Témoignages

 

Fin de Barkhane au Mali : chacun voit retrait à sa porte

Avec le départ du Mali du dernier soldat français de la force Barkhane, ce qui ressemblait à une idylle, en 2013, finit en queue de tilapia. Chacun essaie de faire bonne figure.

Mis à jour le 16 août 2022 à 16:27
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

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© Damien Glez

 

Il y a neuf ans, l’émotion de « Papa Hollande », président d’une France qu’« on » avait appelé à la rescousse au Sahel – il reste à définir la légitimité de ce « on » – l’étreignait à ce point qu’il balayait ses conquêtes politiciennes nationales pour déclarer que sa visite au Mali était, sans doute, « la journée la plus importante » de sa vie politique. Ce lundi, c’est sous un mépris glacial de la junte malienne que le dernier soldat français de l’opération militaire Barkhane passait une frontière terrestre…

Alors que le monde chrétien célébrait, ce 15 août, l’entrée de la Vierge Marie dans la gloire de Dieu, c’est précisément à 11 heures locales que le dernier détachement français faisait sa sortie du Mali, via le Niger, sans tambour de célébration ni trompette de la renommée. Comme de bien entendu, les parties « brouillées » ont chacune leur vision du divorce…

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En « off » comme en « on », la France indique n’avoir pas démérité, avoir notamment payé le prix du sang pour empêcher des colonnes jihadistes de fondre sur Bamako. Au-delà de cette lecture qui ne pourra être validée que par les historiens et avec le recul de quelques années, l’état-major de l’armée française précise qu’il s’agit moins d’une débandade que d’un redéploiement : « Les armées françaises continuent le combat contre le terrorisme au Sahel, en coordination avec nos partenaires africains et internationaux », même si la présence dans la région sera divisée par deux d’ici la fin de l’année.

Ultimatum

En dehors du Niger, N’Djamena et Ouagadougou hébergent toujours des militaires français, dans des proportions et des cadres différents. L’état-major français s’enorgueillit surtout de l’exploit que constitue le départ du Mali d’un dispositif aussi lourd en si peu de temps – 4 000 containers et un millier de véhicules en six mois –, sans que la fragilité induite par le déménagement ne conduise à des attaques contre ces forces françaises.

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Côté malien, la junte au pouvoir laisse parler les foules, convaincue que celles-ci traduisent le sentiment du peuple. Ce 14 août, à Gao, alors que le départ de Barkhane s’achevait, des manifestants ont quand même tenu à lancer un ultimatum de 72 heures à des militaires décidés à ne pas utiliser lesdites 72 heures. Et des photographies présumées du rassemblement de montrer des slogans brandis comme « Barkhane parrain et allié des groupes terroristes » ou « aucune puissance étrangère ne fera du Mali son butin ».

La rupture finalement consommée entre les militaires maliens et français, les échos de la guerre de communication seront entendus quelques temps, avant que ne se normalise, sous Goïta ou pas, sous Macron ou pas, les relations entre le Mali et son ancien colon.

Agri-tech : ces jeunes pousses de la transformation agricole

Protéines durables, produits premium, technologies pour fluidifier la chaîne de production… Les start-up EntomoNutris, Jus Délice et Releaf parient sur l’innovation pour valoriser les richesses du continent.

Mis à jour le 14 août 2022 à 16:49
 
 
 

 

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Ikenna Nzewi. © DR

 

• Ikenna Nzewi – Releaf (Nigeria) 

Industrialiser la transformation alimentaire grâce à la technologie, c’est le rêve de Ikenna Nzewi, PDG et co-fondateur de Releaf, une start-up nigériane qui développe des solutions techniques et technologiques mettant en relation agriculteurs et usines agroalimentaires, l’un des points faibles du continent.

Ikenna Nzewi était encore étudiant à Harvard, en 2017, quant l’idée lui est venue. Il est parti du constat que, dans son pays, la chaîne de valeur était peu efficace, à la fois en termes de production et de transformation, sur un marché de l’huile végétale qui, selon Releaf, représente pourtant près de 3 milliards de dollars par an.

Le secteur est encore très fragmenté, les petits exploitants de palmiers à huile représentant de 80% de la production totale sur plus de 1,6 million d’hectares à travers le pays. Mais, en raison des insuffisances techniques des récoltes et d’une mauvaise gestion des stocks, les fabricants se heurtent à deux problèmes : une matière première de mauvaise qualité et des pertes au cours de la collecte.

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C’est alors qu’interviennent les solutions innovantes de la start-up. Parmi elles : un outil de géolocalisation permettant d’identifier les usines les plus proches des producteurs (ou de déterminer le meilleur endroit où implanter une usine en fonction de la production) ; une technologie facilitant le cassage de la noix, utilisée dans une usine d’une capacité de 500 tonnes de noix par mois à Uyo ; un logiciel permettant aux producteurs partenaires de gérer leurs stocks. Autant d’outils destinés à décentraliser la transformation agricole, l’une des clés du succès selon Releaf.

En seulement dix-huit mois d’activité, la start-up a développé un réseau de 1 000 petits exploitants fournissant aux usines alimentaires plus de 10 000 tonnes de noix. Elle a aussi investi dans l’amélioration des équipements des usines, et projette d’étendre son modèle à d’autres produits agricoles. Pour l’instant en phase d’amorçage, Releaf a bouclé un premier tour de table de 2,7 millions de dollars mené par Samurai Incubate Africa, Future Africa et Consonance Investment Managers avec la participation de Stephen Pagliuca, président de Bain Capital, et de Justin Kan (Twitch). L’agritech a également obtenu 1,5 million de dollars du Challenge Fund for Youth Employment (CFYE) et de l’USAID.

• Mohamed Derdour – EntomoNutris (Maroc) 

Il arrive que biologie et la technologie rencontrent l’agriculture. Diplômé de HEC Montréal en 2021, passé par le groupe marocain pharmaceutique MediPro Pharma et le géant GSK, Mohamed Derdour décide, dès 2020, de se lancer dans le business prometteur de l’élevage d’insectes, l’entomoculture, en créant sa start-up, EntomoNutris.

Persuadé que, face à la croissance démographique galopante (+ 7,6 % au niveau mondial, + 27 % en Afrique subsaharienne prévus entre 2020 et 2030), il faut trouver une solution durable pour assurer la sécurité alimentaire, il mise sur sur ce créneau pour répondre à la demande en viande.

Riches en protéines, en acides gras essentiels et en minéraux, les insectes présentent un fort apport nutritif. « Leur élevage requiert cent fois moins d’espace et 2 200 litres d’eau de moins que celui du bétail », souligne Derdour.

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Élue meilleure start-up de l’année dans trois concours d’entrepreneuriat marocain en 2022, EntomoNutris produit, dans un centre pilote à Marrakech, de la farine d’insectes destinée à l’alimentation animale (volaille). Produisant aussi des biofertilisants, issus des déjections de son élevage de mouches soldat noires et destinés à l’agriculture, l’aquaculture et le jardinage, elle travaille à la constitution d’un réseau de distribution et de commercialisation.

Selon des estimations de l’ONU, le marché mondial des insectes destinés à l’alimentation humaine et animale pourrait atteindre 8 milliards de dollars en 2030, soit un taux de croissance annuel de 24% au cours des dix prochaines années. En Afrique, l’élevage d’insectes nourris de déchets agricoles pourrait produire jusqu’à 2,6 milliards de dollars de protéines brutes et jusqu’à 19,4 milliards de dollars d’engrais biologiques. Le continent compte déjà plus de 850 structures d’élevage d’insectes, qui produisent des aliments destinés à la consommation humaine et animale.

La start-up, qui constitue une filiale au Canada, espère commercialiser 60% de ses produits au Maroc et 40 % sur le marché nord-américain. Elle envisage une levée de fonds pour hâter son développement, qui s’appuierait sur l’amélioration de son modèle d’élevage (« intelligent et connecté ») et sur la diversification de sa gamme de produits.

• Gustav Bakoundah – Jus Délice (Togo)

À la tête depuis 2012 de Label d’Or, le principal producteur et exportateur de produits bio au Togo, Gustav Bakoundah décide en 2017 de créer Jus Délice, spécialisé dans la transformation d’ananas bio. « Il fallait se positionner sur un produit premium pour se distinguer de la concurrence et trouver une solution au gaspillage des récoltes », explique le PDG, qui s’appuie sur un réseau de plus de 7 500 agriculteurs organisés en coopératives et répartis dans les filières ananas, papayes, mangues et oléagineux.

Après que des banques locales aient refusé tout net de financer Jus Délice, Moringa, un fonds d’investissement qui finance des projets agroforestiers à impact social en Afrique subsaharienne et en Amérique du Sud, se rapproche de la société en 2018 et entre à son capital en injectant 2,6 millions d’euros.

L’investissement a servi à la construction d’une usine de transformation moderne. Résultat, Jus Délice a une capacité de production de 4 000 tonnes de jus d’ananas par an, 220 litres étant par ailleurs distribués en fûts, par voie maritime, aux industriels embouteilleurs, traders et petits clients. Depuis 2020, l’entreprise double chaque année son chiffre d’affaires. Elle espère ainsi atteindre 4,2 millions d’euros en 2022.

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Selon les dernières estimations du gouvernement togolais, la production d’ananas a crû de 11,6 % entre 2017 et 2019, passant de 27 000 à 30 149 tonnes. Principalement tournée vers l’exportation, la filière produit plus de 1 million de litres de jus d’ananas, dont 20% à destination du marché bio.

Jus Délice cible le marché européen, avec la France, l’Allemagne et les Pays-Bas comme principaux clients. Sous réserve de l’obtention de nouveaux financements, la start-up compte s’attaquer au marché américain, élaborer d’autres produits (confitures, fruits séchés), et se lancer dans la transformation du karité et des graines de soja, également produits par les exploitants du réseau Label d’Or.

Xénophobie, esclavage moderne, viol : Djaïli Amadou Amal, porte-voix insoumise

Figure incontournable de la littérature camerounaise et lauréate du Goncourt des lycéens 2020, l’autrice publie un nouveau roman courageux, « Cœur du Sahel », dans lequel elle se dresse contre les différences de castes au sein de son pays.

Mis à jour le 13 août 2022 à 17:41
 

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Djaïli Amadou Amal, à Paris le 2 juin 2022. © Bruno Lévy pour JA

 

 

En 2020, avec Les Impatientes, Djaïli Amadou Amal nous conduisait dans l’intimité d’un saaré où de jeunes femmes d’un milieu plutôt privilégié subissaient, du fond de leur prison dorée, les affres du mariage forcé et de la polygamie. Deux ans plus tard, avec Cœur du Sahel, l’autrice multiprimée agrandit l’espace et brosse le tableau d’une région sahélienne marquée par les conséquences désastreuses du terrorisme et du changement climatique.

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Nous plongeons ainsi dans le quotidien de femmes domestiques, des invisibles qui luttent pour leur survie dans une société nord-camerounaise régie par des clivages fondés sur les appartenances sociale, ethnique et religieuse. L’on suit les parcours de deux d’entre elles, Faydé et Bintou, qui tentent, chacune à sa manière, d’échapper à leur condition pour s’élever dans la hiérarchie sociale. Comme l’on ouvre une boîte de pandore, sans rien éluder, Djaïli Amadou Amal qui, petite fille, rêvait de vivre dans un monde enchanté, s’attaque de manière frontale à des sujets que d’aucuns voudraient maintenir tabous : la xénophobie, le mépris de classe, l’esclavage moderne, le viol érigé en tradition. Des thèmes âpres, qui n’enlèvent rien à la beauté de l’histoire d’amour entre Faydé et Boukar, deux êtres que tout semble séparer.

Dans Les Impatientes, vous évoquiez de manière allusive le viol d’une domestique. Dans Cœur du Sahel, vous donnez à cette dernière une identité.

Djaïli Amadou Amal : En terminant la rédaction des Impatientes, je savais déjà quel serait le thème de mon prochain livre. Alors que dans le premier, ce viol était un non-événement, un « simple troussage de domestique » qui n’avait ému personne, dans Cœur du Sahel, j’ai voulu attribuer une identité à la victime, explorer son ressenti, lui rendre la parole. Parce qu’elles sont invisibles, interdites d’éducation et soumises au bon vouloir des hommes qui les violentent, de nombreuses femmes en sont privées. Or ce qu’elles endurent mériterait d’être entendu. Je me fais volontiers leur porte-voix, passant aux yeux de certains pour une rebelle, une insoumise. Et l’insoumission est un tel affront !

L’ÉTAT APPARAÎT ASSEZ PERMISSIF : PAS PLUS LES RAPTS QUE LES VIOLS NE SONT PUNIS

Le viol est omniprésent dans votre littérature. Vous faites dire à l’un de vos personnages que c’est une « tradition » dans les sociétés sahéliennes.

Dans Cœur du Sahel, il est question de mariage par le rapt. Suivant une tradition qui perdure dans les montagnes du Nord-Cameroun, un homme qui désire une femme peut s’arroger le droit de l’enlever pour l’épouser. Pour s’assurer que rien ne viendra entraver son projet, il la viole parfois publiquement – ce qui en fait d’emblée son épouse –, en toute impunité, au vu et au su de tout le monde, sans que nul ne songe à s’en indigner. Même l’État apparaît assez permissif : pas plus les rapts que les viols ne sont punis. Le sujet reste tabou. De la même manière, les femmes domestiques sont souvent la proie de leurs employeurs et subissent parfois le viol de différents membres de la famille, sans jamais oser porter plainte. Honteuses d’être des victimes, elles se murent dans le silence, ce qui conforte leurs bourreaux dans l’idée que violer une domestique ne prête pas à conséquence.

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Les violences liées au genre s’ajoutent à celles de classe.

La violence de classe se manifeste par l’indifférence que nous témoignons à ces domestiques au travers du peu de considération que nous accordons à leur parcours. Personne ne s’intéresse à leur vie. Comment sont-elles arrivées là, pourquoi y sont-elles, quelles sont leurs aspirations ? Personne ne songe à le leur demander, alors qu’elles sont parfois présentes de génération en génération. Le roman pose ainsi le problème du mépris de classe. Nous avons eu des domestiques à domicile. Grâce à ma mère qui les a toujours considérées comme des membres à part entière de la famille, nous leur avons toujours témoigné le respect qu’elles méritent.

IL EST ÉVIDENT QU’IL FAUT SONGER À UN MEILLEUR ENCADREMENT DU TRAVAIL DOMESTIQUE, QUI PASSE PAR UN RESPECT MUTUEL

Le respect des droits des domestiques pourrait-il devenir à terme l’un de vos combats ?

Dans le cadre de l’association Femmes du Sahel, que j’ai créée en 2012, nous favorisons d’abord l’éducation de la petite fille en l’inscrivant à l’école sans tenir compte de son origine ethnique ou de sa religion. Mais nous avons également entrepris un travail de sensibilisation aux différentes formes de violence, notamment les viols, les rapts et les mariages forcés ou précoces. Il est évident qu’il faut songer à un meilleur encadrement du travail domestique, qui passe par un respect mutuel. Les employeurs doivent le savoir : ils ont affaire à des collaborateurs, et non à des esclaves. Quant aux employés, ils possèdent des droits et sont fondés à les exercer. Évidemment, ils apparaissent fragilisés, notamment par le changement climatique, qui les contraint à l’exode rural. Désemparés, sans structure d’accompagnement, ils acceptent de travailler dans la première maison venue.

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Une fois de plus, à vos yeux, l’éducation apparaît comme le sésame pour s’en sortir.

J’ai voulu terminer mon roman sur une note d’optimisme, en présentant l’éducation mais aussi l’amour comme deux ingrédients capables de sublimer la vie. Mariée une première fois de force à un homme de presque quarante ans plus âgé que moi, puis une deuxième fois à un homme violent, je me suis accrochée à l’éducation comme à une bouée de sauvetage. Il faut encourager les filles non seulement à aller à l’école, mais aussi, et surtout, à y rester le plus longtemps possible. Alors qu’elle n’appartient pas à l’ethnie dominante, pas plus qu’elle ne pratique la « bonne » religion, Faydé parvient à s’élever dans la hiérarchie sociale. Moralité : peu importe où nous nous trouvons, par l’éducation et la volonté, nous pouvons rompre avec les déterminismes sociaux. En tout cas, l’éducation nous donne le pouvoir de faire des choix.

Vous mêlez romance et peinture sociale, tout en accordant une large place aux faits d’actualité. Boko Haram est ainsi très présent, alors même que son activité semble baisser en intensité. Pourquoi ? 

Il y a certes une accalmie, notamment à la frontière entre le Cameroun et le Tchad. Pour autant, faut-il arrêter d’en parler ? Certainement pas. Car la secte islamiste poursuit ses incursions quotidiennes dans les villages, où elle tue, pille les récoltes, procède à des enlèvements, sème le désespoir. Comment vivre sereinement quand des jeunes filles risquent d’être kidnappées à tout moment ? Quand les enfants désertent l’école parce qu’ils sont trop effrayés ? Quand l’enrôlement de nouvelles recrues est une réalité ? La population vit dans la terreur, et il paraît important de le rappeler en replaçant le sujet au cœur de l’actualité. Évoquer Boko-Haram dans une fiction donne à chaque lecteur la possibilité de s’identifier aux citoyens qui pâtissent de ses exactions. Le sujet en devient alors davantage concret.

JE VEUX DONNER À VOIR LA DÉTRESSE ÉCONOMIQUE DES AGRICULTEURS FACE À LEURS TERRES RENDUES IMPRODUCTIVES PAR LA SÉCHERESSE

On pourrait en dire autant pour le changement climatique…

Nous ne nous rendons pas suffisamment compte de ses conséquences désastreuses sur la vie des populations, en particulier des plus défavorisées, tout comme les agriculteurs et les éleveurs, dont la survie dépend des terres et qui voient se succéder sécheresse et inondations meurtrières. Dans le livre, je décris longuement les paysages qui se modifient inexorablement du fait du changement climatique. Je veux donner à voir la détresse économique des agriculteurs face à leurs terres rendues improductives par la sécheresse – même si la notion de changement climatique reste abstraite –, avec l’insécurité alimentaire, l’exode rural, une lutte pour la survie qui oblige des milliers de jeunes à essayer d’aller survivre ailleurs.

Selon vous, ce changement climatique aggrave les inégalités et les divisions existantes au sein de la société.

Les familles bourgeoises – du moins celles de mon livre – disposent de forages. Elles gaspillent l’eau, qu’elles laissent couler à flot car, après tout, ce n’est que l’eau. Elles ont du mal à concevoir que, dans le voisinage, les puits sont asséchés dès décembre, soit deux mois à peine après la fin de la saison des pluies. L’eau devient alors une denrée rare et précieuse : les femmes parcourent chaque jour jusqu’à 20 km pour en ramener entre dix et quinze litres. Des enfants sont morts en creusant de plus en plus profondément les lits des rivières à la recherche de l’eau.

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Vous abordez un thème inattendu, celui des différences ethniques qui s’apparentent à des différences de castes au Cameroun avec, en filigrane, la xénophobie et le mépris des uns pour les autres. Avez-vous hésité à en parler ?

J’ai hésité à exposer les clivages consécutifs au complexe de supériorité et au mépris qu’éprouvent les Peuls musulmans pour leurs compatriotes issus d’autres tribus, qu’ils désignent par le terme péjoratif de kaado (ceux qui ne sont ni musulmans ni peuls). Me placer du côté des karaa pour dénoncer les outrages qui leur sont faits, c’est pointer un doigt accusateur en direction du groupe ethnique auquel j’appartiens moi-même. C’est un sujet sensible, qui nécessite que nous trouvions les mots justes, le bon ton, pour l’explorer sans faire naître des crispations, sans que ce groupe ethnique peul-musulman ne se sente jugé, attaqué.

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Avant la colonisation occidentale et chrétienne, les Peuls ont participé à la traite des esclaves et ont conquis toute la bande sahélienne par l’épée. Ils en ont retiré un sentiment de puissance qui les pousse à considérer inférieurs les autres peuples. Ma démarche consiste davantage en une plaidoirie en faveur de nouvelles pratiques qu’en une mise en accusation pour xénophobie.

Il y aurait pourtant beaucoup à condamner. Par exemple l’emploi de termes péjoratifs et méprisants pour désigner tous ceux qui ne sont pas peuls.

La question de notre rapport à l’altérité doit être débattue. Par exemple, le kaado-meere n’est rien. Non-Peul et de surcroît villageois, il n’est personne. Et nous pouvons monter d’un cran dans la déconsidération en accolant un deuxième qualificatif : kefero, pour dire mécréant. Qu’il soit chrétien importe peu : il est mécréant dès lors qu’il n’est pas musulman. Comme je l’écris dans le livre, le kaado est aussi un bilkiijo, un ignorant. Quand un kaado meurt, on dit « O waati ! », comme pour un animal, et non « O maayi ! », comme pour un être humain. Peut-on à ce point dénier aux autres leur humanité ? Nous sommes assis sur une poudrière qui peut exploser à tout moment. En tant qu’écrivaine, je voudrais nous obliger les uns et les autres à regarder en face toutes nos laideurs, nos lâchetés, nos turpitudes et tâcher d’en gommer quelques-unes.

Comment les vôtres ont-ils réagi à cette mise en cause de leurs pratiques ? À quoi vous exposez-vous ?

À la haine des uns et des autres. Comme à chaque fois que je publie un ouvrage dans lequel je m’attaque à un tabou, je suis vilipendée par les uns, applaudie par les autres. La xénophobie est un sujet tellement tabou chez nous que j’ai hésité à en parler. Puis mes multiples séjours à l’étranger, ainsi que mes discussions avec mon éditrice française, m’ont décidée. L’autocensure que je m’infligeais a sauté. Si seul 1 % parmi les miens comprend ma démarche et y adhère, ce sera déjà une grande victoire. J’exhorte simplement à la tolérance, à l’acceptation de l’autre. Peut-être verrons-nous bientôt une amorce de changement ?

Cœur du Sahel, de Djaïli Amadou Amal, Emmanuelle Colas, 360 pages, 19 euros.

Diffuser la culture partout

Écrire des livres, mais aussi améliorer leur diffusion sur le continent. C’est la mission que s’est fixée Djaïli Amadou Amal, qui vient d’inaugurer, dans un quartier populaire de Douala, une bibliothèque communautaire à son nom, la deuxième du genre au Cameroun. Une manière, dit-elle, de partager ce que le Goncourt des lycéens lui a apporté depuis deux ans. Fondatrice de l’association Femmes du Sahel, l’écrivaine est par ailleurs à l’origine de la mise sur orbite de trente-six mini-bibliothèques itinérantes. Elles sillonnent les villages les plus isolées, où il est arrivé que des enfants terminent leur primaire sans avoir jamais touché à un livre. Fervente militante pour l’éducation, lorsqu’elle publie en France, Djaïli Amadou Amal conserve ses droits pour l’Afrique afin que ses livres puissent y être vendus à des prix abordables. Les Impatientes et Coeur du Sahel ont ainsi été publiés en France, mais sont parus quasi simultanément au Cameroun, aux éditions Proximité, au prix d’environ 8 euros, contre 19 euros en Occident.
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L'hebdomadaire de la paroisse de Nioro du Sahel n°52 du vendredi 12 août 2022: Pourquoi trahir pour satisfaire les besoins temporels qui ne garantient pas la vie éternelle ?
(une réflexion du Père Vincent KIYE ,Mafr)
 
Textes du jour :
1ère lecture : 16, 1-15.60.63
Évangile :  Mt 19, 3-12
 
« Ta beauté était parfaite, grâce à ma splendeur dont je t’avais revêtue. Mais tu t’es prostituée » (Ez 16, 1-15.60.63)
 
Bien-aimés dans le Seigneur, nous avons voulu pour ce 52 ème numéro de notre hebdomadaire, nous pencher sur les lectures du vendredi 12 août, plus précisément partir de ce texte de l'ancien testament plutôt que de partir de l'évangile du jour. C’est en raison de la réalité de notre vie quotidienne et comme le dira Jésus aux pharisiens dans l'Évangile, parlant de la prescription de la loi de Moïse sur la répudiation des femmes. 
Frères et sœurs en Christ, ce texte déplore notre infidélité envers Dieu certes, mais aussi dans nos différents engagements qui traduisent effectivement notre infidélité envers Dieu.

En effet, s'il y a un mal qui ronge nos sociétés aujourd'hui figure bien celui de l'infidélité dans nos différents rapports les uns des autres. Des couples divorcent, des contrats de travail sont résiliés, des familles disloquées par manque de fidélité. Toutes ces ruptures sont le reflet de notre infidélité envers Dieu. Que se passent-il en réalité ? La réponse nous paraît simple ! Notre époque crée plus des besoins qu'elle ne crée les moyens pour satisfaire ces besoins. Ainsi, l'homme trahi facilement pour satisfaire ses besoins 
Nous sommes en train de perdre le sens même de l'humanité, mieux, ce qui fait l'homme au profit des intérêts temporels, au profit des satisfactions passagères. Si ce problème est aussi vieux que notre époque, en ces temps qui sont les derniers,  nous avons l'impression que cela devient grave au point que l'aujourd'hui de la question de l'infidélité dans nos différents rapports nous a conduits à comprendre un des facteurs majeurs: l'insatisfaction de l'homme. Dieu nous donne toujours ce qui est bon pour nous, ce qui doit nous permettre d'atteindre la fin pour laquelle nous avons été créées. Mais l'homme n'a aucun égard envers Dieu. Il croît toujours que ce que Dieu lui a donné est insignifiant. Aujourd’hui plus que hier, la modernité a créé plus des besoins qu'elle n'a créé des moyens pour satisfaire ces besoins. Et l'homme de notre temps cherche toujours à satisfaire ses besoins par tous les moyens.
La femme trouve que l'homme que le Seigneur lui a donné ne lui convient plus ou n'est plus à la hauteur, ne répond plus à ses attentes; que son travail, son salaire etc n'est pas le bon. Nous cherchons toujours à nous conformer à la volonté du monde plutôt qu'à la volonté de Dieu. Là,  nous passons de la beauté qui était parfaite, grâce à la splendeur dont Dieu nous avais revêtue à la beauté du monde qui n'est que d'un moment.  Ce que le prophète Ezechiel exprime en termes de prostitution. Mais que cherchons-nous en tout cela? Tu as une femme, pourquoi chercher une autre? Tu as un salaire, pourquoi chercher à voler l'entreprise ou ton patron pour avoir plus? Tu as signé un contrat avec tes ouvriers, pourquoi vouloir falsifier ce contrat pour les ruiner? Tout cela est l'expression de manque de foi. Nous ne savons plus faire confiance à celui qui crée et donne les moyens de faire face aux réalités de la vie.
Frères et sœurs, Dieu nous donne toujours ce qui est bon pour notre salut. Le reste conduit à la perdition. La recherche des satisfactions anarchiques est un boulevard qui conduit droit en enfer. Demandons la grâce de chercher  à nous conformer à la volonté de Dieu qu'à celle du monde qui nous detourne toujours de Dieu. Amen 
Le Seigneur soit avec vous !
✍🏽 Père KIYE Mizumi Vincent, Missionnaire d'Afrique 
Paroisse de Nioro du Sahel dans le diocèse de Kayes au Mali 
E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 
Whatsapp : +22372657482

Guinée : Mohamed Béavogui reprendra-t-il son rôle de Premier ministre ?

Absent du pays depuis près d’un mois, le chef du gouvernement de transition est au centre des interrogations, alors qu’une partie de la classe politique guinéenne se demande s’il entend reprendre sa place de Premier ministre. Coulisses d’un séjour européen qui se prolonge.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 11 août 2022 à 12:20
 
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Le Premier ministre guinéen, Mohamed Béavogui

 

Échaudé par la conduite de la transition et ses relations parfois houleuses avec Mamadi Doumbouya, le Premier ministre Mohamed Béavogui s’apprête-t-il à jeter l’éponge ? Nommé le 6 octobre dernier à son poste, l’ancien sous-secrétaire général des Nations unies à la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation) est remplacé depuis le 16 juillet à son poste. L’homme fort de Conakry, Mamadi Doumbouya, a nommé l’actuel ministre du Commerce Bernard Goumou au poste de Premier ministre par intérim.

Officiellement en déplacement en Italie pour raisons médicales, Mohamed Béavogui n’a jusqu’à présent pas donné de date de retour. Ce séjour prolongé en Europe et la nomination d’un remplaçant à son poste alimentent les rumeurs à Conakry, où de nombreux observateurs doutent de son retour en Guinée. Avant de s’envoler pour Rome, le Premier ministre guinéen avait fait savoir à ses collaborateurs et proches que son absence ne durerait que sept jours.

À LIREGuinée – Mohamed Béavogui : « Nous ne pouvons pas affamer les Maliens »

Contacté par Jeune Afrique, ce dernier assure que « la santé est nécessaire pour mener à bien la conduite du pays » et qu’il rentrera lorsque sa condition le lui permettra. En attendant, il séjourne en Italie, à Rome, où il tente de conserver le secret autour de son quotidien. Il n’est plus apparu en public depuis le 13 juillet, peu avant son départ de Guinée, alors qu’il participait à une cérémonie organisée par l’ambassade de France à Conakry.

Résidence italienne

Dans la capitale italienne, le Premier ministre a, selon nos informations, retrouvé un domicile qu’il connaît puisqu’il l’avait acquis alors qu’il occupait la fonction de directeur pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale du Fonds international du développement agricole, une agence onusienne basée à Rome. À l’époque, Mohamed Béavogui occupait cette maison avec sa famille, et le logement demeurait vide lorsque le futur locataire de la primature était en séjour à Conakry.

En dépit de l’argument médical avancé, plusieurs sources proches de l’intéressé assurent qu’il ne souffre d’aucune maladie grave justifiant un séjour prolongé hors de la Guinée. Ce qui ne fait qu’alimenter davantage les rumeurs. Depuis sa nomination, des frictions avec la junte au pouvoir avaient ainsi été révélées publiquement. Ses prises de position auprès de la Cedeao sur la durée de la transition avaient ainsi été désavouées par Mamadi Doumbouya, et un désaccord avait aussi émergé lorsque ce dernier avait décidé de donner à l’aéroport de Conakry le nom de Sékou Touré.

Ces conflits n’auraient officiellement pas entamé la volonté de l’ancien haut fonctionnaire international de mener à bien sa mission, assurait à l’époque un membre de son entourage.

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Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)