Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Étudiants, religieux, panafricanistes… Qui sont les soutiens du capitaine Ibrahim Traoré ?

Arrivé au pouvoir il y a plus de trois mois, le jeune président de la transition burkinabè bénéficie toujours d’un appui populaire hétéroclite. Décryptage.

Par  - à Ouagadougou
Mis à jour le 19 janvier 2023 à 08:31
 
 

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Le capitaine Ibrahim Traoré lors d’une cérémonie pour les 35 ans de l’assassinat de Thomas Sankara, le 15 octobre 2022, à Ouagadougou. © OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

 

 

Il était presque comme chez lui. Ce mardi 17 janvier, le capitaine Ibrahim Traoré, ancienne figure de la puissante Association nationale des étudiants du Burkina (Aneb), était de retour sur les bancs de l’université de Ouagadougou, où il était encore inscrit en Sciences de la vie et de la terre il y a une douzaine d’années. Sur place, le jeune président de la transition, 34 ans, a été accueilli chaleureusement, comme c’est le cas lors de la plupart de ses déplacements.

Sa légitimité populaire, Traoré la tire d’abord des Assises nationales qui avaient rassemblé, le 14 octobre, deux semaines après sa prise de pouvoir, environ 300 représentants de l’armée et de la police, des organisations coutumières et religieuses, de la société civile, des syndicats, des partis politiques ainsi que des déplacés internes victimes des attaques jihadistes.

Dialogue avec la classe politique

« Ibrahim Traoré a fait l’objet d’un consensus des forces vives de la nation lors des Assises nationales. Il bénéficie du soutien de tous les acteurs politiques mais il doit se tenir à équidistance des différents partis, assure un cadre du Congrès pour le progrès et la démocratie (CDP). Les jeunes officiers gardent leurs distances avec la classe politique, afin de ne pas être accusés d’être proches de tel ou tel camp. Cette réserve vis-à-vis de la classe politique est la bienvenue. Dès qu’une autorité de transition prend position, elle déclenche les hostilités. »

À LIREAu Burkina Faso, qui sont les hommes du capitaine Ibrahim Traoré ?

Malgré le maintien de la suspension des activités politiques par le nouveau pouvoir, le dialogue avec la classe politique ne semble pas rompu. D’après nos sources, une commission mixte, instaurée par le régime du lieutenant-colonel Damiba pour élaborer le calendrier de la transition, peaufine actuellement ses conclusions. Elle devrait rendre son rapport au Premier ministre, Apollinaire Kyelem de Tambéla dans les jours à venir.

Appuyé par des leaders musulmans…

Plus de trois mois après son arrivée aux affaires, le capitaine Ibrahim Traoré, que certains n’hésitent pas à comparer à Thomas Sankara, bénéficie toujours d’un véritable soutien populaire. « Nous soutenons Traoré parce que c’est un patriote qui incarne une rupture. Il sait se mettre à l’écoute de la rue. En 100 jours au pouvoir, il a montré sa volonté de mieux faire et de prendre en compte les aspirations du bas peuple », confie Monique Kam, dirigeante du Mouvement M30 Naaba Mogho, qui lutte contre la présence de la France au Burkina Faso.

Celui qui est officiellement le plus jeune chef d’État au monde est aussi appuyé par des religieux, en particulier par des leaders musulmans. Le 13 janvier, au lendemain de sa visite à Bobo-Dioulasso, les cheikhs de la ville lui ont exprimé leur soutien en organisant une grande prière pour la paix sur la place Tiéfo Amoro. Sur les réseaux sociaux, cette scène a rapidement suscité un tollé chez certains, qui y ont vu le signe d’une confusion entre l’État et la religion. « C’est une stratégie de pénétration et d’implantation, même si la majorité de ceux qui s’égosillent dans les audios haineux et les prêches enflammés n’en savent peut-être rien », a estimé, sur sa page Facebook, Newton Ahmed Barry, ancien journaliste et ex-président de la Commission nationale électorale indépendante (Ceni).

… et protégé par des panafricanistes

Dans le milieu de la société civile, des mouvements panafricanistes, qui appellent Ibrahim Traoré à rompre avec la France et à se tourner vers la Russie, entendent s’ériger en gardiens de la transition. Et pour cause : entre les discours pro-russes et le ton ferme employé à l’égard des partenaires occidentaux, le régime des capitaines répond, à leurs yeux, aux aspirations du peuple burkinabè. « Le collectif des organisations de la société civile panafricaniste, qui a vu le jour récemment, est l’un de ses soutiens de taille », glisse un membre de la Coalition des patriotes du Burkina Faso (Copa BF), qui milite contre la présence française dans le pays.

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Fin décembre, quand le régime de Traoré a affirmé avoir déjoué une tentative de déstabilisation du redouté lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, ces mouvements panafricanistes avaient été les premiers informés. Avant cela, fin novembre, de nombreux partisans d’“IB” étaient sortis dans les rues de Ouaga pour soutenir la transition, après qu’un message audio évoquant une tentative de coup d’État avait circulé sur les réseaux sociaux.

Tchad: À Kana, interrogations sur les zones franches prévues par l'État

Localité de Kana au Tchad. © RFI

 

Au Tchad, la création d’une zone économique spéciale dans la province du Logone Occidental alimente la controverse. L’État du Tchad entend créer ces zones franches pour encourager les investisseurs à s’installer dans le pays. Mais dans la province du Logone, tout le monde n’approuve pas le projet.

Avec notre correspondant au Tchad, Madjiasra Nako

Le village de Kana, situé à une vingtaine de kilomètres de Moundou, chef-lieu du Logone Occidental, est calme en journée. Nous sommes en janvier, la période des récoltes passées, il n’y a pas grand-chose à faire. Assis sous un manguier, André Lotodiongodo, la soixantaine, ne voit pas d’inconvénients à l’occupation des centaines d’hectares nécessaires à la création des industries pour des produits d’élevage. Mais il a des conditions : « Nous estimons que la cession de nos terres, seule source de revenus, doit être précédée d’une juste et préalable indemnisation afin d’avoir de quoi subvenir à nos besoins ».

« Selon les schémas, ce n’est même pas viable »

Tout cela est superficiel, estime Ndjeralar Miankeouel, une des grandes voix de la société civile du Logone Occidental, le projet ne respecte pas le schéma national d’aménagement du territoire adopté par le gouvernement pour la période 2014-2035, indique-t-il : « Selon les schémas, ce n’est même pas viable. On a une zone qui est d’abord à potentialité agricole. Une zone spéciale industrielle, il y a des critères, il y a des conditions : d’abord, les schémas s’y prêtent, deux, il y a une gouvernance ». 

Le militant ajoute qu'en plus de n’avoir pas respecté le schéma directeur, le projet risque de créer des problèmes fonciers dans la plus petite des provinces du pays qui a la plus forte densité de population au kilomètre carré.

►À lire aussi : Au Tchad, l'inquiétude des populations face à la création d’une zone économique spéciale

Ce que l’on sait de l’enlèvement de dizaines de femmes au Burkina Faso

Entre 50 et 80 femmes ont été enlevées les 12 et 13 janvier près d’Arbinda, dans le nord du pays. Elles étaient sorties de la ville, sous blocus jihadiste depuis plusieurs mois, pour tenter de trouver à manger.

Par  - à Ouagadougou
Mis à jour le 17 janvier 2023 à 14:41

 

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À Gorom-Gorom, au Burkina Faso. © PHILIPPE ROY/Aurimages via AFP

 

L’alerte a été donnée par un petit groupe de trois rescapées, rentrées à Arbinda le 12 janvier vers 20h. Selon elles, le groupe d’une cinquantaine de femmes – en grande partie des déplacées – dont elles faisaient partie a été enlevé quelques heures plus tôt par des hommes armés près de Liki, à une dizaine de kilomètres au sud-est de la ville. Des ratissages ont été effectués dès le lendemain matin par des militaires et des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs de l’armée. Sans succès. Pis, ce 13 janvier, un autre groupe d’une vingtaine de femmes est enlevé à son tour, cette fois près d’un village à l’ouest d’Arbinda. Seules deux d’entre elles parviendront à s’échapper.

En tout, au moins une cinquantaine de femmes – voire près de 80 selon certaines sources – ont été kidnappées lors de ce deux rapts. « Alors qu’elles étaient sorties à la recherche de fruits sauvages, ces épouses, mères et filles ont été injustement prises à partie par des hommes armés », indique un communiqué du gouverneur de la région du Sahel, le lieutenant-colonel Rodolphe Sorgho. Selon lui, cet enlèvement est l’œuvre de « groupes armés terroristes ».

JNIM ou EIGS ?

« Avant, les militaires et les VDP faisaient des patrouilles jusqu’à une quinzaine de kilomètres de la ville. Mais ces opérations de surveillance n’ont plus lieu. Conséquence : les groupes armés se sont rapprochés d’Arbinda », raconte une source locale. Dans cette zone « rouge », où civils et militaires sont régulièrement attaqués, deux groupes jihadistes se disputent le leadership local : le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM, en arabe), affilié à Al-Qaïda, et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), filiale sahélienne de l’État islamique.

« Les prises d’otage sont généralement l’œuvre du JNIM, qui, en outre, contrôle cette zone d’Arbinda, relate Mahamadou Sawadogo, expert en sécurité. Si c’est bien eux, il y a une chance de les retrouver. Ils ne vont rien leur faire, c’est sûrement un message qu’ils veulent faire passer. Si c’est l’EIGS, leur sort sera probablement différent. Elles risquent de subir des violences de toutes sortes… »

D’où l’importance, selon les spécialistes, de rapidement mettre en place une vaste opération pour les retrouver. Laquelle nécessiterait la mobilisation de renforts, tant humains que logistiques, pour effectuer un large ratissage autour d’Arbinda. « Et encore, rien ne dit qu’elles sont toujours dans cette zone », estime un bon connaisseur de la zone.

Blocus jihadiste

D’après plusieurs sources locales, ce n’est pas la première fois que des civils sont enlevés à Arbinda – mais jamais dans de telles proportions. « Il y a eu d’autres enlèvements mais nous n’avions pas communiqué de cette manière, souligne un fonctionnaire humanitaire sous le couvert de l’anonymat. Je crains que cela ne soit la nouvelle méthode des groupes jihadistes pour contrer l’État : taper sur des cibles vulnérables, comme les femmes et les enfants. »

Depuis quarante jours, la ville d’Arbinda, sous blocus jihadiste comme d’autres localités du Nord du Burkina Faso, n’a été ravitaillée en vivres et en produits de première nécessité qu’une seule fois. D’après nos informations, il n’y aurait plus de denrées sur le marché de la ville, à part du sucre et des feuilles de baobab. Pour survivre, la population est donc contrainte de faire plusieurs kilomètres hors de la ville afin de récolter des fruits sauvages en brousse. Les femmes enlevées les 12 et 13 janvier étaient parties faire de même. Mais elles ne sont, cette fois, jamais revenues.

 nouna

 

BURKINA FASO : AU MOINS 86 PERSONNES TUÉES À NOUNA

Le 30 décembre 2022, des dizaines de civils ont été tués par force auxiliaire au gouvernement à Nouna, une ville de 30 000 habitants, au Burkina Faso. Plus de 80 corps ont été enterrés.

Ces homicides injustifiés ciblaient principalement les membres de l’ethnie peule, une population traditionnellement pastorale, musulmane et disséminée dans toute l’Afrique de l’Ouest.

AU MOINS 86 VICTIMES DANS CETTE ATTAQUE

Selon des personnes ayant survécu à cette attaque, ce sont des membres locaux d’une confrérie de chasseurs dozos, un groupe allié au gouvernement et agissant comme une milice auxiliaire, qui sont allés de maison en maison, ouvrant le feu sur des personnes incapables de s’échapper.

Les homicides commis à Nouna ont fait suite à une attaque menée contre une base dozo et un poste de gendarmerie par des combattants islamistes quelques heures auparavant.

Le 2 janvier, le parquet local a ouvert une information judiciaire sur l’homicide de 28 civils. Or, des rescapés nous ont déclaré que le nombre de victimes est beaucoup plus élevé. 86 corps au moins ayant été retrouvés et enterrés le 31 décembre. D’autres corps criblés de balles ont été retrouvés et inhumés les jours suivants.

Les milices du gouvernement burkinabé

Le Burkina Faso est aux prises avec une insurrection islamiste depuis 2016, dans le cadre d’un conflit qui a causé la mort de milliers de civils et le déplacement de près de deux millions de Burkinabè, soit environ un dixième de la population.

En janvier 2020, le gouvernement a adopté une loi portant création des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), une milice auxiliaire assistant l’armée dans sa lutte contre l’insurrection. Les membres des VDP reçoivent 15 jours de formation. Leur déploiement se fait souvent en réponse aux demandes de populations locales, mais donne aussi fréquemment lieu à des accusations de ciblage ethnique et d’autres abus. En octobre 2022, le gouvernement a annoncé le recrutement de 50 000 VDP supplémentaires.

Les homicides de Nouna suivent un schéma similaire à celui d’événements s’étant produits dans la ville de Yirgou (nord du pays), en 2019, lors desquels plus de 100 civils non armés, peuls pour la plupart, ont été tués en représailles par des membres des koglweogo, une autre force auxiliaire du gouvernement, sur une période de plusieurs jours. Ce massacre a fait suite au meurtre d’un chef traditionnel, semble-t-il par des membres d’Ansaroul Islam, un groupe armé islamiste. Personne n’a été jugé pour ces homicides. Les populations peules sont souvent accusées par d’autres groupes de soutenir des groupes insurgés islamistes ou de leur être favorables.

TÉMOIGNAGES DE RESCAPÉS

Tôt le matin du 30 décembre 2022, un poste de gendarmerie de Nouna et un camp utilisé par des chasseurs dozos ont été attaqués par des combattants appartenant au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Nous avons recueilli les propos de trois témoins qui se trouvaient à Nouna. Ils ont décrit comment, après l’attaque initiale, des miliciens dozos se sont rendus dans deux quartiers de Nouna, prenant semble-t-il pour cible des familles peules, frappant à toutes les portes et tirant sur des dizaines de civils non armés dans leur propre foyer.

Presque tous les hommes et garçons de plus de 16 ans ont été tués, par des chasseurs dozos, selon les témoins.

Trente minutes après que j’ai parlé au téléphone avec mon père, ma belle-mère m’a appelé dans tous ses états pour me dire que des hommes armés se trouvaient dans le secteur. Ils étaient deux et armés, et ont demandé à mon père de les suivre […] on a plus tard retrouvé le corps de mon père non loin de là.

Un témoin dont le père a été tué

« Trente-huit personnes ont été tuées dans le Secteur 6 [un des quartiers] d’après ce que j’ai entendu. Ce sont celles qui ont été enterrées sous l’autorité du chef traditionnel de Nouna, alors il est possible que le nombre réel de victimes soit plus élevé. Avec les 48 corps inhumés dans le Secteur 6 [le second quartier], cela fait au moins 86 morts », a déclaré un autre rescapé.

Plusieurs jours après cette attaque et l’inhumation des 86 premières victimes, on continuait à retrouver des corps. Un rescapé interviewé le 2 janvier a déclaré :

« Aujourd’hui encore, deux corps ont été récupérés dans le Secteur 4 et enterrés. Ils ont été trouvés après l’enterrement des 86 autres le 31 décembre. Depuis le 30 décembre, je n’ose plus sortir de chez moi. Il n’y a aucune sécurité pour nous, et j’aimerais quitter la ville. »

L’Afrique endettée ? Une ode à la résilience, par Aurélie M’Bida

La dette extérieure totale des pays les plus pauvres a triplé en l’espace de dix ans. À qui la faute ?

Mis à jour le 9 janvier 2023 à 11:37
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Par Aurélie M'Bida

Rédactrice en chef adjointe Économie & Finance à Jeune Afrique.

 

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© JA / DR

Étranglés… C’est le mot qui vient à l’esprit à la lecture du dernier rapport sur la dette internationale publié par la Banque mondiale. Ce document recense, pêle-mêle, les pires ingrédients qui gâtent la vie des pays – pauvres, puisqu’il s’agit de ceux-là – déjà mis en grande difficulté par la pandémie de Covid-19, par l’inflation généralisée et par les risques de récession qui se profilent.

À LIRESani Yaya : « Les économies africaines sont encore trop soumises aux banques internationales »

Alors que le tsunami des dettes se propage, « les pays les plus pauvres éligibles aux financements de l’Association internationale de développement (IDA) » – filiale de l’institution de Bretton Woods dont les taux d’emprunt sont très réduits – consacrent désormais plus d’un dixième de leurs recettes d’exportation au service de leur dette extérieure à long terme. Un niveau inédit depuis 2000.

Facture plus lourde

La dette extérieure totale des 74 pays concernés, dont 39 africains, a triplé en l’espace de dix ans, pour atteindre 1000 milliards de dollars en 2021. À la fin de cette même année 2021, le montant que ces États devaient payer chaque année pour honorer leur dette s’élevait à 46,2 milliards de dollars, soit 1,8 % de leur revenu national brut (contre 0,7% en 2010). En 2022, ce niveau du service de la dette devrait dépasser 62 milliards. Là encore, un record depuis le début du siècle. L’alourdissement de cette facture n’est pas sans lien avec la hausse sensible des taux d’intérêt partout dans le monde et avec le ralentissement de la croissance.

À qui la faute ? Une question qui mérite d’être posée, mais dont la réponse est plus complexe à élucider que l’hypothèse de Riemann. En attendant, la nécessité de restructurer ces dettes se fait de plus en plus prégnante. La tâche ne sera pas aisée tant les cartes ont changé de main au cours de ces dernières années. Fini le temps où FMI, Banque mondiale et Club de Paris étaient à la manœuvre. La dette extérieure, en particulier celle des pays pauvres et émergents, est devenue polymorphe.

 

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Manifestation contre la hausse du coût de la vie, à Accra, le 5 novembre 2022. © Ernest Ankomah/Getty Images via AFP

 

 

De l’emprunt garanti par l’État à celui consenti par l’usurier aux conditions les plus léonines, chacun participe d’un tout, plus ou moins soutenable. À la fin de l’année dernière, 32% de la dette de ces pays fragilisés avait été contractée auprès de prêteurs européens et américains (via le Club de Paris). Or ils étaient majoritaires dix ans auparavant.

Durant la même période, près du quart de la dette publique de ces pays a été souscrite auprès de créanciers privés, versus 5 % en 2010. Quant aux créanciers publics, ils sont aujourd’hui dominants, Chine en tête – avec une part de 49 % dans les encours de dette bilatérale des pays pauvres en 2021 –, mais aussi Arabie saoudite ou Émirats arabes unis.

À LIREAnnulation de la dette chinoise : qui sont les créanciers de l’Afrique ?

Le séisme d’Haïti

Mise sur le banc des accusés dès les premières conséquences de la crise sanitaire, la Chine a annoncé, en septembre dernier, son intention d’effacer l’ardoise de 17 pays africains. Est-ce suffisant ? Pas vraiment, quand on regarde le Ghana, qui a frôlé le défaut de paiement et que le FMI soutient à grand-peine. De telles mesures s’apparentent à un cautère sur une jambe de bois. Dans l’intervalle, les pays doivent résister, continuer à produire de la valeur pour espérer atteindre un niveau de développement suffisant.

À LIREDette africaine : comment sortir de l’ornière

C’est d’ailleurs l’aïeule de Michaëlle Jean, l’ancienne secrétaire générale de la Francophonie, qui définit le mieux la résilience dont les populations frappées inlassablement des pires maux peuvent faire preuve. « Toute épreuve [est] une occasion de renouer avec l’essentiel et d’apprendre de ce qui nous arrive pour mieux résister et revenir à la vie », racontait-elle en 2010, juste après le séisme qui a emporté des dizaines de milliers de vies et mis à terre les infrastructures d’Haïti.

Ce cataclysme a succédé à bien d’autres et a préludé à de nombreuses catastrophes climatiques, politiques, sécuritaires, sans parler des difficultés liées à une dette vieille de plus de deux cents ans, contractée auprès de la France et des États-Unis. Pourtant, le peuple résiste et vit. Gageons que le « club » des pays les plus pauvres du monde – qui, certes, ne sont pas tous confrontés aux mêmes obstacles –, saura goûter, en 2023, à la fameuse « résilience haïtienne ».