Témoignages

 

Ce qu’il faut savoir sur le général Djato, le nouveau patron de l’armée togolaise

Le général Tassounti Djato a été nommé chef d’état-major en décembre 2022. Sa mission : définir une stratégie pour contrer les incursions des groupes jihadistes dans le nord du pays.

Par  - à Lomé
Mis à jour le 24 février 2023 à 12:59
 

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Le général Tassounti Djato, chef d’état-major des Forces armées togolaises. © Emmanuel Pita

 

 

Sa nomination, le 22 décembre 2022, avait pris tout le monde de court à Lomé, aucune information n’ayant préalablement filtré. Par décret, lu à la télévision nationale lors du journal de la nuit, le général Tassounti Djato avait été nommé chef d’état-major de l’armée togolaise en remplacement du général Dadja Maganawé.

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Peu auparavant, celui qui était jusque-là colonel (et, depuis octobre 2020, chef d’état-major de l’armée de l’air) avait été promu général de brigade aérienne.

Contexte sécuritaire tendu

Affecté en 1986 à la Base de chasse de Niamtougou (BCN), à plus de 400 km au nord de Lomé, Tassounti Djato gravit tous les échelons jusqu’au grade de chef de patrouille. Ses qualités de pilote suscitent l’admiration de ses chefs, qui lui confient de nouvelles responsabilités. Diplômé de l’École de guerre, en France, il devient commandant d’escadrille, puis, en 2015, commandant de la BCN, poste qu’il occupera jusqu’à sa nomination comme chef d’état-major de l’armée de l’air.

Tassounti Djato prend les rênes de l’armée dans un contexte tendu. Depuis plusieurs mois, le nord du Togo, frontalier du Burkina Faso, est régulièrement la cible d’attaques jihadistes. La dernière en date, le 10 février 2023, a choqué tout le pays : selon nos informations, 31 personnes ont été tuées à Tola et à Gningou, deux villages situés dans la préfecture de Kpendjal.

Une armée de 18 000 hommes

Face à la progression des groupes jihadistes, le nouveau chef d’état-major aura pour mission de restructurer le dispositif sécuritaire dans le Nord, en particulier dans la région des Savanes, frontalière avec le Burkina Faso et placée sous état d’urgence. Pour y parvenir, il s’appuiera sur le général de brigade Kolemagah Kassawa, commandant supérieur de l’opération Koundjoaré, et sur le colonel Latiembé Kombaté, commandant du deuxième Bataillon d’intervention rapide (BIR). Il compte aussi sur son corps d’origine, l’armée de l’air, pour surveiller les mouvements jihadistes et les frapper depuis les airs.

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Neuvième officier à occuper les fonctions de chef d’état-major depuis l’indépendance, le général Djato dirigera une armée de 18 000 hommes engagée dans un plan de modernisation couvrant les cinq prochaines années. La loi de programmation militaire, votée à la fin de 2020, prévoit un budget de 722 milliards de francs CFA pour financer des achats d’équipements et l’enrôlement de recrues.

Affaire Madjoulba

Tassounti Djato devra aussi gérer la délicate affaire Madjoulba. Commandant du 1er BIR, le colonel Bitala Madjoulba avait été tué dans des conditions mystérieuses, dans son bureau, dans la nuit du 3 au 4 mai 2020, quelques heures après l’investiture de Faure Essozimna Gnassingbé.

Avec l’arrestation, le 12 janvier 2023, du général Félix Abalo Kadanga, ancien chef d’état-major de l’armée, puis son placement en résidence surveillée, l’enquête semble sur le point d’être bouclée. Selon nos informations, l’ouverture d’un procès est imminente, puisque l’affaire Madjoulba sera la première à être traitée par la justice militaire, qui va elle-même devenir opérationnelle à brève échéance.

Tourisme : « Nous sommes sous-estimés », déplore Bila Ghislain Kaboré, président de l’Association des guides nationaux de tourisme

Accueil > Tourisme • Lefaso.net • lundi 20 février 2023 à 22h10min 
 
Tourisme : « Nous sommes sous-estimés », déplore Bila Ghislain Kaboré, président de l’Association des guides nationaux de tourisme

 

Le Burkina Faso célèbre, chaque 21 février, la journée internationale des guides de tourisme, ces grands orateurs et marketeurs qui savent donner l’envie aux visiteurs de re-visiter le pays. Bien que l’activité est grippée par la crise sécuritaire depuis quelques années, le président de l’association des guides nationaux de tourisme, Bila Ghislain Kaboré, garde espoir que les autorités burkinabè réussiront à renverser la vapeur et re-faire du Burkina, « une destination à ne pas manquer ». Entretien.

Lefaso.net : Qu’est-ce qu’un guide de tourisme ?

Kaboré Bila Ghislain : Je suis Kaboré Bila Ghislain. Actuellement, je suis le président de l’association des guides nationaux de tourisme au Burkina Faso. Merci pour la question. C’est l’occasion pour nous d’expliquer à la population qui nous sommes et ce que nous faisons exactement. Les gens font toujours le lapsus entre un guide touristique et un guide de tourisme. Le premier est un support et le second, une personne accréditée par le ministère de tutelle, le ministère en charge du tourisme, et qui a pour fonction de guider, faire découvrir la beauté artistique et paysagère d’un territoire, en l’occurrence le Burkina Faso.

Le guide de tourisme organise des visites guidées, des visites commentées pour faire découvrir les différents sites touristiques. Par visite commentée, il faut comprendre qu’il va parler de l’histoire du site visité, animer le groupe quelle que soit la langue. Au Burkina, nous avons des guides polyglottes, ce qui facilite l’accueil de nos différents clients. Le guide a comme profession d’organiser des circuits touristiques.

Quelles sont les aptitudes et qualités que doivent avoir un bon guide touristique ?

Selon les textes, il faut au moins le niveau BTS (brevet de technicien supérieur), la licence, voire plus, et bénéficier d’une formation assurée par le ministère de tutelle. Il faut avoir suivi avec succès les tests d’aptitude, afin d’espérer avoir la carte de guide professionnel sans laquelle l’on n’a pas le droit d’exercer ce métier au Burkina Faso. Mais, il est bien de signaler que nous avons au niveau des guides, des professionnels très engagés, des professionnels avec beaucoup d’années d’expérience.

Les tests d’aptitude professionnelle sont certes venus à point nommé, mais tous n’ont pas pu participer aux tests de recrutement de guides professionnels. Nous sommes à pied d’œuvre, grâce à notre association en collaboration avec le ministère du tourisme pour renforcer les capacités et donner les moyens à ceux-là qui peuvent, d’avoir l’accréditation afin d’exercer de façon légale.

 

A-t-on une idée du nombre de sites touristiques au Burkina ?

Il est difficile d’énumérer les sites touristiques au Burkina, car le tourisme est tout un grand ensemble. Le sourire, l’accueil du Burkinabè n’est pas comptabilisé dans ce qu’on appelle « produit touristique ». C’est pourtant l’une des premières choses que nos clients touristes apprécient. Nos touristes apprécient l’accueil chaleureux du Burkinabè.

Parlez-nous de l’Association des guides nationaux de tourisme du Burkina Faso (AGNT-BF) ?

L’association des guides nationaux de tourisme a été créée dans les années 2010, après le lancement du test de recrutement et d’officialisation des guides au Burkina. Nous avons trouvé qu’il était bon de nous retrouver en association pour bien nous connaître, mieux partager nos expériences et mieux nous organiser et parler d’une même voix. En principe l’association regroupe au minimum 100 personnes, c’est-à-dire que tous ceux qui sont détenteurs de la carte nationale de guides de tourisme sont d’office agréés dans cette association. Mais les membres actifs, c’est-à-dire le bureau exécutif, essaie de mener et coordonner les différentes activités.

Vous êtes actuellement en formation à Ouagadougou, de quoi s’agit-il exactement ?

Nous sommes depuis le 6 février 2023 en formation ici à Ouagadougou. Plus qu’une formation, c’est un renforcement de capacités opérationnelles de guides pour rappeler les b.a.-ba, partager les expériences, recevoir des conseils auprès de nos formateurs. Il y a eu un premier module assuré par la Croix-Rouge burkinabè qui portait sur les gestes de premiers secours. Il s’agit des connaissances et pratiques en secourisme. Voyager, c’est bien beau, mais c’est aussi un risque permanent. En cas d’accident, d’incident, il faudrait que le guide soit outillé en la matière pour donner les premiers secours. Nous remercions la Croix-Rouge pour cette collaboration et ce temps de partage.

L’autre grand module était assuré par un cabinet qui a renforcé nos capacités sur les techniques de guidage, les techniques de commercialisation du produit touristique. Nous avons appris comment manipuler le GPS, comment nous retrouver sur une carte, etc. Nous avons appris beaucoup de choses qui ont éveillé nos sens de guide.

Le Burkina célèbre chaque 21 février la journée internationale des guides de tourisme. Que prévoyez-vous à l’occasion de cette journée ?

Pour l’instant, il n’y a que trois radios qui nous ont invités, mais nous attendons de voir. Il n’y a pas de manifestations spécifiques. L’Office national de tourisme burkinabè (ONTB) organise une sortie sur le site sur sculptures de granites à Laongo. A part cela, nous n’avons rien prévu.

Quel est l’impact réel de l’insécurité sur votre activité ?

 

Vous n’ignorez pas que sans la sécurité, pas de tourisme. Le tourisme est d’abord une activité de loisirs. Etant donné que notre pays et une partie de la sous-région est menacée par l’insécurité, notre métier est fortement impacté. Les hôteliers, les restaurateurs, les artisans, tout ce beau monde qui est aux alentours des sites touristiques, sont impactés directement.

Il n’y a plus de fréquentations. Donc, on a tout un chacun essayé de nous transformer en faisant autre chose, en attendant le retour de la quiétude. En plus, étant donné que le métier de guide de tourisme est un métier libéral et que nous n’avons pas de numéro matricule, elles (Les autorités, ndlr) n’ont pas tenu compte de ce secteur de guide de tourisme quand il s’est agi d’atténuer les effets causés par la pandémie de la Covid-19.

Quelles sont les autres difficultés de votre métier ?

Des difficultés, il n’en manque pas. L’Etat fait tout ce qu’il peut pour aider chaque secteur d’activité. Mais, comme le dit le président de la transition, Ibrahim Traoré, « Tout est urgent ». Nous essayons, nous aussi, de demeurer résilients et nous croyons à la relance effective et prochaine de cette activité. Nous croyons en nos autorités, nous croyons que le Burkina Faso va retrouver la paix.

Avez-vous des doléances à l’endroit des autorités ?

Nous souhaitons vraiment avoir une bonne organisation. Nous souhaitons que tout ce beau monde de ce secteur-là, toutes les associations, se retrouvent en une seule entité, une faîtière pour donner de la voix pour le bien-être et le futur de ce métier au Burkina Faso. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Fredo Bassolé
Lefaso.net

Sénégal, Côte d’Ivoire… Ces Africains qui doivent leur réussite au Québec

Diplômés au Canada, ils sont rentrés au pays après une parenthèse québécoise qu’ils n’ont pas vraiment refermée. Rencontre avec trois talents du continent.

Mis à jour le 19 février 2023 à 16:26

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De g. à dr. : Sophie Diallo, Ossey Bernard Yapo et Laetitia Gadegbeku-Ouattara. © Montage JA : Mathieu Dupuis

 

Chaque année, plusieurs milliers d’Africains francophones franchissent l’océan pour étudier au Québec, le temps d’un cursus universitaire ou d’une formation professionnelle. Diplôme en poche, les uns restent pour répondre aux besoins du marché du travail local, les autres rentrent dans leur pays d’origine afin de le faire profiter des compétences qu’ils ont acquises. Dans les deux cas, les liens tissés entre la Belle Province et la partie francophone du continent ne s’en trouvent que renforcés. Rencontre avec trois de ces Africains qui ont fait le grand bond transatlantique, pour un séjour de plusieurs mois ou de quelques années qui a changé leur vie.

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Sophie Diallo – La bonne fée des jeunes

 

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Sophie Diallo est la directrice générale du Fonds de financement de la formation professionnelle et technique (3FPT), au Sénégal. © Mathieu Dupuis



C’est au Québec que Sophie Diallo a découvert son Amérique à elle. De son séjour outre-Atlantique, elle ne garde que des souvenirs « extraordinaires », à l’image d’une météo hivernale qui, pour elle, « n’existait que dans les contes de Grimm ». Son histoire à elle connaît un dénouement heureux, puisque, à 44 ans, Sophie Diallo est la directrice générale du Fonds de financement de la formation professionnelle et technique (3FPT), au Sénégal, poste auquel le président Macky Sall l’a personnellement nommée, en mars 2022.

Pour la jeune femme, récompensée de la prestigieuse médaille d’or du gouverneur général du Canada en 2019, « l’impossible n’existe pas ». Et son passage au Québec n’a fait que le confirmer.

Élève brillante à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, Sophie Diallo bénéficie, en 2016, du Programme canadien de bourses de la Francophonie, ce qui lui permet alors de s’inscrire à l’École nationale d’administration publique (Enap). À Québec, elle approfondit les notions d’ « intelligence émotionnelle » et de « leadership transformationnel », dans lesquelles elle voit la confirmation « que chacun doit agir en acteur de son propre changement ».

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Titulaire d’une maîtrise en systèmes d’information et réseaux obtenue à l’université François-Rabelais de Tours (France) et d’une maîtrise en administration publique, Sophie Diallo est aujourd’hui, à la tête de 3FPT, l’un des principaux acteurs des transformations à mener pour favoriser l’entrée des jeunes Sénégalais sur le marché du travail. Parfois en synergie avec le Québec, « dont la qualité du système de formation est reconnue », comme l’atteste son propre parcours.

 

Laetitia Gadegbeku-Ouattara – Une expérience en or

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L'Ivoirienne Laetitia Gadegbeku-Ouattara,
directrice-pays au sein du groupe canadien Endeavour Mining. © Mathieu Dupuis



Laetitia Gadegbeku-Ouattara en est aujourd’hui encore convaincue : en partant étudier au Québec, elle a fait « le meilleur des choix possibles ». Son parcours professionnel semble le confirmer. À 44 ans, cette Ivoirienne est directrice pays au sein du groupe canadien Endeavour Mining, qui exploite six mines sur le continent africain et qui est l’un des plus gros producteurs d’or du monde.

Seule femme à occuper un tel poste dans son pays, elle est également la première femme à avoir accédé à la vice-présidence du Groupement professionnel des miniers de Côte d’Ivoire, ce qui lui a valu la reconnaissance de l’organisation britannique Women In Mining UK, qui, en 2022, l’a fait figurer sur sa liste des cent femmes les plus influentes de ce secteur « resté très masculin ». Une distinction qu’elle attribue à son passage au Québec, dans « l’une des meilleures universités du monde ».

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Après des études secondaires au lycée Sainte-Marie de Cocody, elle prend donc la direction du Canada en 2001. Elle obtient un bachelor en marketing à l’université du Québec à Trois-Rivières, puis un MBA en business international à l’université Laval. Elle complète sa formation par un certificat en responsabilité sociale des entreprises (RSE), à l’université McGill.

Laetitia Gadegbeku-Ouattara aurait alors pu décider de rentrer en Côte d’Ivoire, mais elle se fait recruter par ING Canada, dont elle devient directrice régionale. Elle y reste cinq ans, avant de prendre le chemin du retour, en 2010. Mais, même à Abidjan, elle continue de travailler pour le compte de son pays d’adoption. Elle devient en effet conseillère économique et commerciale pour le secteur des mines, du pétrole et de l’énergie à l’ambassade du Canada en Côte d’Ivoire. Dix ans plus tard, elle rejoint Endeavour Mining.

Aujourd’hui, la jeune femme avoue être toujours inspirée par son séjour en Amérique du Nord, où elle se rend chaque année pour revoir ses amis et pour continuer de s’imprégner de cette « culture québécoise » qu’elle a adoptée il y a vingt ans.

Ossey Bernard Yapo – Il voit la vie en vert

 


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Ossey Bernard Yapo n’a passé que quelques mois au Québec, au début des années 2000, le temps de deux stages à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), seul établissement universitaire québécois exclusivement tourné vers la recherche fondamentale.

 

« Ce passage, bien que bref, a fortement influencé mon travail scientifique », affirme aujourd’hui le fringuant cinquantenaire, qui a également conservé d’outre-Atlantique « d’excellentes relations avec de nombreux professeurs et chercheurs de l’INRS ». Quand il débarque sur le campus du centre Eau-Terre-Environnement (ETE), qui, au sein de l’institut, est spécialisé dans les questions environnementales, Ossey Bernard Yapo n’est encore qu’un jeune scientifique qui vient d’achever sa thèse à l’université d’Abobo-Adjamé.

Fort en thème, il est déjà bardé de diplômes, de mathématiques, de physique et de chimie. Il fait ainsi partie de la première promotion issue de l’Unité de formation et de recherche (UFR) de science et de gestion de l’environnement de l’université Nangui-Abrogoua (UNA), avec option « chimie des milieux aquatiques ». « Constituée dans la foulée du Sommet de Rio [en 1992], cette UFR avait dès l’origine pour mission de se pencher sur les questions environnementales. Quand il a fallu chercher des experts dans ce domaine, nous avons très vite repéré l’INRS », explique Ossey Bernard Yapo, aujourd’hui professeur titulaire en chimie environnementale et analytique dans cette UFR.

De son séjour à Québec, celui qui est également le sous-directeur du laboratoire central de l’environnement au Centre ivoirien antipollution (Ciapol) et consultant à la Banque mondiale garde l’image d’une « ville verte ». Et comprend que plusieurs de ses confrères africains aient fait le choix d’y rester. Pas comme lui. « Je devais transmettre aux générations suivantes ce que j’avais appris à l’INRS. »

Monseigneur Anselme Titianma Sanou : « Il ne faut pas que les autres fassent notre histoire »

Accueil > Actualités > Société • LEFASO.NET - © Express du Faso • lundi 13 février 2023 à 22h50min 
 
Monseigneur Anselme Titianma Sanou : « Il ne faut pas que les autres fassent notre histoire »

 

Après 60 ans de vie sacerdotale, Mgr Anselme Titianma Sanou, archevêque émérite de Bobo-Dioulasso, a pris sa retraite depuis 2010. Grand homme religieux très attaché à sa tradition et grand promoteur de la paix et la cohésion sociale, l’octogénaire nous a accordé une interview le 7 février 2023, à son domicile à Bobo-Dioulasso.

 

Lefaso.net : Comment vous présentez-vous, Monseigneur ?

Mgr Anselme Titianma Sanou : D’abord paix, joie, confiance en vous, à ceux qui vous suivent aussi, votre public. Je suis Zezouma Anselme Titianma Sanou de Kibidoué. Administrativement né le 31 décembre 1937, j’ai grandi entre Sya Kibidoué et Sya Tounouma. Jusqu’à présent, nos origines sont là-bas à Kibidoué, nous sommes fondateurs de ce qui est devenu Bobo-Dioulasso. J’ai grandi surtout à Farakan.

Parlez-nous de votre parcours.

J’ai fait l’école primaire à la mission catholique de Tounouma avec une année à Dano. J’ai fait le secondaire au petit séminaire de Nasso, de 1939 à 1956. Ensuite je suis allé au grand séminaire de Koumi, j’y ai passé six ans, j’ai été ordonné prêtre et ma première mission c’était à Banfora qui était en fondation. Ensuite, j’ai été envoyé aux études à Paris et à Rome, dans le domaine d’abord des sciences religieuses, en théologie. J’ai eu la chance d’être en contact avec l’université de Dakar pour des postes de professeur en linguistique. Donc comme universitaire, je suis linguiste de formation. En 1967, on m’a fait revenir pour enseigner au grand séminaire à nouveau, où je suis resté jusqu’en 1975 pratiquement. Et là, on m’a nommé évêque de Bobo-Dioulasso. J’ai exercé cette fonction jusqu’en 2010. Donc cela fait maintenant treize ans que je suis à la retraite. Mais dans le domaine religieux et intellectuel, il n’y a pas de retraite, c’est le rythme seulement qui est amorti.

Quelle est la place actuelle de la religion dans la société burkinabè ?

 

La religion est en train de faire irruption dans la société burkinabè. Je l’ai déjà dit au cours d’une réunion, mais certains ont dit qu’on est dans le sens du contraire. La religion est un phénomène culturel. La culture de l’homme, son intelligence, son esprit… la culture de ce dont l’homme vit, ce qu’il veut vivre, c’est ça la religion, c’est ça le culte. Ces cultes sont présentement la religion traditionnelle ou les religions traditionnelles, et ensuite le christianisme (catholicisme, protestantisme).

Le judaïsme n’est pas tellement pratiqué chez nous, mais il y a quelques adeptes et puis il y a l’islam. On peut dire que ce sont les trois éléments principaux de cette situation. La colonisation a désossé nos traditions en désossant aussi la religion traditionnelle parce qu’elle est liée à une terre, à ses coutumes, à ses traditions. Il y a ce qu’on appelle maintenant les religions révélées que sont le catholicisme et l’islam qui ont impacté l’évolution de nos sociétés au moment où elles s’effritaient, et l’une ou l’autre de ces deux traditions religieuses ont été reçues. L’esprit laïc qui est un très bon esprit, s’il est bien compris, était devenu comme areligieux.

Il fallait pratiquement piétiner sa religion ou tout simplement ne pas en tenir compte du point de vue de la conscience. Alors nous étions embarqués dans cela et il y a des groupes rationalistes, intellectualistes parfois universitaires, qui sont non seulement areligieux mais anti-religion, et je dis que c’est une trahison pour ce qu’est la terre Afrique. Dans la situation actuelle, la religion d’abord est un bouclier pour certaines situations, certaines actions, qui n’ont rien à voir avec la conscience religieuse. On tue ta conscience et on te dit que tu dois agir au nom de telle religion. Malheureusement, il y a des faits comme ça non seulement ici mais en Afrique de façon générale.

L’autre élément, c’est que des questions fondamentales se posent. Quand il y a un tremblement de terre, tout tombe autour de toi, à quoi t’accrocher ? Beaucoup de nos compatriotes vivent ces situations-là. Dieu, l’invisible, le Tout-puissant, le miséricordieux pour nous les théologiens, peu importe le nom qu’on lui donne, est assez compréhensif pour accueillir ceux qui viennent parce qu’ils sont dans le naufrage ou bien ceux qui viennent et reconnaissent qui il est. Il accueille tout le monde. Actuellement, on le constate dans beaucoup de discours, on termine par des bénédictions, des prières parce que tout tremble, tout est ébranlé. À quoi s’accrocher ?

C’est à Dieu seulement. La religion n’est pas un ramassé de gens qui sont en désespoir de cause, mais Dieu nous accueille quand nous sommes dans ces situations. La religion, c’est cette dimension d’équilibre d’abord à l’homme et aussi par rapport aux situations humaines. Des solutions profondes sont inspirées par les dimensions de la religion. Il faut dire que la construction à la fois sociale, économique, politique, éthique, morale d’une société passe par cette dimension religieuse, cette dimension spirituelle. Une société sans spiritualité, c’est une société sans âme.

 

L’esprit d’intelligence, l’esprit de solidarité, de fraternité, l’humanisme profond ne peut être que religieux. Pour nous en anthropologie, la linguistique conduit à ça ; l’homme est homme quand il est devenu religieux, mais s’il cesse d’être religieux, il est sous-homme. Mais il ne faut pas utiliser la religion comme bouclier pour faire ce qui est contre la religion, c’est-à-dire la méchanceté, la violence…

Que pensez-vous de l’incivisme grandissant, surtout des jeunes au Burkina ?

Nous sommes arrivés à une espèce de prise de conscience, parce que dans les années 2010 quand j’étais encore en contact quotidien avec les jeunes, les associations, je faisais les conférences, ça revenait souvent, l’incivisme des jeunes. C’est l’éducation qui n’est pas là, les parents qui ne jouent plus leur rôle, la famille qui est en danger… et puis la modernisation, les promoteurs des droits humains.

En ce qui concerne certains points sur les droits humains, certains sont antisociaux. J’ai écrit plusieurs fois pour dénoncer cela. Il n’y a pas de droits sans devoirs. Nous, nous parlions depuis 2013 du vivre-ensemble non seulement pour le Burkina, mais aussi de l’Afrique, dans notre association de théologie. Le vivre-ensemble, c’est la reconnaissance de l’autre comme moi et la reconnaissance de moi-même comme l’autre. On est venu saupoudrer ça de genre, de droits de l’enfant… mais c’est tout un ensemble qui crée ce courant.

Après l’insurrection, il y a eu un sursaut du côté de la jeunesse. On parlait de jeunesse consciente et ça a peut-être permis aux jeunes, à certains au moins, de dire qu’ils ne doivent pas se laisser embarquer simplement pour aller là où on veut les mener. À cette période-là on pouvait dire aux jeunes : « Vous vous laissez embarquer alors que c’est vous-mêmes qui pouvez mener l’histoire ». J’ai pensé qu’à partir de l’insurrection, ces dimensions allaient être retrouvées.

Malheureusement, cette étape est passée trop tôt. Il y a eu beaucoup de négligences, de défaillances. On a voulu retrouver l’ordre constitutionnel en s’insérant dans les mêmes ornières. Je connais certaines autorités qui ont glissé d’une étape à l’autre comme ça, et si je pouvais les rencontrer, j’allais leur demander avec quelle conscience elles font ça ? Ce qui fait que quand des jeunes parlent d’eux, ils ne sont pas emblématiques. Les jeunes se demandent mais qui ils sont au fond ? Qu’est-ce qu’ils veulent au fond pour le pays ?

Par exemple à cette période-là, y en a qui disaient aux jeunes que le patriotisme mène aux extrémismes. Cet incivisme court toujours. Mais ces derniers jours, les discours qui sont donnés montrent quand même qu’il y a des jeunes qui sont conscients et qui veulent bâtir quelque chose ensemble. Il faut construire ça, apprendre à devenir citoyen, j’ai beaucoup écrit là-dessus. Il faut d’abord aimer sa terre, sa ville, son village comme dirait Sankara, et aimer aussi les autres villes et villages. Le vrai civisme est en même temps démocratique. Et la démocratie, ce n’est pas le peuple dans la rue.

 

La démocratie, c’est les hommes conscients, responsables qui prennent en main leur destin. Alors en cela, peu importe l’âge. On peut voter à 18 ans maintenant. Et pour être capable de voter à 18 ans, il faut s’y préparer bien avant. Il y a cette prise de conscience qui se fait quand même par un certain nombre de jeunes, pour ne pas être simplement utilisés à d’autres fins que ce qu’ils avaient eux-mêmes prévues. On a demandé à Nelson Mandela où va l’Afrique du Sud et il a répondu : l’Afrique du Sud va où nous la menons. Quand on a affaire à une jeunesse consciente, il faut la former.

Quelle est votre vision sur la situation sécuritaire du Burkina ?

C’est une préoccupation quotidienne. Au départ, je disais que je sentais venir ces moments. Et au lieu d’analyser les causes pour y remédier, il y a eu des acteurs pour stigmatiser tel groupe ou tel groupe. Actuellement, il y en a qui vivent des situations dramatiques quand d’autres membres de leurs familles viennent contre eux. Si dans de tels évènements tu vois un frère qui a livré son frère, qu’est-ce que tu vas faire ? Tu le convoques en justice mais la justice ne fera rien et tu ne peux pas te rendre justice. Je me souviens du cas d’une jeune fille que j’ai rencontrée dans un hôpital au Rwanda, dont tous les membres de la famille ont été tués.

Il ne restait que son frère et elle. Elle m’a dit que si elle connaissait ceux qui ont fait ça et qu’elle en avait les moyens, elle les tuerait. Je lui ai répondu que comme elle ne savait pas qui c’était, c’est tout le monde qui est coupable. Alors, elle s’est résolue à pardonner. Au début, on a proposé des journées du pardon dans le pays mais les Burkinabè n’en n’ont pas voulu. Y en a qui ont réclamé la justice d’abord avant la réconciliation. J’ai cité le cas de l’Afrique du Sud et du Rwanda. Il y a la justice à côté mais ils ont mené un processus de réconciliation. J’ai dit que la vérité est la force du pardon. La vérité est la force aussi de la paix. Mais si on fait la vérité dans l’intention de vengeance, cela engendre d’autres problèmes. Dans certaines situations, il faut récupérer sa terre. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Entretien réalisé par Haoua Touré
Lefaso.net

kiye2022
 
 
L’ennemi n’existe que là où l’autre avec ses potentialités est vu non pas comme une grâce mais comme une menace. Là, nous fabriquons des ennemis (Une réflexion du Père Vincent KIYE, Mafr)
 
Textes du jour :
1ère lecture : Lév 19, 1-2.17-18
2ème lecture : 1 Co 3, 16-23
Évangile : Mt 5, 38-48
 
« Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent... » (Mt 5, 38-48)
 
Bien-aimés dans le Seigneur, que Jésus nous demande d’aimer nos ennemis est une équation qui n'est pas facile à résoudre d'autant plus que l'ennemi c'est celui qui s'éloigne toujours de vous, qui a de l’aversion, une vive répulsion contre vous. C'est celui qui est hostile à vous et cherche à vous nuire ; celui qui vous combat, qui s’oppose à vous. C’est celui-là que Jésus nous demande d’aimer. Or, pour aimer authentiquement une personne, vous devez avoir de l’affection, de la sympathie, il faut de l’attirance. Voilà la difficulté de cette équation que Jésus nous donne aujourd’hui! Une équation que seuls les surdoués peuvent résoudre. 

En effet, en mathématique, on nous avait toujours donné des équations du premier ou du second degré à X ou Y inconnu à résoudre. Aujourd'hui, dans les textes liturgiques de ce 7ème dimanche du Temps Ordinaire, Jésus nous donne une équation qu’il faut impérativement résoudre puisqu’il compte beaucoup pour avoir la moyenne en vue de la vie éternelle. Nous devons y arriver. La clé de cette équation de l'amour des ennemis nous paraît une approche de transcendance des réalités du monde que nous dénommons l’exigence d'un alter-ego responsable, que nous retrouvons dans la première lecture en forme de commandement comme quoi: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Pour bien aimer un ennemi, nous devons transcender ou minimiser ses actes aussi nuisibles qu’ils soient, afin de voir en lui non pas un obstacle mais une grâce, un alter-ego une aide qui m’est accordée pour m’accomplir pleinement. A ce prix, ses actes nuisibles, ses intrigues deviendront pour vous, des appels à la vigilance et à la prudence pour une coexistence réussie. Voilà une façon de transcender la méchanceté d’un adversaire qui ignore qu’il vous offre l’opportunité de devenir plus saint et meilleur que lui. L’ennemi devient ainsi, une grâce, celui qui m’offre les opportunités pour m’auto-accomplir. Pour ce faire, il faut de notre part une certaine transcendance, de la hauteur et de la profondeur spirituelle pour ce dépassement. Et cela n’est pas seulement l’apanage des religieux, religieuses ou prêtres, les laïcs peuvent le vivre mieux encore. Ainsi, quiconque lit la Bible et s’érige en ennemi de son prochain de son prochain est prédestiné pour un sort dernier que seule sa conscience appréhende.

Oui frères et sœurs, cette approche de l’ater-ego ou voir en l’autre un autre moi-même est une richesse et une force démystificatrice du mal. Elle nous ouvre à la compassion pour l’autre comme condition de possibilité d’un agir bon ou d’un comportement hautement chrétien dans ce sens que je sens porter en moi l’humanité de l’autre et en même temps, je vois en l’autre un porteur de mon humanité et donc difficile de nuire à cette humanité que nous partageons avec lui. Ainsi, de même que je ne peux pas détruire, que je ne peux pas me rivaliser ou me nuire,  que je ne peux pas salir ma propre réputation, je m’abstiendrai de nuire, de salir, de détruire mon alter-ego, celui qui porte en lui, une partie de mon humanité.  Parce qu'il est un autre moi-même, parce qu'il est une partie de mon moi. Je ne voudrais pas lui infliger ce que je redoute pour moi-même. Voilà une démarche qui me prive de voir en l'autre un ennemi mais plutôt un alter-ego. S'y référant, même ses défauts deviennent moins pesants, moins spectaculaires et facilement corrigeables. Le contraire devient fatal. On se diabolise, on se cherche comme chien et chat, on se détruit pour se succéder, bref, on voit en l'autre une menace à écarter. C'est là qu'il y a le vrai problème. Les erreurs de l'autre deviennent des crimes, des péchés graves et il faut multiplier des stratégies pour les contrer comme un médecin qui chercherait un antibiotique à large spectre pour détruire un microbe très nuisible. Cette façon de faire est diabolique et nous fait perdre grand. Nous décourageons des talents prometteurs, nous sabotons des efforts nécessaires à la construction d’un monde meilleur. Bref, nous tuons l’émulation. L’autre n'est jamais une menace ni un ennemi mais une grâce que Dieu nous accorde pour la transformation du monde.

Généralement ces ennemis sont fabriqués de toute pièce. Ce sont ceux qui pensent autrement que nous,  ceux ou celles qui ont plus de potentialités que nous et nous voyons en eux de l’ombre qui nous empêche de nous prononcer. Par surcroît nous voulons nous débarrasser d’eux. Et dans la deuxième lecture Saint Paul nous rappelle que chacun de nous est un "sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en nous.  Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira" Et la meilleure façon de ne pas détruire ce sanctuaire de Dieu qu'est chacun de nous, c'est de voir en chacun de nous non pas un ennemi ou une menace mais un prochain à aimer, un alter-ego (un autre moi-même) ; de voir dans ses potentialités une grâce que Dieu nous donne pour notre auto-accomplissement. L'ennemi existe là où on n’accepte pas les différences, là où les potentialités des uns et des autres sont vues non pas comme des grâces mais comme des menaces. Là, nous fabriquons des ennemis

Le Seigneur soit avec vous !
 ✍🏾 Père KIYE M. Vincent, Missionnaire d'Afrique 
Paroisse de Nioro du sahel
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