Molly Phee, secrétaire d’État adjointe. © MONTAGE JA : USIP
DIX CHOSES À SAVOIR SUR – À cinq jours du début du sommet entre les États-Unis et le continent africain qui se déroulera à Washington, du 13 au 15 décembre, Joe Biden n’a pas encore confirmé de rencontres en tête-à-tête. En revanche, l’agenda de sa principale diplomate pour l’Afrique, la secrétaire d’État adjointe Mary Catherine « Molly » Phee, est plein à craquer. Elle sera l’interlocutrice que les responsables africains essaieront de convaincre sur de nombreuses questions, allant du commerce et des investissements aux conflits au Sahel et dans la Corne de l’Afrique.
1. Arabisante
Contrairement à ses prédécesseurs comme Tibor Nagy et Linda Thomas-Greenfield, « Molly » Phee est moins une africaniste qu’une spécialiste du Moyen-Orient. Elle a occupé des postes à Koweït City, au Caire et à Amman. Arabisante, elle a été la principale représentante civile de l’Autorité provisoire de la coalition dans la province de Maysan, en Irak, de 2003 à 2004.
2. Diplomate
Molly Phee est entrée au service des Affaires étrangères des États-Unis en 1991, après avoir été brièvement l’attachée de presse adjointe de feu le sénateur démocrate de New York, Daniel Patrick Moynihan. Née à Chicago, elle est diplômée de la Fletcher School of Law and Diplomacy, l’école supérieure d’Affaires internationales de l’université Tufts, à Medford (Massachusetts), en 1989.
3. Transition
Dès 2009, elle intègre l’équipe du vice-président de l’époque, un certain Joe Biden. Elle occupe le poste de directrice pour l’Irak au Conseil national de sécurité de la Maison Blanche, aux côtés de l’actuel secrétaire d’État Antony Blinken, alors conseiller à la sécurité nationale. À cette époque, Molly Phee coordonne la transition de la mission américaine d’un point de vue militaire à un point de vue civil, jusqu’au départ des troupes américaines. Un avant-goût de ce qui l’attend aujourd’hui pour faire évoluer la lutte contre le terrorisme au Sahel vers le renforcement des États.
4. Vers l’Afrique
Après son affectation à la Maison Blanche, elle occupe le poste de cheffe de mission adjointe à l’ambassade des États-Unis à Addis-Abeba de 2011 à 2014. À ce titre, elle gère les opérations administratives de la troisième plus grande ambassade des États-Unis en Afrique. Elle sera également cheffe de cabinet de l’envoyé spécial pour le Soudan et le Soudan du Sud, Donald Booth, avant d’être choisie par le président Obama pour devenir le prochain ambassadeur des États-Unis à Juba. Elle occupe ce poste de 2015 à 2017, menant les négociations pour réconcilier les factions ennemies du président Salva Kiir et de son ancien adjoint, Riek Machar.
5. « Fired ! »
Molly Phee est secrétaire adjointe au Bureau des affaires des organisations internationales du département d’État lorsqu’elle est emportée par la gabegie de l’ère Trump. En 2018, elle est démise de ses fonctions sans ménagement, pour avoir fait part de ses préoccupations à l’encontre de Mari Stull, ancienne blogueuse spécialisée dans le vin connue sous le nom de « Vino Vixen », nommée à un poste politique pour contrôler les diplomates soupçonnés de déloyauté envers le programme « America First » du président.
L’année suivante, un rapport de l’inspecteur général du département d’État confirmera le harcèlement politique à l’égard de Phee, et critiquera le silence de son patron, le secrétaire adjoint nommé par Trump, Kevin Moley.
6. Leçons afghanes
Molly Phee est alors nommée représentante spéciale adjointe pour la réconciliation en Afghanistan. Elle y travaille aux côtés de l’ambassadeur Zalmay Khalilzad à l’élaboration des accords politiques entre le gouvernement de Kaboul et les talibans. Des efforts qui s’effondrent en août 2021 lorsque les combattants islamistes reprennent la capitale après le retrait des troupes américaines.
7. Faiseuse de paix
Phee joue un rôle actif dans les efforts diplomatiques américains en Afrique, parcourant des dizaines de milliers de miles aériens dès sa première année en poste. En janvier, elle accompagne David Satterfield, alors envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique, en Arabie saoudite, au Soudan et en Éthiopie pour mener des pourparlers visant à relancer la transition vers la démocratie au Soudan, et mettre fin au conflit dans le nord de l’Éthiopie.
Elle retourne au Soudan en juin et continue à travailler aux négociations de paix en Éthiopie menées par l’Union africaine lorsqu’elle assiste à l’investiture du président kényan William Ruto en septembre. Elle se rend au Tchad en mars pour faire pression sur le président du Conseil militaire de transition, Mahamat Idriss Déby, afin qu’il effectue rapidement la transition vers un gouvernement civil librement élu. Enfin, elle accompagne le secrétaire d’État Antony Blinken au Rwanda et en RDC dans le cadre d’une mission visant à apaiser les tensions entre Kinshasa et Kigali dans l’est du Congo.
8. Afrique de l’Ouest
En plus de suivre de près le conflit éthiopien et la prolifération des coups d’État sur le continent, Phee se rend régulièrement en Afrique de l’Ouest, notamment pour s’occuper de dossiers commerciaux et d’investissement. Son premier voyage la conduit au Ghana et au Burkina Faso en octobre 2021, soit 11 mois avant le coup d’État d’Ibrahim Traoré et le bannissement consécutif de Ouagadougou du sommet États-Unis-Afrique.
Elle visite également le Sénégal avec le secrétaire d’État Antony Blinken l’année dernière. Et en septembre dernier, elle se rend pour la première fois en Côte d’Ivoire pour discuter opportunités commerciales et partenariat décennal entre l’administration Biden et les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, la stratégie américaine de prévention des conflits et de promotion de la stabilité.
9. Friction sur les sanctions
En tant que diplomate de carrière, Molly Phee semble partager l’aversion institutionnelle du département d’État pour les mesures sévères qui peuvent dégrader la qualité des relations bilatérales. L’année dernière, elle se serait opposée à Jeffrey Feltman, alors envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique, sur la question des sanctions envers les généraux de l’armée soudanaise après leur coup d’État.
Sur le dossier éthiopien, le département du Trésor, en collaboration avec le bureau de Phee, n’a toujours pas appliqué les sanctions contre les personnalités éthiopiennes visées, plus d’un an après la signature du décret par Joe Biden. Ce retard a provoqué la fureur du Capitole, où la patience à l’égard du Premier ministre Abiy Ahmed est à bout.
10. Garder le contrôle
Molly Phee est connue pour vouloir garder le contrôle sur la diplomatie africaine. Alors que certains experts extérieurs et membres du Congrès pressent l’administration Biden de pourvoir les postes vacants d’envoyés spéciaux pour le Sahel et les Grands Lacs, elle réaffirme les réserves traditionnelles du département d’État à l’égard des intermédiaires nommés par la Maison Blanche, dans un courriel interne daté d’octobre 2021 et obtenu par Foreign Policy.
« Le département d’État est historiquement mal à l’aise avec les envoyés spéciaux, écrit-elle. Nous avons tous été victimes, à l’occasion, d’envoyés pris de folie et cette expérience nous aidera, nous l’espérons, à éviter les erreurs. » Elle concède toutefois qu’elle n’est « pas un agent du service extérieur typique », et qu’elle accueille « sincèrement l’énergie, la perspective et la portée des envoyés spéciaux pour compléter notre travail. »