Témoignages

 

Burkina Faso : une religieuse marianiste américaine enlevée par un groupe armé 

Les faits 

Sœur Suellen Tennyson, une religieuse de la communauté des sœurs marianistes de Sainte-Croix de Yalgo, une paroisse située à 100 km de la ville de Kaya (région du centre-nord), dans le diocèse de Kaya, a été enlevée par un groupe armé dans la nuit du 4 au 5 avril. L’enlèvement a été confirmé par Mgr Théophile Naré, évêque de Kaya.

  • Kamboissoa Samboé (à Ouagadougou), 
Burkina Faso : une religieuse marianiste américaine enlevée par un groupe armé
 
Depuis quelques années, le diocèse de Kaya a été la cible de plusieurs attaques attribuées aux groupes armés terroristes (photo d’illustration : des soeurs prient à Ouagadougou).OLYMPIA DE MAISMONT/AFP

C’est un communiqué de Mgr Théophile Naré, évêque de Kaya, dans le centre-nord du Burkina Faso, daté du 5 avril, qui a officialisé la triste nouvelle. « Des hommes armés non identifiés ont visité la communauté des religieuses de la paroisse de Yalgo, dans le diocèse de Kaya, écrit Mgr Naré. Ils ont enlevé la sœur Suellen Tennyson, de la congrégation des Sœurs marianites de Sainte-Croix. Âgée de 83 ans et de nationalité américaine, elle est en service à Yalgo depuis octobre 2014. La sœur Suellen Tennyson a été amenée vers une destination inconnue par ses ravisseurs qui, avant de partir, ont vandalisé des salles, saboté le véhicule de la communauté qu’ils ont tenté d’emporter. »

 

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Photo de la religieuse enlevée

 

« Sous le choc »

Yalgo est le chef-lieu du département de Yalgo, situé dans la province du Namentenga, dans la région du Centre-Nord au Burkina Faso, à plus de 100 km de Kaya, chef-lieu du diocèse de Kaya. C’est dans cette cité qu’est située la communauté des Sœurs marianistes de Sainte-Croix sur la paroisse Sainte-Famille-de-Nazareth de Yalgo, fondée le 14 janvier 2012. La sœur Suellen Tennyson y vivait depuis 2014.

→ ANALYSE. Au Burkina Faso, un nouveau ministère dédié aux cultes

En poste dans cette communauté paroissiale depuis plusieurs années, elle est bien connue dans la paroisse puisqu’elle gère un centre de santé. « Elles sont cinq dans la communauté, dont trois sœurs et deux filles. Elles sont encore sous le choc en ce moment, après l’enlèvement de la sœur qui est âgée », a confié Mgr Théophile Naré, évêque du diocèse de Kaya, sollicité par La Croix Africa.

L’évêque a aussi exprimé ses inquiétudes : « Nous sommes tous inquiets », a-t-il confié. « En une nuit, tout peut basculer. Tout le monde est sous le choc, ils sont venus et ont enlevé la sœur. On ne connaît pas encore la dynamique. »

Les autres membres de la communauté évacuées

Mgr Théophile Naré, qui s’est entretenu avec les autres membres de la communauté de la religieuse enlevée, a ajouté qu’elles doivent quitter Yalgo pour éviter les traumatismes. « Il faut s’assurer qu’elles arrivent saines et sauves à Kaya », a expliqué Mgr Naré, qui s’est inquiété de la distance à parcourir, soit plus d’une centaine de kilomètres.

Le diocèse de Kaya a été la cible de plusieurs attaques attribuées aux groupes armés terroristes. Le 12 mai 2019, la paroisse de Dablo, dans ce diocèse, avait été prise d’assaut par un groupe armé qui a tué le père Simeon Niampa et cinq autres fidèles pendant la messe.

→ RELIRE. Burkina Faso : un prêtre enlevé dans le Nord, près de la frontière malienne

En mars 2019, le père Joël Yougbaré, curé de la ville de Djibo, avait également été enlevé sur l’axe Bottogui-Djibo (Nord-Est). Il n’a, à ce jour, pas encore été retrouvé. Mais c’est la première fois qu’une religieuse est enlevée au Burkina Faso depuis le début, en 2015, de la crise sécuritaire qui a fait 2 000 morts et 1 800 000 de déplacés à la date du 4 avril 2022.

Bénin : Ayôdélé, au nom de la mère

Par  - Envoyé spécial
Mis à jour le 3 avril 2022 à 10:18
 

 

La chanteuse béninoise Ayôdélé. © Yanick Folly pour JA

Devenue incontournable sur la scène musicale béninoise, l’interprète et percussionniste enchaîne les concerts et prépare la sortie d’un premier album. À seulement 21 ans, elle a déjà une belle carrière. Portrait.

On dirait une scène de La Strada, de Fellini. Dans la cour de la modeste maison familiale à Calavi, pas très loin de la célèbre université, une jeune femme, pieds nus, chante en frappant sur son tam-tam. Des poules passent en dodelinant de la tête. Gloria Jemima Lawson, alias Ayôdélé (“joie dans la maison”, en yorouba), est une petite boule d’énergie, solaire. « Elle souriait déjà à la naissance », confirme son père.  

En tournée dès l’âge de 5 ans

Pourtant, la vie n’a pas toujours souri à Gloria Jemima Lawson. Elle n’est encore qu’une enfant quand sa mère meurt sous ses yeux en donnant le jour à sa sœur cadette. « Comme j’avais une belle voix, mon père m’a pris dans son orchestre. À l’âge de cinq ans, je partais déjà en tournée avec lui », raconte la jeune femme. « Les gens la réclamaient dès qu’on entrait sur scène », se souvient son père, guitariste et compositeur d’origine togolaise.  

La jeune artiste, qui chante aussi à la messe le dimanche, n’a que huit ans lorsqu’elle écrit ses propres textes qui parlent d’enfants, d’amitié et d’amour du prochain. À treize ans, elle compose un titre en hommage à sa mère et, deux ans plus tard, crée une ONG pour la promotion de l’art et la culture afin de soutenir les personnes défavorisées. Elle la baptise Ayôdélé, qui devient son nom de scène. « L’an dernier, j’ai récolté des dons pour l’orphelinat où ma petite sœur a été accueillie après le décès de ma mère. Malheureusement il n’existait plus, mais j’ai offert les dons à un autre orphelinat. »

J’AI ÉTÉ INITIÉE TRÈS TÔT ; GAMINE, JE FAISAIS DANSER LES ESPRITS

Ayôdélé ouvre la porte de son studio d’enregistrement aux murs tapissés de boîtes à œufs. Edison Konfo, son directeur artistique, qu’elle considère comme son grand frère, prépare le micro. « Il a rejoint l’orchestre de mon père en tant que bassiste et, très tôt, c’est lui qui m’a coachée et m’a incitée à continuer dans la musique. Il était très proche de ma mère, il m’a protégée », confie-t-elle.

Un tam-tam qui parle 

Ayôdélé s’assied et se met à chanter en frappant sur un ogbon, un instrument symbole de joie, dont la percussion provoque la transe chez les adeptes du vaudou. « C’est un talking drum, un tam-tam qui parle, explique-t-elle. On en joue dans les couvents vaudous pour communiquer avec les morts. Normalement, les femmes ne doivent pas y toucher mais moi, j’ai été initiée très tôt à Porto-Novo – certains disent que c’était dans le ventre de ma mère – et, gamine, je faisais danser les esprits. »

JE VEUX ÊTRE MOI-MÊME, IMPOSER MON STYLE, JE NE VEUX RESSEMBLER À PERSONNE

Dans son panthéon musical intérieur, il y a surtout les divas de la chanson africaine : la frêle et touchante Togolaise Bella Bellow et la grande Miriam Makeba bien-sûr. « Toutes ces femmes ont influencé mon caractère et ma musique mais je veux être moi-même, imposer mon style. Je ne veux ressembler à personne », prévient la jeune artiste dont la musique est un mélange de rythmes yorouba et de sonorités plus urbaines.  

Elle a reçu le deuxième prix Découvertes RFI en 2017, pour son titre Kpakpato et depuis, sa carrière s’accélère. Elle enchaîne les spectacles et, après de nombreux singles et EP, Ayôdélé prépare la sortie de son premier album à 21 ans.

En nous raccompagnant au portail, elle ajoute : « Au fait, je n’ai encore jamais chanté en public la chanson dédiée à ma mère… La thérapie est longue. » 

Alioune Ndiaye (Orange) : « Wave, ce sont 20 000 emplois détruits au Sénégal »

Mis à jour le 1 avril 2022 à 19:57
 

 

Alioune Ndiaye, directeur général d’Orange Middle East and Africa, à Paris le 1er avril 2022. © Vincent Fournier pour JA.

 

Grand invité de l’économie RFI/Jeune Afrique, le patron d’Orange en Afrique et au Moyen Orient commente l’arrivée de la fintech américaine en Afrique de l’Ouest, répond aux critiques sur le prix de l’Internet et salue le rôle positif de l’équipementier chinois Huawei sur le continent. 

Depuis 2018, Alioune Ndiaye est le DG d’Orange Middle-East and Africa (Omea), qui regroupe les 18 filiales du groupe français en Afrique et au Moyen-Orient. Si, sur le continent, Orange n’a concrétisé ces dernières années ni la grande fusion envisagée avec Airtel et MTN, ni son entrée sur le marché éthiopien, l’ex-patron de Sonatel conserve en interne une grosse côte. Sous sa direction, le chiffre d’affaires du holding est passé de 5,1 milliards d’euros à presque 6,4 milliards en 2021. Et c’est aujourd’hui, et de loin, le premier contributeur à la croissance d’Orange.

À quelques jours de l’arrivée de Christel Heydemann au poste de directrice générale en remplacement de Stéphane Richard, le Sénégalais est le grand invité de l’économie Jeune Afrique-RFI, émission diffusée le 2 avril sur RFI. Retrouvez les moments forts de l’interview réalisé avec Bruno Faure.

Jeune Afrique : Au moment où la gouvernance du groupe est bouleversée par la démission forcée de son PDG, Stéphane Richard, votre départ est-il d’actualité ?

Alioune Ndiaye : J’ai eu la chance dans ma carrière d’avoir toujours pu fixer le moment de la sortie. Et j’avais effectivement prévu de quitter mon poste cette année. Mais il y a l’arrivée d’une nouvelle directrice générale le 4 avril, d’un nouveau président en mai, et nous sommes en discussion pour trouver la manière dont je peux accompagner le groupe pendant cette phase de transition.

Le reproche revient constamment chez les consommateurs quand on leur parle des opérateurs télécoms, ils trouvent trop cher les prix des communications, d’Internet…

Orange fait tous les efforts pour que le prix soit le plus accessible possible. Les Nations unies considèrent que l’accès à Internet est abordable en Afrique quand le prix du gigaoctet est inférieur à 2 % du revenu brut. L’ensemble des opérateurs étaient en moyenne à 13,2 % en 2016, on est passé à 4,2 % en 2019. Concernant Orange, nous sommes dans 18 pays. Dans neuf d’entre eux, notre prix moyen est déjà inférieur à 2 % et dans tous nos pays les prix continuent à baisser.

IL Y A TOUJOURS EU UNE PRESSION FISCALE QUE NOUS CONSIDÉRONS COMME UN PEU FORTE

L’augmentation des cours du pétrole, mais aussi les tensions sur le marché du blé, conséquences de la guerre en Ukraine, accentuent l’inflation partout dans le monde et y compris en Afrique. Les gouvernements cherchent des marges de manœuvre. Tous veulent éviter des mouvements de contestation sociale. Cela alimente-t-il la pression fiscale sur le secteur télécom ?

Nous avons toujours connu une pression fiscale un peu forte, avec jusqu’à 30 ou 40 % de notre chiffre d’affaires prélevé par l’État. Cette tendance est parfois alimentée par les institutions internationales. Le dialogue avec les gouvernements doit permettre d’établir un cadre fiscal et réglementaire plus prévisible, plus équilibré et adaptable à l’évolution rapide de notre industrie.

Vous le dites en des termes diplomatiques, cela vous met-il en colère ?

Ce n’est pas de la colère, c’est une conviction profonde. Le Mali, quoiqu’on en dise, a adopté un niveau de fiscalité raisonnable. Au départ, il n’y avait même pas de taxe sur le chiffre d’affaires spécifique au secteur télécoms, alors que maintenant elle atteint 6 ou 7 % dans chacun de nos pays. À moyen terme, les gouvernements qui font le pari d’un niveau de taxes supportable en fixant des obligations d’investissement adoptent un modèle plus vertueux, car ils ne brident pas le développement du secteur. Au Mali, nous sommes le premier contribuable et c’est l’un des pays où l’on génère le plus de revenus pour l’État.

Dans le plan quinquennal Engage 2025, dévoilé en 2019, Orange a annoncé viser sur le continent 900 millions d’euros de revenus issus de l’activité mobile money. Mais cette prévision date d’avant l’arrivée de la start-up Wave, qui secoue les marchés ouest-africains en cassant les prix.

Orange Money est un véritable succès. Lancé en 2018 dans 17 pays, on dénombre 70 millions de comptes ouverts et 400 000 points de ventes. Il reste encore un formidable potentiel dans ce domaine. En Afrique subsaharienne, 80 % des personnes ne disposent pas de compte bancaire. Évidemment, quand il y a autant de potentiel, cela attire d’autres investisseurs. L’arrivée de fintechs sur ce marché est tout à fait normale et nous aide à nous améliorer aussi.

ORANGE A DÉCIDÉ DE SE BATTRE SUR SES MARCHÉS : NOUS AVONS DIVISÉ NOTRE PRIX PAR TROIS OU QUATRE, DÉVELOPPÉ DES APPLICATIONS POUR ÊTRE AUSSI DIGITAL QUE WAVE

Le modèle de Wave est disruptif parce qu’il est financé par des fonds de capital-risque, peu attachés à la rentabilité à court terme. Ils investissent de l’argent en espérant que la start-up arrivera à prendre tout le marché et qu’à ce moment-là ils pourront revendre leur part en récupérant 10 ou 15 fois leur mise initiale. Cela ressemble au modèle d’Amazon : on brûle du cash – cela a duré plus de dix ans pour le site d’e-commerce – en espérant tuer la concurrence.

Orange a décidé de se battre sur ses marchés : nous avons divisé notre prix par trois ou quatre, développé des applications pour être aussi digital que Wave. Mais il ne faut pas que nos clients pensent que nous aurions pu le faire avant.

Pour quelle raison ?

Avec Orange Money, Orange a créé des dizaines de milliers d’emplois grâce au réseau de distributeurs que nous avons développé pour amener nos services au plus près de nos clients. La moitié du chiffre d’affaires leur revenait. Wave leur a fait perdre 50 % de leurs revenus. Quelque 20 000 emplois ont été détruits au Sénégal, on en perdra peut-être autant ailleurs. C’est la raison pour laquelle cette disruption ne pouvait pas venir d’Orange.

SANS LES ÉQUIPEMENTIERS CHINOIS, LA PÉNÉTRATION D’INTERNET EN AFRIQUE NE SERAIT PAS LA MÊME

C’est une confrontation dont on parle moins avec le Covid-19 et la guerre en Ukraine aussi, mais le duel entre les États-Unis et la Chine n’est pas terminé. L’un des perdants à ce jour, dans le secteur des télécoms, c’est l’équipementier chinois Huawei, avec une chute de près de 30 % de son chiffre d’affaires en 2021. En Afrique, avez-vous réorienté une partie de vos achats vers d’autres fournisseurs ?

Notre stratégie sur le continent en matière de relations avec les équipementiers a toujours été de veiller à ne pas être dépendant de l’un d’entre eux. C’est pour cette raison qu’au début des années 2000, nous avons intégré Huawei. Aujourd’hui, le groupe chinois dispose de peut-être 65 à 70 % de parts de marché en Afrique, mais en partant de zéro il y a vingt ans.

Quand ils sont arrivés sur les marchés, les prix ont baissé de 40 %. Sans les équipementiers chinois, la pénétration d’internet en Afrique ne serait pas la même. Cela dit, la règle reste identique : on ne veut pas être dépendant d’un seul équipementier, il faut donc tout faire pour préserver sur le continent un marché pour des équipementiers autres que Huawei.

En matière de stabilité politique, l’Afrique n’est pas vraiment une assurance tout risque. En 2011, vous avez connu les Printemps arabes en Tunisie, en Égypte. Aujourd’hui, ce sont les coups d’État au Mali, en Guinée, au Burkina Faso. Comment gérez-vous vous cette question, en tant qu’investisseur ?  

Entre 2009 et 2018, Orange a connu une croissance moyenne annuelle de son revenu en Afrique de 4,2 %. Jamais elle n’a été négative sur cette décennie. C’est un continent où il y a pourtant eu les Printemps arabes, la dévaluation de 90 % de la livre égyptienne, la crise de la zone Uemoa [Union économique et monétaire ouest-africaine], les événements en Côte d’Ivoire… Malgré tout, notre activité africaine a montré sa résilience. Et c’est encore vrai ces dernières années. En 2019, notre croissance était 6,2 %, de 4,2 % en 2020 – malgré le Covid-19 et la récession –, et à deux chiffres l’an dernier. Ceci dit, les coups d’État posent des problèmes de sécurité. Mais leur impact économique n’est pas le plus important.

 

Au procès Sankara, «on a appris des acteurs qui a commandité, exécuté et planifié», clame Luc Damiba

 

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Luc Damiba, secrétaire général du Comité international du mémorial Thomas Sankara au Burkina Faso. © RFI

 

Notre invité ce matin est Luc Damiba, secrétaire général du Comité international du mémorial Thomas Sankara, alors que le procès des assassins présumés de l'ancien président burkinabè se termine. Le verdict a été mis en délibéré au 6 avril, c'est le délibéré le plus attendu de l’histoire judiciaire du Burkina Faso. Pendant les 6 mois qu'a duré ce procès, 102 témoins ont défilé à la barre. Luc Damiba n’a pas raté une seule audience. 

RFI : Ce procès vous l’avez tellement attendu, tellement espéré, a-t-il été à la hauteur ?

Luc Damiba : Après 35 ans d’attente et de soif de justice, 20 ans de procédures judiciaires, six mois de procès, oui, ce procès a été à la hauteur et nous sommes dans un grand soulagement que ce procès historique se soit tenu jusqu’au bout. Aujourd’hui, c’est une victoire d’étape pour nous.

Et pourquoi alors, qu’est-ce que ce procès a révélé que l’on ne savait pas avant ?

Au moins, on a entendu de la bouche des acteurs, aujourd’hui devant un tribunal, beaucoup de choses qu’on savait plus ou moins. On a beaucoup appris des acteurs, qui a commandité, qui a exécuté et qui a planifié 

Sur le déroulement par exemple de cette journée du 15 octobre 1987, le jour où Thomas Sankara et douze autres de ses compagnons ont été assassinés, y-a-t-il eu des révélations importantes ?

Oui, il y a des révélations importantes. On sait que le véhicule qui a conduit le commando a quitté le domicile de Blaise Compaoré et dans le convoi des deux véhicules qui sont partis, il y avait le véhicule personnel de Blaise Compaoré, il y avait donc le garde du corps, l’aide camp de Blaise Compaoré. On sait qui a conduit ce commando, on sait précisément à quelle heure ils sont arrivés, avant même l’arrivée de Thomas Sankara, ce que beaucoup de gens ne savaient pas. On croyait qu’ils étaient venus après qu’il a eu commencé sa réunion, alors qu’ils sont venus l’attendre. Donc ça veut dire qu’il y avait une planification, il y avait une préparation, donc tout ça on le sait maintenant. Il est sorti les mains en l’air, on sait qui a tiré sur lui, plus ou moins, donc on a ces recoupements, je crois que ce sont des éléments dont on attendait qu’ils soient dits devant la justice.

Quels sont les témoignages qui ont été déterminants à vos yeux ?

Je crois que le chauffeur déjà, qui a tout de suite à l’entame du procès, reconnu les faits, même s’il n’a pas déclaré coupable parce que voilà, il a cherché à se disculper. Mais il a reconnu avoir conduit le commando. Il a décrit la scène de l’assassinat en détail parce qu’il était le chauffeur, il a tout entendu, il a été a des réunions secrètes donc il a ces informations, et là on sait. On sait aussi l’implication du général Diendéré, parce que son adjoint direct l’adjudant Abdrahamane Zetiyenga est venu au procès, il a été libéré et je crois que ce témoin est important. On a aussi des témoignages des anciens commandants de la gendarmerie, donc Ousseni Compaoré, Moussa Diallo également qui était son adjoint.

Y-a-t-il eu d’autres révélations importantes ?

On a appris avec tous les recoupements qu’il n’y avait pas de complot de 20h. Bien sûr l’implication extérieure, notamment la Côte d’Ivoire, on a appris l’implication du Togo, l’implication de la Libye, l’implication du Liberia, bien sûr de la France aussi. Parce qu’on a appris… les témoins qui sont venus ont parlé déjà et on a la version de Rawlings, les services de renseignements burkinabè ont sorti plein d’informations en son temps, donc ça ce sont des éléments qu’on a appris, mais qui restent à confirmer, c’est ce qu’on appelle une diversion de procédure. On attend la seconde phase du procès qui est la partie intéressante : la complicité internationale. Le juge doit continuer ce travail.

Est-ce que l’absence de Blaise Compaoré sur le banc des accusés, est-ce que cela ne ternit pas la portée de ce procès ?

Il y a une part de vérité qui n’est pas sortie, mais c’est lui qui a choisi de ne pas être là, donc ce n’est pas une procédure judiciaire qui n’est pas complète. C’est complet, il n’est juste pas là pour donner sa version des choses.

Gilbert Diendéré, le bras droit de Blaise Compaoré est lui bien présent. Vendredi il a pris la parole, clamant son innocence, dénonçant l’absence de preuves, avez-vous été déçu ?

Oui, on a été déçu de la posture de Gilbert Diendéré. Durant tout le procès déjà il était dans une ligne de défense de tout nier, il y a plein de choses qu’il connait, il dit qu’il connait beaucoup de choses, en même temps il ne nous dit pas ce qu’il connait. On était vraiment déçu, on aurait souhaité qu’il parle.

Alors avant l’ouverture de ce procès vous aviez déclaré « peu importe le verdict ou le nombre de condamnation qui vont être prononcés, il y aura au moins la justice et la vérité ». Maintenant que le procès se termine, avez-vous toujours la même appréciation ?

Oui, quel que soit le verdict, je pense que les historiens peuvent maintenant écrire les livres pour pouvoir dire ce qui s’est réellement passé.

► Luc Damiba prépare de son côté un documentaire sur ce procès historique.

 
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L'hebdomadaire de la paroisse de Nioro du Sahel n°33 du dimanche 27 mars 2022 :
Comme ce fils cadet, rentres en toi-même pour sentir la laideur du peché, de la trahison d’un confident, d’un proche, d’un ami, d’une ou d’un fiancé etc,
et renonce toi aussi à ce mal (Une réflexion du Père KIYE M. Vincent, Mafr)
Évangile : Luc 15, 1–3, 11–32
« Il rentra alors en lui-même : ‘Combien d’ouvriers de mon père, se dit-il, ont du pain plus qu’il n’en faut, et moi ici je meurs de faim. Je vais me lever, retourner vers mon père… » (Luc 15, 18-19)
Et toi, qu’attends-tu pour rentrer en toi-même et prendre la décision de renoncer au mal ?
 Bien-aimés dans le Seigneur, que nous ayons choisi ce verset comme centre de gravité autour duquel gravite notre réflexion de ce dimanche n’est pas anodin. Cela révèle toute l’orientation que nous voulons donner à notre méditation, centrée sur le discernement personnel avant d’agir. Eh bien c’est la l’attitude du fils cadet qui retient notre attention, lui qui rentre en lui-même et fait un discernement qui aboutit à une décision radicale de retourner vers son Père. Voilà une attitude attendue de chaque chrétien chaque jour qui passe et de façon particulière, en ce temps de Carême : prendre la décision de revenir vers le Père.
Frères et sœurs en Christ, la liturgie du dimanche passé nous révélait que refuser de revenir au Seigneur avait une conséquence néfaste directe, à l’exemple de ce qui arriva aux anciens du Peuple d’Israël dont les cadavres étaient restés dans le désert (1Corinthiens 10,5) y compris les Galiléens  qui avaient été massacrés par Pilate sans oublier les 18 personnes de Siloé sur qui la tour tomba, la liturgie de ce quatrième dimanche de Carême prend le contrepoids de cela. Elle nous montre l’exemple d’un pécheur qui revient au Seigneur et est célébré comme un digne fils. La liturgie de ce dimanche nous révèle que nous pouvons nous tromper vis-à-vis de Dieu, nous pouvons l’offenser, ne nous gênons pas de revenir vers lui. Car le retour d’un égaré fait toujours plus de joie à Dieu que le non-retour.
Oui chers frères et sœurs en Christ, l’exemple de ce fils cadet est très parlant pour notre vie de chaque jour. Par-delà l’aspect spirituel, nous y apprenons la valeur d’un bon discernement dans notre vie. Si nous nous égarons souvent, si nous allons de mal en pis, et même disons-le, si nous commettons trop de mal dans notre vie, cela est souvent dû à un mauvais discernement. Savoir s’apprécier dans le temps et dans l’espace. C’est ce que ce fils cadet de l’évangile fît en son temps. L’évangile nous dit qu’ « Il rentra alors en lui-même : ‘Combien d’ouvriers de mon père, se dit-il, ont du pain plus qu’il n’en faut, et moi ici je meurs de faim. Je vais me lever, retourner vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le Ciel et devant toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils… » (Luc 15 17-20) Et toi, as-tu vraiment le temps de rentrer en toi-même pour l’acte que tu veux poser contre ton prochain ? Rentres en toi-même pour voir combien ton mari t’aime, combien ta femme t’aime ; cela te retiendra du mal que tu veux commettre contre lui. Rentres en toi-même pour voir combien Dieu ne cesse de te pardonner chaque fois que tu pêches. Cela te donnera le courage de pardonner. Rentres en toi-même pour voir comment il est beau de vivre en frères et sœurs. Cela te donnera le goût de tisser et soigner les relations. Rentres en toi-même pour sentir la douleur de la trahison d’un confident, d’un proche, d’un ami, d’un frère, d’une ou d’un fiancé etc, et renonce toi aussi à la trahison. Rentres en toi-même pour sentir la laideur du mal subi, et apprends toi aussi à renoncer au mal. Rentrons en nous-mêmes avant de poser un acte envers l’autre. Cela nous épargnera beaucoup de mal.
Le Seigneur soit avec vous !
✍🏾 Père KIYE M. Vincent, Mafr
Paroisse de Nioro du Sahel, diocèse de Kayes
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Whatsapp : (+223) 72 65 74 82
 
 

L'hebdomadaire de la paroisse de Nioro n°34 du dimanche 03 avril 2022 : L’homme en tant qu’enfant de Dieu est plus que ses actions mauvaises (Une réflexion du Père Vincent KIYE, Mafr)

Textes du jour :

Première Lecture : Isaïe 43, 16–21

Deuxième Lecture : Philippiens 3, 8–14

Évangile : Jean 8, 1–11

 

Bien-aimés dans le Seigneur, recevez nos salutations fraternelles depuis la paroisse de Nioro du Sahel, dans le diocèse de Kayes au Mali

« Que celui d’entre vous qui n’a pas de péché lui jette la pierre le premier. » (Jean 8,7)

Bien-aimés dans le Seigneur, que condamnons-nous lorsque notre prochain arrive à poser un acte mauvais à notre égard ? C’est lui que nous condamnons ou bien son acte ? Voilà la nouvelle vision de choses à laquelle Jésus nous invite dans l’évangile de ce jour. Oui,  il y a une grande différence entre dire à quelqu’un que ses idées ou que ses actions sont mauvaises et le condamner tout entier. Malheureusement, c’est ce que nous faisons souvent. L’homme en tant qu’être humain est enfant de Dieu. Par contre, ses idées et/ou ses actions viennent de lui en tant qu’être en situation, en tant qu’être-là. Ici donc, il agit en rapport avec son environnement qui a une influence sur lui. C’est cette logique que Jésus utilise devant cette femme prise en flagrant délit d’adultère. Dans cet épisode Jésus est à la fois exigeant et miséricordieux envers la femme certes. Cependant, disons-le, il nous apprend une nouvelle vision de chose, une nouvelle façon de regarder et de juger les autres, basée sur l’exigence de différencier l’homme de ses actes. Car souvent nous condamnons sans laisser de marge pour le changement et la miséricorde. Jésus nous demande ici de faire un saut qualitatif dans le quotidien de notre vie par des nouvelles façons de voir les choses.

Les plus anciens manuscrits de l’évangile de Jean ne contiennent pas le passage 8.1-11. Certains pensent que ce passage viendrait d’autres sources dont celle de l’évangile de Luc et aurait été inséré plus tardivement dans le texte de Jean. Certes. Ne nous attardons pas trop là-dessus.

En effet, si Jésus fait preuve de tant d’égards pour cette femme et s’il refuse de la condamner comme le font les hommes de notre temps, est-ce parce qu’il considère que son péché est sans gravité ? Loin de là. Comprenons cependant que Dieu se sert d’autres moyens pour ramener à la foi, ceux qui se détournent de lui, pour conduire les pécheurs au repentir et pour les purifier par la souffrance.

Ces pharisiens aujourd’hui c’est chacun de nous lorsque nous nous condamnons sans faire la part de choses entre l’acte et la personne. S’il est vrai que le temps de Carême que nous avions commencé depuis le mercredi des Cendres nous invite à la conversion, le sommet de cette conversion est celle de nos pensées ou de notre logique de penser. Nous inscrire dans la logique de la miséricorde de Dieu, voilà ce qui fera de nous des créatures nouvelles qui réjouit Saint Paul dans la deuxième lecture lorsqu’il se réjouit en Jésus-Christ disant : « tous les avantages que j’avais autrefois, je les considère comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. »

Oui, s’inscrire dans la logique de Dieu garantit l’option d’une nouvelle humanité où l’homme est considéré comme enfant de Dieu bien au-delà de ses actes. C’est ici le lieu de notre conversion, c’est ici le lieu de considérer nos anciennes façons de regarder et de juger nos frères et sœurs comme des balayures. Le nouveau monde, la nouvelle humanité des convertis n’est possible que lorsque nous changeons nos regards et notre façon de juger les autres, en nous inscrivant dans la vison béatifique de Dieu qui, comme nous le reprend le prophète Isaïe, nous invite à faire ce saut qualitatif lorsqu’il dit :« ne parlez plus de ces faits anciens, cessez de penser aux événements du passé, car voici que je fais une chose nouvelle » (Is 43, 18-19)

Demandons la grâce de la conversion de nos regards et de notre façon de juger les autres. Amen

 Le Seigneur soit avec vous !

Père KIYE Mizumi Vincent, Mafr

Paroisse de Nioro du Sahel, diocèse de Kayes

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Whatsapp : (+223) 72 65 74 82

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Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)