Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Au Burkina Faso, « des hommes en tenue militaire » sont-ils responsables de la mort d’une soixantaine de civils ?

Des survivants affirment que des dizaines d’hommes et de jeunes ont été exécutés par des hommes arrivés dans le village de Karma en motos et en pick-up. La justice a ouvert une enquête.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 24 avril 2023 à 12:05
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Au début d’avril déjà, la justice militaire du Burkina Faso avait annoncé qu’elle allait mener une enquête pour faire « toute la lumière » sur la mort de plusieurs civils lors de « graves altercations » avec des soldats à Dori. © Olympia DE MAISMONT / AFP.

 

 

Dans le village de Karma, situé dans la province du Yatenga, « une soixantaine de personnes auraient été tuées par des personnes arborant des tenues des forces armées [burkinabè] », a annoncé le 23 avril le procureur du tribunal de grande instance de Ouahigouya, Lamine Kaboré. Il écrit dans un communiqué en avoir été informé par la gendarmerie de la ville.

« Des blessés ont été évacués et sont actuellement pris en charge au sein de nos structures de santé », a-t-il ajouté, précisant que « les auteurs de ces faits auraient emporté divers biens ». Le procureur indique que, « saisi de ces faits dont la gravité est avérée », il a « donné les instructions nécessaires […] en vue de les élucider et d’interpeller toutes les personnes qui y sont impliquées ». Il a lancé « un appel à toutes les personnes qui disposeraient d’informations sur ces faits » à « en faire la dénonciation ».

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Des rescapés ont affirmé que « plus d’une centaine de personnes à bord de motocyclettes et de pick-up ont fait une descente à Karma. Des dizaines d’hommes et de jeunes ont été exécutés par ces hommes vêtus de tenues militaires ». Ces survivants ont évoqué un bilan « avoisinant les 80 morts ».

Le précédent d’une « expédition punitive »

Le village de Karma se trouve à une quarantaine de km de celui d’Aorema, proche de la frontière malienne, et attire de nombreux orpailleurs illégaux. C’est proche de ce dernier village que six soldats et 34 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP, supplétifs civils de l’armée) ont été tués la semaine dernière au cours d’une attaque de jihadistes présumés.

Au début d’avril déjà, la justice militaire du Burkina Faso avait annoncé qu’elle allait mener une enquête pour faire « toute la lumière » sur la mort de plusieurs civils lors de « graves altercations » avec des soldats à Dori, dans le nord du pays. Selon le préfet de la ville, Abrahamane Mande, des militaires avaient tiré à l’arme automatique et frappé des citoyens, « occasionnant des pertes en vie humaines et des blessés au sein de la population ». Des habitants de Dori avaient précisé qu’il s’agissait d’une « expédition punitive » menée par des soldats après l’assassinat d’un militaire, ce qu’avait confirmé le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP).

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Face à la multiplication des attaques jihadistes, le président de transition du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, a signé le 19 avril un décret de « mobilisation générale » d’une durée d’un an, permettant si besoin la réquisition des « jeunes de 18 ans et plus »

(avec AFP)

En Côte d’Ivoire, le leader des fertilisants Solevo testé par la concurrence

Habitué à la compétition avec Yara et OCP, le numéro un historique du marché ivoirien des engrais est bousculé par un nouvel arrivant, le très offensif négociant ETG.

Mis à jour le 24 avril 2023 à 08:20
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Habitué à croiser le fer avec Yara, numéro deux, Solevo a vu arriver deux autres compétiteurs © MONTAGE JA : JACQUES TORREGANO POUR JA.

 

LES BARONS OUEST-AFRICAINS DES ENGRAIS (1/4) – « La marque de l’oiseau » : c’est ainsi que beaucoup de paysans ivoiriens connaissent Solevo, en référence à la cigogne – le nom de la marque historique du groupe –, qui orne ses sacs d’engrais en particulier ceux destinés à la culture du cacao (du NPK 0.23.19).

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Omniprésents en Côte d’Ivoire, ces sacs en côtoient toutefois d’autres, les Supercao de Yara, arborant le logo bleu et blanc du groupe norvégien, et, plus récemment, les Falcacao du négociant Export Traging Group (ETG), qui présentent un faucon du nom de sa marque phare sur le continent.

Cette bataille de sacs illustre le rapport de forces à l’œuvre sur le marché ivoirien des engrais, où le leader historique Solevo (ex-Louis Dreyfus Company, LDC), présent dans plusieurs autres pays et aujourd’hui racheté par le fonds panafricain Development Partners International (DPI), fait face à une concurrence croissante.

Réseau de distribution inégalé

Établi dans le pays depuis plus de 70 ans et dirigé depuis le début de l’année par l’ex-Danone Ferdinand Mouko, Solevo campe en pole position. S’il ne communique pas ses résultats, les connaisseurs du secteur lui attribuent a minima 35 % de parts de marché, avec quelque 150 000 tonnes d’engrais écoulés annuellement.

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La réussite du groupe tient à plusieurs points : outre sa marque emblématique « La Cigogne », héritage de l’époque SCPA-Sivex International (SSI) – société basée en Alsace et reprise par LDC en 2011 –, il offre une qualité des produits à des tarifs compétitifs en s’appuyant sur un réseau de distribution inégalé. Multiproduits puisqu’il vend engrais, solutions phytosanitaires et semences, le groupe a sécurisé le volet logistique via une présence dans les ports d’Abidjan et de San Pedro.

« Solevo n’a pas grand-chose à prouver », confirme Gnamanzie Traoré, à la tête d’Agritrade, acteur ivoirien plus modeste qui vend 20 000 tonnes de fertilisants par an, mais entend tripler ce chiffre d’ici à cinq ans.

Solides actionnaires

Cette domination s’explique par un autre atout fondamental : de solides actionnaires. C’est en effet un tandem de poids lourds qui a repris en 2017 les activités engrais et intrants de LDC sur le continent, à savoir le fonds britannique Helios Investment Partners (65 %), dirigé par Tope Lawani et Babatunde Soyoye, et le fonds souverain singapourien Temasek pour les 35 % restants. L’opération, qui a vu LDC être renommé Solevo, a permis de consolider les opérations, notamment en Côte d’Ivoire.

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Et, alors qu’Helios préparait sa sortie depuis plus d’un an, celle-ci vient d’être officialisée, comme l’ont révélé à la mi-avril nos confrères d’Africa Business+, et se solde par l’arrivée de nouveaux actionnaires pas moins prestigieux : le capital investisseur Development Partners International (DPI), fondé par Miles Morland et Runa Alam, associé à trois autres actionnaires minoritaires, la DEG allemande, le FMO néerlandais et le fonds mauricien South Suez.

Un nouvel entrant très agressif

Synonyme de nouveau souffle financier et stratégique, ce rachat arrive à point nommé pour Solevo, qui est confronté à une concurrence accrue. Habitué à croiser le fer avec Yara, numéro deux avec une part de marché estimée à 25 %, il a vu arriver deux autres compétiteurs, le groupe marocain OCP et le trader installé à Dubaï ETG, via sa filiale ETG Inputs Holdco Limited (EIHL).

 

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Des plants de cacao dans un centre de recherche à Abidjan. © ISSOUF SANOGO/AFP.

 

Tandis que les offensives de Yara et d’OCP demeurent mesurées, ce n’est pas le cas de celle d’ETG, qui est représenté localement par Leandre Kra, ex-Solevo et OCP. Soutenu par le géant saoudien de la chimie Sabic, entré au capital d’EIHL à hauteur de 49 % au début de 2022, le négociant se montre agressif.

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« Au premier trimestre 2023, il a fait venir au moins 60 000 tonnes de produits, soit trois fois plus que sur la même période l’an dernier, tout en forçant les autres acteurs à s’aligner sur ses prix très compétitifs », expose Gnamanzie Traoré. Publicités sur les réseaux sociaux, tournée dans les campagnes et lancements de nouveaux produits témoignent des efforts déployés par ETG.

Réorganisation globale

Ce nouvel aiguillon peut-il déstabiliser Solevo ? C’est l’une des questions auxquelles devront répondre le groupe et ses nouveaux actionnaires. « ETG dispose d’une parfaite connaissance du marché et des acteurs de l’agro-distribution, un acquis de taille », met en avant Patrice Annequin, représentant à Abidjan du Centre international pour le développement des engrais (International Fertilizer Development Center, IFDC), organisme à but non lucratif de promotion de l’accès aux engrais.

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D’autres interrogations subsistent. La principale concerne l’impact de la réorganisation globale du groupe menée sous l’ère Helios – comprenant notamment la fermeture du bureau parisien et la recomposition de celui de Genève – sur la filiale ivoirienne, locomotive des activités africaines de Solevo, lesquelles représenteraient un chiffre d’affaires de quelque 500 millions de dollars par an.

Une autre tient à la capacité du nouveau directeur général, novice dans le secteur mais rodé au management en Afrique de l’Ouest et centrale, à prendre le train en marche dans un contexte délicat. Sollicité, Ferdinand Mouko, sortant de douze ans chez Danone après des expériences chez Castel, Barry Callebaut et Nestlé, n’a pas donné suite.

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À plus long terme et une fois le rachat finalisé, Solevo, en pointe en Côte d’Ivoire et au Cameroun mais beaucoup plus modeste ailleurs, en particulier au Burkina Faso, au Mali et en Angola, devra aussi clarifier ses ambitions régionales… et le rôle que le moteur abidjanais pourrait jouer sur ce plan.

Chine – États-Unis : un divorce à risque pour l’Afrique

Le dynamisme économique du continent fait aussi sa fragilité. Si la rupture entre Washington et Pékin était consommée, l’intégration régionale serait le salut des économies du continent.

Par  - à Washington
Mis à jour le 20 avril 2023 à 10:19
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Le président chinois Xi Jinping au sommet des dirigeants du G20 à Nusa Dua, en Indonésie, le 16 novembre 2022. © REUTERS/Willy Kurniawan/Pool

 

 

Selon un vieux proverbe africain, lorsque les éléphants se battent, l’herbe est piétinée. Aujourd’hui, le FMI a chiffré cette sagesse ancestrale : un rapport publié à l’occasion des Réunions de printemps du Fonds et de la Banque mondiale souligne que c’est l’Afrique subsaharienne qui risque de souffrir le plus de la menace de rupture entre les États-Unis et la Chine, ainsi que d’une « fragmentation géoéconomique » plus large. Selon le FMI, il pourrait en coûter à la région une perte de croissance économique de 4 %.

« Au cours des deux dernières décennies, l’Afrique subsaharienne a forgé des alliances économiques et commerciales avec de nouveaux partenaires économiques », indique le FMI. « Si la région a bénéficié d’une intégration mondiale accrue au cours de cette période, l’émergence d’une fragmentation géoéconomique a mis en évidence des inconvénients potentiels. Par rapport à d’autres régions, l’Afrique subsaharienne est celle qui risque de perdre le plus dans un monde gravement fragmenté. »

Revers de la médaille

Selon ce rapport, l’Afrique pourrait être victime de son propre succès. Autrefois très dépendant des échanges avec les anciennes puissances coloniales européennes, et dans une moindre mesure avec les États-Unis, le continent a vu ses échanges avec les pays « émergents » comme la Chine, l’Inde et la Russie exploser au cours des deux dernières décennies.

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Depuis la fin du XXe siècle, l’ « ouverture commerciale » de l’Afrique subsaharienne – importations plus exportations en pourcentage du PIB – a doublé, passant de 20 à 40 %, tandis que la valeur des exportations vers la Chine a été multipliée par dix. « Ce doublement, associé au dynamisme des prix des matières premières, entre autres facteurs, a contribué au décollage de la croissance au cours de cette période, stimulant le niveau de vie et le développement », indique le FMI.

Mais le revers de la médaille est que cette expansion a exposé l’Afrique. « L’inconvénient de l’intégration économique accrue est que l’Afrique subsaharienne est devenue plus sensible aux chocs mondiaux », indique le rapport. « De nombreux pays dépendant fortement des importations de denrées alimentaires, d’énergie et d’engrais, la région a subi l’une des pires crises du coût de la vie depuis des décennies lorsque les prix mondiaux des produits de base ont grimpé en 2022, dans le sillage de la guerre en Ukraine et en plus des effets de la pandémie de Covid-19. »

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Si elle était contrainte de choisir entre un bloc États-Unis – Union européenne et un bloc centré sur la Chine, l’Afrique perdrait l’accès à des marchés d’exportation clés et subirait une hausse des prix à l’importation, selon le FMI. Le pays médian d’Afrique subsaharienne devrait connaître une baisse permanente de 4 % de son PIB réel au bout de 10 ans. « Les pertes estimées sont inférieures à celles de la pandémie de grippe aviaire de 19 ans, mais supérieures à celles de la crise financière mondiale », indique le rapport. « Les baisses sont plus importantes dans les pays qui sont plus intégrés dans le commerce mondial et dans les pays qui, au départ, commerçaient davantage avec le bloc dont ils ont été séparés. »

Les perturbations des flux de capitaux et des transferts de technologie pourraient encore aggraver la situation, selon le FMI. L’Afrique risque également de perdre 10 milliards de dollars en investissements directs étrangers et en aides gouvernementales, selon le FMI, tandis que les tensions géopolitiques croissantes pourraient entraver davantage l’allégement de la dette, les créanciers chinois et occidentaux ayant de plus en plus de mal à se mettre d’accord sur la question de savoir qui doit bénéficier d’une réduction de sa dette.

La solution de l’intégration

Cependant, tout n’est pas noir. Dans un scénario où les États-Unis et l’Union européenne couperaient leurs liens avec la Russie – ce que l’on appelle le « découplage stratégique » – l’Afrique pourrait continuer à commercer avec qui elle veut. Le continent pourrait même connaître une légère hausse de son PIB, en particulier parmi les exportateurs d’énergie.
Le rapport du FMI recommande à l’Afrique de se préparer au pire en renforçant l’intégration régionale, notamment grâce à la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), aussi en approfondissant les marchés financiers nationaux et enfin, en améliorant la mobilisation des recettes nationales afin de réduire la part des recettes fiscales liées aux produits de base.

Le rapport du FMI considère que les institutions multilatérales ont un rôle à jouer dans la lutte contre une fragmentation accrue : « Elles peuvent faciliter le dialogue en promouvant les gains de l’intégration mondiale, en soulignant les coûts des pratiques protectionnistes et en encourageant la coopération multilatérale dans des domaines d’intérêt commun, notamment la sécurité alimentaire, le changement climatique et la résolution de la dette. »

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Les hauts responsables du FMI, dont la directrice générale Kristalina Georgieva, ont tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises au cours des réunions de printemps : « Comme vous l’avez vu dans nos dernières Perspectives de l’économie mondiale, nous prévoyons que la croissance mondiale ralentira à 2,8 % en 2023 et restera faible, à environ 3 %, au cours des cinq prochaines années. Il s’agit de la prévision à moyen terme la plus faible depuis des décennies. » « L’inflation sous-jacente reste obstinément élevée. Les facteurs géopolitiques affectent également l’économie, et la fragmentation économique a des répercussions sur le commerce et les flux de capitaux », a déclaré la directrice générale.

Pas de retour au passé

Un message qui a mis les États-Unis sur la défensive : « Nous avons parfois des problèmes avec les différentes politiques économiques de la Chine et nous défendrons toujours les intérêts économiques des États-Unis, mais en aucun cas, nous n’essaierons de séparer complètement ces deux économies », a déclaré Jay Shambaugh, sous-secrétaire aux Affaires internationales du département du Trésor américain. « Ce n’est ni pratique ni dans notre intérêt. »

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Les dirigeants africains ont clairement fait savoir qu’ils ne se laisseraient pas dicter leur conduite. Mzé Abdou Mohamed Chanfiou, ministre des Finances des Comores, qui dirige l’Union africaine pour l’année à venir, explique que son pays se bat pour une « Afrique ouverte, une Afrique qui ne veut pas être considérée comme un continent pris en étau » entre les États-Unis et la Chine.
« Les décisions mondiales – pas seulement économiques, mais aussi politiques – qui touchent à nos priorités, comme le climat ou la dette, devraient faire entendre la voix de l’Afrique », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse tenue le 15 avril au FMI avec les ministres africains des Finances. « Nous ne voulons pas d’un retour au passé, à une division entre un bloc oriental et un bloc occidental. »

Au Burkina Faso, une heure en mode avion contre l’envolée des prix

Pour protester contre les tarifs des connexions internet, des consommateurs burkinabè appelaient à un boycott d’une heure des services de téléphonie mobile, ce mardi.

Mis à jour le 18 avril 2023 à 18:09
 
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Par Damien Glez>

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

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© Damien Glez

Le « mode avion » est bien utile aux Burkinabè, même à ceux qui ne décollent d’aucun aéroport. Évoquant les stratégies des hommes infidèles, l’artiste Smarty chantait, il y a quelques années : « je suis en mode avion, dès que je mets les pieds à la maison. » Pour d’autres de ses compatriotes, cette option rime avec l’expression d’un mécontentement…

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Ce week-end, l’activiste Alain Traoré, plus connu sous le pseudonyme « Alino Faso », invitait « l’ensemble des consommateurs à mettre leurs téléphones portables en mode avion » ce mardi 18 avril, entre 11 heures et midi. Cette opération, baptisée « mardi presque noir », est une campagne de boycott des trois opérateurs de téléphonie inspirée d’un mouvement social équivalent, en Côte d’Ivoire voisine.

2 000 F CFA par giga

Mécontents de la qualité des services téléphoniques, de la gestion des bonus de recharge et des prix pratiqués par les opérateurs, des représentants des citoyens connectés ont été reçus, le 14 avril dernier, par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Mais l’institution ne semble donc pas avoir convaincu, ni par certaines de ses explications – les difficultés d’un pays sans façade maritime et agressé par les terroristes–, ni du point de vue des promesses de régulation. Régulation largement compromise, en matière de tarifs, par la liberté de fixation des prix, conformément à la loi sur la concurrence. Même si elle évoque des concertations avec les opérateurs de téléphonie mobile, l’Arcep peut essentiellement contrôler la qualité technique du service téléphonique et exiger de la transparence dans la présentation des offres commerciales…

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Les organisations de défense des droits des consommateurs soutiennent le mouvement, en brandissant des chiffres éloquents : pour la connexion internet, le giga coûterait plus de 2 000 francs CFA, contre moins de 400 francs au Ghana voisin –certes côtier– et un peu plus de 1 000 francs dans un Niger lui aussi enclavé et agressé.

Non seulement la vie est globalement de plus en plus chère au Faso, mais, en plus, des internautes de plus en plus nombreux utilisent internet comme support d’expression et outil de travail. Beaucoup d’observateurs considèrent que le régime déchu de Roch Marc Christian Kaboré avait commencé à vaciller en novembre 2021, lorsqu’il avait interrompu l’internet mobile pendant 96 heures suite à des troubles sociaux dans la ville de Kaya. Les réactions déboussolées des internautes avaient démontré l’importance de la connexion dans la vie des Burkinabè 2.0. Et donc la difficulté pour eux de s’en priver, ce mardi, pendant une heure…

Ce que le nouveau président de la Banque mondiale devrait faire… et ne pas faire

En réponse aux critiques croissantes relatives à sa légitimité, l’institution internationale doit reprendre le leadership sur la lutte contre le réchauffement climatique, et jouer la transparence au sujet de l’impact de ses prêts.

Mis à jour le 15 avril 2023 à 19:11

 

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Par Rabah Arezki

Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) au sein du Centre d'études et de recherches sur le développement international (Cerdi).

 

 

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Ajay Banga, candidat américain pour diriger la Banque mondiale, lors d’une interview à Nairobi, au Kenya, le 8 mars 2023. © TONY KARUMBA/AFP

 

 

La Banque mondiale élira bientôt un nouveau président. Un poste qui devrait revenir au candidat des États-Unis, Ajay Banga, un dirigeant de renom dans le secteur financier. S’il est effectivement élu, ce dernier aura une tâche difficile. Il n’est en effet un secret pour personne que l’institution internationale traverse une mauvaise passe après la gaffe climatique du président sortant, David Malpass.

Cela étant, l’érosion graduelle mais bien réelle de la pertinence de la Banque mondiale est beaucoup plus profonde, touchant également d’autres banques multilatérales et régionales de développement. D’une part, le volume des prêts consentis par ces institutions par rapport aux flux de capitaux privés est plus faible aujourd’hui qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lors de la création de l’institution.

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D’autre part, alors que son premier prêt a été accordé en 1947 à la France à des fins de reconstruction, son mandat a depuis beaucoup évolué pour se recentrer sur la réduction de la pauvreté. Récemment, des appels ont aussi été lancés pour qu’elle se mobilise davantage sur les questions climatiques.

Augmenter sa capacité de prêt

Dans ce contexte et alors que la légitimité de l’institution, considérée comme dominée par l’Occident, est de plus en plus contestée, les voix se multiplient pour appeler la Banque à augmenter sa capacité de prêt. C’est en effet ce qu’elle doit faire tout en veillant à rester en tête du peloton en matière d’idées et d’exécution de ces financements. Pour réussir ce défi, Ajay Banga doit se positionner sur trois points critiques.

Premièrement, le nouveau président ne devrait pas procéder à une énième réorganisation de l’institution. Les expériences passées se sont étirées dans le temps et ont miné le moral du personnel avant d’être finalement annulées. C’est notamment ce qui s’est produit lors de la dernière grande réorganisation menée par la présidence de Jim Yong Kim (2012-2019).

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Les nouveaux départements transversaux mis en place, appelés global practices et largement inspirés de la structure des cabinets de conseil mondiaux, ont polarisé la gouvernance comme les personnels de l’institution, finissant par disparaître quelques années plus tard.

Renoncer à une réorganisation n’empêche toutefois pas de construire une nouvelle équipe de direction, composée d’éléments internes comme de nouveaux venus, capables de remonter le moral des troupes et de donner un nouvel élan à la Banque. C’est bien cette voie qu’il convient de choisir.

Parier sur le leadership intellectuel

Deuxièmement, le nouveau patron devrait raviver le leadership de la Banque mondiale sur deux thèmes clés, la réduction de la pauvreté et les questions climatiques. Avec plus de 15 000 employés, dont la majorité travaille à distance du siège au sein de bureaux extérieurs, l’institution doit trouver le juste équilibre entre idées et opérations.

LA BANQUE MONDIALE DOIT S’AFFIRMER COMME UNE BANQUE DES IDÉES

Ces derniers temps, la banque, comme d’autres institutions de développement, a eu tendance à mettre l’accent sur le volume des prêts au détriment de leur mise en œuvre, car on connaît l’importance du décalage entre les montants annoncés et ceux réellement déboursés.

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C’est en partie ce qui explique que l’institution a été critiquée pour avoir fait peu de choses sur le climat et avoir déployé une réponse trop modérée face au Covid-19.

Il faut corriger le tir en pariant sur le leadership intellectuel. Disposant d’un réservoir de collaborateurs talentueux, la Banque mondiale doit s’affirmer comme une banque des idées, en particulier sur les solutions permettant d’anticiper la réponse au changement climatique et sur la façon de catalyser les investissements du secteur privé. Ce n’est qu’ainsi qu’elle pourra influencer les autres banques de développement qui la sollicitent.

« Révolution de la transparence »

Troisièmement, le futur chef de l’institution devrait montrer la voie sur la transparence concernant la mesure de l’impact des prêts. Si la banque a fait des progrès en matière de divulgation des informations, y compris sur les contrats liés aux prêts, elle peine à rendre intelligible cette avalanche de données : nombre de résultats demeurent incomplets en raison de l’absence d’une approche cohérente sur la mesure de l’impact.

Or, dans un monde où la désinformation se propage facilement et où la géopolitique évolue, la banque devrait montrer au monde qu’elle dépense l’argent des contribuables avec le plus d’effet possible. Non seulement cela encouragerait les financeurs à poursuivre leurs efforts mais, en plus, cela catalyserait le changement de pratiques dans d’autres institutions de développement. Lancer cette « révolution de la transparence » sur l’impact est le moyen pour la Banque mondiale de regagner la confiance de toutes les parties prenantes.