Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Burkina Faso : La SONATUR reporte l’opération de commercialisation des parcelles sur le site de Ziniaré

Accueil > Actualités > Société • Lefaso.net • jeudi 25 mai 2023 à 22h44min 
 
Burkina Faso : La SONATUR reporte l’opération de commercialisation des parcelles sur le site de Ziniaré

 

La cérémonie qui devrait annoncer le lancement de la commercialisation des parcelles du site de la Société nationale d’aménagement des terrains urbains (SONATUR) de Ziniaré a laissé place à un report. La cérémonie de lancement de cette campagne de commercialisation de ces parcelles en cours de viabilisation a tout de même eu lieu ce jeudi 25 mai 2023 à Ziniaré, en présence du ministre de l’urbanisme, des affaires foncières et de l’habitat Mikaïlou Sidibé, des autorités régionales et communales.

Le gouvernement de la Transition, à travers la politique nationale de l’habitat et du développement urbain, entend traiter avec plus d’efficacité et de responsabilité, la question de la gestion foncière, d’aménagement urbain et de logement au Burkina Faso. C’est pourquoi la SONATUR, en tant que branche technique du département en charge de l’urbanisme, s’active désormais à mettre à la disposition des populations des espaces urbains aménagés comme le site de Ziniaré, pour la réalisation de leurs projets immobiliers.

 



Le présidium lors de la cérémonie de lancement

La vente officielle des parcelles sur le site de Ziniaré a été reportée à la dernière minute. En effet, face au fort engouement suscité par l’annonce de la commercialisation des parcelles sur son site de Ziniaré et partant des risques potentiels de débordements que cela pourrait engendrer, la Société d’aménagement des terrains urbains (SONATUR) annonce que l’opération de commercialisation desdites parcelles prévue du 25 au 27 mai 2023 est reportée à une date ultérieure. Elle rassure qu’une procédure de vente mieux adaptée au contexte sécuritaire et prenant en compte les différentes préoccupations relevées sera présentée dans les prochains jours.

Pour Mikaïlou Sidibé, ministre en charge de l’urbanisme, l’objectif de cette opération est de mettre à la disposition de la population burkinabè des parcelles aménagées, viabilisées pour leur permettre de vivre dans un cadre décent, sécurisé et à l’abri de toute spéculation foncière. « Cela rentre en droite ligne de notre politique au niveau du ministère et plus largement au niveau du gouvernement de mettre à la disposition des populations burkinabè des parcelles aménagées, un cadre de vie agréable, entièrement viabilisé mais aussi accroître l’offre en matière de logement.



Mikaïlou Sidibé, le ministre en charge de l’urbanisme en a profité pour inviter les populations
à toujours prendre des dispositions pour s’informer préalablement à l’acquisition d’une quelconque parcelle
afin d’éviter d’investir dans des zones qui pourraient leur porter préjudice

La prolifération des zones communément appelées « zones non loties » constitue un véritable défi à notre niveau. Cela nous interpelle à augmenter l’offre en matière de parcelles mais aussi en matière de logements au profit de la population » a indiqué le ministre en charge de l’urbanisme.

 

Les participants à cette cérémonie

« Ce site représente pour le peuple burkinabè, une véritable opportunité pour ceux qui vont être bénéficiaires des différentes parcelles d’avoir un « chez soi ». Nous avons initialement prévu de coupler la cérémonie de lancement à la vente mais pour des raisons d’engouement suscité autour de l’opération et susceptible de provoquer des troubles à l’ordre public et au regard du contexte que nous vivons aujourd’hui, nous avons décidé de différer légèrement afin de nous donner du temps pour nous organiser mieux, pour trouver des mécanismes adaptés, adéquats pour pouvoir vendre dans la transparence totale afin de permettre à tout citoyen d’avoir l’égalité de chance », explique Mikaïlou Sidibé.

Tout en réaffirmant son engagement à accompagner la SONATUR, le ministre de l’urbanisme Mikaïlou Sidibé invite les populations à toujours prendre des dispositions pour s’informer préalablement à l’acquisition d’une quelconque parcelle afin d’éviter d’investir dans des zones qui pourraient leur porter préjudice.

 

 

Remise symbolique de dons aux personnes déplacées internes

Boureima Ouattara, directeur général de la SONATUR a tenu à présenter ses excuses et celles de l’ensemble de son équipe aux potentiels clients pour ces désagréments. Il rassure que les coûts restent les mêmes malgré ces changements. Les prix varient en fonction du type d’usage et de l’emplacement de la parcelle. Il a aussi profité de l’occasion pour remercier le premier responsable du département en charge de l’urbanisme, les autorités régionales, les autorités communales, les autorités coutumières et religieuses pour leurs différents accompagnements et leur engagement pour que ce projet voit le jour.

L’occasion a donc été mise à profit pour une remise de vivres et de savons aux personnes déplacées internes vivant à Ziniaré. En effet, la SONATUR a mis à la disposition des PDI, des vivres composés de 200 sacs de riz de 25 kg, 200 sacs de farine de 20 kg et 100 cartons de savon, d’un montant total de 5 millions de FCFA. La SONATUR a également remis un chèque de 10 millions de FCFA au ministre de l’urbanisme pour le Fonds de soutien patriotique et un autre chèque de 4 millions de FCFA au district sanitaire de Ziniaré pour la prise en charge sanitaire des PDI.

 

 

Boureima Ouattara, directeur général de la SONATUR rassure les clients potentiels
qu’une procédure de vente mieux adaptée au contexte sécuritaire
et prenant en compte les différentes préoccupations relevées suite à l’annonce
sera présentée dans les jours à venir

« Cette action de solidarité s’inscrit dans le cadre de la responsabilité sociale de notre société dont la politique sociale est essentiellement axée sur l’utilisation durable des ressources, le soutien au secteur de la santé, le soutien aux collectivités territoriales et la protection de l’environnement. Ce soutien intervient naturellement à un moment où notre pays a besoin de la contribution de tous ses fils et filles au renforcement de la cohésion sociale pour une victoire éclatante sur le terrorisme qui nous endeuille depuis tant d’années », confie Boureima Ouattara, DG de la SONATUR.

Les bénéficiaires de ces dons par la voix de leur représentante Pauline Ouédraogo, ont remercié la SONATUR pour ce geste de solidarité à leur égard. Ils ont également remercié les autorités communales et régionales pour leur prise en charge depuis leur arrivée à Ziniaré. Les PDI ont également traduit leur gratitude et reconnaissance au gouvernement et aux FDS et VDP pour les efforts de reconquête du territoire national afin qu’ils puissent retourner dans leurs localités respectives.

 



La SONATUR offre un chèque de 10 millions de FCFA pour l’effort de paix

En rappel, le site de Ziniaré est situé du côté gauche le long de la route nationale N°3 en provenance de Ouagadougou, après la cité des forces vives. Il s’étend sur une superficie de 60 hectares, 444 parcelles dont 403 à usage d’habitation et 41 réservées aux activités commerciales y ont été dégagées. Tout citoyen burkinabè peut bénéficier de ces parcelles, tout en respectant les procédures d’attribution et les conditions de la SONATUR.

Les informations relatives à cette vente de parcelles sont disponibles au siège de la SONATUR à Ouagadougou, à la direction régionale de l’Ouest à Bobo Dioulasso, au conseil régional de Ziniaré ou aux contacts suivants : 25-30-17-73/ 79-41-01-00/ 70-20-00-62/ 77-00-13-49, etc.

Mamadou ZONGO
Lefaso.net

Bobo-Dioulasso : Licenciés depuis 2005, des ex-travailleurs de la Sap Olympic exigent toujours leurs « droits légaux »

Accueil > Actualités > Société • Lefaso.net • lundi 22 mai 2023 à 22h46min 
 
Bobo-Dioulasso : Licenciés depuis 2005, des ex-travailleurs de la Sap Olympic exigent toujours leurs « droits légaux »

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Des ex-travailleurs de la Société africaine de pneumatique (Sap Olympic) crient au secours. En effet, une centaine de personnes ont été licenciées de « manière abusive » en 2005, sans aucune mesure d’accompagnement. Après avoir saisi la justice, ils ont remporté le procès plusieurs fois. Mais depuis lors, c’est la croix et la bannière pour faire exécuter cette décision de justice qui leur est favorable. C’est pourquoi, ils demandent une fois de plus aux autorités de s’impliquer, afin que justice leur soit rendue.

Réunis ce matin-là devant la maison des jeunes, juste à côté de l’hôtel de ville de Bobo-Dioulasso, ces désormais ex-travailleurs de la Société africaine de pneumatique (Sap Olympic) réclament toujours leurs droits légaux, depuis leur licenciement en 2005 jusqu’à aujourd’hui. Jean Marie Sanou est leur porte-parole. Vêtu de la manière la plus simple possible avec une chemise manches longues et d’un pantalon de couleur jaune moutarde, Jean Marie Sanou ne cache plus son désespoir, sa tristesse et ses frustrations face à cette « injustice » qu’il dit vivre avec ses camarades, depuis près de 18 ans. Après avoir travaillé pendant plusieurs années pour la Sap Olympic, lui, comme ses autres camarades de lutte demandent de la reconnaissance de la part de leur ex-employeur.

C’est avec un visage qui a perdu toutes ses couleurs que cet ex-employé de la Sap Olympic raconte ses mésaventures. Déjà, ses yeux s’emplissent de larmes lorsqu’il commence son récit. A l’en croire, la Sap Olympic, depuis sa création, a procédé à plusieurs licenciements abusifs. Ainsi en 2005, environ la centaine de personne s’ajoutaient aux licenciements et compressions effectués par le passé. « Aucun de ces licenciements n’a bénéficié de mesures d’accompagnement. En ce qui concerne notre cas, cette situation a provoqué de multiples divorces au sein du groupe et beaucoup d’enfants non scolarisés », a-t-il déploré.

 

Jean Marie Sanou expliquant les conditions difficiles
dans lesquelles ils vivent, lui et ses camarades de lutte

Aujourd’hui, ces ex-employés de la Sap souhaitent que justice leur soit rendue convenablement et que l’article 78 du Code de procédure civile soit également appliqué afin qu’ils entrent dans leurs droits. Ils implorent le gouvernement, à travers le ministère de la Fonction publique, de se pencher sur la situation afin de trouver une issue favorable à cette situation qui, disent-ils, les torture depuis des années déjà. « Nous sommes des hommes mariés, des pères de famille. Aujourd’hui d’autres sont admis à la retraite et nous avons perdu dix de nos camarades. Si nous avons raison, pourquoi ils refusent de nous donner nos droits ? Nous sommes tous des Burkinabè et nous avons toutes les preuves », a-t-il lancé avec un visage attristé.

Le déroulement de l’histoire

L’histoire remonte en août 2005, où ces employés disent avoir été « licenciés abusivement » par leur employeur. Ils disent avoir donc déposé, à l’époque, une plainte à l’inspection du travail de Bobo-Dioulasso, qui n’a pas connu un aboutissement favorable. « Le directeur régional de l’emploi qui, à l’époque, cherchait à réconcilier notre employeur et nous-mêmes déclara n’avoir pas été respecté par l’employeur qui se devait de le tenir, lui, informé de ce licenciement. C’est alors que l’employeur demanda à l’inspecteur du travail chargé de la réconciliation d’envoyer notre dossier à la justice », a-t-il relaté. C’est ainsi que le dossier a été déposé au tribunal du travail de Bobo-Dioulasso en novembre 2007.

Après deux reports du jugement, le 17 septembre 2009, le président chargé de juger l’affaire a établi que les employés avaient raison. C’était la première instance et ce même jour, la société a fait appel à la Cour d’Appel. Il y eut au moins six renvois avant que le dossier ne soit jugé. « Après délibération 36 personnes ont été déboutées et n’ont donc absolument rien reçu comme dédommagement. Quant aux autres personnes, on leur a alloué des sommes dérisoires, très mal calculées et ne tenant pas compte de la loi. Nos deux avocats étaient conscients de cette situation. Le président chargé de délibérer à la Cour d’Appel, après lecture du délibéré, a fait savoir que si nous n’étions pas satisfaits de la délibération, que nous disposions de deux mois et quinze jours pour faire appel en cassation à Ouagadougou », a-t-il expliqué. Etant donné qu’ils ne résidaient pas à Ouagadougou, ils avaient 15 jours supplémentaires.

Licenciés depuis 2005, des ex-travailleurs de la Sap Olympic
exigent toujours leurs « droits légaux »

« Nous avions été déçus. Nous avons toutes les preuves que les 36 personnes qui été déboutées ont travaillé à la Sap. Nous avons les contrats de travail et leurs bulletins. C’est pourquoi nous avions fait appel à la cassation et nos deux avocats nous ont abandonné. Nous avons donc fait appel à un autre avocat à Ouagadougou. Cela faisait deux mois et cinq jours qu’il nous avait été notifié que nous pouvions faire appel. Le jugement a été programmé pour le 20 octobre 2016. A ce jugement, la présidente du tribunal a évoqué un dépassement du délai qui, selon elle, est de deux mois. Alors que nous étions dans le délai pour faire appel nous disposions de deux mois et quinze jours parce que nous ne sommes pas à Ouagadougou », s’est offusqué Jean Marie Sanou.

Cette affirmation a été réfutée par les plaignants et leur avocat en faisant valoir l’article 78 du Code de procédure civile relatif aux délais. Le dossier a donc été maintenu et programmé pour être délibéré le 23 novembre 2016. « Le président de séance a, à notre très grande surprise, déclaré que notre dossier (Dossier Sanou Jean-Marie et 100 autres contre la SAP) est irrecevable pour non-respect de l’article 78 du Code de procédure civile alors qu’à notre avis cet article accorde 15 jours au-delà des deux mois parce que nous résidons à Bobo-Dioulasso et que la juridiction se trouve à Ouagadougou. Nous sommes donc bel et bien dans les délais », a-t-il persisté.

Le désespoir des ex-travailleurs de la Sap Olympic

Face à cette situation, le désespoir s’est installé peu à peu. Mais très vite, ces ex-employés de la Sap ont décidé de prendre leur destin en main afin d’avoir gain de cause. Et c’est ainsi qu’ils ont décidé de saisir le Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN) à l’époque, après avoir écrit également au ministre en charge de la fonction publique et au ministère de la Réconciliation sous le président Roch Kaboré.

« Après donc la cassation, nous avons saisi le HCRUN qui s’est déplacé venir à Bobo-Dioulasso nous rencontrer et nous avons livré toutes les preuves. Le HCRUN a également rencontré la direction de la Sap Olympic. C’est à la suite de cette rencontre que le HCRUN nous a fait savoir que la Sap a reconnu qu’elle avait tort et que tout était rentré dans l’ordre. Depuis lors, nous n’avons plus eu de suite », a laissé entendre Jean Marie Sanou.

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Jean Marie Sanou invite les autorités du pays à se pencher
sur la situation pour une issue favorable

Aujourd’hui le HCRUN n’existe plus et avec le coup d’Etat qui a renversé le régime de Roch Kaboré, ils ne savent plus à quel saint se vouer car, disent-ils, ne pas savoir où se trouve leur dossier actuellement. Mais ils ne comptent pas baisser les bras de sitôt. Jean Marie Sanou et ses camarades affirment avoir adressé un nouveau courrier au ministre en charge de la fonction publique pour lui demander son aide. « Pour l’instant nous n’avons pas reçu de retour », a-t-il dit.

Quant à la question de savoir s’ils ont été approchés par la direction de la Sap, Jean Marie Sanou répond : « Nous sommes devenus aujourd’hui des ennemis de la Sap. Nous n’avons plus accès à la Sap donc nous n’avons plus de dialogue. Nous souffrons beaucoup ; nous réclamons nos droits de 2005 jusqu’à nos jours », a-t-il clamé.

Romuald Dofini
Lefaso.net

Afrique-Europe: «À qui profite l’exil?», une bande dessinée qui questionne la migration

 

« À qui profite l’exil ? Le business des frontières fermées »… Le titre de ce roman graphique dit tout : au fil des pages, le lecteur part à rebours de l’Europe vers l’Afrique, pour explorer les ressorts de ces voyages qui font tant de mort, coûtent si cher aux migrants, et servent toute une série d’intérêts.

Des corps repêchés au large des côtes italiennes sont autopsiés, puis enterrés sous un numéro de matricule, dans l’espoir un peu vain que les familles les réclameront et permettront de les identifier. Qui sont ces anonymes ? Des jeunes hommes de 25 à 25 ans, qui sont plus de 5 000 à avoir péri en Méditerranée en 2016 – et encore 2 500 en 2022, selon l’Organisation internationale des migrations (OIM).

L’enquête part ensuite au Niger et au Sénégal, pour remuer le couteau dans la plaie béante – et rarement examinée – des très nombreuses responsabilités collectives, qui s’accumulent dans la catastrophe en cours depuis plus de 20 ans. Sont décryptés le système Frontex de contrôle des frontières européennes, la part de l’Aide publique au développement consacrée à ce contrôle, en partie délocalisé par l’Europe dans le Sahel.

Un trait de crayon réaliste et sensible

La journaliste finlandaise Taina Tervonen, qui a grandi au Sénégal et vit en France, a fait équipe avec le dessinateur français Jeff Pourquié pour retracer plusieurs années de reportages, d’abord publiés dans la Revue dessinée et Les Jours. Les deux auteurs ont été associés par Franck Bourgeron et Sylvain Ricard, directeur et fondateur de la Revue dessinée, lorsque Taina Tervonen – qui a aussi publié Les otages, un livre sur le pillage d’objets d’art en Afrique - leur a proposé un sujet sur Frontex en 2014. Un « mariage » heureux. Jeff Pourquié, sensible au sujet de la migration, et dont le coup de crayon saisit parfaitement la physionomie des Africains, avait déjà publié des albums de fiction (Békame, Futuropolis) sur un jeune garçon fan de foot qui essaie de traverser la Manche depuis Calais vers l’Angleterre.

« Jeff a un trait très réaliste et une capacité à s’affranchir du réalisme pour aller vers le symbolisme s’il le faut, explique Taina Tervonen. Dans la partie du reportage en Sicile, il n’a pas dessiné les morts, seulement des sacs mortuaires blancs et les visages des pompiers qui descendent dans la cale d’un navire. Il sait s’imprégner d’univers et d’ambiances qu’ils n’a pas connus directement et dessine comme s’il y était à partir de sa documentation ». D’où le ciel chargé de sable de la saison de l’hivernage au Sénégal, colorié en jaune dans la BD.

La migration, une traite payante et volontaire

L’écrivain sénégalais Abass Dione fustigeait déjà, en 2010, dans les colonnes de Libération, une forme moderne de traite esclavagiste, devenue « payante et volontaire ». Taina Tervonen confirme, même si elle ne reprend pas à son compte cette formulation : « Ces flux migratoires nous profitent directement et participent d’une logique économique en lien direct avec l’époque coloniale, qui prive de la liberté de circulation des pans entiers de populations, les anciens colonisés. »

Les responsabilités paraissent multiples aux yeux de la journaliste, qui souligne que « les Noirs en France servent encore aujourd’hui pour leur force de travail physique, c’est leur apport dans la société occidentale. Un sans-papier est plus facile à exploiter ». Les jeunes Africains sont par ailleurs poussés par un manque de perspectives « terrifiant » qui pose la question des responsabilités africaines. « Nous sommes dans une équation bizarre : les transferts de migrants rapportent 10% de son PIB au Sénégal, et c’est difficile de faire comme s’ils n’existaient pas. Alors que l’Europe manque de main d’œuvre, la liberté de circuler est entravée. Il est vrai qu’un sans-papier, c’est plus facile à exploiter. Par ailleurs, tous les experts tombent d’accord pour dire que contrôler les frontières représente non seulement un effort vain, mais qui tue aussi des gens dans des proportions que l’on ne soupçonne pas vraiment. En ce moment, beaucoup de départs se font depuis la Tunisie vers l’Italie. Sur trois jours en mars dernier, une seule personne de la société civile a dénombré 482 morts. Sur la route des Canaries, des bateaux entiers disparaissent sans qu’on n’en entende jamais parler ».

Avec un militantisme assumé, Taina Tervonen se pose des questions et cherche les réponses. « Celles-ci se situent toujours à deux niveaux, explique-t-elle : dans les histoires individuelles et dans une analyse plus globale – la base du travail de journaliste, qui doit chercher dans les archives, lire des traités, examiner le droit et toutes sortes de documents ». Partir de l’individuel pour aller vers des phénomènes structurels permet au lecteur de s’identifier aux personnes, pour changer le regard et faciliter la compréhension… « Une fois que le regard est changé, c’est définitif, il n’y a pas de retour en arrière », affirme la journaliste, elle-même croquée par le dessinateur de nombreuses situations au fil de son enquête au long cours. Un personnage de blonde à petites lunettes, dressé contre les injustices, auquel il n’est pas non plus interdit de s’identifier.

 

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Couverture de la bande dessinée «À qui profite l’exil ?», de Taina Tervonen et Jeff Pourquié, éditions Delcourt. © Edition Delcourt

En Guinée, Mamadi Doumbouya accusé de censurer la presse

Sur fond de tensions politiques, alors que les appels à manifester de l’opposition ont repris, les principales organisations de presse accusent la junte de censurer internet et d’avoir saisi les émetteurs de deux radios.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 19 mai 2023 à 12:21
 
 

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Une affiche représentant le colonel Mamadi Doumbouya, à Conakry, le 11 septembre 2021. © JOHN WESSELS / AFP

 

La junte dirigée par Mamadi Doumbouya pratique-t-elle la censure des médias ? C’est en tout cas l’avis des principales organisations de presse guinéennes, représentant télévisions, radios, journaux et sites d’information privés, qui ont pointé du doigt, jeudi 18 mai, la restriction ou le blocage de l’accès à des sites internet d’information et à des réseaux sociaux populaires, dans un contexte politique tendu, marqué par les appels de l’opposition à manifester.

Elles ont aussi dénoncé une descente effectuée mercredi par des gendarmes au siège du groupe de presse Afric Vision, à Conakry, et la saisie des émetteurs de deux radios.

À LIREEn Guinée, face à Mamadi Doumbouya, le FNDC choisit la prison plutôt que le silence

« Des actions liberticides engagées par l’Autorité de régulation des postes et télécommunications contre les médias guinéens », fustige le communiqué des organisations de presse, lesquelles « condamnent cette censure, qui est un recul de la démocratie » et annoncent leur décision de ne plus participer à la semaine des métiers de l’information et de la communication organisée par le gouvernement.

« Méthodes rétrogrades »

Depuis mercredi, les internautes guinéens se plaignent de la difficulté ou de l’impossibilité d’accès sans VPN à des sites d’information ou à des réseaux sociaux comme Facebook, WhatsApp, Instagram ou TikTok. Les problèmes ont été confirmés par le service de surveillance d’internet NetBlocks. L’influente Association des blogueurs de Guinée, Ablogui, a parlé dans un communiqué distinct de « méthodes rétrogrades qui déshonorent la Guinée ».

À LIRE« Le jour où Mamadi Doumbouya m’a chassé de chez moi », par Cellou Dalein Diallo

Le porte-parole du gouvernement et ministre des Télécommunications, Ousmane Gaoual Diallo, a cependant réfuté toute implication des autorités. Il a parlé devant les journalistes « d’une panne qui se produit partout », a rapporté le site d’information Guinéenews. « Si le gouvernement décide de fermer internet, il le fera et en assumera les conséquences. Cependant, ce n’est pas le cas », a-t-il déclaré. Quant à Afric Vision, les autorités attendent que le groupe produise des éléments corroborant ses dires, a-t-il déclaré. Mais tout média qui troublera la paix sociale « sera fermé sans hésitation », a-t-il prévenu.

Manifestation peu suivie

Alors que la junte interdit toute manifestation depuis 2022, l’opposition avait appelé à défiler dans les rues mercredi et jeudi, annulant finalement sa deuxième journée d’action. L’appel de la veille avait été peu suivi d’effet dans les rues de Conakry, placées sous contrôle étroit de l’armée et des forces de sécurité.

À LIREEn Guinée, l’armée réquisitionnée face aux manifestations

Les Forces vives, collectif de partis et organisations, ont cependant revendiqué d’avoir paralysé l’activité dans différents secteurs de la capitale. Elles accusent le colonel Mamadi Doumbouya et un certain nombre d’officiels de faire preuve de « folie meurtrière » et d’essayer de mener à bien un projet de confiscation du pouvoir, alors que les militaires – sous la pression de pays et d’institutions de la sous-région – ont consenti à laisser la place à des civils élus d’ici à la fin de 2024.

(Avec AFP)

L’influenceuse ghanéenne Mona 4Reall extradée et poursuivie aux États-Unis pour « escroquerie sentimentale »

Présumée impliquée dans des arnaques via les réseaux sociaux, la Ghanéenne aux 3 millions d’abonnés sur Instagram a été inculpée par le tribunal fédéral de Manhattan.

Mis à jour le 17 mai 2023 à 20:06
 
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Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 
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© Damien Glez
 
 
 

Les ficelles des escroqueries à la misère amoureuse sont désormais bien connues. Comme l’aveuglement parfois créé, au-delà de toute rationalité, par l’appât du gain, des détrousseurs de bas étage profitent, via les réseaux sociaux, de la solitude sentimentale de personnes souvent âgées et parfois argentées, certaines allant jusqu’à vendre leur maison. La technique est traditionnellement le fait de « brouteurs » aussi informels que talentueux, des escrocs isolés, difficiles à cerner, à localiser et à interpeller.

À LIRE« Vivre riche » avec les cyberarnaqueurs d’Abidjan 

L’erreur de la Ghanéenne Mona Faiz Montrage aurait-elle été de participer à un réseau d’arnaques de ce type et de minimiser les effets de sa notoriété ? Célèbre sous ses pseudonymes “Mona 4Reall” ou “Hajia4Reall”, la mondaine, mannequin, musicienne et femme d’affaires a compté plus de trois millions d’abonnés sur Instagram.

À LIRENigeria : fin de cavale d’un escroc présumé, recherché par le FBI

Naturellement traçable et voyageuse argentée, l’influenceuse de 30 ans a été arrêtée, en novembre dernier, au Royaume-Uni, puis extradée aux États-Unis. Auditionnée, lundi 15 mai, par la justice de New York, Mona Faiz Montrage a été inculpée, le jour même, par le tribunal fédéral de Manhattan, pour participation à un réseau d’escroqueries sentimentales via les réseaux sociaux, à l’encontre de victimes aux États-Unis.

2 millions de dollars

Les charges précisément retenues concernent notamment des suspicions de « blanchiment d’argent, fraude électronique et recel de vol » en rapport avec une « entreprise criminelle » basée en Afrique de l’Ouest, pour des faits situés entre 2013 et 2019. Selon l’acte d’inculpation, des Américains et Américaines « vulnérables et âgés vivant seuls », recevaient des messages électroniques leur faisant miroiter des relations amoureuses naissantes. Sans surprise, a posteriori, s’en suivaient les habituelles demandes de transferts d’argent…

À LIRECryptomonnaies : de l’arnaqueur à l’influenceur, enquête sur les acteurs de la blockchain africaine

Dans ce réseau, Mona Faiz Montrage aurait perçu, selon les enquêteurs, deux millions de dollars sur ses comptes bancaires. Une victime présumée prétend lui avoir versé 89 000 dollars, alléchée qu’elle était par une promesse de mariage. L’inculpée a décidé de plaider non coupable et son avocat de jouer, pour l’instant, le mutisme…

Née à Tamale, d’une mère ghanéenne et d’un père libanais, l’influenceuse a déménagé, entre temps, aux États-Unis, pour se spécialiser dans la planification d’événements, la production multimédia, la gestion des talents et réaliser des expériences musicales personnelles. Depuis 2020, elle a sorti un EP et quatre singles, toujours en lien avec des artistes ghanéens.