Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Tchad : un policier condamné à dix ans
de prison pour tortures

| Par AFP

Un policier tchadien, accusé d'avoir supervisé la torture à mort de l'un de ses compatriotes, a été condamné le 18 janvier à dix ans de prison ferme par un tribunal de N'Djamena, a appris samedi l'AFP auprès d'avocats.

Le tribunal des flagrants délits de N’Djamena a également condamné à la même peine deux subordonnés de ce policier, l’adjudant-chef Senoussi Ahmat Ochi, qui ont directement participé à la séance de torture et a réclamé leur radiation de la police. L’avocat de la partie civile, Max Laolngar, a dit à l’AFP qu’il allait faire appel de cette condamnation qu’il estime ne pas être « suffisamment stricte ».

Ce cas aurait dû être jugé devant la cour criminelle pour une condamnation plus forte, « de vingt à trente ans d’emprisonnement ferme », selon lui. Dingamadji Nadjinabe, avocat du policier, a affirmé ne pas vouloir commenter une décision de justice. Le frère aîné de la victime, Djimet Hissein, a dénoncé pour sa part « la clémence » du tribunal, ainsi que la présence au procès de personnes qu’il accuse d’être proches de hauts dignitaires du régime ayant participé à la séance de torture, mais qui n’ont pas été poursuivis.

Vidéo partagée

Le policier condamné avait été arrêté fin décembre après la diffusion d’une vidéo sur internet largement partagée sur les réseaux sociaux montrant la victime, Oumar Hissein, attachée par les bras contre un muret, une jambe pliée et criant de douleur. Sept personnes étaient visibles sur la vidéo tournée au domicile de l’adjudant-chef Ochi, qui n’apparaissait pas sur les images.

Dans un communiqué de presse, la Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (CTDDH) s’était dite « outrée par cette barbarie » perpétrée par « un membre du sérail du pouvoir », dénonçant une pratique « devenue monnaie courante » sous le président tchdien Idriss Déby.

« La mobilisation anti-Franc CFA est un
des développements les plus positifs en Afrique »

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Par

Yann Gwet est un essayiste camerounais. Diplômé de Sciences Po Paris, il vit et travaille au Cameroun.

« Sans forcément avoir tous les éléments techniques en main, un nombre croissant de citoyens africains sont conscients qu’il leur sera impossible de décider réellement de leur destin sans une souveraineté monétaire effective », écrivent Fanny Pigeaud et Ndongo Samba Sylla dans leur dernier ouvrage, « L’arme invisible de la Françafrique : une histoire du Franc CFA ». Analyse.

En réalité, « l’arme invisible » l’est de moins en moins. Comme le reconnaissent les auteurs en introduction, « ces dernières années, de plus en plus de voix s’élèvent dans la rue, sur les réseaux sociaux, dans les milieux intellectuels ou artistiques, qui demandent la « fin du CFA ».

La mobilisation anti-franc CFA est en effet un des développements les plus positifs en Afrique ces dernières années. Mais il y a tout lieu de penser qu’elle est loin de son niveau optimal. L’ignorance domine encore. En effet, « depuis la période coloniale, tout a été fait afin que les utilisateurs du franc CFA en sachent le moins possible sur le dispositif qui se cache derrière ces trois lettres énigmatiques ». Dès lors, l’objectif de la journaliste et de l’économiste est d’abord de faire œuvre de vulgarisation. Pari réussi.


>>> À LIRE – Franc CFA : tout changer pour que rien ne change


Dans les deux premiers chapitres, dans un style épuré et une langue accessible, ils relatent l’histoire de cette monnaie souillée de sang dès ses débuts. « Afin de briser les résistances locales et de faire accepter leurs monnaies, les colonisateurs utilisèrent tous les moyens de pression à leur disposition et n’hésitèrent pas à recourir alternativement au droit colonial et à la violence », écrivent-ils, avant de détailler les principes de fonctionnement du système CFA.

Le principe du tristement célèbre « compte d’opérations », dans lequel la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et la Banque centrale du Congo (BCC) doivent déposer la part obligatoire de leurs réserves de changes (50 %), contrepartie de la garantie de convertibilité », irrite toujours autant. « Garantie » dont le président malien Modibo Keita estimait, à juste titre, dans un discours du 30 juin 1962, qu’elle était « illusoire, plus psychologique que réelle », et que la « France ne garantit le franc CFA que parce qu’elle sait que cette garantie ne jouera pas effectivement ». Pourtant, il n’empêche qu’encore aujourd’hui « la BEAC doit communiquer au Trésor de manière quotidienne le solde en euros de ses avoirs extérieurs à J-3. Elle doit exécuter, au besoin, des virements sur son compte d’opérations afin de respecter la quotité obligatoire de 50 %. »

Résistance fragilisée et glissement idéologique

À ce stade, la question se pose de la résistance historique à ce scandale monétaire, et les moyens de la libération. Le livre y répond dans sa seconde partie. Les auteurs ne le voulaient probablement pas ainsi, mais le chapitre « Résistance et représailles », qui ouvre cette seconde partie, suscite de la tristesse. Dès le début des années 1960 et jusqu’au milieu des années 70, la résistance au franc CFA a été incroyablement vigoureuse. Guinée, Mali, Burkina Faso, Niger, République centrafricaine, Congo, Tchad, Togo, Mauritanie, Madagascar, etc. Tous ces pays se rebiffent.

La révolte, brillante dans son expression, est portée par des chefs d’État dont certains n’étaient pas exempts de tout reproche, mais qui tous ou presque avaient une certaine idée de leurs pays. Alors certes, à l’exception de la Mauritanie et de Madagascar, ils ont échoué, certains payant le prix de leur vie. Mais le contraste entre l’activisme institutionnel passé et l’apathie présente choque. Aujourd’hui, le moindre mot d’un ministre contre le franc CFA conduit à son licenciement. Terrible régression.

Les auteurs n’abordent pas la question, pourtant importante, des ressorts du tassement de la mobilisation après les années 70

Les auteurs n’abordent pas la question, pourtant importante, des ressorts du tassement de la mobilisation anti-franc CFA après les années 70. Dans un premier temps, la répression française contre nos leaders, et leur remplacement par des dirigeants dociles, a fragilisé la résistance. Par la suite, à partir des années 90, un glissement idéologique subtil mais dévastateur s’est opéré : le mantra de la souveraineté (dignité), qui imprégnait la pensée des dirigeants post-indépendance, a été remplacé par celui de la « démocratie ». Tout d’un coup, la seule chose qui comptait en Afrique était les élections. Résultat des courses : trente ans après l’instauration de la « démocratie » en Afrique, celle-ci n’est ni démocratique, encore moins souveraine, mais elle est toujours plus instable. Elle ne saurait être démocratique dès lors qu’elle n’est pas souveraine. Et cette « démocratie » purement formelle est bien l’un des moteurs de l’instabilité qui l’accable.

Sortir du franc CFA exigera au préalable de remettre l’enjeu de la souveraineté au cœur du débat monétaire africain. Cela permettra de repolitiser la question monétaire, et d’emprunter les chemins fertiles tracés par nos leaders d’antan. Sans ce puissant carburant idéologique, les pistes de « libération monétaire » envisagées dans la dernière partie du livre, qui sont toutes crédibles, pourraient encore rester longtemps dans des livres. Fussent-ils de qualité.

[Tribune] Plaidoyer pour une Afrique urbaine verte

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Par

Sihine Negede est titulaire d'un master d'Études africaines au sein de la School of Oriental and African Studies (SOAS), de l'Université de Londres.

L’Afrique est le continent dont la population urbaine a la plus forte croissance au monde. Les inconvénients de cette situation sont nombreux, d'autant que les bienfaits des espaces verts sont peu valorisés dans les études de développement.

En 2017, selon la Banque mondiale, l’Afrique comptait 472 millions de citadins. Un chiffre en voie de doubler dans les 25 années à venir. Trop peu discutées, les conséquences négatives de cette situation sont nombreuses : forte présence de bidonvilles, croissance économique lente ou stagnante, marché du travail trop étroit, augmentation des maladies liées à la pollution atmosphérique, etc.

Les urbanistes semblent avoir peu d’emprise sur cette dégradation, notamment parce qu’ils ne pensent pas aux bienfaits de l’aménagement d’espaces verts publics, n’y voyant que peu de corrélation avec la bonne santé économique des villes, et plus généralement, avec la croissance économique des pays. Pourtant, de nombreuses études permettent désormais d’établir avec certitude une corrélation positive entre la préservation des espaces verts et le développement social et économique durable d’un territoire.

Certains pays comme le Costa Rica, qui ont mis au cœur de leur politique de développement un aménagement urbain vert, font aujourd’hui preuve d’une excellente santé économique. Quant à la clairvoyante cité-État de Singapour, qui avait au sortir de la décolonisation en 1965 le même niveau de pauvreté que de nombreuses villes d’Afrique, elle fait des espaces verts un objet central de sa feuille de route vers la modernité avec le concept de « cité-jardin ». Quelques décennies plus tard, les résultats économiques sont spectaculaires. Alors, qu’attend l’Afrique ?

Singapour, un modèle pour l’Afrique ?

En 2017, un rapport de la Banque mondiale estimait la disponibilité de ces espaces publics verts à moins de 1m² par habitant dans beaucoup de villes africaines dont Luanda (Angola), le Caire et Alexandrie (Égypte). Un chiffre qui est bien en dessous des standards établis par l’ONU et l’OMS qui recommandent entre 9m² et 30m² d’espaces verts par habitant. À Addis-Abeba (capitale de l’Éthiopie), les espaces verts – jardins privés compris – couvrent moins de 15% du territoire de la capitale. À Dakar au Sénégal, les espaces verts ont été réduits de 34% sur une période de 20 ans, entre 1988 et et 2008. Et c’est ainsi pour la plupart des villes africaines. Quelques exceptions comme certaines villes d’Afrique du Sud, notamment Durban et Johannesburg (avec des espaces verts oscillant entre 22% et 24% du territoire), ou encore Cape Town dans une moindre mesure, ne font que confirmer la tendance. De manière générale, la Banque mondiale estime que près de 5,87 millions de km² de terrains vierges seront convertis en espaces urbains d’ici 2030 dans des villes d’Éthiopie, du Kenya, du Burundi, du Rwanda, du Nigeria et dans bien d’autres pays.

Aujourd’hui, Singapour ne manque jamais de figurer dans le top 10 des destinations les plus vertes et les plus attirantes du monde

À titre de comparaison, le Green View Index du MIT Senseable City Lab estimait en 2017 que les espaces verts urbains à Singapour équivalent à près d’un tiers du territoire. Aujourd’hui, Singapour ne manque jamais de figurer dans le top 10 des destinations les plus vertes et les plus attirantes du monde, où il fait bon vivre. Dans son classement 2018, HSBC expat explorer conclut que la cité-État occupe pour la quatrième année consécutive la place de destination préférée des expatriés, devant la Nouvelle-Zélande et l’Allemagne. Cela découle en grande partie d’une décision du gouvernement en 2013 visant à augmenter la superficie des parcs de sorte que 90% de la population singapourienne se trouve à moins de 400 mètres d’un espace vert public.


>>> À LIRE AUSSI : Lee Kuan Yew, l’homme qui inventa Singapour


Un facteur d’attractivité pour les travailleurs qualifiés

Une ville verdissante qui respire et qui est soucieuse du bien-être de ses habitants est donc un facteur décisif d’attractivité du territoire pour les travailleurs qualifiés étrangers ou nationaux, les entreprises, des investisseurs et quiconque désirant vivre dans une ville qui permet d’évoluer et vivre sainement. L’aménagement d’espaces verts publics serait donc un point clé qui permettrait de booster, directement et indirectement, le marché de l’emploi africain intimidé par la croissance galopante de sa population urbaine. Les emplois directement créés absorberaient la main-d’œuvre convoitée par la construction des infrastructures vertes, leurs gestions ainsi que leurs maintenances. Les emplois indirects seraient ceux résultant d’une attractivité démographique, composée d’une main-d’œuvre qualifiée travaillant pour des entrepreneurs et entreprises que ces villes vertes et durables attirent aussi.

En plus d’être un atout économique important, de nombreuses études ont permis de démontrer que la présence de ces espaces verts contribue grandement au bien-être psycho-social d’une population, performante et en bonne santé (ce dont l’Afrique à cruellement besoin). Il est bien connu que les grandes métropoles sont généralement synonymes de travail intellectuel ou physique de longue haleine dont le stress doit être évacué. Ces espaces verts publics deviennent alors des aspirateurs de stress mental et physique opérant à titre thérapeutique.

Des lieux d’échanges humains apaisés

De plus, ces lieux rassemblent et permettent d’engager des contacts sociaux. Que ce soient des générations fortement éloignées ou des ethnies différentes, ce sont ces échanges réguliers et des contacts humains que ces espaces publics permettent de créer, donnant ainsi naissance à un sentiment d’appartenance et une forte cohésion sociale. Sandrine Manusset, sociologue de l’environnement, explique que la présence d’espaces végétaux dans les villes, sous toutes ses formes, réduit le niveau d’angoisse, de tension, de violence et de dépressions, et augmente l’efficacité du travail.

L’Afrique d’aujourd’hui pourrait être en proie à une catastrophe similaire à celle de l’Amérique latine

En dernier lieu, beaucoup de métropoles africaines sont en route vers une catastrophe environnementale de taille que l’Amérique latine a vécu et qui éprouve encore des difficultés à surmonter cette tragédie écologique. La surexploitation des sols, la pollution toxique des eaux, la destruction massive des forêts et l’érosion ont entraîné d’immenses dégâts. De plus, la destruction de la biodiversité ainsi que des conditions de vie des populations autochtones ont généré des conflits fonciers ou liés à l’utilisation des ressources en eau et à l’agro-alimentation. Ces dernières années, de nombreux pays d’Amérique latine comme le Chili, la Bolivie et le Pérou ont décrété l’état d’urgence environnemental.

L’Afrique d’aujourd’hui pourrait être en proie à une catastrophe similaire : l’urbanisation explosive s’est traduite par une destruction importante des forêts et des zones humides, l’imperméabilisation ainsi que l’artificialisation des sols et une croissance inquiétante des îlots urbains de chaleurs suspendus et stagnant. Mettre une politique verte au cœur des aménagements urbains pourrait aider à minimiser les dégâts engendrés par les activités humaines. Selon Asterès, une entreprise mettant son expertise économique au service des pouvoirs publics et des institutions onusiennes, six effets positifs majeurs sont à attendre d’une politique environnementale volontaire : purification de l’air, de l’eau et du sol, régulation naturelle des températures, filtrages naturels des eaux pluviales et protection de la biodiversité.

 

Migrants: Communiqué de presse de la COMECE, 09.01.2019

La COMECE appelle les États membres de l’UE à prendre leurs responsabilités vis-à-vis des migrants en détresse en mer

La COMECE salue la solution trouvée aujourd’hui [9 janvier, ndlr] par certains États membres de l’UE, avec l’intervention de l’UE, qui ont accepté d’accueillir des migrants bloqués depuis plusieurs jours en mer, sauvés et conduits dans un port maltais.

La COMECE partage la profonde préoccupation exprimée par la Conférence épiscopale de Malte (voir letter sent by the Maltese Episcopal Conférence to the COMECE, ndlr) envers la situation de ces migrants: nous ne pouvons pas rester « sourds au cri de douleur de l’humanité souffrante » car « nous sommes appelés à faire de l’amour, de la compassion, de la miséricorde et de la solidarité un vrai programme de vie, un style de comportement dans nos relations les uns avec les autres. »

Cependant, les efforts déployés par l’Église catholique et la société civile pour accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants ne peuvent se substituer à la responsabilité des gouvernements de veiller à ce que les nouveaux arrivants soient sauvés lorsqu’ils sont échoués en mer, placés dans un endroit sûr, traités avec humanité et qu’ils bénéficient de l’assistance nécessaire. Une migration sûre exige également la coopération des pays de départ, de transit et de destination afin d’éviter que les personnes en quête d’une vie meilleure ne se lancent dans des voyages périlleux ayant fait des milliers de victimes en Méditerranée.

La COMECE appelle les États membres de l’UE à exercer leur responsabilité commune à l’égard des migrants, en particulier lorsqu’ils se trouvent en mer, à coopérer avec les pays les plus touchés par l’arrivée de migrants et à créer un mécanisme garantissant que les principes de dignité humaine et de bien commun prévalent sur les autres considérations.


Voir aussi:

La réaction de Mgr Charles Scicluna, archevêque de Malte, au lendemain du débarquement à Malte des 49 migrants bloqués pendant plus de deux semaines à bord de 2 bateaux affrétés par des ONG allemandes, Il souhaite que l’appel du Pape François à plus de solidarité européenne soit entendu.

Mgr Scicluna : «Que la Méditerranée ne soit plus un cimetière mais un lieu d’accueil», par Antonella Palermo, Vatican News, 10.01.19.

Sortir du chaos. Les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient (Gilles Kepel) (Compte-rendu par Tigrane Yégavian – Sciences Humaines)

Près d’une décennie après le déclenchement des printemps arabes, Gilles Kepel prend du recul afin de mesurer l’ampleur des bouleversements qui déchirent cette région. Considérant l’histoire du Moyen-Orient de la guerre du Kippour de 1973 à nos jours, il se penche sur les causes de l’émergence et de l’essor de l’islam politique sur les décombres du nationalisme arabe laïc.

Ce livre se nourrit de ses précédents ouvrages (Passion arabe, Terreur dans l’Hexagone) et de ses récents voyages et enquêtes de terrain dans les pays du Maghreb et du Machrek. Replaçant les événements des printemps arabes en contexte, l’auteur propose une synthèse des crises et conflits qui ravagent l’espace arabe. Il interprète les événements advenus depuis l’hiver 2017-2018, dans la période qu’ouvrent la chute de l’organisation État Islamique et l’annonce de la défaite de l’insurrection armée en Syrie.

L’intérêt de sa démarche est de bien dégager les étapes de la mutation du salafisme jihadiste (d’Al-Qaïda à Daesh) tout en mettant en évidence l’ampleur de la fracture qui déchire le bloc sunnite (Arabie Saoudite, Égypte, Qatar, Turquie) à la lumière des mutations en cours dans la Péninsule arabique. C’est l’occasion aussi pour l’auteur de confirmer la perte de centralité du conflit israélo-palestinien au profit des guerres par procuration que se livrent l’Arabie Saoudite sunnite et l’Iran chiite. Plus près de nous, l’auteur examine les enjeux de la crise migratoire et les nouveaux rapports de force régionaux et internationaux à la lumière de la baisse du prix des hydrocarbures, du grand retour de la Russie dans l’échiquier moyen-oriental et le retrait progressif de la région des États-Unis, grands producteurs de pétrole et de gaz de schiste. 

Source: Sortir du chaos. Les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient, Gilles Kepel, Gallimard, 2018, 528 p., 22 €. Tigrane Yégavian, Sciences Humaines, Janvier 2019

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