Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

[Tribune] Et si l’Église nous délivrait du mâle ?

|
 
 
Par

Ecrivain. Auteur de La Cale (Prix Stéphane-Hessel), Terre Ceinte, Silence du Choeur (prix Ahmadou-Kourouma, Grand prix du roman métis3).

Il n’est pas certain que la parole des victimes d'abus sexuels se libère en Afrique, comme cela commence à être le cas partout ailleurs : ce tabou est encore fort sur le continent.

On commençait hélas à bien connaître, sur le continent, les dérives des Églises évangéliques et pente­côtistes : leur emprise sur les individus qu’elles veulent « sauver » à tout prix (donc chèrement) ; les shows télévisés de leurs pasteurs en plein accomplissement de « miracles » ; les abus sexuels, enfin, que subissent certains de leurs adeptes, en général – comme c’est étonnant – des femmes. Ce qu’on savait moins (ou qu’on prétendait ignorer), c’est que ce fléau des abus sexuels était aussi très présent au sein de l’Église catholique.

Un poignant documentaire de la chaîne de télévision franco-­allemande Arte révèle la manière dont des religieuses africaines (mais pas seulement) étaient abusées par certains prêtres jouant de leur empire psychologique, moral et financier pour satisfaire leur libido.

Alex Proimos from Sydney, Australia By Wikimedia Commons

Le calice déborde quand on apprend que les congrégations demandent aux religieuses enceintes de prêtres d’avorter

Ces viols et abus se produisent au sein des communautés locales, mais aussi au Vatican même, lorsque les sœurs y vont pour parfaire leur formation. Le calice déborde quand on apprend que les congrégations demandent aux religieuses enceintes de prêtres d’avorter – rappelons la position, très dure, de l’Église sur l’avortement, ce « crime abominable » – avant de les abandonner à elles-mêmes, « souillées », honteuses.

Citons ce terrible passage, où une ancienne nonne africaine raconte comment un prêtre contraignit l’une de ses camarades, enceinte de ses œuvres, à interrompre sa grossesse de huit mois. L’Église sait tout cela. Mais, comme souvent en la matière, elle se tait, ou réagit mollement.

Un tabou tenace

Le catholicisme séduit toujours sur le continent. Le nombre de ses fidèles croît : 186 millions en 2010, 222 millions en 2015 (presque 20 % de la population africaine, et autour de 17 % de la communauté catholique mondiale). Ces chiffres ont augmenté depuis et vont encore grimper.


>>> À LIRE – L’Afrique silencieuse


Si rien n’est fait, ceux des abus sexuels au sein de l’Église catholique africaine aussi. Il n’est pourtant pas certain que la parole des victimes se libère, comme cela commence à être le cas partout ailleurs : ce tabou est encore fort sur le continent.

Là comme ailleurs, le seul vrai Dieu est l’homme. On manque un peu la cible en accusant la religion, la société, la culture. Ce sont d’utiles et puissants prête-noms, des « abstractions » : derrière elles s’esquisse la figure masculine omnipotente, qui a fait le monde à son image, à son usage, et qui abuse de son pouvoir et des femmes dans l’impunité. Mais nous le savons depuis longtemps et faisons mine de l’ignorer. Le taisons. Réagissons mollement. Nous sommes en fait (comme) l’Église. Qu’on nous délivre donc du mâle.

Migrants de retour en Côte d’Ivoire (4/6):
la honte et la gêne après l’échec

Migrants ivoiriens rapatriés de Libye à leur arrivée à l'aéroport d'Abidjan, lundi 20 novembre 2017.
© REUTERS/Luc Gnago

Toute la semaine RFI vous propose une série de reportages sur ces Ivoiriens qui ont tenté de migrer vers l’Europe, en partant de Daloa. Cette ville, la troisième du pays, est la plus grande de l’ouest de la Côte d’Ivoire. Elle a longtemps été considérée comme un point de départ majeur des Ivoiriens vers l’Europe mais pour beaucoup, le voyage s’est arrêté avant, souvent en Libye. Pour ces hommes et ces femmes, le retour à Daloa est alors synonyme de honte.

Elle souhaite se faire appeler Mimi. Partie pour la Libye afin de gagner l’Europe, elle n’a jamais pu traverser la Méditerranée. Au bout de sept mois de calvaire, elle a été rapatriée à Abidjan par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

« La manière dont tu rentres au pays, ce n’est pas celle que tu as décidée, ce n’est pas cette manière-là que tu as voulue. On est rentré avec désespoir. On s’est dit qu’on a vraiment perdu du temps, notre argent… On a perdu plein, plein de choses. On n’a vraiment pas le moral. Je me disais que je préférais encore la mort que de revenir comme ça », se confie-t-elle.

La honte d’avoir menti à sa mère et d’avoir pris son argent. La honte de l’échec, aussi. Les premières semaines, Mimi se cache chez une de ses sœurs, à Abidjan. Puis elle fait un accident vasculaire cérébral (AVC). « Trop de pensées », dit-elle.

Soignée, elle finira, plusieurs mois après, par retourner à Daloa garder la maison de sa mère qui, à son tour, est partie à Abidjan suivre des soins. A Daloa, le sentiment de honte est encore plus fort et elle ne quitte quasiment pas sa cour.

« Comme je suis moi-même de Daloa, c’est mon voyage qui m’empêchait de venir m’installer ici à cause de la honte, de la gêne. Le fait de partir et de ne pas avoir réussi le voyage, les gens vont mal l’interpréter. Voilà pourquoi je suis dans mon coin. Je suis là, je ne fais rien pour le moment et tout cela me stresse encore plus. Je suis malade, depuis mon retour. Je prends des médicaments pour éviter trop de stress et du coup, je suis renfermée, trop renfermée. Avant, ce n’était pas ça, ma vie », témoigne-t-elle.

Malgré tout, Mimi a un projet, celui d’ouvrir une échoppe de jus de fruits sur la rue qui passe devant sa cour. Plus une thérapie qu’un business.

Migrants de retour en Côte d’Ivoire (5/6):
sensibilisation auprès des «mamans»

Des migrants africains secourus au large de la Libye en août 2018.
© REUTERS/Guglielmo Mangiapane

Toute la semaine RFI vous propose une série de reportages sur ces Ivoiriens qui ont tenté de migrer vers l’Europe en partant de Daloa. Cette ville, la troisième du pays, est la plus grande de l’ouest de la Côte d’Ivoire a longtemps été considérée comme un point de départ majeur des Ivoiriens vers l’Europe. Aujourd’hui, du constat de tous, le phénomène a fortement ralenti. La répression de quelques passeurs et la sensibilisation de masse sont passées par là. Sensibilisation mieux ciblée aussi, notamment envers les « mamans ».

Dans cette cour du quartier Orly, de Daloa, comme chaque mercredi, une douzaine de mamans du quartier se retrouvent pour discuter, boire le thé et manger des bonbons. Parmi ces femmes, Awa Touré.

« Il y a beaucoup de mamans dont les enfants sont partis. Toutes les mamans se décarcassent pour avoir l’argent pour donner aux enfants qui s’en vont. Mais, moi, mon enfant n’est pas parti. C’est mon seul garçon. Il est commerçant et vend des pneus. Je lui ai dit : « il ne faut pas partir ». Il est resté. Je veux qu’il reste à côté de moi et puis, je me débrouille. L’argent que je touche, je le lui donne. Je veux qu’il ait un magasin à lui », raconte-t-elle.

La famille, et les mères en particulier, sont souvent pourvoyeuses de fonds pour les candidats au départ. Du coup, ces mamans sont, depuis quelque temps, la cible de la sensibilisation de la part d’ONG. Laura Visentin de l’organisation italienne CeVi, est présente à Daloa, depuis douze ans.

« On faisait de la sensibilisation avec les jeunes parce que l’on pensait que c’était nos cibles dans la mesure où ce sont eux qui partent. Mais après, on a compris que souvent, ce sont les mamans elles-mêmes qui poussent les enfants à partir et là, nous avons commencé à faire de la sensibilisation avec elles, à montrer des documentaires sur le désert et sur la traversée de la mer. Il y a beaucoup de mamans qui ont commencé à pleurer. Elles ont dit : « Mais moi, j’ai envoyé mon enfant comme ça. Je ne savais pas que c’était comme ça. Personne ne nous a dit ». Et c’est à partir de là que la pression de la famille a diminué un peu et aujourd’hui, les mamans, au lieu d’encourager, elles découragent », explique Laura Visentin.

Si ce facteur n’est pas le seul qui explique la baisse du nombre de départs de Daloa depuis deux ans, « c’en est un », estiment les acteurs sur le terrain.

Migrants de retour en Côte d'Ivoire (6/6):
la lutte contre les passeurs

Une centaine de migrants ivoiriens rapatriés de Libye, le 20 novembre 2017 (photo d'illustration).
© REUTERS/Luc Gnago

RFI vous propose une série de reportages sur ces Ivoiriens qui ont tenté de migrer vers l’Europe en partant de Daloa. Cette ville, la troisième du pays, est la plus grande de l’ouest de la Cote d’Ivoire a longtemps été considérée comme un point de départ majeur des Ivoiriens vers l’Europe. Aujourd’hui, du constat de tous, le phénomène a fortement ralenti. La sensibilisation est passée par là. Mais la répression aussi. Aujourd’hui selon le gouvernement, une cinquantaine de passeurs dans tout le pays ont été condamnés.

Adama est un repenti. Arrivé d’Abidjan il y a environ cinq ans, il a été pendant deux ans et demi un passeur. Lui préfère le terme de « démarcheur », qui aidait les candidats au départ à atteindre l’Europe, en moyenne une quinzaine par mois.

« A cette époque-là, j’étais à Daloa. Quand je prenais quelqu’un, bien avant qu’il décolle, je discutais avec la famille. Si on finissait par tomber d’accord, on donnait le chemin au niveau des différents correspondants qu’on avait dans les différentes villes. Quand il arrivait à Agadez, la famille payait le restant d’argent. A l’époque, de la Côte d’Ivoire à la Libye, on prenait 600 000 francs CFA. De la Côte d’Ivoire en Italie, on prenait 900-950 000. »

Adama a passé un an en prison à cause de son activité. Aujourd’hui, il fait de la sensibilisation lorsqu’il n’est pas dans sa petite menuiserie ouverte aux quatre vents. Il y a quelques années encore, Daloa comptait une trentaine de passeurs, selon lui. La plupart se serait volatilisée.

La migration ralentit. Conséquence de la politique des autorités, estime Yaya Sylla, premier adjoint au maire, à commencer par la lutte contre ces passeurs.

« Dans un premier temps, il s’agit de récupérer celui qui le fait. C’est plus facile de le repérer s’il n’est pas de Daloa. Ensuite, nous jouons au niveau de la sensibilisation. Et en tant qu’autorité, nous faisons en sorte de pouvoir mettre la jeunesse au travail. Parce que tout part de là. Nous avons mis beaucoup de programmes en place pour l’emploi des jeunes. »

Depuis des années, ce sont les ONG et les organisations de jeunesse qui sont en première ligne pour dissuader les candidats au départ de prendre la route, et leurs familles de les soutenir.

« La ruée vers l’Europe » n’est pas inscrite
dans la démographie africaine|The Conversation

Dans La ruée vers l’Europe, Stephen Smith n’hésite pas à écrire :
« La jeune Afrique va se ruer sur le Vieux Continent, cela est inscrit dans l’ordre des choses », et il avance même une projection démographique : en 2050, l’Europe comptera 150 à 200 millions d’Afro-Européens, soit 25 % de sa population.

Yves Charbit, Université Paris Descartes – USPC

Cette affirmation vigoureusement réfutée par François Héran et Julien Brachet. Au mieux, les sub-Sahariens passeraient de 1 % à 3 ou 4 % en 2050. Julien Brachet cite, comme François Héran, une étude datant de 2016 du Fonds monétaire international qui prévoit qu’en 2050, 34 millions de migrants originaires d’Afrique subsaharienne résideront dans l’ensemble des 36 pays de l’OCDE, dont 26 en Europe, et selon les Nations unies le solde net en Europe sera en 2050 de 32 millions d’étrangers (tous pays d’origine).

Notons, d’emblée, que Stephen Smith affirme qu’il en sera ainsi alors que les démographes sont beaucoup plus prudents : ils évoquent des futurs probables et chiffrent plusieurs scénarii (neuf variantes dans UNDSEA). Stephen Smith aurait-il raison ? Une analyse serrée de son argumentaire révèle des approximations et des contradictions logiques qui renvoient à un problème plus général, celui de l’utilisation tendancieuse des données démographiques.

L’argument contestable de « la matrice »

Stephen Smith utilise plusieurs arguments. Le premier, tout à fait recevable, est l’émergence, avec le développement économique, d’une classe moyenne en Afrique (p.17, pp.124-127). C’est un fait bien établi : les plus pauvres n’émigrent pas, faute de capital financier et social. Quant aux migrants climatiques, s’ils sont bien soumis à une mobilité forcée, ils restent à proximité de la zone dévastée comme on le constate lors des tsunamis ou des sécheresses.

Mais le deuxième, auquel l’auteur consacre les plus longs développements et qui est à l’évidence pour lui le facteur essentiel, est l’exceptionnelle jeunesse de l’Afrique dans laquelle il voit la matrice de toute une série de problèmes :

« la pauvreté persistante, les luttes politiques et les conflits armés en Afrique, les enjeux économiques, la montée des extrémismes religieux, les défis sanitaires, éducationnels et environnementaux » (p. 33 ; voir aussi p. 132 à propos de la Sierra-Leone et p. 133-134 du sud-Soudan).

Ce qui pose problème n’est pas l’énumération des problèmes qui sont bien réels, mais l’idée de « matrice ». Celle-ci implique que tous les facteurs évoqués ne sont des causes efficientes de la migration que s’ils sont médiatisés par la jeunesse de la population. Il note, cependant, un peu plus loin que le conflit jeunes-vieux n’est qu’un parmi d’autres (Nord-Sud, femmes-hommes, pauvres-riches, civils-militaires, gouvernant-gouvernés, chrétiens-musulmans (pp. 127-129) – ce qui revient à abandonner le caractère englobant de la matrice de la jeunesse.

Sentant la contradiction, l’auteur écrit qu’en Afrique être jeune « est le plus grand dénominateur commun » (p. 134). Mais ceci n’est pas un argument logique. Comme il y a 50 % de jeunes de moins de 20 ans en Afrique, statistiquement ils ont évidemment toutes les chances d’être pris dans les conflits de tous ordres énumérés par Stephen Smith, sans que les jeunes en soient nécessairement la cible.

Prenons le cas des violences physiques survenant lors des migrations forcées : les viols s’exercent indistinctement sur les femmes adultes aussi bien que sur les jeunes filles des mêmes familles. Du coup, qu’est-ce qui va déclencher les flux migratoires : l’émergence de classes moyennes et la sortie de la pauvreté (indépendamment, donc, de la sous-population particulière des jeunes adultes) ou la jeunesse de la population ? En d’autres termes, le facteur structurel décisif est-il d’ordre économique ou démographique ?

Les besoins énergétiques de l’Afrique

Enfin, troisième argument, l’Afrique étant « la plus pauvre et la moins industrialisée », elle croîtra le plus en besoins énergétiques (p.152). Cette affirmation est presque tautologique : le taux de croissance est toujours plus élevé quand le point de départ du développement est plus bas. Mais ce constat ne permet nullement de conclure que c’est en Afrique « que se jouera la bataille contre le réchauffement climatique ».

L’affirmation est tendancieuse car elle fait écho à un deuxième taux, celui de la rapide croissance démographique de l’Afrique cause de « la ruée vers l’Europe ». Or c’est la masse démographique et les modes de consommation en 2019, donc l’effectif de la population des États et non pas le rythme de croissance, qui constituent le risque majeur actuel au niveau mondial.

À côté des Occidentaux et de leur mode vie, et du 1,386 milliard de Chinois qui sont en train de l’adopter, les Africains pauvres contribuent bien peu à l’effet de serre. La réduction de l’empreinte carbone ne sera significative que si les pays riches et la Chine modifient leurs modes de consommation. En quoi les Sahéliens sont-ils responsables de la montée des océans liée à la fonte glaciaire ?

Ironie tragique du sort ou plutôt du sous-développement, ils vont subir de plein fouet les conséquences d’un réchauffement climatique mondial qu’ils n’auront pas créé. Tel est une des loupes grossissantes créées par la peur de la démographie africaine

La peur de la jeunesse des populations africaines

En dépit de ces contradictions logiques, le livre s’achève sur le caractère inéluctable de la « ruée vers l’Europe » d’une immigration africaine jeune. La position de Smith est donc claire : ce sont bien les caractéristiques de la démographie africaine, ce réservoir jeune et fécond, qui vont alimenter cette ruée.

Cette question de la jeunesse comme facteur potentiel de crise migratoire réactive la vieille croyance, déjà exprimée au XIXe siècle, de la dangerosité de la jeunesse, alimentée dans le monde actuel par des faits propres à frapper les esprits : le recrutement des jeunes par les organisations terroristes, les images des enfants soldats.

Au moment de la révolution de 1848, Jérôme Blanqui, un membre de l’Académie des sciences morales et politiques écrivait déjà :

« Il existe à Lyon et à Paris une classe intermédiaire entre l’enfance et la virilité qui sera longtemps la base du recrutement de tous les perturbateurs de l’ordre social ».

Mais, d’une part, le grossissement médiatique est patent : au regard de leur nombre dans les populations africaines, bien peu de jeunes ont sombré dans la violence. Et surtout le déterminisme est fondamentalement social et économique et pas démographique : le faible niveau d’instruction, le chômage, la pauvreté, les inégalités aggravées par la corruption, l’urbanisation anarchique et une ségrégation sociospatiale rigoureuse créent inévitablement de la violence ou du désespoir dans toutes les générations.

Et pourtant Stephen Smith, en dépit de sa connaissance de l’Afrique, use et abuse de l’argument que la jeunesse de la population africaine constitue le facteur déterminant. Ce qui ne signifie pas pour autant que le facteur démographique n’ait aucun impact sur les sociétés comme le montrent a contrario les problèmes que rencontrent les sociétés vieillissantes. Mais si la démographie est une condition nécessaire (s’il n’y avait pas vieillissement, il n’y aurait pas de problème de retraites), elle n’est pas suffisante.

La démographie ne doit pas être instrumentalisée

Finalement, ce qui porte cet argumentaire est la soi-disant loi physique (« la nature a horreur du vide »), l’Afrique trop pleine se déverserait sur une Europe à moitié vide. La complexité sociologique, économique, politique qui permet d’expliquer les phénomènes migratoires est purement et simplement niée ici. La démographie devient l’explication par excellence. En un mot, elle est purement et simplement instrumentalisée.

Yves Charbit, Professeur de démographie, Université Paris Descartes – USPC

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

Soupçons de corruption en Afrique :
la société Bourbon jugée
au tribunal correctionnel de Marseille

| Par AFP

La découverte en 2012 à l'aéroport de Marseille d'une valise contenant 250 000 dollars et appartenant au directeur fiscal du groupe Bourbon avait fait naître des soupçons sur un vaste système de corruption d'agents du fisc africains. La société de services pétroliers et huit de ses dirigeants sont jugés à partir de ce lundi 18 mars.

De retour d’un voyage d’affaires au Nigeria le 19 octobre 2012, Marc Cherqui, directeur fiscal du groupe Bourbon spécialisé dans les services maritimes à l’industrie pétrolière et coté en Bourse, atterrit à l’aéroport de Marseille-Marignane, la société ayant son siège à Marseille. Mais il ne peut récupérer son bagage dont il s’empresse de déclarer la perte. Et pour cause, la valise qui a été retrouvée et a été confiée aux Douanes, contient, rangés en liasses de 100 dollars, quelque 250 000 dollars.

Une enquête est lancée. Elle aboutit au renvoi devant le tribunal correctionnel de Marseille pour corruption active d’agents publics étrangers, de Bourbon en tant que personne morale, de son directeur général de l’époque Christian Lefevre et de ses directeurs délégués Gaël Bodenes, aujourd’hui directeur général, et Laurent Renard. Cinq autres ex-cadres comparaîtront à leur côté pour complicité de corruption dans ce procès prévu jusqu’au 27 mars.

Selon l’accusation, les investigations ont révélé « une volonté assumée » du groupe au 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires et « qui ne paie aucun impôt en France, de se soustraire au paiement des impôts légitimement dus », en l’occurrence au Nigeria, en Guinée-équatoriale et au Cameroun, en soudoyant des agents de recouvrement en cas de redressement, pour un montant total estimé d’environ 3,2 millions de dollars.

Après avoir dit dans un premier temps ignorer la présence de l’argent dans sa valise, puis évoqué des problèmes financiers liés à son divorce, le directeur fiscal, licencié depuis, a finalement expliqué aux enquêteurs s’être déplacé à Lagos pour trouver un accord « transactionnel » à la suite d’un contrôle fiscal déclenché contre sa société.

« Payer le moins d’impôts possible »

Selon Marc Cherqui qui assure avoir prévenu sa direction, le fisc nigérian réclamait 227 millions de dollars d’amendes à Bourbon pour fraude fiscale et aurait accepté de ramener cette somme à 4 millions après le versement de 2,7 millions de dollars de pots-de-vin à des fonctionnaires. Les 250 000 dollars retrouvés dans la valise représentaient « le reliquat de l’opération de corruption ».

Lors de ses auditions, le directeur fiscal raconte avoir découvert dès son embauche un « désordre innommable et des fraudes dans tous les domaines ». « Il ne s’agissait pas d’incompétence » mais « d’un système organisé visant à payer le moins d’impôts possible en France et à l’étranger », explique-t-il. « Un risque » fiscal à propos duquel il dit avoir alerté par mail ses supérieurs.

Un ancien directeur fiscal du groupe décrit lui aussi un processus consistant à diminuer le montant de « l’ardoise » après discussion avec des acteurs locaux, en échange de cadeaux « à l’africaine ».

L’avocat de Bourbon réfute

« Il n’y a pas d’argent sorti de Bourbon ni d’aucune de ses filiales. L’enquête n’a jamais identifié les agents qui auraient touché cet argent et d’où il proviendrait », assure l’avocat de Bourbon, Me Ludovic Malgrain. « Il y a sûrement eu des manquements dans le contrôle de ce M. Cherqui », concède l’avocat mais ce dernier a agi « pour son compte personnel », affirme encore Me Ludovic Malgrain.

Pour l’entreprise aux 8 400 employés, durement touchée par la chute des cours du pétrole il y a quatre ans, le procès « tombe au plus mal » et pourrait mettre à mal ses relations avec ses partenaires internationaux, reconnaît l’avocat.

Le groupe aux 29 filiales opérant dans 45 pays a annoncé en février un nouveau plan stratégique après avoir déjà entrepris une réduction de ses coûts et un réaménagement de sa dette.

En ce jour du 8 mars 2019, nous publions un message reçu de Amnesty International France qui appelle à lutter pour plus de justice et pour intervenir en faveur de trois femmes saoudiennes

Pétition : cliquer sur le lien ci-dessous pour pouvoir voir les photos de ces femmes et signer la pétition
https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/petitions/liberte-pour-3-defenseures-en-arabie-saoudite?utm_source=emailing-action%20&utm_medium=email&utm_campaign=droits%20femmes%20Arabie%20Saoudite

Liberté pour 3 défenseures des droits humains en Arabie saoudite

Jusqu'au 31.03.2019
36098 soutiens. Aidez-nous à atteindre 40000

Mise à jour 04/02/2019 : Nous avons reçu de nouvelles informations concernant des cas de tortures et de harcèlement infligés aux défenseurs des droits humains dans la prison dans laquelle se trouvent les 3 activistes saoudiennes. Nous avons écrit aux autorités saoudiennes pour exiger qu'une délégation puisse avoir accès à la prison et aux activistes détenues pour nous assurer de leurs conditions de détention. Cet appel est resté sans réponse. Nous relançons donc cette pétition et préparons de nouvelles actions pour obtenir des autorités saoudiennes qu'elles répondent aux cas de torture et harcèlement et qu'elles relâchent les défenseurs des droits humains. Nous avons besoin de vous toutes et tous !

Mise à jour 18/10/2018 : Nous avons remis vos signatures en faveur de Loujain al-Hathloul, Iman al-Nafjan et Aziza al-Yousef à l'Ambassade d'Arabie Saoudite à Paris le 12/10. Nous restons mobilisés pour leur défense !

Loujain al-Hathloul, Iman al-Nafjan et Aziza al-Yousef, ainsi que 19 autres défenseurs des droits humains ont été arrêtés en mai dernier.

Ces activistes militent depuis plusieurs années pour que les femmes aient le droit de conduire et pour qu'il soit mis fin au système répressif de tutelle masculine en Arabie saoudite. Elles ont été emprisonnées 1 mois avant la mise en œuvre du décret d’application  permettant enfin aux femmes de conduire en Arabie Saoudite.

Les accusations mensongères et diffamatoires dont elles sont la cible, ont été relayées par les médias affiliés au gouvernement.

Cette campagne de diffamation lancée par l’État saoudien, vise à discréditer ces femmes et les faire passer pour des « traîtres », des « agents de l’étranger » qui représentent une menace pour la sécurité nationale, la stabilité et la paix sociale.

Détenues jusqu’il y a peu dans un endroit secret sans accès à un avocat et sans contact avec leur famille, aujourd’hui nous savons qu’elles se trouvent à la prison de Jeddah et qu’elles peuvent communiquer par téléphone avec leur famille selon un agenda très strict. Ces femmes devraient être derrière le volant et pas derrière les barreaux !

Elles risquent jusqu’à 20 ans de prison.