Témoignages

 

Oleg Orlov, pacifiste russe indomptable

Ils ont choisi de se dresser dans l’époque en défendant les droits humains. Portrait de militants tentant, à leur échelle, de remettre le monde à l’endroit. Oleg Orlov manifeste depuis cinq mois contre la guerre menée par son pays en Ukraine. Dans l’espoir, un jour peut-être, de parler plus fort que le fracas des armes. « Les nouveaux Mandela ».

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  • Marie Boëton, 

 

Oleg Orlov, pacifiste russe indomptable
 
Le portrait d’Oleg Orlov, cofondateur de l’ONG « Memorial » qui manifeste depuis des mois contre la guerre menée par la Russie en Ukraine.OLIVIER BALEZ

Avec ses chemises grises et sa moustache au cordeau, on s’imagine un personnage bien sage. Erreur : il n’y a pas plus frondeur qu’Oleg Orlov. Le 26 février dernier, deux jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’activiste se postait devant la Douma pour protester. Il était interpellé dans la foulée ; qu’importe, une heure plus tard la scène tournait en boucle sur les réseaux sociaux. Mission accomplie. Le pacifisme, chez lui, c’est la conviction d’une vie. En 1979, déjà, il dénonçait l’invasion russe en Afghanistan. Il s’était fabriqué, pour l’occasion, une petite imprimante et il distribuait ses tracts… Quatre décennies plus tard, Orlov continue de faire entendre sa dissidence. Depuis le début de la guerre en Ukraine, il en est à sa cinquième condamnation mais martèle sur tous les tons : « Je ne garderai pas le silence. Je vais continuer à parler, à écrire, à protester. »

Il n’est pas seul à manifester, mais il se démarque par ses pancartes particulièrement subversives. L’une d’elles, notamment, a irrité le pouvoir. Elle disait ceci : « L’URSS de 1945, un pays qui a vaincu le fascisme. La Russie de 2022, un pays vaincu par le fascisme. » Surtout, Orlov dénonce la censure actuelle, à l’heure où il est interdit de parler de « guerre en Ukraine » – les autorités utilisant pudiquement les termes « opération spéciale ». La formule, vrai euphémisme, aurait fait sourire George Orwell, lui qui traquait dans la langue tout ce qui visait « à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres ». On y est.

Bien décidé à nommer les choses, Orlov vient de publier, avec une poignée d’autres activistes, un manifeste dans lequel il évoque ouvertement l’agression de l’Ukraine et la mort de civils sur le terrain. Le texte s’achève par ces mots : « Notre devoir commun est d’arrêter la guerre, de protéger les vies, les droits et les libertés de tous, Ukrainiens et Russes. » Une phrase toute simple – presque convenue –, mais une phrase immense dans la Russie d’aujourd’hui.

« La société est malade »

Des prises de position qui lui doivent, sans surprise, des menaces accrues. Des inconnus ont récemment tagué un « Z » (symbole du soutien à l’armée russe en Ukraine) sur la porte de son appartement. De quoi lui inspirer des paroles pleines de brume : « Je n’ai jamais connu une période aussi sombre. » Orlov pourrait s’exiler ; les capitales occidentales accueilleraient à bras ouverts cette figure tutélaire des droits de l’homme – qui plus est lauréat du prix Sakharov. Il balaie l’idée : « J’ai toujours voulu vivre et mourir en Russie. C’est mon pays. » Un lien viscéral à la patrie n’empêche pas quelques coups de griffe envers ses compatriotes. « Une grande partie de la société est indifférente, dit-il. La société russe est profondément malade, et depuis longtemps. Et la maladie de l’indifférence, c’est sans doute la pire. »

À près de 70 ans, le militant s’autorise à sonder l’âme du pays et à dire ce qu’il pense du pouvoir, de ses concitoyens… mais aussi du passé. En 1990, avec d’autres, il a cofondé Memorial, une ONG visant à documenter les crimes du régime soviétique, mais aussi à enquêter sur ceux de l’époque contemporaine. Il a ainsi rédigé plusieurs rapports remarqués – dont l’un sur les exactions russes en Tchétchénie (qui préfigurent, de façon glaçante, les crimes de Boutcha, en Ukraine). Impossible de produire un rapport sur la guerre en cours, l’ONG vient d’être dissoute par Moscou… Le Kremlin verrouille désormais le récit national russe.

De cette nuit russe, Oleg Orlov tire pourtant un motif d’espoir. « Le fait, dit-il, qu’aucun point de vue alternatif ne soit autorisé prouve, à certains égards, la faiblesse du pouvoir. Sans doute redoute-t-il l’émergence d’une forme de protestation… ». Puisse l’avenir lui donner raison.

Retrouvez la chronique de Marie Boëton « Les nouveaux Mandela » sur France Inter tous les samedis à 6 h 56.

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Mauritanie – Cheikh Ould Baya :
« Entre le chef de l’État et son prédécesseur, le conflit était surtout politique »

Premier mandat de Mohamed Ould Ghazouani, affaire Aziz, dialogue avec l’opposition… Entretien avec le président de l’Assemblée nationale mauritanienne, dont la parole est rare.

Par  - envoyée spéciale à Nouakchott
Mis à jour le 10 juillet 2022 à 16:32
 

 

Cheikh Ould Baya. © DR.

 

S’il est bien connu des Mauritaniens pour ne pas manier la langue de bois à la tribune de l’Assemblée nationale, qu’il préside depuis 2018, Cheikh Ould Baya accorde très peu d’interviews. Face aux journalistes, le député de Zouerate se fait plus mesuré, n’hésitant pas à se retrancher derrière son devoir de réserve.

Cet ancien colonel, autrefois proche de l’ex-président Mohamed Ould Abdelaziz – à qui il doit d’ailleurs sa nomination –, a su rebondir et tisser de bonnes relations avec le nouveau chef de l’État, Mohamed Ould Ghazouani. Et ce, bien que son nom ait circulé avec insistance parmi les candidats potentiels de « Aziz » à la présidentielle de 2019. Difficile d’oublier néanmoins que les ennuis de ce dernier ont débuté à la suite de l’audit de ses deux mandats lancé par une commission d’enquête parlementaire… Cheikh Ould Baya s’en explique.

Jeune Afrique : Mohamed Ould Ghazouani tranche-t-il avec ses prédécesseurs ?

Cheikh Ould Baya : C’est une question un peu compliquée. Le président est arrivé dans un contexte extrêmement particulier, celui du Covid-19. Le monde entier était pratiquement immobilisé par cette pandémie. Malgré tout, notre pays n’a pas connu de difficultés majeures au-delà de ce qui était prévisible, et les deux gouvernements que Mohamed Ould Ghazouani a dirigés ont fait ce qu’ils ont pu avec les moyens dont ils disposaient. Sans compter que nous comptions beaucoup sur le gaz, mais que l’entrée en exploitation du champ GTA [Grand Tortue Ahmeyim] a été décalée.

Des critiques se font de plus en plus entendre. Faut-il lui laisser du temps ?

Il reste encore la moitié de son mandat au chef de l’État, ce n’est pas rien. Si la situation revient à la normale, je pense qu’il pourra réaliser beaucoup de choses. Mais si la guerre en Ukraine continue à impacter l’économie mondiale, cela sera peut-être encore plus difficile.

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Il aura donc besoin d’un second mandat ?

Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question, mais à lui !

Faut-il relancer le dialogue avec l’opposition ?

Si les partenaires l’abordent tous avec la même bonne foi, il ne pourra être que bénéfique pour le pays. D’un côté, le pouvoir a toujours dit qu’il n’y avait pas matière à dialoguer, et de l’autre, l’opposition évoque des problèmes de toute nature qui, selon elle, nécessitent de se concerter pour éviter une catastrophe.

Ces deux points de vue ont toujours existé depuis Maaouiya Ould Taya (président entre 1984 et 2005, ndlr). Sauf qu’il n’est pas tout à fait vrai de dire que sans ces assises, ce sera l’apocalypse en Mauritanie. Mais il n’est pas tout à fait juste non plus d’avancer qu’elles n’apporteraient pas un plus au pays et à son peuple. Que chacun vienne donc avec des agendas réalistes et accepte de s’inscrire dans une logique positive.

La Mauritanie va vivre un temps fort avec l’ouverture annoncée du procès de Mohamed Ould Abdelaziz. Le pays a-t-il raison de juger son ancien président ?

Mon statut ne me permet pas de m’impliquer dans les dossiers judiciaires.

IL N’Y A PAS LIEU DE REMETTRE EN CAUSE LA LÉGALITÉ DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE PARLEMENTAIRE CONTRE OULD ABDELAZIZ

L’ancien chef de l’État estime que la commission d’enquête parlementaire est illégale, car, selon lui, elle s’appuie sur le règlement intérieur de l’Assemblée nationale et non sur la Constitution. Que répondez-vous à ces accusations ?

J’ai joué le même rôle que n’importe quel député, j’ai eu droit à une voix lors du vote. Ceci dit, le règlement intérieur permet de créer une telle commission à la demande d’un groupe d’élus, et ce même règlement est validé par le Conseil constitutionnel.

Comme il s’agit du juge ultime, ses décisions ne sont pas discutables. Il n’y a donc pas lieu de remettre en cause la légalité de la commission d’enquête parlementaire.

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Mohamed Ould Abdelaziz affirme également que certains des membres de la commission auraient été corrompus dans le but de l’accabler.

Les personnes visées par ces allégations n’ont qu’à gérer ce problème. Je n’accuse personne et je ne suis accusé par personne : je ne suis pas membre de cette commission.

Vous aviez joué les intermédiaires entre l’actuel président et son prédécesseur aux prémices de la crise. Pourquoi votre intervention a-t-elle échoué ?

L’ancien président n’avait pas accepté de se rendre aux festivités à Akjoujt, le 28 novembre 2019. Ce jour-là, je suis allé le voir afin d’évoquer ce problème avec lui, mais il n’avait pas envie que l’on en parle. Je suis donc rentré chez moi.

Toutes les tentatives de réconciliation ont d’ailleurs tourné court. Pourquoi ?

Entre eux, le conflit était purement politique et se cristallisait autour de la « référence » du parti [l’Union pour la République (UPR), au pouvoir], comme tout le monde le sait aujourd’hui en Mauritanie. Ils avaient tous deux leur propre interprétation, mais finalement, les membres de ce parti ont tranché. Je crois que nous en sommes encore là.

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En 2020, vous avez suscité la polémique en déclarant qu’un discours en français à l’Assemblée nationale n’avait plus de sens. Restez-vous sur votre position ?

Mes propos ont été mal interprétés. Certains pays africains ont leur hymne national en français et leur devise hérités du colonisateur. Je pense que les choses doivent évoluer et que les peuples ont une culture, une intimité, une histoire qui ne peuvent s’exprimer que dans leur langue maternelle.

CE QUE L’ON DIT DANS L’HÉMICYCLE DOIT D’ABORD ÊTRE COMPRIS PAR LES NÔTRES AVANT DE L’ÊTRE PAR LES ÉTRANGERS

Ce que j’ai dit et que je défends toujours, c’est que ce que l’on dit dans l’hémicycle doit d’abord être compris par les nôtres avant de l’être par les étrangers. C’est tout à fait légitime que les populations qui parlent exclusivement pulaar, wolof ou soninké et qui ont élu des députés sachent au moins ce qu’il s’y trame.

Nous avons donc supprimé l’interprétariat de l’arabe au français et vice-versa pour instaurer celui de l’arabe vers les langues nationales et inversement. Ceci dit, les documents, qu’ils soient des rapports, des procès-verbaux, des projets ou des propositions de loi, sont toujours traduits en arabe et en français.

Quinze mois de captivité au Mali pour le journaliste français Olivier Dubois

 

Cela fait 15 mois qu'Olivier Dubois est en détention. Le journaliste français a été enlevé le 8 avril 2021 à Gao, dans le nord du Mali, alors qu’il était en reportage. Depuis, notre confrère, qui travaille notamment pour Libération, Jeune Afrique ou encore Le Point, est apparu dans deux vidéos, dans lesquelles il confirme être l’otage du Jnim, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, lié à al-Qaïda au Maghreb islamique

Les autorités maliennes et françaises assurent tout mettre en œuvre pour sa libération. En attendant, comme chaque 8 du mois, RFI donne la parole à ses proches. En dépit de la suspension de RFI au Mali, nos journaux et nos programmes restent captables, en ondes courtes notamment. Là où il se trouve, vraisemblablement dans un recoin du désert du nord du Mali, tout porte à croire qu’il pourra donc continuer d’entendre les paroles adressées par sa famille.

Ce message pour t’apporter mon soutien, toute mon affection et te dire que je pense à toi sans relâche. L’espérance est le seul bien de tous et la vie nous donne toujours une seconde chance, qui s’appelle demain. Le temps joue en ta faveur. Je t’embrasse fort mon fils. Je t’aime.

La mère d’Olivier Dubois

Mon amour, j’espère que là où tu es, tu vas bien. Moi, je ne te quitte jamais. Tu es mon souffle, ma raison de devenir chaque jour une meilleure personne. Je t’aime du plus profond de mon cœur et de mon âme. Je suis toujours là à 17h30 mais, en vérité, à chaque fois que je regarde le ciel, tu es avec moi. Je ne respire que pour ce moment où notre famille sera réunie pour toujours. J’ai la patience et la foi, parce que je vois dans mon esprit se dessiner cette vie que nous méritons. Tu es le meilleur homme que je connaisse et je suis fier de toi. Les enfants vont bien, ce sont des guerriers.

Déborah Al Hawi Al Masri, compagne d’Olivier Dubois et mère de ses enfants

Une fois de plus, une fois encore, malgré la situation c’est avec plaisir que je t’envoie ce nouveau message qui, je pense, te trouvera en bonne disposition pour faire face à la situation. De notre côté, cela va. Nous pensons beaucoup à toi et espérons te revoir vitesse unique. J’ai vu une photo des enfants, ils se portent très bien et pensent beaucoup à toi. Bisous, tiens bon, ton père qui t’aime. (…) Ce message d’encouragement et de soutien pour toi. Tu es soutenu, compris et aimé, ne perds pas espoir Olivier, dans ton esprit et dans ton cœur. Je sais que tu t’inquiètes de savoir si tu vas pouvoir vivre une vie normale. Reste confiant, tu es la personne la plus forte que je connaisse.

André-Georges et Valérye Dubois, père et sœur d'Olivier Dubois

Sur le pont d’Avignon, on y danse, on y danse mais pas que. La ville, la mer, le lycée Mistral, l’équipe du festival et ses festivaliers y sont pour toi pleinement mobilisés. Côté jardin comme côté cour, maman, Benj et moi les avons sollicités pour cet évènement de renom qui vient de débuter. Avec eux, nous tenions à te mettre en haut de l’affiche parce que depuis 15 mois nous avons l’impression que certaines personnes s’en fichent… Pas besoin de longues tirades pour que la capitale du théâtre lève sur ta captivité devant ce parterre de festivaliers. Il ne manque plus que toi, Olivier, l’otage absent de la scène.

Canèle, sœur d’Olivier Dubois

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Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)