef de l’État de Laurent Gbagbo ou au statut d’un certain nombre de ses proches… Espérons que les fruits passent la promesse des fleurs.

Renouvellement générationnel

Si l’heure n’est plus à l’inquiétude, du moins en attendant les élections locales de 2023, il n’est pas interdit de rêver et d’attendre davantage de Ouattara, Bédié et Gbagbo, qui auront respectivement 83, 91 et 80 ans à l’orée de la prochaine présidentielle, à la fin de 2025. Soyons fous : ils pourraient tous trois, à l’occasion d’une prochaine réunion tripartite, nous annoncer de concert qu’ils renoncent définitivement à « jouer le match retour », donc à concourir.

Ils désigneraient chacun celui ou celle appelé à reprendre le flambeau au sein de leur formation, quitte à ce qu’eux-mêmes en conservent les rênes dans un premier temps. Vœu pieux ? Ce serait en tout cas un geste symbolique fort et inédit, qui concrétiserait leur volonté de réconciliation et démontrerait qu’ils se préoccupent davantage de l’avenir du pays que de régler leurs comptes personnels. Cela illustrerait, surtout, le renouvellement générationnel tant attendu des Ivoiriens. À condition qu’ils prennent ensemble cette décision et la mettent en pratique concomitamment. C’est, après tout, le sens de leur histoire commune : leur affrontement accapare la scène politique ivoirienne depuis si longtemps qu’ils ne peuvent la quitter sans crainte que tous les trois en même temps.

Sous-catégories

Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)