Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Un an de censure des réseaux sociaux au Tchad

Facebook, Twitter mais aussi des messageries populaires comme WhatsApp sont bloqués (photo d'illustration).
© AR

Depuis un an, les Tchadiens n'ont plus accès normalement à leurs réseaux sociaux. Dans un pays où le taux de pénétration d'internet est parmi les plus faibles du continent, la mesure amoche encore la liberté d'expression.

Le 28 mars 2018, des associations de défense des libertés numériques reçoivent d'inquiétants témoignages en provenance du Tchad. « Ils ont recommencé. » En début d'année déjà, et en 2016 avant, l'accès à certains sites et aux principaux réseaux sociaux avait été coupé, avant que la connexion ne finisse par revenir. C'est à nouveau le cas. Dans les semaines qui suivent, la société civile, puis l'opposition montent au créneau. Mais la censure s'éternise. Elle perdure jusqu'à aujourd'hui.

Depuis un an donc, jour pour jour, les Tchadiens sont privés d'un accès normal à Facebook, Twitter mais aussi aux messageries WhatsApp et Viber. Dans un pays où l'internet est cher, lent et où seuls 7 % de la population y a accès, selon les chiffres même du régulateur des télécoms, l'addition est salée.

« Cette censure est d’autant plus insupportable que les gens ne savent pourquoi ils n’ont plus la possibilité d’utiliser normalement les réseaux sociaux », indique Julie Owono, directrice exécutive d'Internet sans frontières, une ONG très impliquée dans ce dossier.

Il aura déjà fallu aller devant la justice pour avoir la preuve que ces blocages sont le fruit d'une volonté gouvernementale. « On a introduit des actions au civil [contre les principaux opérateurs Airtel et Tigo, ndlr], poursuit Julie Owono, et au cours des débats, le représentant de l'Arcep, l’autorité de régulation des télécommunications, qui a été convoqué, est venu en apportant l’ordre qui avait été transmis par le ministère de l’Intérieur aux opérateurs téléphoniques. »

La situation sécuritaire au Tchad est alors évasivement évoquée. Ce fut encore le cas ce mercredi, lors d'une rencontre entre le ministre de la Communication Oumar Yaya et des journalistes. Sans beaucoup plus de précision.

Très chers VPN

Alors bien sûr, vous croiserez des Tchadiens connectés. Les 400 000 internautes adeptes de ces réseaux ont trouvé des moyens de contourner les blocages. Mais ces tours de passe-passe commencent à coûter cher.

Il y a d'abord le traditionnel recours aux VPN, ces réseaux privés virtuels qui simulent une connexion à l'extérieur du pays. Problème, ces applications consomment aussi de la bande passante. « On utilise soit des versions gratuites soit des versions payantes, explique le blogueur Annadjib Ramadane. Les versions gratuites, déjà, ralentissent la vitesse de connexion, et de façon générale, les VPN utilisent une partie du forfait internet, qui se termine donc plus vite. »

« On essaye de sensibiliser les fabricants de VPN car ceux qui les créent ne sont pas dans les conditions de pays comme le Tchad, explique la directrice exécutive d'Internet sans frontières. Ce n’est pas comme en France, où vous pouvez avoir 30, 50 Go de données. Dans un pays comme le Tchad, ou 1 Go coûte trois euros la semaine, le fait qu’il y ait des données d’arrière-plan qui sont consommées par les VPN, ça change beaucoup de choses pour ceux qui les utilisent. »

Fréquence Cameroun

Pour les Tchadiens résidant près de la frontière camerounaise, la tentation est grande également d'aller se servir de l'autre côté. « Il y a certains quartiers de Ndjamena qui sont près du fleuve Chari, ça veut dire que leurs habitants peuvent capter le réseau des villes camerounaises voisines. Dans la capitale, vous pouvez ainsi trouver des vendeurs de cartes SIM camerounaises Nexttel, Orange ou MTN », assure Annadjib Ramadane.

 

Des pratiques encouragées par une connexion plus fluide et des tarifs surtout plus bas. Mais des pratiques qui ne plaisent pas beaucoup aux autorités tchadiennes, qui auraient même envisagé, selon Internet sans frontières, d'installer des brouilleurs pour empêcher que les ondes des réseaux camerounais ne traversent la frontière.

Un an d'actions... et de silence

Dès les premières perturbations relevées l'année dernière, l'alerte avait été donnée. Dans un pays qui a connu sept mois d'une coupure similaire en 2016, après la présidentielle, la moindre baisse de débit fait tiquer.

Dans les mois qui suivirent, les ONG de défense des libertés numériques ont relayé le désarroi des internautes tchadiens au travers de campagnes sur internet et jusque dans l'enceinte onusienne du Conseil des droits de l'homme de Genève (lire ici le rapport). L'action en justice contre les principaux opérateurs nationaux, évoquée précédemment, fait pour le moment chou blanc. La cour d'appel de Ndjamena vient de rejeter une nouvelle fois ce jeudi la plainte déposée par un collectif d'avocats estimant que le dossier n'était pas assez solide.

« Ce que les juges tchadiens sont en train de dire aux citoyens, c’est que vous aurez beau vous faire avoir par les opérateurs téléphoniques et par l’Etat, vous n’aurez pas une instance judiciaire qui sera là pour faire valoir vos droits », s'inquiète Julie Owono. Mais la directrice d'Internet sans frontières reste optimiste, car elle sent un frémissement à l'échelon international, que confirme la récente prise de position du rapporteur spécial de l'Union africaine pour les droits de l'homme, enjoignant les autorités tchadiennes à lever les blocages.

« Il y a un an, les organisations de la société civile se sentaient un peu seules. Maintenant, il y a une prise de conscience des instances internationales. Mais les réactions des partenaires étatiques du Tchad - des Etats-Unis et de la France par exemple - sont pour l’instant inexistantes... »

[Tribune] L’école ivoirienne doit revoir sa copie

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Par

André Silver Konan est un journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.

Pour mettre un terme à la grève des enseignants et améliorer le système scolaire, un diagnostic profond, courageux et consensuel, incluant tous les acteurs de la formation, doit être mené. Le gouvernement doit notamment faire appliquer la pédagogie par l’exemple et remettre de l’éthique dans le système.

La déclaration a de quoi étonner. Nous sommes en octobre 2017, dans l’extrême nord de la Côte d’Ivoire. Au micro d’un journaliste de l’Agence ivoirienne de presse (AIP, média officiel), deux inspecteurs de l’enseignement primaire dénoncent, à visage découvert, l’insuffisance de formation de nombreux enseignants. « Nous constatons que certains de nos maîtres ont de sérieuses difficultés de langue et de connaissances. Certains d’entre eux sont incapables de formuler une phrase correcte. D’autres ne connaissent pas l’Abidjanaise [l’hymne national], alors qu’ils sont appelés à l’apprendre aux élèves », s’indignent-ils.

Le constat est sévère. Mais est-il exagéré ? Je ne le crois pas. De fait, en dépit d’avancées indéniables réalisées depuis la fin de la crise postélectorale, en 2011, le système éducatif ivoirien continue d’être le parent pauvre de « l’émergence à l’horizon 2020 » promise par le président Alassane Ouattara.


>>> À LIRE – Grève des enseignants en Côte d’Ivoire : une sortie de crise en vue ?


Menace d’une année blanche

Au tableau sombre des insuffisances figurent en bonne place les grèves à répétition, celles des professeurs aussi bien que celles des élèves, qui répondent au mot d’ordre de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci). En janvier, des enseignants ont encore appelé à cesser le travail pour réclamer, entre autres, une revalorisation de leur indemnité de logement. Ce mouvement, qui dure depuis bientôt deux mois, faisant planer la menace d’une année blanche, et qui a été émaillé d’incidents, est l’un des symptômes de cette maladie qui ronge l’école ivoirienne.

Dans son « plan sectoriel éducation-formation 2015-2025 », cosigné par le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, par Kandia Camara, la ministre de l’Éducation nationale, et par Ramata Ly-Bakayoko, alors ministre de l’Enseignement supérieur, le gouvernement relevait déjà la gravité de la situation.

87 % et 73 % des élèves de CE1 maîtrisent moins de la moitié de ce qu’ils devraient avoir acquis

Il notait que « les évaluations standardisées nationales et internationales du niveau des acquis scolaires, notamment au primaire, indiquent que la majorité des élèves n’acquiert pas les connaissances fondamentales : 87 % et 73 % des élèves de CE1 maîtrisent moins de la moitié de ce qu’ils devraient avoir acquis […]. La majorité des écoles primaires publiques sont dépourvues d’infrastructures d’accompagnement de base, telles que l’électricité, les points d’eau potable, les latrines et les cantines, avec une situation qui se dégrade dans le temps ».


>>> À LIRE – Côte d’Ivoire : les discussions pour la reprise des cours dans l’impasse


Une thérapie nécessaire

Mais que faire ? Manifestement, la solution ne réside pas dans le déni, pas plus que dans le bras de fer parfois ubuesque que se livrent responsables politiques, enseignants et apprenants. Le gouvernement doit, en la matière, s’astreindre à une certaine orthodoxie et commencer par appliquer la pédagogie par l’exemple. Tant que nos dirigeants continueront à envoyer leurs propres enfants étudier en Europe et aux États-Unis, ils ne pourront pas faire croire que le système scolaire dont ils ont la charge et qu’ils sont censés rendre plus performant est à même de garantir un avenir meilleur aux nouvelles générations. De même, il sera toujours difficile pour le ministre de tutelle d’être exigeant envers les directeurs régionaux ou les chefs d’établissement tant que lui-même refusera d’être transparent sur la gestion des frais d’inscription et sur le budget des examens.

Il est en outre essentiel de remettre de l’éthique dans le système. Il est inadmissible que des soupçons de racket entourent le concours de recrutement d’enseignants et que l’on ait des preuves – nombreuses – que certains professeurs s’arrogent un droit de cuissage sur des élèves, parfois mineures.

Une thérapie réaliste et adaptée à notre temps doit être appliquée

Enfin, tous les rapports s’accordent pour dire que d’importants problèmes subsistent quant à la qualité et au contenu de la formation dispensée dans nos écoles. Est-il raisonnable de continuer à orienter tant d’étudiants vers les sciences économiques, au risque de faire grossir les statistiques du chômage, dans un pays qui manque par exemple cruellement de spécialistes de la monétisation des contenus sur les réseaux sociaux ? Un diagnostic profond, courageux et consensuel, incluant tous les acteurs de la formation, doit être mené. Une thérapie réaliste et adaptée à notre temps doit être appliquée.

Mali: Dan Nam Ambassagou refuse
sa dissolution demandée par les autorités

Des soldats maliens à bord d'un camion, le 27 février 2017 (image d'illustration). Le gouvernement malien a annoncé la dissolution du groupe armé dogon Dan Nam Ambassagou.
© AFP/Thomas Coex

Après le massacre dans un village du centre du Mali qui a fait plus de 160 civils peuls tués, le gouvernement malien a annoncé, dans la foulée, la dissolution du groupe armé dogon Dan Nam Ambassagou. Mercredi 27 mars, le chef militaire du groupe Youssouf Toloba a répondu « non », alors que de son côté, le président de la plus importante association culturelle dogon du Mali, prône le dialogue pour résoudre la crise.

En rejetant la décision du gouvernement de dissoudre son association, transformée par la suite en groupe armé, Dan Nam Ambassagou, Youssouf Toloba avance d’abord une raison. C’est pour, dit-il, « protéger » les populations civiles dogon abandonnées à elles-mêmes à des endroits dans le centre du pays. Celui qui est le chef militaire redouté du groupe armé poursuit : tant que l’État ne pourra pas jouer ce rôle, ses hommes resteront sur le terrain.

Face à cette situation toujours tendue, l’association culturelle Ginna Dogon, qui rassemble quasiment toutes les populations dogons du Mali, appelle de son côté à la recherche de la paix par le dialogue.

Pour son président, Mamadou Togo, « la situation est, je dirais, même plus qu’inquiétante, parce qu’elle dépasse tout entendement, et nous pensons que l’État prendra toutes ses responsabilités pour sécuriser les populations et leurs biens. Pour que la paix revienne, il faut un dialogue, que toutes les vérités soient dites. » Et, pour trouver cette paix, Mamadou Togo a entamé des rencontres tous azimuts.

Le prix Nobel alternatif attribué à
«l'homme qui a arrêté le désert»

Yacouba Sawadogo.
© Moussa Ouedraogo

A 80 ans, Yacouba Sawadogo voit son travail récompensé. Ce cultivateur burkinabè a reçu ce 24 septembre à Stockholm, le Right Livelihood Award 2018, plus connu sous le nom de prix Nobel alternatif, pour son combat contre l'avancée du désert. Depuis plusieurs années, Yacouba Sawadogo met en œuvre, avec peu de moyens, des techniques pour lutter contre ce fléau qui affecte les zones arides du Sahel.

Surnommé affectueusement « l'homme qui a arrêté le désert »,  le Burkinabè Yacouba Sawadogo pratique l'agriculture depuis l'enfance. En observant la terre et en se mettant à son écoute, ce cultivateur de 80 ans a développé une méthode innovante, appelée le « zaï ».

Le principe est simple : il s'agit de préparer le sol en saison sèche, en creusant des trous, remplis de débris organiques. Ces débris attirent ensuite les termites, naturellement présentes dans cette zone. Ces dernières creusent des galeries, qui permettent la rétention de l'eau dans les sols. Reste alors à planter les graines.

Forêt en zone aride

Grâce à cette technique traditionnelle, Yacouba Sawadogo est parvenu à planter une forêt d'une trentaine d'hectares dans la région très aride de Ouahigouya. Cette prouesse écologique a été réalisée dans une zone devenue aride après une longue période de sécheresse dans les années 1970.

Yacouba Sawadogo travaille par ailleurs sur la médecine douce et traditionnelle. Sa méthode, quant à elle, est désormais utilisée dans certains programmes agricoles au Sénégal, au Mali et au Niger.

Putsch manqué au Burkina: la cour diffuse les conversations téléphoniques

Djibrill Bassolé (photo), l'un des cerveaux présumés du coup d'Etat manqué de 2015 au Burkina Faso.
© AHMED OUOBA / AFP

Apres l’audition des témoins, l’heure est à la présentation des pièces à conviction contre les accusés dans le procès du coup d’Etat manqué de septembre 2015. Le procureur militaire a procédé à la diffusion des premiers enregistrements des conversations téléphoniques entre les principaux accusés et d’autres personnes.

Durant des heures, plusieurs documents présentés comme étant des conversations entre le général Djibrill Bassolé et plusieurs personnalités, dont Guillaume Soro, ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne, ont été diffusés.

Dans ces documents, on entend les différents interlocuteurs parler de stratégie pour consolider le coup d’Etat et empêcher par tous les moyens la tenue des élections prévues à la fin de période de transition.

« Ils sont convaincus que les élections auront lieu, mais le feu qu’on va mettre sur leurs têtes, ils vont fuir, laisser le pays… Les mois qui restent vont être leur enfer », relate celui présenté comme l’ancien ministre burkinabè des Affaires étrangères.

Propos « très virulents »

Selon le procureur militaire, il y avait un coup d’Etat dans le coup d’Etat, car le général Djibrill Bassolé incitait les soldats de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle à ne pas déposer les armes.

Maître Prosper Farama, l’un des avocats des victimes, soutient que les propos du général Bassolé sont « très virulents ». « On a froid au dos quand on entend ces conversations », martèle l’avocat. Pour lui, il n'y a pas de doute : le général Djibrill Bassolé tirait les ficelles à l’insu du général Gilbert Dienderé, cerveau présumé du coup d’Etat qui avait déjà déposé les armes.

Maître Dieudonné Bonkounogu, l’un des avocats du général Djibrill Bassolé, a préféré quitter la salle d’audience avant la diffusion des bandes, estimant que l’origine des enregistrements restait toujours inconnue.