Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Au Ghana, l’opposition rejette une participation à une intervention militaire au Niger

Accra accueille ces 17 et 18 août 2023 une réunion des chefs d’état-major de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) consacrée à une éventuelle intervention militaire au Niger, où un coup d’État a eu lieu le 26 juillet. Mais au Ghana, pays qui pourrait envoyer des troupes sur le sol nigérien, une partie de l’opposition politique est vent debout contre cette option. Explications.

 

L'opposition ghanéenne affiche son opposition à une intervention militaire de la Cédéao au Niger, pays où un coup d’État a eu lieu contre le président Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023. Alors que les chefs d'état-major du bloc ouest-africain se réunissent à partir de ce jeudi à Accra, pour évoquer une possible intervention militaire sur le sol nigérien, le principal parti d'opposition ghanéen le National Democratic Congress (NDC), met en garde contre les risques sécuritaires et financiers d'une telle opération. Le gouvernement a beau tenté d'expliquer sa position lors d'une réunion de haut niveau mardi entre les chefs de sécurité et les membres du Parlement, mais le NDC n'est toujours pas convaincu.

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Trop coûteuse, trop risquée, voici quelques-unes des réserves exprimées par le NDC quant à une éventuelle opération. Car le Ghana, toujours en proie à une crise économique, n'a pas les moyens d'envoyer des troupes à Niamey, affirme cette formation politique. Le NDC rappelle qu'Accra a dû être renfloué par le Fonds Monétaire International (FMI) à hauteur de trois milliards de dollars, dont la première tranche a été débloquée seulement en mai dernier.

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« Nous craignons que nos troupes, mal entraînées, soient envoyées à l'abattoir »

Il est trop tôt pour s'aventurer dans une telle opération, qui plus est dangereuse, estime Samuel Okudzeto Ablakwa, chargé des affaires étrangères au sein du NDC. « D'abord, nous ne savons pas qui nous allons combattre, dit-il au micro de Christina Okello. Nous craignons de devoir combattre d'autres acteurs que la junte. Nous sommes préoccupés par les affirmations selon lesquelles la Russie et le groupe Wagner seraient impliqués dans le coup. Et puis le Sahel a beaucoup de groupes extrémistes violents. N'oubliez pas que le Burkina Faso, le Mali et la Guinée ont également déclaré qu'ils ne soutiendraient pas une intervention militaire de la Cédéao. Certains de ces pays ont affirmé qu'une telle intervention serait considérée comme une déclaration de guerre ».

Samuel Okudzeto Ablakwa conclut : « La situation est donc trop volatile. Nous craignons que la situation dégénère et que nos troupes, mal entrainées, soient envoyées à l'abattoir, de plus dans un contexte financier difficile. Le risque, c'est de voir un bain de sang. » Le NDC prône une solution diplomatique à la crise. Selon un sondage réalisé par le parti, 92% des Ghanéens sont opposés à une intervention militaire au Niger.

Les sanctions promulguées par la Cédéao contre le Niger sont par ailleurs ressenties jusqu'au Ghana. Des centaines de camions chargés d'oignons en provenance du Niger sont par exemple restés bloqués depuis plusieurs jours à la frontière béninoise. Le Bénin, comme le Nigeria, a fermé ses frontières avec le Niger.

Cette fermeture a entrainé la pourriture des marchandises et un manque à gagner important pour les acteurs, d'autant plus que le Ghana importe 80% des oignons qu'il consomme de ce pays voisin. Face à ces dégâts, les vendeurs cherchent de nouvelles routes.00:56

Ali Umar, responsable des relations publiques à l'Association des vendeurs d'oignons du Ghana, dénonçant les conséquences pour son secteur du blocus imposé par la Cédéao au Niger

Christina Okello
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Niger : le régime militaire veut poursuivre le président déchu pour « haute trahison »

Les faits 

Les militaires au pouvoir au Niger depuis le coup d’État ont déclaré dimanche 13 août vouloir « poursuivre » le président déchu Mohamed Bazoum pour « haute trahison » et « atteinte à la sûreté du pays ».

  • La Croix (avec AFP), 
Niger : le régime militaire veut poursuivre le président déchu pour « haute trahison »
 
Un jeune homme porte un drapeau nigérien décoré avec le portrait du général Abdourahamane Tiani, chef des militaires qui ont pris le pouvoir au Niger, le 13 août 2023 à Niamey.AFP

Les auteurs du coup d’État au Niger ont annoncé dimanche 13 août leur intention de « poursuivre » le président renversé Mohamed Bazoum pour « haute trahison » et « atteinte à la sûreté » du pays. La menace d’une intervention militaire des États ouest-africains pour rétablir l’ordre constitutionnel plane toujours sur le pays.

« Le gouvernement nigérien a réuni à ce jour » les « preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président déchu et ses complices locaux et étrangers, pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger », a déclaré le colonel major Amadou Abdramane, un des membres du régime, dans un communiqué lu à la télévision nationale.

Le gouvernement appuie ses accusations sur des « échanges » de Mohamed Bazoum avec des « nationaux », des « chefs d’État étrangers », et des « responsables d’organisations internationales ».

Visite de son médecin

À propos du président déchu, le régime a appelé à « s’interroger sur la sincérité de sa prétention à soutenir qu’il est séquestré, alors même que les militaires n’ont jamais investi sa résidence présidentielle et qu’il dispose encore de tous les moyens de communication ». Mohamed Bazoum s’est entretenu plusieurs fois avec des représentants de pays alliés au Niger avant le coup d’État, comme les États-Unis, et des membres de son entourage politique.

Les militaires assurent également qu’il Bazoum « reçoit régulièrement la visite de son médecin ». Selon un conseiller du président renversé, une consultation a eu lieu samedi. « Après cette visite, le médecin n’a soulevé aucun problème quant à l’état de santé du président déchu et des membres de sa famille », ont ajouté les militaires.

Mohamed Bazoum, retenu dans sa résidence présidentielle depuis le 26 juillet - jour du coup d’État - avec son fils et sa femme, avait déclaré dans plusieurs médias être un « otage », puis privé d’électricité et contraint de ne manger que du riz et des pâtes.

Sanctions « humiliantes »

En outre, le régime militaire a dénoncé « les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) », prises lors d’un sommet de l’organisation le 30 juillet, au cours duquel avait aussi été fixé un ultimatum de 7 jours pour rétablir l’ordre constitutionnel, sous peine d’un recours à la force, qu’il n’a pas appliqué.

Pendant ce sommet, les États ouest-africains ont annoncé entre autres la suspension des transactions financières et commerciales avec le Niger, dépendant économiquement et énergétiquement de pays étrangers. Ces sanctions « vont jusqu’à priver le pays de produits pharmaceutiques, de denrées alimentaires » et de « fourniture en courant électrique », ont déploré les militaires dans leur communiqué.

Médiation nigériane

Ces déclarations surviennent après l’accueil par le régime militaire d’une délégation de chefs religieux nigérians musulmans samedi, menée avec l’accord du président nigérian Tinubu, également à la tête de la Cedeao, pour « apaiser les tensions créées par la perspective d’une intervention militaire » de l’organisation.

Selon un communiqué de la médiation religieuse nigériane, le chef du régime militaire, le général Abdourahamane Tiani, avait « déclaré que sa porte était ouverte pour explorer la voie de la diplomatie et de la paix afin de résoudre » la crise.

Jeudi dernier, lors d’un nouveau sommet, les dirigeants de la Cedeao avaient réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions, tout en ordonnant une mobilisation et un déploiement de la « force en attente » de la Cedeao.

Médiation religieuse nigériane au Niger

Une délégation de chefs religieux nigérians a rencontré des membres du régime militaire à Niamey samedi, alors que le président Mohamed Bazoum, séquestré dans sa résidence présidentielle depuis le coup d’État du 26 juillet, a reçu la visite de son médecin, selon un de ses conseillers.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 13 août 2023 à 11:57
 
 

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Une jeune femme manifeste en soutien au président Mohamed Bazoum, à Paris le 5 août 2023. © A woman holds the image of ousted Niger President Mohamed Bazoum, 63, who has been held by coup plotters with his family in his official Niamey residence since July 26, during a protest outside the Niger Embassy, in Paris on August 5, 2023. – A West African delegation failed to secure the return to power of Niger’s elected government on August 4, 2023, despite proposals to resolve the crisis as the junta curtailed military cooperation with former colonial power France. Pressure on the leaders of a coup in Niger mounted on August 5, 2023, on the eve of a west African bloc’s deadline for the military to relinquish control or face possible armed intervention. (Photo by STEFANO RELLANDINI / AFP)

 

Des chefs religieux musulmans nigérians sont arrivés à Niamey le samedi 12 août pour rencontrer des responsables du régime militaire. Ils ont été reçus par le Premier ministre civil fraîchement nommé, Ali Mahaman Lamine Zeine, puis par le chef du régime militaire, le général Abdourahamane Tiani, selon la télévision nationale nigérienne.

Une source proche de la délégation a indiqué que cette « mission de médiation » avait été menée avec l’accord du président nigérian Bola Tinubu, également président en exercice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Son objectif est « d’apaiser les tensions créées par la perspective d’une intervention militaire de la Cedeao », selon cette source. Il s’agit d’une délégation dirigée par le Sheikh Bala Lau, le chef d’Izala, un mouvement islamique d’inspiration salafiste au Nigeria.

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Le régime militaire avait refusé mardi d’accueillir une délégation conjointe de la Cedeao, de l’Union africaine (UA) et de l’ONU. Cette médiation nigériane intervient lorsque la Cedeao continue de privilégier une résolution de la crise par la voie diplomatique, après avoir toutefois donné son accord pour le déploiement d’une force d’intervention pour rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions.

« Il va bien au vu de la situation »

Dans le même temps, samedi, « Le président de la République », Mohamed Bazoum, séquestré dans sa résidence présidentielle à Niamey depuis le coup d’État qui l’a renversé, « a eu la visite de son médecin », qui lui « a également apporté à manger », ainsi qu’à son fils et à sa femme, retenus avec lui, a affirmé un conseiller du président déchu le 26 juillet. « Il va bien au vu de la situation », a-t-il ajouté.

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Plusieurs représentants d’organisations et de pays alliés du Niger avant le coup d’État avaient exprimé leur inquiétude quant aux conditions de séquestration et à l’état de santé du président renversé. Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a exprimé « ses vives préoccupations », quand l’Union européenne, le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avaient fait part de leur inquiétude. Selon l’ONG Human Rights Watch, qui s’était entretenue avec Mohamed Bazoum, il avait décrit le traitement de sa famille comme « inhumain et cruel », sans électricité ni contact humain, et n’avait que des pâtes et du riz pour se nourrir, d’après le média américain CNN.

(avec AFP)

La France et le Mali suspendent la délivrance mutuelle des visas

Dans un contexte de vives tensions bilatérales et régionales, Paris a suspendu la délivrance des visas destinés aux ressortissants maliens. Bamako a répliqué dans la foulée, en vertu du principe de réciprocité.

Par Jeune Afrique avec AFP
Mis à jour le 10 août 2023 à 17:39

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La France et le Mali ont demandé à leurs consulats respectifs de suspendre la délivrance de visas. © Pascal Deloche/Godong/Photononstop via AFP

La France a suspendu, en début de semaine, la délivrance de ses visas aux ressortissants maliens, après avoir placé tout le Mali, y compris Bamako, en zone rouge, « formellement déconseillée » aux voyageurs, indique une source diplomatique.

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La capitale malienne se trouvait auparavant en zone orange, « déconseillée sauf raison impérative ». Le reste du pays était en zone rouge en raison de la progression des jihadistes, du risque d’enlèvement et de l’insécurité de manière générale.

Une « surprise » pour le Mali

Le ministère malien des Affaires étrangères a dit avoir appris « avec surprise » le classement de tout son pays en zone rouge, dans la soirée du 9 août, sur les réseaux sociaux. « En application du principe de réciprocité », il a décidé de suspendre à son tour la délivrance de visas par les services consulaires maliens à Paris.

Le Quai d’Orsay indique, dans une mise à jour de ses « conseils par pays » datée du 7 août, que, dans le contexte actuel de fortes tensions, tout déplacement au Mali est formellement déconseillé, et appelle les ressortissants français vivant dans ce pays à faire preuve de la plus grande vigilance.

« Cette modification entraîne une réorganisation des services de l’ambassade de France à Bamako, qui ne pourra dès lors plus délivrer de visas jusqu’à nouvel ordre », précise sur son site internet Capago, le prestataire qui traite les demandes de visas avant l’instruction des dossiers par les services consulaires français.

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Perte de contrôle

Les relations entre la France, engagée au côté de l’armée malienne contre les jihadistes depuis 2013, et le Mali se sont fortement détériorées depuis le putsch d’août 2020. La junte a poussé les forces françaises vers la sortie en 2022, et s’est tournée politiquement et militairement vers la Russie. Elle a expulsé l’ambassadeur de France.

Depuis, la France a vu d’autres de ses alliés au Sahel connaître un changement de pouvoir à la suite d’un putsch, comme le Burkina Faso, en 2022, ou le Niger, le 26 juillet dernier. L’intégralité de ces trois pays voisins, tous confrontés à l’expansion jihadiste et formant une immense aire géographique, est désormais en zone rouge pour la diplomatie française.

La France a également suspendu la délivrance de visas par ses services consulaires au Burkina Faso, indique Capago sur son site.

Niger : les jeunes veulent donner leur chance aux putschistes

Analyse 

Comme au Mali et au Burkina Faso voisins, la junte qui a pris le pouvoir, fin juillet, au Niger bénéficie d’un large soutien populaire. Notamment parmi les jeunes dépités par l’incapacité des gouvernants à leur offrir un avenir.

  • Thomas Hofnung et Vivien Latour, 
Niger : les jeunes veulent donner leur chance aux putschistes
 
Des partisans de la junte au pouvoir au Niger manifestent à Niamey, le 6 août 2023.SAM MEDNICK/AP

Un stade plein. Le dimanche 6 août, les putschistes du Niger ont marqué les esprits : ce jour-là, près de 30 000 de leurs partisans, parmi lesquels de nombreux jeunes, se sont rassemblés dans la principale enceinte sportive de la capitale, Niamey, pour acclamer les nouveaux maîtres de cet État du Sahel, l’un des plus pauvres de la planète. Une démonstration de force à destination des pays voisins qui ont évoqué une intervention militaire pour mettre fin à cette aventure kaki, et des puissances extérieures qui font pression pour le retour au pouvoir du président Mohamed Bazoum, au premier chef la France et les États-Unis.

De fait, comme au Mali et au Burkina Faso voisins, où des militaires ont pris le pouvoir en 2020 et 2022, la junte dirigée par le général Tchiani bénéficie du soutien d’une partie non négligeable de la population locale. La question de la mauvaise gouvernance et du passage de témoin entre les présidents Mahamadou Issoufou et son lieutenant Mohamed Bazoum en 2021 – tous deux issus du même parti, le PNDS-Tarayya – surgit dans tous les discours. « Pour de nombreux opposants, l’ombre de l’ancien président a toujours plané au-dessus de la tête de Bazoum, qui ne serait qu’un figurant. La nomination du fils Issoufou au poste de ministre du pétrole, dès le lendemain de la prise de pouvoir du nouveau président, avait fait beaucoup jaser », confie Adamou (1), un sociologue « prodémocrate » de Niamey.

Le système démocratique n’est pas parvenu à résoudre les problèmes structurels de « mauvaise répartition de la richesse, des inégalités sociales et du chômage ». À Agadez, dans le centre du pays, Wadel Boubacar, ex-président du conseil communal de la jeunesse de la ville, souligne : « Dans la région, l’État n’a rien fait pour les jeunes qui sont au chômage ! Douze ans de démocratie mais c’est la même chose, le même parti tient le pays. » Pointant « le clientélisme politique, la mauvaise répartition de la richesse et des jeunes sans espoir », il s’exclame : « Donc, pourquoi pas les militaires ? »

« Un général de salon »

Dans le Sahel, « les jeunes, mais pas seulement eux, sont fatigués de la manière dont leurs pays sont gérés, de l’absence de résultats en matière économique, sociale, éducative, note le directeur du think tank Wathi, Gilles Yabi. Ce ne sont pas les principes démocratiques, inscrits dans toutes les Constitutions locales, qui sont rejetés, mais la façon dont ils sont appliqués. »« Pour une grande partie de la jeunesse urbaine en particulier, un pouvoir militaire fort apparaît comme la meilleure chance de débloquer un système démocratique qui les déçoit », note dans un rapport récent le groupe d’experts Crisis Group.

À Agadez, Wadel reconnaît que la question divise, jusqu’au sein des familles : « Mes frères tentent de me raisonner en disant que les militaires au Mali et au Burkina Faso n’ont rien réglé concernant le djihadisme ou le développement. Mais Bazoum n’a rien arrangé non plus… » Sidi, l’un de ses frères, l’interrompt : « Tchiani (l’homme fort de la junte, NDLR) n’est qu’un général de salon, il ne peut pas gouverner. » Dans un ou deux ans, assure Wadel, si rien ne va mieux, les jeunes n’hésiteront pas à manifester à nouveau, cette fois contre les militaires. « Ce n’est pas une adhésion politique, juste un ras-le-bol. »

« L’envie de se défouler »

Joint à Maradi, la capitale économique du pays, le président du conseil régional, Moussa Laouali, assure qu’il est facile pour la junte de mobiliser les jeunes, via une télévision nationale « qui déforme la situation »« Ils manquent de culture politique et sont excités par la nouveauté, l’envie de se défouler. Les gens sont impatients mais il faut du temps pour construire des projets politiques. » Depuis l’indépendance du pays en 1960, observe ce responsable, les quatre régimes militaires qui ont pris le pouvoir par la force au Niger n’ont rien réglé pour la population.

À Agadez, Mariama (1), 30 ans, fait part elle aussi de son incompréhension : « Ce coup d’État va juste nous ramener en arrière et les sanctions économiques de la Cedeao(Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), alimenter le ressentiment de la population et nourrir la junte, regrette-t-elle. Bazoum était sur la bonne voie,il commençait à avoir des résultats. Le problème du chômage existe depuis longtemps, le gouvernement ne peut pas tout ! »

La crainte d’un regain d’attaques djihadistes

À plus de 1 000 km plus au sud, sur les rives du lac Tchad, le jeune maire de Bosso, Laoula Hassane Katchalla, concède qu’une partie de la jeunesse, frustrée par le chômage, est en rupture avec une « démocratie embryonnaire ». L’élu, qui se décrit comme « démocrate », s’effraie de la déstabilisation sécuritaire engendrée par le coup d’État, redoutant « une attaque massive des djihadistes de Boko Haram » comme en 2015 et 2016. « Je souhaite juste une stabilisation de la situation, pour que l’armée se consacre à notre situation sécuritaire. »

À Tillabéri, au nord-ouest de Niamey, le juriste Imarou (1) nourrit les mêmes craintes : « La situation est calme, mais on m’a conseillé de rester à la maison. De Diffa à Tillabéri, les terroristes sont déjà partout, on n’a pas besoin d’un autre conflit, on ne peut pas devenir des réfugiés nous aussi. »« À Niamey, certains se disent prêts à faire face, poursuit-il. Mais il n’y a que ceux qui n’ont pas connu le bruit des armes qui se disent prêts au combat. »

Des drapeaux russes « pour faire comme au Mali »

Wadel assure que les jeunes n’éprouvent pas de sentiment antifrançais et que les drapeaux russes aperçus lors de la manifestation du 3 août, à Agadez, ont été brandis « pour copier Niamey et le Mali »« La jeunesse ouest-africaine, dont une partie de la jeunesse nigérienne, est séduite par le discours contre le néocolonialisme mobilisé par la junte à cause de l’oisiveté, de la pauvreté et de la mauvaise gouvernance, décrypte Ibrahim Harouna, le patron de la Maison de la presse à Niamey. Mais les populations apportent systématiquement leur soutien à chaque coup d’État… »

Malgré la faiblesse, voire l’absence de résultats sur les plans sécuritaire ou économique, les juntes au pouvoir à Bamako et à Ouagadougou sont parvenues à conserver jusqu’ici le soutien d’une grande partie des populations au Mali et au Burkina Faso. Reste à voir si cette adhésion va perdurer. « Arrêtons de reprocher à un modèle démocratique qu’on a choisi largement de ne pas appliquer (…), de ne pas produire les résultats escomptés, s’exclame l’analyste Gilles Yabi. C’est comme refuser de prendre tous les médicaments prescrits par un médecin pour soigner une maladie, faire son propre tri entre les médicaments qu’on souhaite prendre et écarter les autres, et accuser ensuite le médecin d’incompétence parce qu’on n’est pas guéri. »

(1) À la demande des intéressés, les noms ont été changés.