Témoignages

 

kiye2022

Ressuscité des morts, Jésus souffle un nouvel esprit à ses disciples et insuffle au monde les valeurs d’une nouvelle humanité (Une réflexion du Père KIYE M. Vincent, Mafr dans le cadre de l'hebdomadaire de la paroisse de Nioro du Sahel n°36 du dimanche 24 avril, 2e dimanche de Pâques)
Textes du jour :
Première Lecture : Actes 5, 12–16
Deuxième Lecture : Apocalypse 1, 9–13, 17–19
Évangile : Jean 20, 19–31
« Jésus souffla vers eux et leur dit : “Recevez l’Esprit Saint.» (Jean 20,23)
 Bien-aimés dans le Seigneur, s’il est vrai que le tombeau vide n’est pas une preuve suffisante de la résurrection du Christ, que dire des récits des apparitions ? C’est le nœud de l’évangile de ce deuxième dimanche de pâques, dit le dimanche de Thomas qui clôture l’octave de pâques, période de huit jours après la fête de pâques. Les textes liturgiques de l’octave de pâques ont une grande particularité, celle d’être centrés sur les récits des apparitions du Seigneur à ses disciples à qui il confie la mission d’être ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre. En effet, l’évangile de ce huitième jour de l’octave comporte quelque chose de spécial qui retient notre attention et que nous voulons mettre en relief dans cette méditation. Il s’agit de l’apparition de Jésus à ses disciples réunis et  enfermés dans une maison par peur des Juifs. Saint Jean rapporte qu’après s’être montré à ses disciples, « Jésus souffla vers eux et leur dit : “Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous enlèverez les péchés, ils leur seront enlevés ; quand vous les maintiendrez, ils seront maintenus.” » (Jn 20, 22-23). Que peut-on comprendre de ce geste de Jésus à l’endroit de ses disciples ?
Lorsque nous recourons à l’ancien Testament, nous voyons que dans la première création l’haleine de Dieu avait donné à l’homme âme et vie. Que Jésus souffle également sur ses disciples après sa résurrection donne tout le sens à la mission qu’il confie à ceux-ci, laquelle mission devra également donner âme et vie au nouveau peuple de Dieu par la rémission des péchés. Son souffle donne la vie à la nouvelle création spirituelle issue de son sang versé pour le rachat d’une multitude.
Un détail important cependant retient plus notre attention. C’est le fait que le Christ qui apparaît aux apôtres, après avoir vaincu la mort, leur souhaite la paix. Quel sens ce souhait aux allures d’un héritage a-t-il pour nous ? Déjà en conférant aux apôtres le pouvoir de remettre les péchés, le Christ les dispose à offrir la paix à l’âme inquiète. Il les invite par ce fait à être des artisans de paix et non de vengeance qu’il aurait dû faire lui-même en allant se montrer à ses bourreaux. Oui, la foi dans le Christ assure et donne la paix mais surtout inspire les valeurs de paix à l’homme. La paix avec Dieu est le fondement de la paix entre les hommes. Délivré de l’esclavage du péché, l’homme est en paix, son âme est en fête. Seul le cœur qui vit la paix peut partager cette paix avec d’autres. C’est à partir de la paix intérieure, celle du cœur, que l’on peut établir la paix extérieure : en famille, au sein de l’Église, entre Etats, avec les voisins et entre les peuples. Dès ce moment, la paix devint la preuve de la présence de Dieu au milieu de son peuple. C’est ce message de paix dont les disciples du Christ seront chargés d’annoncer jusqu’aux extrémités de la terre au nom du Christ. Certains y croiront mais d’autres continueront à  douter. Conscient de l’endurcissement de cœur de la part de l’homme, Dieu ne se lasse pas d’envoyer ses messagers auprès de son peuple, pour lui annoncer la parole de vie comme nous le révèle Saint Jean dans la deuxième lecture lorsqu’il dit: « J’entendis derrière moi une voix qui résonnait comme une trompette :  “Écris ce que tu vois, disait-elle, et envoie-le aux sept Églises : à Éphèse, à Smyrne, à Pergame, à Thyatire, à Sardes, à Philadelphie et à Laodicée.” »(Ap 1, 10-11)Oui, pour parodier Saint Jean, cette méditation a été écrite pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu ; et si vous croyez, vous aurez la vie par l’effet de son Nom.
 Le Seigneur soit avec vous !
✍Père KIYE Mizumi Vincent, Mafr
Paroisse de Nioro du Sahel, diocèse de Kayes
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L'obsession du pouvoir et de la possession déforme le témoignage à la vérité (Une réflexion du Père Vincent KIYE, Mafr publiée dans le cadre de l'hebdomadaire de la paroisse de Nioro du Sahel n°37 du dimanche 01 mai 2022) 
« Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela,
avec l’Esprit Saint,
que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent.» (Ac 5, 27b-32.40b-41)
Les apôtres sont témoins de ce que Jésus a réalisé sous leurs yeux. Il leur dit: Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez." Ils jetèrent donc le filet,
et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Comment ne pas en être des témoins ? 
Frères et sœurs en Christ, les merveilles que le Seigneur accomplit dans notre vie nous invitent ipso facto au témoignage de ce que nous avons vu et entendu. Une façon pour nous de laisser Dieu s'exprimer au monde à travers nous. Et toi, es-tu témoin de ce que le Ressuscité ne cesse de réaliser dans ta vie ? Es-tu témoin de tout cela avec l'Esprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent? Malheureusement, aujourd’hui nous sommes de ceux qui faisons taire la vérité au nom de certaines idéologies, pour concevoir notre pouvoir ou notre position sociale ou encore pour avoir tel ou tel avantage. Nous obeissons ainsi aux hommes plutôt qu'à Dieu. 
 Bien-aimés dans le Seigneur, la liturgie de ce jour nous invite à imiter le zèle et le courage des apôtres en raison de leur confiance indéfectible en Dieu. C'est cette confiance en Dieu qui le poussera à repousser l'interdiction des grands pretres en ces termes : "Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes... Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent." et toi, à qui obéis-tu ? à Dieu ou aux hommes ? à la vérité ou à l'idéologie de la possession et du pouvoir qui poussent à sacrifier la vérité ? 
Frères et sœurs en Christ, s'il y a une tâche difficile dans notre monde actuel c'est celle du témoignage de la vérité. Nous souffrons d'une psychose incroyable qui s'appelle la peur de dire la vérité, la peur de dire ce que nous avons vu et entendu pour ne pas perdre certains avantages.  En agissant ainsi, nous obéissons aux caprices de la chair et non à Dieu ; nous enfermons Dieu dans une prison quelconque. Nous étouffons la vérité au nom de certaines idéologies. Faire taire la vérité ou étouffer la vérité c'est nier Dieu; C'est lui refuser de se dire au monde à travers nous.
Comment comprendre l'exigence du témoignage dans un monde où la vérité dérange, dans un monde où dire la vérité est conditionné par une certaine prudence ou la manière. Que voulons-nous dire concrètement lorsque nous exigeons la manière ou la prudence pour dire la vérité ou gérer certains dossiers?  Dieu, peut-il être conditionné par
 le temps et l'espace? Cela n'est rien d'autre que des manœuvres pour conserver si pas notre pouvoir, au moins protéger nos intérêts et non ceux de Dieu. 
Frères et sœurs en Christ, c'est la réalité devant laquelle les apôtres ont été en but. Empêchés de dire ce qu'ils avaient vu et entendu du Seigneur, ils n'ont pas fléchi. Parce qu'ils savaient que ce que le Seigneur réalise dans notre vie ne peut pas être étouffé par aucune prétention humaine. "Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons." comment se taire devant une telle merveille ? 
 En effet, deux raisons nous poussent souvent à taire la vérité. C'est l'amour du pouvoir et l'obsession de la possession. Ce qui poussa les grands prêtres à interdire les apôtres d'annoncer la Bonne Nouvelle de la résurrection du Christ :« Nous vous avions formellement interdit d’enseigner au nom de celui-là...Vous voulez donc faire retomber sur nous le sang de cet homme !»
Bien-aimés dans le Seigneur, comment demander à quelqu'un de dire que c'est noir alors que tout le monde voit Blanc, s'il n'y a pas une idéologie qui oblige de fausser les données de la perception ? Et toi, qu' est-ce qui te motive lorsque tu t'emprends à la vérité; lorsque tu ne veux pas que la question soit abordée en toute franchise ?
"Il faut obéir à Dieu
plutôt qu’aux hommes." répondront les apôtres. Par cette réponse, les apôtres nous rêvent que la meilleure de manière  c'est la conformité à la volonté de Dieu qui ouvre au salut du genre humain. Nous sommes donc appelés à nous investir par dessus tout, pour la promotion humaine, pour ce qui garantit la vie et dénoncer toutes les manœuvres qui détruisent celle-ci. Et si Jésus se manifesta à ses disciples après sa résurrection c'est pour les investir de la mission d'annoncer les valeurs qui garantissent le salut des enfants de Dieu. Amen 
Le Seigneur soit avec vous
✍🏾 Père KIYE M. Vincent, Missionnaire d'Afrique
Paroisse de Nioro du Sahel dans le diocèse de Kayes
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« Que les évêques de France disent qu’aucune voix chrétienne ne doit aller à l’extrême droite le 24 avril ! » : l’appel du père Christian Delorme

Tribune

Alors que le christianisme est transformé par une partie de l’extrême droite en « idéologie de haine et d’exclusion », le prêtre du diocèse de Lyon appelle les évêques à se prononcer en faveur d’Emmanuel Macron, sans lui donner un blanc-seing.

Publié hier à 18h00, mis à jour hier à 18h32

Tribune. Triste répétition : voici cinq ans déjà, en mai 2017 et dans Le Monde déjà, je m’autorisais – sans succès ! – à en appeler à une parole publique de la part des évêques de France pour que ceux-ci affirment collectivement qu’un vote en faveur d’un(e) candidat(e) d’extrême droite est incompatible avec la foi chrétienne. Me voilà condamné à réitérer aujourd’hui cet appel, alors que, davantage qu’en 2017, la candidate Marine Le Pen a la possibilité de remporter cette élection présidentielle.

Mon appel n’a guère de chance d’être entendu – qui suis-je, d’ailleurs, pour prétendre avoir le droit d’être entendu ? –, mais je peux néanmoins espérer que quelques évêques oseront une parole claire, avant le dimanche du choix décisif. Je sais, aussi, que beaucoup de catholiques, laïcs, religieux (ses) et prêtres, ont (heureusement !) les mêmes attentes que moi.

Une « contre-offensive » chrétienne

Les chiffres du premier tour de l’élection présidentielle sont terrifiants : selon une étude de l’IFOP pour le quotidien La Croix, si on cumule les scores de Marine Le Pen, d’Eric Zemmour et de Nicolas Dupont-Aignan, 40 % des catholiques pratiquants ont voté pour l’extrême droite ! C’est là un échec considérable pour l’Eglise et pour le christianisme en général. Comme l’échec terrible que représente, pour la démocratie française, cette confiance que tant de citoyens français croient pouvoir mettre désormais dans des personnes prônant des valeurs contraires aux fondements mêmes de cette démocratie. 

Face à des mouvements migratoires qui appartiennent à l’histoire naturelle du monde mais dont la réalité est fortement travestie, et par peur de l’essor, dans notre société comme dans le monde entier, d’un islam de plus en plus prégnant, une partie de l’extrême droite en appelle, manifestement avec succès, à une sorte de « contre-offensive » chrétienne… dans une société majoritairement déchristianisée.

« Cette “extrême-droitisation” du catholicisme français représente une tragédie au moins aussi affligeante que l’ultra-déchristianisation de notre société »

Mais de quel christianisme s’agit-il ? Certainement pas d’un christianisme se référant au témoignage de Jésus de Nazareth, lui qui a prêché l’accueil de l’étranger, la fraternité universelle ! Il s’agit d’un christianisme sans Jésus ! Il s’agit d’un christianisme transformé en idéologie de haine. D’un christianisme de l’exclusion de l’autre. Autrement dit : d’un christianisme perverti, d’une hérésie contemporaine. D’une instrumentalisation politique du christianisme comme il n’en a pas manqué au cours de l’histoire, et comme en témoigne aussi de nos jours l’actuel patriarche orthodoxe de Moscou encourageant et bénissant l’agression russe contre l’Ukraine.

Cette « extrême-droitisation » du catholicisme français représente une tragédie, au moins aussi affligeante (pour un chrétien, en tout cas !) que l’ultra-déchristianisation de notre société. Contrairement à ce que croient les promoteurs du retour à un catholicisme identitaire, qui comptent faire ainsi revivre le message chrétien en France, ce qui est en train de se passer va accélérer plus encore la déchristianisation du pays, car on ne saurait sauver le message en le trahissant ou en l’édulcorant. Je ne sais si des évêques prendront le noble risque de dire cela ces prochains jours, mais en tout cas, il y a dans cette dérive massive un urgent sujet de réflexion pour les théologiens autant que pour les pasteurs !

Autorité morale affaiblie

On sait pourquoi, en 2022 comme en 2017, les évêques catholiques de France, réunis le 6 avril à Lourdes, se limitent à un appel au discernement personnel et en conscience des catholiques, sans nommer le mal et le danger. L’horreur et l’ampleur des crimes pédophiles dans l’Eglise ont considérablement affaibli l’autorité morale de cette dernière. On peut comprendre que les évêques hésitent désormais à se poser en donneurs de leçons. Dans une société de moins en moins encline à prêter attention à des recommandations ou à des diktats d’origine religieuse, les évêques peuvent également craindre de se voir accuser d’atteinte à la laïcité (ce que ne manquera pas de dire Marine Le Pen s’ils osent une parole !).

Quand bien même ceux qui, parmi eux, sont susceptibles de voter à l’extrême droite se comptent sur les doigts d’une main, on sent également une crainte, dans l’épiscopat, de toute division interne. Il y a, pareillement, la peur de déchirer les communautés chrétiennes, et même la peur de devoir faire face à la fronde – ou à la désertion – d’une part importante des forces militantes actuelles du catholicisme français, qui s’inscrit de plus en plus dans cette dynamique du catholicisme identitaire.

Pourtant, dans d’autres domaines, comme les sujets dits « sociétaux » (mariage ouvert aux personnes homosexuelles, euthanasie, avortement…), les évêques semblent moins soucieux de ne pas se montrer clivants. Cela signifierait-il que, pour eux, l’allongement des délais pour avorter, ou l’accès volontaire à l’euthanasie seraient plus graves que la mise en péril de notre système démocratique et de la construction européenne ? Je ne peux le croire !

Il faut que les évêques de France, au moins les plus courageux d’entre eux, sachent dire : « Aucune voix chrétienne ne doit aller, dimanche 24 avril 2022, à l’extrême droite ! » Il faut, en tout cas, qu’une majorité de baptisés et de prêtres le crient haut et fort. Appeler à voter, du même coup, pour le président sortant ne signifie pas, pour autant, donner à celui-ci un nouveau blanc-seing. Il y a dans ce pays trop de souffrances, trop d’inégalités, trop de colères pour que ce qui fait système depuis maintenant tant de décennies continue de la même façon. Mais les deux candidatures ne sont pas comparables. L’une n’est pas fermée à davantage d’humanité, l’autre nous conduit au chaos.


Christian Delorme est prêtre du diocèse de Lyon. Très engagé auprès des migrants, il a été un des initiateurs de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Il est l’auteur, avec Rachid Benzine, de « La République, l’Eglise et l’islam » (Bayard, 2016).

Pour avoir accès aux propositions faites, cliquer sur le lien ci-dessous

 

Neuvaine

Mali : devant le CNT, un nouveau Choguel Maïga ?

Huit mois après avoir pris ses fonctions, le Premier ministre malien devait faire le bilan de son action face au Conseil national de transition. Il est apparu plus posé et moins va-t-en-guerre, et a promis des élections dans deux ans.

 
Mis à jour le 23 avril 2022 à 10:30
 
 choguel
 
 

 

Le Premier ministre malien de transition, Choguel Maïga, à Bamako, le 2 février 2022. © NACER TALEL/Anadolu Agency via AFP

 

Le discours de politique générale avait des allures de réquisitoire. « Monsieur le Premier ministre, le 2 août 2021, notre assemblée a validé votre Plan d’action gouvernemental (PAG). Huit mois après, ce plan est périmé, lance amer Nouhoum Sarr depuis la tribune du CNT. Vous n’avez réalisé que 30 % de celui-ci. Soit 3/10, une note de renvoi, comme si nous étions à l’école. Qu’est-ce qui a manqué, monsieur le Premier ministre ? »

Devant cette assemblée gonflée à bloc, Choguel Maïga garde son sang-froid et note studieusement les interrogations des membres du CNT qui défilent un par un à la tribune. Il sait qu’il est attendu. Début avril, lors de la cérémonie d’ouverture de la session parlementaire, Malick Diaw, le président du CNT avait personnellement interpellé le chef du gouvernement.

 « Je voudrais m’adresser solennellement au Premier ministre pour lui dire qu’indépendamment des évaluations périodiques faites du PAG, les Maliens veulent savoir exactement l’état d’avancement du processus de transition, ainsi que le chronogramme détaillé », avait-il fait savoir. Où en est le PAG ? Ces derniers mois, le Premier ministre et ses équipes affirmaient que celui-ci avait été réalisé à 80 %. C’est donc l’heure de rendre des comptes. 

Choguel fidèle à lui-même

Quand il monte à la tribune pour répondre aux membres du CNT, Choguel est fidèle à lui-même. S’il y a eu des retards dans la mise en œuvre du Plan d’action gouvernemental, c’est à cause du contexte économique défavorable, miné par le Covid-19, et les embargos économiques et politiques imposées par la Cedeao, défend-il. 

Autre point majeur de crispation : le chronogramme de la transition. Choguel assure alors que les élections auront lieu dans vingt-quatre mois.

A-t-il réussi à convaincre ? Au sein de l’hémicycle, les membres du CNT l’applaudissent. Néanmoins, l’oral ne convainc pas tous les observateurs maliens. « L’exercice ressemble à une mise en scène de Choguel et de l’ensemble des membres du CNT, regrette un politologue basé à Bamako. Cette intervention ne va déboucher sur rien. Les membres du CNT ne lui ont fixé aucun ultimatum. Je m’attendais à ce qu’on le pousse dans ses retranchements. »

Manque de transparence

S’il y a un point qui fait la fierté de l’actuel gouvernement, c’est le volet sécuritaire. Dans un document de plusieurs pages intitulé « Bilan du gouvernement de transition », que la primature a publié ce vendredi 22 avril, l’exécutif se targue d’avoir fait des avancées majeures en matière d’équipements, pour renforcer le maillage sécuritaire sur l’ensemble du territoire. « Nous pouvons noter le renforcement des capacités de nos forces armées et de sécurité à travers le recrutement de 6 000 éléments, l’acquisition de neuf aéronefs et la remise en opération de plusieurs autres… »

PLUSIEURS SE DEMANDENT COMMENT LES MILITAIRES ONT PU ACQUÉRIR AUTANT D’ÉQUIPEMENTS ALORS QUE LE PAYS NE PEUT DÉCAISSER DES FONDS

Il est vrai que ces derniers mois, Bamako n’a cessé de recevoir des équipements militaires tout droit venus de Russie. Le 18 avril dernier, le chef d’état-major général des armées, le général Oumar Diarra a réceptionné deux hélicoptères de combat et des radars de surveillance. Le 31 mars, le ministère de la Défense affichait fièrement la livraison de deux hélicoptères de combat, des radars russes, des hélicoptères d’attaque Mil Mi-35P et des systèmes radars mobiles 59N6-TE.

Alors qu’il a toujours été reproché aux forces armées maliennes de manquer d’équipements, cet effort consenti par Koulouba aurait dû ravir les Maliens. Et pourtant. Le pays est encore sous embargo économique, et, à Bamako, plusieurs observateurs se demandent comment les militaires ont pu acquérir ces avions alors que le pays ne peut guère décaisser des fonds.

« Au CNT, on a demandé à Choguel comment l’État finance ces équipements. Il a répondu qu’il fallait laisser cette affaire aux militaires et se contenter d’être heureux que les forces armées maliennes soient bien équipées, explique un autre observateur à Bamako. En tant que chef du gouvernement, il aurait pourtant dû exiger une transparence sur toutes ces facturations. »

Rassurant et assagi

Outre le volet sécuritaire, ce qui ressort de ce grand oral de Choguel, est son changement de posture vis-à-vis des organisations internationales qu’il a vivement critiquées ces derniers mois. Au CNT, le ton était plus posé et assagi. Alors que les relations sont actuellement tendues entre la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) et Koulouba, le Premier ministre a tenu a rassuré les Maliens : « Le mandat de la Minusma sera renouvelé. Il n’y aura pas de changement notable à ce niveau. »

LES DISCUSSIONS AVEC LA CEDEAO ET L’UEMOA NE SONT PAS ROMPUES, DIT-IL

Mettant volontiers de côté le discours populiste dont il était partisan jusqu’alors, Choguel a tenu a rappelé dans l’hémicycle que la Cedeao et l’Uemoa restaient des partenaires privilégiés. « Les discussions ne sont pas rompues », a-t-il asséné.

Reste à savoir si cela suffira pour trouver un terrain d’entente avec les organisations régionales. La Cedeao n’a pour l’instant pas voulu des chronogrammes proposés par Bamako. Lors des dernières négociations, elle souhaitait concéder au maximum seize mois supplémentaires à la junte.

Burkina Faso : dix choses à savoir sur David Kabré, nommé par Damiba à la tête des armées

Le président de la transition Paul-Henri Sandaogo Damiba a confié la réorganisation opérationnelle et le commandement de l’armée au colonel-major David Kabré. Une nomination sensible au moment où des pourparlers commencent avec des groupes jihadistes.

 
Mis à jour le 20 avril 2022 à 13:18

 

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Le colonel-major burkinabè David Kabré. © DR

 

 

1. Profil « apolitique »

Le colonel-major David Kabré a une longue carrière au sein de l’armée burkinabè dans laquelle il a démarré comme soldat de l’infanterie, en 1991. À 54 ans, ce natif de Tintilou, près de Tanghin-Dassouri, dans le centre du pays, a été nommé chef d’état-major général des armées par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, début février. Le président burkinabè, “tombeur” de Roch Marc Christian Kaboré, a choisi cet officier qui, s’il est réputé « homme de conviction » au sein de la grande muette, n’a aucune accointance politique connue.

2. Tandem

Dans la lutte qu’il devra mener face aux jihadistes dans un contexte particulièrement tendu pour le pays, le colonel-major devra former un tandem avec le lieutenant-colonel Yves Didier Bamouni, patron du tout nouveau centre de Commandement des opérations du théâtre national (COTN). Bamoumi, lui-même secondé par le lieutenant-colonel Roméo Djassanou Ouoba, a pour mission de « concevoir, organiser et soutenir les missions de sécurisation » sur l’ensemble du territoire national. Les prérogatives du COTN créé par décret signé de la main de Damiba en février dernier, couvre également la sécurisation des frontières terrestres et aériennes.

Selon la feuille de route fixée par le président burkinabè, le Commandement « exerce son autorité sur l’ensemble des Forces de défense et de sécurité (FDS) et des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP, supplétifs civils) ainsi que sur leurs moyens ». Son rayon d’action, particulièrement large, comprend en particulier la possibilité d’appliquer des mesures restreignant la liberté de déplacement et de circulation.

3. Main tendue

Un peu plus de deux mois après la nomination de Kabré, Paul-Henri Sandaogo Damiba a annoncé, le 1er avril, l’ouverture de pourparlers avec les groupes armés. Cette main tendue aux jihadistes, et en particulier aux plus jeunes des combattants qui ont rejoint leurs rangs – un mois après celle proposée par son homologue nigérien Mohamed Bazoum -, passe par la création de « comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix ». Si les contours exacts de ces discussions ne sont pas encore connus avec précision, le nouveau chef d’état-major général des armées aura un rôle central à jouer quand viendra l’heure de la démobilisation des ex-combattants jihadistes.

4. Jihadistes ou bandits ?

Sur ce dossier complexe, il devra travailler en collaboration étroite avec Mahamadou Bonkoungou, nommé directeur de l’Agence nationale de renseignement (ANR) le 4 février dernier, mais aussi avec Yero Boly, plusieurs fois ministre dans différents gouvernements de l’ex-président Blaise Compaoré, à qui Damiba a confié le portefeuille du ministère de la Cohésion sociale et de la Réconciliation nationale. L’une des difficultés réside dans le fait de différencier les membres de groupes armés terroristes (État islamique, Ansarul al-Islam, Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) des membres du grand banditisme.

5. Maintien de la paix

Le nouveau patron de l’armée burkinabè a une longue expérience du maintien de la paix sur des terrains difficiles. Avant d’être rappelé par Roch Marc Christian Kaboré, en novembre 2021, pour prendre la tête du Groupement central des armées (GCA) – plusieurs bataillons intervenant notamment dans le génie militaire et les transmissions – , David Kabré était à la tête de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (Minusca). Un poste qu’il a occupé pendant deux années, après avoir été commandant de la mission de la Cedeao en Guinée-Bissau (Ecomib). Dix ans plus tôt, en 2010, il avait déjà été chef des opérations de la force de l’Unamid au Darfour (mission conjointe des Nations unies et de l’Union africaine), alors en proie à un conflit aussi meurtrier qu’interminable.

6. Instructeur

À cette époque, il était également instructeur au centre de maintien de la paix du Mali, à Bamako, et participait à la formation des soldats burkinabè des contingents de maintien de la paix au sein de l’Africa Contingency Operations Training & Assistance (ACOTA). Ce programme d’assistance et de formation mis en place par les États-Unis à destination des armées africaines, « a formé et déployé environ un quart de million de soldats de la paix » entre 2003 et 2015, selon un document du département d’État américain.

7. Sportif

Avant de se voir décerner un diplôme d’état-major à Cotonou, au Bénin, et de décrocher son brevet d’études militaires supérieures à l’école de guerre d’Abuja au Nigeria, David Kabré avait suivi une formation d’éducateur sportif. Formé d’abord à Niamey, au Niger, où il a obtenu sont diplôme de professeur d’éducation physique et sportive en­ 1997, il a continuer à se former ensuite à Dakar, au Sénégal, où il a obtenu un diplôme d’inspecteur de la jeunesse et des sports en 2007.

Une compétence qu’il mettra à profit entre 2012 et 2014, lorsqu’il a été nommé directeur central des sports des forces armées nationales. Il est par ailleurs, depuis 2017, président de l’Organisation du sport militaire en Afrique.

8. Ancien ministre de la transition…

David Kabré fait une arrivée surprise sur le terrain politique en 2014. Au lendemain de l’insurrection populaire qui chasse Blaise Compaoré du pouvoir, il devient l’une des figures militaires de la transition. En novembre 2014, il est nommé ministre des Sports du gouvernement dirigé par le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, qui cumule le poste de Premier ministre avec celui de ministre de la Défense. Il côtoie alors, au sein de ce gouvernement déjà marqué par une forte présence d’hommes en uniformes, le colonel-major Boubacar Ba (Mines et Énergie) ou encore le colonel Auguste Denise Barry (Sécurité).

9. … et ex-proche de Zida

David Kabré a maintenu, après son passage au gouvernement, des relations étroites avec Yacouba Isaac Zida. « Ils étaient très proches durant la transition, en 2015, et le sont restés ensuite, même si les relations se sont distendues », affirme l’un de ses anciens collaborateurs.

Zida, qui vit en exil au Canada depuis 2016, a été radié des rangs de l’armée pour « désertion en temps de paix » et « insubordination » par Roch Marc Christian Kaboré. Candidat malheureux à la présidentielle de 2020, lors de laquelle il avait recueilli 1,53 % des voix, Yacouba Isaac Zida n’en avait pas moins annoncé, en mars 2021, son ralliement à la majorité de l’ancien président burkinabè.

10. Proche des jeunes officiers

« Fantassin pur et dur » à l’image du général Barthélemy Aimé Simporé, ministre de la Défense, ou encore du colonel-major Omer Bationo, ministre de la Sécurité, David Kabré est réputé proche des jeunes officiers et aurait une bonne réputation au sein de la troupe. « Il sait écouter et conseiller, assure un gradé. C’est un bon officier. Bien qu’il n’ait pas évolué sur le terrain, il est capable d’être efficace dans le management et la gestion des hommes. » Il bénéficie également d’une réputation d’intégrité, assure notre interlocuteur. « David Kabré ne profite pas des avantages qui doivent revenir aux plus jeunes et aux soldats. »

Il n’en reste pas moins que son profil interroge certains, en coulisses, à l’heure où l’ensemble du dispositif sécuritaire burkinabè entame une mue qui doit lui permettre de faire face à l’insécurité croissante.

Sous-catégories

Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)