Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

L’appel des 30 pour la liberté de la presse au Mali et au Burkina

Jeune Afrique, Joliba TV, L’Observateur Paalga ou encore France 24 et RFI : trente médias africains et internationaux lancent ce 3 mai un appel en faveur de la liberté de la presse au Mali et au Burkina Faso. Une lettre ouverte adressée aux gouvernements des deux pays et aux organisations internationales que nous publions ici en intégralité.

Mis à jour le 3 mai 2023 à 16:01
 
 
 30

 

 

Des journalistes lors d’une marche blanche le 4 novembre 2013 à Bamako, en mémoire de la journaliste de Radio France Internationale (RFI) Ghislaine Dupont et du technicien du son Claude Verlon tués dans la ville de Kidal.

 

Appels au meurtre de journalistes et de leaders d’opinion, menaces et intimidations sur la presse nationale, montages grotesques contre des journalistes, suspension des médias internationaux RFI et France 24, expulsion des correspondants des journaux français Libération et Le Monde…  Les menaces sur la liberté d’expression et la liberté de la presse sont très inquiétantes au Burkina Faso. Les mesures prises par les autorités de ce pays, surtout ces derniers mois, sont de nature à remettre en cause le droit fondamental des citoyens à être informés. La liberté commence là où finit l’ignorance.

Au Mali également, les pressions et les intimidations envers les journalistes et les leaders d’opinion se multiplient. De novembre à décembre 2022, la chaîne Joliba TV a été suspendue par la Haute autorité de la communication (HAC), après la diffusion d’un éditorial jugé critique envers les autorités. Le 20 février 2023, la Maison de la presse de Bamako a été mise à sac. Le 13 mars, le chroniqueur de radio Mohamed Youssouf Bathily, plus connu sous le pseudonyme de Ras Bath, a été inculpé et écroué pour avoir dénoncé « l’assassinat » de l’ex-Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Le 15 mars, Rokia Doumbia, dite « Rose vie chère », a été arrêtée à son tour pour avoir communiqué sur la hausse des prix et « l’échec » de la transition. Le 6 avril, le journaliste Aliou Touré a été enlevé par des hommes armés et cagoulés et n’a été retrouvé libre que quatre jours plus tard.

Là aussi, la presse internationale est loin d’être épargnée. En février 2022, un reporter de Jeune Afrique a été expulsé de Bamako. Et un mois plus tard, RFI et France 24 ont été coupés sur tout le territoire malien.

Menaces de mort

Au Burkina Faso comme au Mali, ces attaques sont de plus en plus relayées sur les réseaux sociaux par des « influenceurs » favorables aux régimes militaires de ces deux pays, qui jouent aux justiciers et n’hésitent pas à menacer de mort les journalistes et leaders d’opinion trop indépendants à leurs yeux. Aujourd’hui, le mensonge s’ajoute à la violence. « L’instauration d’un régime de terreur », comme l’écrit le quotidien burkinabè L’Observateur Paalga, s’accompagne d’une vague de « fake news » qui inondent les réseaux sociaux de contre-vérités. Les premières victimes de ces « influenceurs » sont les populations malienne et burkinabè, qui sont privées de débat démocratique.

À LIREAu Burkina Faso, les journalistes doivent choisir leur camp

En cette période de grave crise sécuritaire dans ces deux pays, les journalistes qui jouent un rôle crucial d’information des citoyens sont tous conscients de leurs responsabilités. Ils comprennent aussi la complexité du contexte politique,  géopolitique et militaire. Ils vivent et subissent aussi les graves conséquences de cette crise sécuritaire. Ils souhaitent, comme tous les citoyens, le retour rapide à la paix. Pour autant, la lutte contre le terrorisme ne doit en aucun cas servir de prétexte pour imposer une nouvelle norme de l’information et pour restreindre les droits fondamentaux des populations malienne et burkinabè à rechercher et à avoir accès à l’information par le biais des médias professionnels et indépendants.

Situation critique

Au Burkina Faso, la situation des journalistes est devenue tellement critique que même l’institution chargée de la régulation s’en émeut. Dans un communiqué publié le 29 mars 2023, le Conseil supérieur de la communication (CSC) « constate avec regret la récurrence des menaces proférées à l’endroit d’organes de presse et d’acteurs des médias ». Le CSC demande aux autorités burkinabè de « prendre les mesures idoines pour assurer la sécurité des médias et des journalistes dans l’exercice de leur profession ». De son côté, Volker Türk, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, se dit « profondément troublé » par la situation des médias au Burkina Faso. « En cette période de transition, la protection des voix indépendantes est plus nécessaire que jamais », ajoute-t-il.

Le 20 février, Alioune Tine, l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali, a déclaré être « extrêmement préoccupé par le rétrécissement de l’espace civique, de la liberté d’expression et d’association » au Mali.

Sur la base de tous ces éléments, nous, signataires de cette lettre ouverte,

  • Exhortons les autorités du Mali et du Burkina Faso à mettre fin à toutes les mesures qui portent atteinte à la liberté de la presse.
  • Remarquons une absence de protection des forces de sécurité et un silence de la justice face aux campagnes d’intimidation et aux menaces de mort lancées contre les journalistes de ces deux pays. Tout en respectant l’indépendance de la justice, nous demandons aux procureurs et aux officiers de police judiciaire d’être plus réactifs sur ces actes répréhensibles par le droit pénal.
  • Demandons aux autorités de ces deux pays de garantir la protection et la sécurité de tous les professionnels des médias victimes de menaces, intimidations, harcèlement et attaques physiques.
  • Demandons aux autorités de diligenter des enquêtes impartiales, efficaces et indépendantes pour faire la lumière sur les abus commis contre les journalistes, identifier les responsables et les poursuivre en justice.
  • Appelons les deux gouvernements à respecter les obligations internationales signées et ratifiées par les États concernant la liberté d’expression et la liberté de la presse, en particulier la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
  • Appelons les responsables nationaux et les instances panafricaines et internationales destinataires de cette lettre ouverte à soutenir cette démarche au plus haut niveau : l’accès à l’information est un droit fondamental des peuples. En cette journée mondiale de la liberté de la presse, il est essentiel de la défendre et de la protéger.

Ce texte, que Jeune Afrique cosigne, a été adressé aux destinataires suivants :

  • Monsieur le Président de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’Union africaine,
  • Monsieur le Président de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Cedeao,
  • Monsieur le Président de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’UEMOA,
  • Monsieur le Président de la Commission de l’Union africaine,
  • Monsieur le Président de la Commission de la Cedeao,
  • Monsieur le Président de la Commission de l’UEMOA,
  • Monsieur le Président du Parlement panafricain,
  • Monsieur le Secrétaire général de l’ONU,
  • Monsieur le Président du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU,
  • Madame la Directrice générale de l’Unesco,
  • Madame la Secrétaire générale de l’OIF,
  • Mesdames et Messieurs les Présidents des instances de régulation des médias des 15 pays de la Cedeao,
  • Monsieur le Président du Réseau francophone des régulateurs des médias,
  • Monsieur le Président de la Plateforme des régulateurs de l’audiovisuel des pays membres de l’UEMOA et de la Guinée,
  • Mesdames et Messieurs les ministres de la Communication des 15 pays de la Cedeao,
  • Monsieur le Président de l’Union africaine de radiodiffusion (UAR).

La liste complète des signataires :

  1. AfrikaJom Center
  2. Association  des Journalistes du Burkina Faso (AJB)
  3. Association des Professionnels de la Presse en Ligne (APPEL Sénégal)
  4. Cellule Norbert Zongo pour le Journalisme d’Investigation (CENOZO)
  5. Centre National de la Presse Norbert Zongo (CNP-NZ Burkina Faso)
  6. Courrier confidentiel (Burkina Faso)
  7. Fédération des Journalistes Africains (FAJ)
  8. Fédération Internationale des Journalistes (FIJ)
  9. Fédération Internationale pour les Droits de l’Homme (FIDH)
  10. France 24  (France)
  11. Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA)
  12. Human Rights Watch (HRW)
  13. International Press Institute (IPI)
  14. Jeune Afrique (France)
  15. Joliba TV News  (Mali)
  16. Le Pays (Burkina Faso)
  17. Le Monde (France)
  18. Lefaso.net (Burkina Faso)
  19. Le Reporter (Burkina Faso)
  20. L’Événement (Burkina Faso)
  21. Libération (France)
  22. L’Observateur Paalga (Burkina Faso)
  23. Radio France Internationale (France)
  24. Reporters Sans Frontières (RSF)
  25. Société des Editeurs de la Presse Privée du Burkina Faso (SEP)
  26. Omega Médias (Burkina Faso)
  27. Union Internationale de la Presse Francophone (UPF)
  28. Union des Journalistes d’Afrique de l’Ouest (UJAO)
  29. 24heures.bf (Burkina Faso)
  30. Wakat Sera (Burkina Faso)

Burkina Faso: les syndicats remettent un cahier de doléances au gouvernement

 

Au Burkina Faso, le 1er-Mai a mobilisé plus que l'an dernier dans les rues de la capitale. Un cahier de doléances a été remis au gouvernement pour lui demander de lutter contre la vie chère et la corruption, mais aussi contre les violations des droits de l'homme, qui se sont multipliées dans le pays. 

À Ouagadougou, le cortège était plus fourni que l'an dernier entre la Bourse du Travail et le ministère du Travail ce lundi 1er mai. Les revendications étaient aussi plus nombreuses cette année et pas seulement pour remédier à la vie chère.

« Tout a augmenté de manière exponentielle, donc nous avons demandé au gouvernement de veiller à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs du Burkina Faso, explique Marcel Zanté, secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs du Burkina (CNTB). Nous avons également interpelé le gouvernement sur un certain nombre de dérives que nous avons constaté sur le terrain, notamment des violations des droits de l'homme et des libertés individuelles et collectives ».

Reçus par le Premier ministre lui-même, les syndicats burkinabé ont aussi demandé aux autorités de protéger les personnes et les biens, dans un pays où la moitié du territoire subit l'insécurité. Ils espèrent que cette année, ils auront une réponse à leurs doléances.

La démocratie togolaise face à ses défis

S’accommoder d’une démocratie balbutiante est-il le prix à payer pour obtenir la paix et le développement ? Face à cette épineuse question, l’opposition a plus que jamais un rôle crucial à jouer.

Mis à jour le 2 mai 2023 à 12:48
 
 dfi2

Par Georges Dougueli

Journaliste spécialisé sur l'Afrique subsaharienne, il s’occupe particulièrement de l’Afrique centrale, de l’Union africaine et de la diversité en France. Il se passionne notamment pour les grands reportages et les coulisses de la politique.

 
  dfi1
 

 

Élection présidentielle à Lomé, le 22 février 2020. © Sunday Alamba/AP/SIPA

 

« La démocratie est le meilleur outil dont nous disposons pour relever le large éventail de défis auxquels nous sommes tous confrontés », déclarait, en décembre 2021, le président américain Joe Biden lors d’un sommet organisé à Washington avec des dirigeants africains. Parmi eux, Faure Essozimna Gnassingbé écoutait, impassible. S’il s’était exprimé sur ce sujet, le chef de l’État togolais aurait probablement tenu un propos plus nuancé que celui de son homologue.

Vu d’Afrique sahélienne, « l’outil » démocratique étant encore en rodage, le développement économique serait peut-être le meilleur moyen de surmonter les défis auxquels le président des États-Unis faisait allusion.

Quelques entorses aux libertés

Prenons un grand défi de l’heure : le terrorisme qui menace le nord du Togo. Un phénomène qui s’impose de lui-même, qui peut survenir n’importe quand, n’importe où, de façon violente et aveugle. Il échappe à toute logique, ne connaît pas de frontières, menace les grandes démocraties, compromet à lui seul la stabilité des petits et des grands pays, se nourrit des injustices autant que de l’absence de progrès économiques et sociaux.

À LIRETogo : Faure Essozimna Gnassingbé, la méthode pour durer ?

Des études ont démontré que la décision de rejoindre ces groupes armés n’est pas toujours le résultat d’un endoctrinement. L’absence d’État peut pousser les jeunes à s’enrôler pour se protéger des attaques d’un groupe rival ou pour simplement disposer d’une arme avec laquelle ils espèrent protéger le bétail de la famille.

La situation est donc beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Et le Togo est d’autant plus exposé que son économie repose sur un secteur tertiaire qui contribue à plus de la moitié du PIB (58,6 %) et est centré sur les activités logistiques, du commerce et de la finance. Laisser proliférer l’insécurité en provoquerait l’effondrement.

Entendons-nous bien. Il n’est pas question de sacrifier la démocratie sur l’autel de la stabilité et du développement. Mais la lutte livrée à ces sauvages vaut bien quelques entorses aux libertés. Ce qui relativise quelque peu le propos de Joe Biden.

L’incurie des forces du changement

Soyons honnêtes, les incursions terroristes sont loin d’être les seuls freins aux avancées démocratiques. En dépit de nombreuses réformes institutionnelles, le pays ne parvient pas organiser une élection présidentielle dont les résultats sont acceptés par tous. Les crises post-électorales se suivent, avec leurs cortèges de tensions, parfois de violences. Dans l’absolu, toute crise relève de la responsabilité de ceux qui gouvernent et disposent de la capacité de légiférer grâce à la confortable majorité dont ils bénéficient au Parlement. À l’exécutif togolais, donc, de trouver la formule susceptible de susciter l’adhésion des populations aux règles du processus démocratique.

Mais cette démocratie balbutie aussi à cause de l’incurie des forces du changement. À cause d’une opposition qui n’a jamais pu se départir de la tentation de la table rase, visant non pas à proposer un projet alternatif constructif pour le Togo, mais à chasser la famille Gnassingbé du pouvoir.

À LIRETogo : Jean-Pierre Fabre, Gerry Taama, Agbéyomé Kodjo ou Tikpi Atchadam… Qui incarne vraiment l’opposition ?

Depuis la présidentielle de février 2020, l’opposition n’est plus incarnée. Tel un champ de ruines représenté par une nébuleuse, la Dynamique monseigneur Kpodzro (DMK) – rebaptisée Dynamique pour la majorité du peuple (DMP) en avril –, l’opposition tente désespérément de maintenir ses partisans dans une lutte pour faire reconnaître la victoire de Messan Agbéyomé Kodjo lors du scrutin de 2020. Peine perdue, le front s’effrite depuis que le gouvernement a annoncé la tenue d’élections législatives et régionales en 2023. En dépit des mots d’ordre de boycott lancés par l’ecclésiastique qui cornaque la formation, une partie des troupes veut prendre part aux deux scrutins à venir.

Non seulement l’« outil démocratie » vanté par Biden n’est pas prêt à l’usage mais, bien que nécessaire, il reste insuffisant pour faire face aux défis de l’heure.

Que retenir du « Sankarisme » économique ?, par Joël Té-Léssia Assoko

Le messianisme du capitaine-président burkinabè a éclipsé le pragmatisme – voulu ou subi – de ses années au pouvoir. Quelle part de l’héritage conserver ?

Mis à jour le 1 mai 2023 à 10:14

assokok1

Par Joël Té-Léssia Assoko

Joël Té-Léssia Assoko est journaliste spécialisé en économie et finance à Jeune Afrique.

 

 assoko2

 

 

Joël Té-Léssia Assoko © JA

 

 

ÉDITORIAL – Débarrassées de leur gangue gauchiste et marxisante, les intuitions de Thomas Sankara en économie préfigurent l’une des plus originales théories modernes du développement. C’est l’approche dite des « capabilités » ou des « libertés substantielles » formalisée par le Nobel d’économie Amartya Sen bien des années après le début de l’épopée Sankara. Celle-ci a démarré réellement il y a quarante ans, lorsqu’il est démis le 17 mai 1983 de la primature, puis mis aux arrêts, avant d’accéder dix semaines plus tard à la présidence.

Dans « Development As Freedom » (Le développement comme liberté*) paru en 2000, l’économiste indien définit comme atouts (moyens de promouvoir) et attributs (éléments consubstantiels) du développement certaines « capacités élémentaires », telles que « la capacité à éviter des privations comme la famine, la sous-alimentation, la morbidité évitable et la mortalité prématurée, ainsi que les libertés associées à l’alphabétisation et au calcul, à la participation politique et à la liberté d’expression ». C’est par la promotion – d’une partie au moins – de ces capacités que le Burkina de Sankara va à contre-courant de son époque.

Inversion des priorités

En 1983, le Conseil national révolutionnaire arrive aux commandes d’un pays dans lequel  tant pendant l’époque coloniale que durant la vingtaine d’années d’indépendance – les programmes de développement du capital humain « n’ont jamais été une priorité et ont été systématiquement sous-financés », selon une étude des économistes burkinabè Kimseyinga Savadogo et Claude Wetta. En 1960, le pays compte un médecin pour 100 000 personnes et le taux d’alphabétisation est de seulement 2 %. Autre legs faramineux de l’administration coloniale – toute dévouée comme on sait au « rôle positif de la présence française outre-mer » – : une boucherie, deux boulangeries, une installation d’égrenage de coton et un site de fabrication de sodas. Et ce dans un pays comptant alors cinq millions d’habitants…

À LIREL’ajustement, dix ans après

En vingt ans, les investissements dans le capital humain restent dérisoires. Dans les années 1970, le taux d’alphabétisation des adultes au Burkina atteint à peine 9 %. À une époque où le monde du développement vacille avec une grave crise des balances de paiement et d’endettement frappant les pays du Sud, confrontés à l’essoufflement des politiques de « substitution des importations » et aux prémices de ce qui deviendra le « Consensus de Washington », l’administration Sankara défie la tendance aux coupes sociales.

Le gouvernement Sankara applique certes une brusque politique d’austérité à une administration publique surpayée, absorbant alors en salaires jusqu’à 60 % des dépenses de l’État. Même après les purges appliquées par le gouvernement Sankara, en 1987, un fonctionnaire burkinabè percevait en moyenne 119 000 F CFA par mois, contre 69 000 F CFA et 38 000 F CFA respectivement pour ses homologues malien et tchadien.

« LE MYTHE DU PAYS REBELLE ET AUTONOME EST UNE IMMENSE FARCE. »

Mais les économies réalisées, ainsi que la relance de l’agriculture locale et du secteur minier, permettent en partie de dégager des ressources supplémentaires, qui sont investies dans le capital humain du pays. Entre 1983 et 1987, les dépenses en éducation doublent à 13,3 milliards de F CFA. Sur cette période, le nombre d’écoles primaires et secondaires, et d’universités croît de moitié. Les investissements dans la santé passent de 2,3 milliards à 4,1 milliards de F CFA. Durant cette période, le nombre d’infirmeries est multiplié par six. Le pays passe de cinq à neuf hôpitaux régionaux, de 250 à près de 400 dispensaires et maternités.

Un gouvernement ultra-pragmatique

Là s’arrêtent les faits et débute la légende. S’il est vrai qu’un programme d’ajustement signé avant la « révolution » avec le FMI et la Banque mondiale n’est pas appliqué, le mythe du pays rebelle et autonome est une immense farce que l’assassinat de 1987 a consacré en évangile.

C’est sur les recommandations de la Banque mondiale que l’administration Sankara rabote les subventions aux engrais, ont noté les professeurs Kimseyinga Savadogo et Claude Wetta. C’est également cette institution qui finance les centres de formation pour jeunes agriculteurs et contribue, avec l’Unesco, au projet de réforme de l’éducation au coût de 23 millions de dollars en 1984. Ce sont les agences des Nations unies qui ont financé le vaste programme de 120 millions de dollars pour l’éradication de l’onchocercose. La fameuse campagne de « vaccination commando » de 1985 est réalisée avec des vaccins achetés par l’OMS.

À LIREInsécurité alimentaire : où sont passés les « souverainistes africains » ?

La relance du secteur minier, qui permet aux exportations d’or de tripler à 74 milliards de F CFA entre 1983 et 1987, est due essentiellement aux investissements du grand capitalisme tant honni. Malgré les rodomontades du capitaine à la tribune de l’ONU, le pays continue sans broncher de payer sa dette, avec des remboursements sur intérêts passant de 11 millions de dollars en 1983 à 19 millions en 1987. Enfin, que cela soit du fait du capitaine-président ou sous la pression des événements et de son gouvernement, dans les faits, l’ultra-pragmatique Burkina de Sankara continue de percevoir – quitte à broncher en public – près de 14 % de son PIB en aide internationale, principalement des États-Unis et de la France.

« LA SEULE VRAIE RÉVOLUTION RÉUSSIE PAR THOMAS SANKARA : AVOIR REMIS L’HUMAIN AU CŒUR DU DÉVELOPPEMENT. »

Il est aujourd’hui impossible de séparer la légende des faits, quand chaque apprenti révolutionnaire – de l’opposition sénégalaise aux Economic Freedom Fighters sud-africains – et altermondialiste en manque de publicité se proclame héritier du capitaine-président. Les étranges mouvements de ju-jitsu géopolitique appliqués par le dirigeant burkinabè – bras d’honneur et main tendue aux mêmes partenaires internationaux – ne devraient pas éclipser la seule vraie révolution réussie par Thomas Sankara : avoir remis l’humain au cœur du développement. C’est plus qu’assez. Laissez-le maintenant reposer en paix.

* Publié en français sous le titre Un nouveau modèle économique : développement, justice, liberté, Éditions Odile Jacob, 2000.

Environnement : « La ville de Ouagadougou produit plus de 2 500 tonnes d’ordures ménagères par jour, dont 356 tonnes de déchets plastiques » (spécialiste)

Accueil > Actualités > Environnement • LEFASO.NET • samedi 29 avril 2023 à 00h09min 
 
Environnement : « La ville de Ouagadougou produit plus de 2 500 tonnes d’ordures ménagères par jour, dont 356 tonnes de déchets plastiques » (spécialiste)

 

Le Mouvement international interafricain pour la vie (VIIM), dont le cheval de bataille est l’éducation et la promotion de l’environnement, a organisé dans la soirée de jeudi, 27 avril 2023 au collège Saint Jean-Baptiste de La Salle, Ouagadougou, une conférence publique sur l’« Impact des déchets plastiques sur l’environnement ».

Les communications ont été assurées par des spécialistes, Hamadou Ouédraogo, inspecteur de l’environnement, de la DGPE (Direction générale de la préservation de l’environnement), et Hamidou P. Savadogo, expert environnementaliste à l’Institut de génie de l’environnement et du développement durable (IGEDD) de l’université Joseph Ki-Zerbo. Ils ont développé trois sous-thèmes en lien avec le thème général : « Impact des déchets plastiques sur l’environnement ». Un véritable moment de cours sur l’environnement qui a suscité de nombreux questions et commentaires au sein des élèves participants, venus non seulement de l’établissement hôte, mais également du lycée municipal Bambata, du lycée municipal Vénégré et du lycée professionnel régional du Centre (ex-Collège d’Enseignement technique de Ouagadougou, CETO).

La conférence publique a enregistré également l’intervention du conseiller technique et représentant du président de la délégation spéciale de la ville de Ouagadougou, Mahamadou Sidi Cissé. Ingénieur d’Etat du génie de l’environnement, ancien directeur de la propreté de la ville de Ouagadougou, M. Cissé est globalement revenu sur la situation des déchets à Ouagadougou, révélant entre autres que la commune de la Ouagadougou génère environ 922 000 tonnes d’ordures ménagères par an.

 

Ce qui représente environ 2 500 tonnes d’ordures ménagères par jour. Dans ce volume, les déchets plastiques représentent 14%, soit une proportion évaluée à 130 000 tonnes par an. En clair, ce sont plus de 356 tonnes de déchets plastiques qui sont produites chaque jour dans la capitale. Ce qui pose un véritable problème de santé publique et d’environnement.

« Vous faites le tour de la ville de Ouagadougou, chaque soir, vous verrez des gens qui procèdent au brûlage de déchets plastiques à l’air libre ; ce qui émet des éléments très toxiques qui portent atteinte à la qualité de l’air que nous respirons. Il y a une étude qui a établi que 20% des patients admis en consultation à l’hôpital Yalgado Ouédraogo souffrent de maladies respiratoires liées à la mauvaise qualité de l’air que nous respirons dans notre ville. (...). Une autre étude révèle que 30% du cheptel au niveau du sahel burkinabè meurent après avoir consommé le plastique sans pouvoir le digérer », soulève M. Cissé, représentant le président de la délégation spéciale de la commune de Ouagadougou, invité de VIIM. D’où ses félicitations et encouragements aux responsables de l’organisation pour le « noble » combat d’éducation et de promotion de l’environnement.


Selon le représentant du directeur de l’établissement hôte, le Collège Saint Jean-Baptiste de La Salle, Sylvestre Ahoué, la pollution de l’environnement est un problème qui touche tout le monde. « Nous nous trouvons dans le secteur de l’éducation, dans toutes les classes, nous menons la réflexion sur cette préoccupation. Nous avons ici, plus de 1000 élèves. Si chaque jour, un élève boit un sachet d’eau et qu’il jette par terre le sachet, imaginez l’impact. Nous avons donc pris cette question comme un défi : comment faire pour que les élèves soient sensibilisés pour ne pas jeter au hasard les sachets qu’ils manipulent chaque jour », présente-t-il, invitant également les parents d’élèves à sensibiliser les enfants pour un cadre de vie et un environnement sains, propres.


A en croire son président, Rayangnêwendé Martin Rouamba, VIIM œuvre à l’éducation et à la protection de l’environnement, en ciblant les jeunes, notamment les élèves. Créé en mai 2022, VIIM est une organisation qui brasse également l’intégration africaine. « Nous faisons de l’éducation environnementale, notre cheval de bataille ; parce que pour nous, il ne suffit pas de poser des actes ponctuels et de retourner chez nous, mais de prendre le soin d’enseigner aux enfants, le bon réflexe et pour qu’ils l’adoptent dans leur mode de vie et deviennent de bons citoyens pour l’avenir de la nation », justifie M. Rouamba.


La conférence publique s’inscrit à la fois dans le programme annuel d’activités de l’organisation et dans le cadre de la commémoration de la journée internationale de la terre 2023, 22 avril. « En marge de cette journée, nous avons organisé un atelier de formation en fabrication de sacs écologiques. Donc, ensemble, nous avons essayé de trouver des solutions pour pallier au problème de sachets plastiques qui polluent l’environnement. Les jeunes, avec les sacs écologiques, laissent tomber les sacs en plastique », confie le président de VIIM.

En moins d’une année d’existence, VIIM a déjà plusieurs actions à son actif, dont un reboisement à Koubri, des activités de curage de caniveaux, des formations et ateliers avec des élèves.


La conférence publique a été placée sous le parrainage du ministre de l’environnement, de l’eau et de l’assainissement, Dr Augustin Kaboré, et le co-parrainage du directeur de l’IGEDD (Institut de génie de l’environnement et du développement durable), professeur Bila Gérard Segda.

O.L
Lefaso.net