Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Comment peut-on être cosmopolite ? (The Conversation)

“[…] on comprend que la seule façon de s’y retrouver dans l’analyse des rapports entre les individus et les États (et donc, dans la question du cosmopolitisme !), est de prendre en compte non pas deux, mais trois « acteurs », à savoir les individus, l’État et l’humanité. Les relations entre les individus et l’État ne peuvent être saisis dans leur complexité que si l’on se réfère aussi à un niveau supra-étatique.[…]”

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Installation de l’artiste JR sur le chantier du Panthéon, à Paris (juin 2014). Yann Caradec/Flickr, CC BY-SA

Charles Hadji, Université Grenoble Alpes

Doit-on « faire le pari qu’un avenir commun est possible avec l’autre, nonobstant son étrangeté » ? Telle est la question centrale à laquelle Alain Policar consacre un ouvrage important, bienvenu, et passionnant.

Ouvrage important, car il discute et défend, sur les thèmes de l’humanité et de l’accueil, des thèses dont le lecteur ne peut que reconnaître la solidité, et admettre, le plus souvent, la pertinence. Ouvrage bienvenu, car il aborde des problématiques aujourd’hui brûlantes concernant l’identité nationale, ou les migrants. Ouvrage passionnant, car c’est toujours avec un très grand intérêt que l’on suit l’auteur dans sa réflexion aussi documentée qu’approfondie.

Un minutieux travail d’analyse, au service d’une « exigence absolue »

L’objet de l’ouvrage est « de donner à la notion d’humanité sa portée politique ». Autrement dit de « montrer ce que pourrait être un cosmopolitisme authentiquement politique » en dégageant « le sens du cosmopolitisme ».

En raison de l’importance des enjeux d’ordre politique, social, et humanitaire, ce travail répond à une « exigence absolue », dont l’auteur souhaite « faire partager l’urgence ». Tout va donc se jouer autour de trois mots-clés : cosmopolitisme, humanité, et politique, qui seront au cœur des analyses proposées dans une série de six chapitres qui s’enchaînent de façon très heureuse.

Le premier établit la nécessité de prendre en compte la nature humaine pour fonder une éthique soucieuse de tous les hommes, dont (surtout) les plus faibles. Le deuxième montre que le cosmopolitisme n’est pas ennemi de l’État-nation, et que l’on peut concilier « un ordre cosmopolitique… et l’Etat-nation démocratique ». Le troisième, un des plus importants à mes yeux, fait voir toute la richesse de « l’innéité humaine ». Le quatrième dénonce une conception réductrice de l’identité propre à l’« hystérie », ou à la « barbarie », identitaires. Le cinquième explicite la notion de « cosmopolitisme enraciné », en montrant la supériorité du « patriotisme républicain » sur le nationalisme chauvin. Le sixième, enfin, établit la possibilité, et l’urgence, d’un nouveau « niveau », décalé, et transnational, de gouvernance, incarnant une philosophie de l’hospitalité.

Pour un humanisme réaliste

Une idée forte est ainsi affirmée dès les premières pages : on ne peut saisir le sens du cosmopolitisme qu’en se référant à la notion de nature humaine. Policar plaide pour une réhabilitation de cette idée, naguère mise à mal par le structuralisme. Sans elle, on ne peut fonder ni une défense de l’autonomie, ni une défense de la démocratie. Seule, elle permet de comprendre ce que peut signifier le « perfectionnisme ».

Mais il faut à la fois concevoir l’humanité comme un « être moral » (fin de tout perfectionnement individuel), constitué par la « communauté des humains » ; et la saisir dans les « universaux » sur lesquels ouvre « l’innéité humaine » dans sa richesse. C’est pourquoi il faut parler d’un « humanisme réaliste et biologiquement informé », qui se fonde sur la prise en compte de « notre nature humaine commune », telle donc que les recherches contemporaines sur les universaux anthropologiques nous aident à la saisir.

Bien qu’Emmanuel Mounier ne soit jamais cité, il me semble que cet « humanisme réaliste » débouche sur une véritable philosophie de la personne. « Seuls les individus possèdent une valeur intrinsèque », parce que, précisément, tout individu est plus que l’ensemble de ses seules appartenances : la personne qu’il est déborde ses marques d’identité individuelle. Au fondement de la « personne individuelle », il y a « l’humanité, en tant qu’être moral ».

L’« humanisme civilisationnel » dans un jeu à trois partenaires

Policar évoque aussi un « humanisme civilisationnel », regardant l’espèce comme un ensemble de relations. Il faut accorder à la relation une portée fondamentale. Mais relation entre qui et qui ? Un des intérêts principaux de l’ouvrage me paraît résider dans le choix qu’il fait de penser l’action politique à l’échelle du monde. Car « il y a des problèmes propres à cette échelle », et « la politique doit s’y hisser ».

Ce faisant, on comprend que la seule façon de s’y retrouver dans l’analyse des rapports entre les individus et les États (et donc, dans la question du cosmopolitisme !), est de prendre en compte non pas deux, mais trois « acteurs », à savoir les individus, l’État et l’humanité. Les relations entre les individus et l’État ne peuvent être saisis dans leur complexité que si l’on se réfère aussi à un niveau supra-étatique.

La Tour de Babel. Lucas van Valckenborch (1535–1597)/Wikipedia

L’homme (premier niveau d’analyse : l’individu), comme citoyen, est engagé dans une « fidélité singulière » avec un État-nation particulier (deuxième niveau d’analyse : l’État-nation), envers lequel il a des « devoirs politiques ». Mais ces devoirs politiques ne sont pas exclusifs, car « l’exercice des droits ne peut être légitimement limité par la souveraineté des États ». En dernière analyse, c’est « le principe d’universalité des droits humains » qui prévaut.

La souveraineté des États est donc, en quelque sorte, limitée par les droits de l’homme, qui sont « la propriété inaliénable des sujets », du fait de l’appartenance à l’humanité, qui leur est « donnée ». L’individu humain a « l’humanité en partage ». Le caractère humain (être membre du « nous » de la communauté humaine ») prévaut sur le caractère national (être membre d’une nation). « L’appartenance au genre humain excède l’identité citoyenne ».

Le troisième niveau, sans lequel les deux autres perdent leur sens, est celui de la « communauté humaine, fondée sur une nature partagée ». Ce que Policar exprime en écrivant que « le sentiment d’appartenance à la communauté des humains exprime l’essence même du cosmopolitisme ». Le « droit cosmopolitique » repose sur l’appartenance fondamentale des hommes à l’humanité.

Et le cosmopolitisme, alors ?

Il existe plusieurs « versions » du cosmopolitisme. Policar défend l’idée d’un « cosmopolitisme enraciné », qui présente deux grandes caractéristiques.

La première est de prendre acte de « l’appartenance civique » à des patries. Sans tomber dans l’idéologie de l’enracinement, Il faut laisser leur part aux racines. Le cosmopolitisme n’est pas ennemi de l’État, dont il faut « garder le meilleur du rôle ». II ne s’agit pas d’éradiquer les différences, même de nationalités : « L’identité cosmopolite est le moyen d’un rapport plus juste à la nation ». Il faut concilier édification nationale et justice cosmopolitique globale – ce qui passera par un renforcement des principes de l’État de droit, qui devront être étendus au monde entier.

La seconde caractéristique de ce cosmopolitisme enraciné est d’être « d’abord moral ». Il se fonde sur le principe d’« égale considération due à chaque être humain ». « Le cosmopolitisme authentique » a « l’universalisme moral » pour « composante essentielle ». Il est un « individualisme éthique ».

Tout l’ouvrage est finalement une vibrante défense et illustration de l’éthique, par quelqu’un pour qui il est impossible de séparer politique et morale. Il faut « assujettir le droit aux exigences de la morale ». « Il existe des normes universellement contraignantes que l’on nomme communément éthiques ». Les droits sont liés à l’appartenance au monde humain. Le cosmopolitisme devient alors l’affaire du genre humain tout entier, puisqu’il exprime et tente de réaliser une exigence éthique propre à l’espèce humaine (humanisme réaliste).

On retrouve alors, dans une analyse fondamentalement inspirée par les thèses kantiennes, la notion d’idéal régulateur : le cosmopolitisme doit être pensé comme « processuel ». Il a le statut d’un « idéal régulateur » déterminant l’horizon d’un « processus sans fin » de construction démocratique. Il est toujours à construire dans le cadre d’une histoire (d’histoires ?) dont il fait voir à la fois la finalité et le sens. C’est un ce sens qu’il peut être vu comme « le stade suprême de l’humanisme ».

C’est pourquoi, en définitive, cet ouvrage aurait pu être titré aussi bien « comment pourrait-on ne pas être cosmopolite ? » !

Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

Côte d’Ivoire: Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé
acquittés devant la CPI

L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, le 28 janvier 2016, lors d'une audience à la Cour pénale internationale de La Haye (Pays-Bas)
© ICC-CPI

La Cour pénale internationale a décidé ce mardi 15 janvier 2019 de l’acquittement de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé. Les deux hommes étaient poursuivis pour crimes contre l’humanité après les violences postélectorales de 2010 et 2011. Les juges ont ordonné la remise en liberté immédiate des deux accusés, mais elle a été suspendue à la demande du procureur dans l'attente d’un nouvel appel. Une nouvelle audience aura lieu sur ce sujet mercredi matin.

A la CPI, le climat était d’abord assez tendu ce matin, dans la galerie qui surplombe la salle d’audience, une salle pleine. Il y avait là des diplomates, des journalistes et beaucoup, beaucoup de militants du FPI. Puis l’audience a débuté à 11 heures. Le juge principal a pris la parole, il a fait l’historique de la procédure, puis a donné son délibéré. La CPI s'est prononcée en faveur de l'acquittement de l'ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo.

Les juges considèrent que le procureur n’a pas été capable d’apporter suffisamment de preuves pour démontrer que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé étaient à l’initiative d’un plan commun visant à se maintenir au pouvoir et de ce fait à user de violence pour y parvenir. Les juges estiment par ailleurs que le procureur n’a pas démontré que les deux prévenus ont prononcé des discours de haine contre les populations civiles. La CPI a également ordonné la mise en liberté immédiate de l'ancien chef de l'Etat ivoirien.

Explosion de joie dans la galerie. On entendait des cris, des personnes pleurer de joie. « C’est fini ! C’est fini ! », pouvait-on entendre parmi ces cris. Les cris étaient tellement forts que les juges et même les deux prévenus ont dû faire des signes au public pour que la séance puisse se poursuivre.

Les accusés impassibles

Fadi El Abdallah, porte-parole de la Cour pénale internationale
15-01-2019 - Par Pierre Firtion

Tout au long du délibéré, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont restés impassibles, concentrés à écouter le délibéré des juges. Ils ont attendu la suspension de la séance pour se prendre dans les bras et se féliciter chaudement. L’une des avocates de Laurent Gbagbo a même versé une larme, signe de l’émotion qui régnait également dans le prétoire.

Mais, finalement, quelques minutes plus tard, l'ordre de mise en liberté a été suspendu jusqu'à demain en attendant de savoir si le procureur faisait appel. Une nouvelle audience doit donc avoir lieu demain à 10 heures, heure locale. Audience qui déterminera donc si Laurent Gbagbo sera remis ou non en liberté.

Cela fait sept ans que Laurent Gbagbo est en détention. Il était accusé de quatre chefs d'inculpation de crimes contre l'humanité : meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains. Des faits qui couvrent la période de crise postélectorale en Côte d'Ivoire entre novembre 2010 et avril 2011. Des violences qui ont causé la mort de plus de 3 000 personnes en cinq mois. Des faits pour lesquels Laurent Gbagbo avait plaidé non coupable.

A la sortie de la CPI, les avocats de Laurent Gbagbo, dont maître Altit, ont montré leur satisfaction : « C’est une victoire, une victoire pour la justice. C’est aussi une victoire pour la Cour pénale internationale. Vous savez, la Cour pénale internationale a été critiquée ces derniers temps. Par cette décision, les juges ont montré qu’ils étaient de grands professionnels et qu’ils étaient indépendants. Ils ont assuré, de notre point de vue, la pérennité de la Cour pénale internationale. C’est certainement une décision qui fera date de ce point de vue. C’est ensuite et surtout la victoire d’un homme, le président Gbagbo qui a été injustement accusé. La justice est passée, les accusations sont tombées et le président Gbagbo peut savourer une véritable victoire parce que c’est la victoire de la réalité, de la vérité. Et puis, c’est aussi une victoire d’une équipe de défense qui pendant des années, et des années, a porté la parole du président Gbagbo et s’est battue pour faire prévaloir la vérité et pour que la justice puisse être rendue ».

Autre réaction, celle de l'avocat de l'Etat ivoirien, Jean-Paul Benoit qui n'était pas présent à la CPI : « Nous avons suivi cette procédure avec sérénité. Ce n’’est pas un règlement de compte ».

Mali: qui est la katiba Serma,
cible d'une opération antiterroriste?

La zone du cercle de Douentza où se s'est enracinée la katiba Serma.
© Google Maps

L’opération antiterroriste menée par Barkhane en début de semaine vers Boni, dans le centre du Mali, visait la katiba Serma.

L’état-major français des armées ne commente pas à ce stade, mais le raid d’envergure mené en début de semaine dans le centre du Mali a mobilisé forces aériennes et troupes au sol, selon plusieurs sources sur place.

En tout cas, c’est visiblement la katiba Serma qui était l’objectif des soldats français qui ont visé l’une des « bases arrière » du mouvement. Cette katiba porte le nom d'une forêt au sud de Boni où se cache cette cellule jihadiste qui a prêté allégeance au Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans.

La katiba Serma est présente dans la région de Douentza depuis 2012. Elle prend racine alors que la communauté peule est déchirée par des conflits sociaux. Certains groupes sollicitent alors la protection du Mujao, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest.

Aurélien Tobie, chercheur au SIPRI, l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, revient sur la naissance de cette katiba :

Il y a eu une sorte de vide (...) qui a été rempli par l'émergence de nouveaux groupes jihadistes, notamment la katiba Macina et la katiba Serma.
Aurélien Tobie, chercheur à l'Institut international pour la paix de Stockholm (SIPRI)
09-01-2019 - Par Gaëlle Laleix
 

L'organisation de la katiba Serma reste très mystérieuse. On ne connaît pas son leader. Difficile également d'évaluer ses capacités opérationnelles ou le nombre de ses combattants. Des sources sur place affirment qu'ils viennent essentiellement de Boni et Mondoro. Leur action reste surtout locale : assassinats ciblés, enlèvements, menaces.

Néanmoins, des combattants peuls venus du centre du Mali ont pris part à des opérations terroristes d'envergure comme la dernière attaque de Ouagadougou, la capitale burkinabè, en mars 2018, ou encore Grand-Bassam, en Côte d'Ivoire. C'est sans doute ce qui aura attiré les forces françaises dans la région alors que la menace terroriste se déporte de plus en plus vers le Burkina.

Mali: la missionnaire suisse Béatrice Stockly
otage depuis trois ans

Béatrice Stockly à son arrivée à l'aéroport de Ougadougou au Burkina Faso, le 24 avril 2012.
© AFP PHOTO/ AHMED OUOBA

Au Mali, cela fait trois ans, ce mardi, que la missionnaire suisse Béatrice Stockly a disparu. Elle a été enlevée à Tombouctou dans le nord du pays. Un rapt revendiqué par al-Qaïda au Maghreb islamique. Et depuis, il n’y a quasiment eu aucune nouvelle d’elle.

Béatrice Stockly est une passionnée du Mali. Elle est arrivée à Tombouctou une première fois en 2001. Elle s'était installée dans un quartier populaire de la ville du Nord. En 2004, la missionnaire suisse créée une librairie chrétienne adressée aux habitants de son quartier. Lorsque la ville tombe aux mains des jihadistes en 2012, elle décide de rester, malgré l'inquiétude de sa famille.

Béatrice Stockly est enlevée une première fois par des jihadistes qui la relâchent au bout de quelques jours, grâce à l'intervention du Burkina. Libérée, la missionnaire s'installe un temps au Sénégal, avant de revenir à Tombouctou en 2013. En janvier 2016, Aqmi l'enlève de nouveau. Dans une vidéo diffusée il y a deux ans, la missionnaire apparaît affaiblie, amaigrie, mais affirme être en bonne santé.

Pas de nouvelles depuis cet enregistrement. Dans une vidéo récente de propagande, Aqmi indique qu'il ne diffusera plus de preuve de vie publique de ses cinq otages au Sahel. Dans cette vidéo, le groupe jihadiste conseille aux familles de trouver d'autres canaux que la France pour mener ses négociations.

Au Mali, un Nouvel an meurtrier

Mardi 1er janvier 2019, une attaque meurtrière a fait 37 morts dans un village malien du nord du pays.

Cet affrontement, qui résulte du conflit entre Peuls et Dogons, a eu lieu alors que les autorités ont engagé un dialogue intercommunautaire pour renforcer la paix et la sécurité de la région depuis quelques semaines.

Sur les rives du fleuve Niger dans la région de Ségou. Cette région du centre du Mali est fortement touchée par les conflits intercommunautaires.
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Sur les rives du fleuve Niger dans la région de Ségou. Cette région du centre du Mali est fortement touchée par les conflits intercommunautaires. / Nicolas Remene/Le Pictorium/MaxPPP

L’année 2019 s’ouvre tristement pour Koulogon, un petit village du centre du Mali qui a été le théâtre d’un massacre au matin du Jour de l’an. À l’issue d’une attaque menée par des chasseurs traditionnels, 37 habitants peuls ont été tués selon des sources parlementaires. Un bain de sang attribué à des membres de la communauté Dogon et résultant d’un conflit exacerbé.

La persistance de tensions régionales

Dans le centre du Mali, trois ethnies s’affrontent depuis un peu plus de trois ans : les Peuls d’un côté, qui sont traditionnellement des éleveurs, et les communautés bambara et dogon de l’autre, toutes deux plus tournées vers l’agriculture.

Chez les Dogons, les chasseurs traditionnels sont appelés les « dozos ». Reconnaissables à leur tenue et leurs fétiches, ils prétendent protéger leur ethnie contre celle des Peuls, vivant sur des terres souvent proches.

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Au mois d’août 2018, la Mission de l’ONU au Mali (Minusma) recensait déjà « une centaine d’incidents de violence intercommunautaire » entre Peuls et Dogons. Ces derniers avaient déjà fait « au moins 289 morts parmi les civils » dans la région de Mopti, où la tuerie de mardi 1er janvier 2019, vraisemblablement réalisée par des dozos, a eu lieu. Un bilan qui a presque doublé au cours de la deuxième moitié de 2018 : au total, plus de 500 morts civils seraient à déplorer pour l’année selon la source onusienne.

Le 30 juin 2018, plusieurs centaines de personnes avaient manifesté à Bamako, la capitale, afin d’exprimer leur mécontentement et de dénoncer les exactions commises contre des civils, souvent peuls.

En réponse, des représentants gouvernementaux avaient réalisé une visite les 21 et 22 décembre 2019 à Mopti. Le premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga avait notamment annoncé que l’exécutif allait « renforcer les capacités opérationnelles des forces de défense et de sécurité dans la région ».

Des rivalités exacerbées par la question djihadiste

Depuis l’apparition en 2015 du groupe djihadiste armé Katiba Macina (littéralement Front de libération du Macina) dans le centre du Mali, les violences semblent se multiplier entre Peuls et autres ethnies de la région.

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Pour les Peuls, qui sont pour la plupart d’obédience musulmane dans la région de Mopti, les exactions dont ils sont victimes sont encouragées par les autorités au nom de la lutte contre le djihadisme. Une version démentie par le gouvernement, qui a réagi au massacre du Jour de l’an en condamnant les auteurs de l’attaque et en assurant que son objectif était de « créer les conditions d’un dialogue intercommunautaire fécond dans le but d’instaurer durablement la cohésion et la paix » dans la région.

Toutefois, l’exécutif n’a pas encore reconnu que les auteurs de la tragédie étaient des membres de la communauté Dogon, et ce bien que deux sources concordantes aient défini les individus comme des chasseurs dozos.

« Seule l’enquête nous permettra de connaître les raisons de cette attaque » a souligné Karim Keïta, président de la commission de défense de l’Assemblée Nationale et fils du chef de l’État malien Ibrahim Boubacar Keïta.

Présent dans la région de Mopti où il avait passé le réveillon avec des militaires, il a rendu visite aux survivants hospitalisés

mardi 1er janvier 2019.

Anouk Helft